«La nécessaire collaboration entre partenaires en matière
d'alphabétisation»
Notes pour une allocution
de l'honorable Stéphane Dion
Président du Conseil privé et
ministre des Affaires intergouvernementales
lors de la cérémonie
d'ouverture du colloque Éducation et
avenir commun : les enjeux du prochain millénaire
Montréal (Québec)
le 9 septembre 1999
Jusqu'au 20e siècle l'analphabétisme était le
lot de l'humanité, sauf pour une élite. Des progrès considérables ont été
réalisés au cours du dernier siècle. Comme le disait, en 1997, le directeur
général de l'UNESCO, M. Federico Mayor : «Grâce à l'effort constant et
soutenu de tous, l'analphabétisme régresse dans le monde : estimé à 45 % il
y a cinquante ans, son taux est tombé à 23 % aujourd'hui. Les progrès sont
donc considérables.»
En juillet dernier, pour une sixième année de
suite, notre pays se classait au premier rang en ce qui concerne l'indice du
développement humain des Nations Unies. Cet indice tient compte notamment du
taux d'alphabétisation et des dépenses en éducation. Dans le domaine de
l'éducation postsecondaire, le Canada fait également belle figure puisque The
World Competitiveness Yearbook 1999 souligne qu'il se situe au premier rang de
28 pays pour la fréquentation des institutions postsecondaires.
Malgré ses performances remarquables, notre pays
fait face lui aussi à un grand défi dans le domaine de l'analphabétisme.
Cette question se pose d'une façon particulièrement alarmante au Québec, qui
occupe le deuxième rang au pays, après Terre-Neuve, chez les 16-25
ans, selon un portrait dévoilé par Statistique Canada en 1996. La Fondation
québécoise pour l'alphabétisation estime qu'à l'heure actuelle 900 000
Québécois adultes sont touchés. À peine 2 % d'entre eux sont en démarche
d'alphabétisation.
Une autre enquête de Statistique Canada portant
sur «Les capacités de lecture des Québécois et Québécoises», rendue
publique en 1995, révélait que 1,5 million d'adultes, soit 28 %, disposent de
peu de capacités de base ou de stratégies leur permettant de décoder des
textes ou de les utiliser.
Sur le plan canadien, L'Enquête internationale
sur l'alphabétisation des adultes, tenue à l'automne 1994, a révélé que
plus d'un adulte canadien sur cinq a de grandes difficultés à utiliser des
documents, et que seulement 22 % des gens sont capables de lire des documents
simples et clairement présentés.
Les conséquences de l'analphabétisme sont
faciles à imaginer en termes de coûts économiques, démocratiques et sociaux.
Sur le plan individuel, l'analphabétisme livre le citoyen à la marginalisation,
aux préjugés et à la pauvreté. Au Québec, environ 51 % des personnes
considérées analphabètes possèdent un revenu individuel de moins de 10 000
dollars par année. Sur un plan plus global, l'analphabétisme empêche une
partie importante de notre population de se réaliser pleinement et d'apporter
leur pleine contribution au mieux-être collectif.
L'analphabétisme pose donc un problème majeur
à notre société. Sa solution se trouve avant tout dans la recherche d'un
partenariat entre gouvernements, organismes et entreprises du secteur privé.
C'est ce que fait le gouvernement fédéral, par
le biais de Développement des ressources humaines Canada, dont relève le
Secrétariat national à l'alphabétisation. Depuis 1988, année où M.
Bouchard, en sa qualité de secrétaire d'état, assumait la responsabilité
ultime du dossier de l'alphabétisation au niveau fédéral, cet organisme
a entrepris de «collaborer avec les provinces, le secteur privé et les
organismes bénévoles à la mise au point de mesures qui permettront aux
Canadiens d'acquérir le degré d'alphabétisme nécessaire pour bénéficier
pleinement des avantages d'une société avancée.» Afin de faire progresser la
cause de l'alphabétisation, le Secrétariat consolide ses partenariats avec les
gouvernements provinciaux et territoriaux, les entreprises, les syndicats et les
groupes bénévoles. Parmi ceux-ci, il importe de souligner la contribution
qu'apporte à cette cause une organisation comme la Fondation québécoise pour
l'alphabétisation, qui entretient un lien étroit avec 250 organismes
régionaux.
En 1999-2000, l'ensemble du financement fédéral
en matière d'alphabétisation se chiffre à 28,6 millions de dollars. De cette
somme, 13,8 millions de dollars seront versés aux provinces. En partenariat
avec le gouvernement provincial, 5,3 millions de dollars seront investis en
faveur de l'alphabétisation au Québec, en 1999-2000. Une entente signée en
1989-1990 entre le gouvernement du Canada et celui du Québec précise par
ailleurs que cette province recevra un minimum de 3 millions de dollars sur une
base annuelle. Le Québec reçoit de plus des sommes qui lui sont versées dans
le cadre de projets nationaux.
L'engagement du gouvernement du Canada est clair
: c'est comme catalyseur qu'il vient appuyer les efforts en matière
d'alphabétisation. C'est aux provinces que revient la responsabilité de
financer directement des services ou de la formation continue en
alphabétisation. C'est ainsi qu'un organisme comme Postes Canada, pour ne
donner qu'un exemple, appuie des programmes d'alphabétisation offerts dans
l'ensemble du pays, par l'intermédiaire des bibliothèques, d'établissements
scolaires et correctionnels, de centres communautaires et d'emploi ou en milieu
familial. Autre exemple : en décembre 1998, le Secrétariat national à
l'alphabétisation et le Conseil fédéral de recherches en sciences humaines
annonçaient une initiative conjointe de 2,5 millions de dollars sur cinq ans,
Valoriser l'alphabétisme au Canada, qui vise à financer la recherche
stratégique sur des questions liées à l'alphabétisation des adultes.
Notre gouvernement croit que le succès de
l'alphabétisation implique la mise en place de partenariats. Ces partenariats
existent déjà. Il s'agit de les consolider. C'est dans cette voie que réside
une lutte efficace à l'analphabétisme. Des initiatives fructueuses émanent de
tous les milieux, dont le secteur privé. Une entreprise comme Domtar, qui
s'associe à l'événement d'aujourd'hui, le démontre bien.
C'est dans ce contexte qu'un événement comme
celui-ci prend tout son sens. Il réunit les personnes des milieux de
l'entreprise, du syndicat, de l'enseignement et du secteur communautaire pour
discuter de l'impact de l'analphabétisme sur notre société et travailler de
concert à développer des stratégies qui feront avancer la cause de
l'alphabétisation.
Une économie basée sur l'information et sur la
mondialisation requiert une main-d'oeuvre hautement alphabétisée. C'est dans
cette main-d'oeuvre que réside plus que jamais l'avantage concurrentiel que
recherchent les nations industrialisées et qui fait toute la différence dans
une économie qui repose dorénavant sur le savoir. Le coût social de
l'analphabétisme est énorme. Ce défi est l'affaire de tous les Canadiens et
Canadiennes et c'est avec le concours de partenaires comme vous que nous
pourrons le relever avec succès.
Bon colloque à tous!
L'allocution prononcée
fait foi
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