« L’Allemagne et le
Canada :
la loyauté fédérale à l’ère de la mondialisation »
Notes pour une allocution
de l’honorable Stéphane Dion
Président du Conseil privé et
ministre des Affaires intergouvernementales
Devant les membres du
Atlantik-Brücke
Feldafing (République
fédérale d’Allemagne)
le 28 octobre 2001
L’allocution prononcée
fait foi
Nos deux langues officielles, l’anglais et le français, étant un reflet d’une
grande partie de notre histoire, nous les Canadiens sommes nombreux à voir l’Europe
à travers le Royaume-Uni et la France. Or, de plus en plus avons-nous intérêt
à ajouter à notre compréhension de l’Europe sa dimension allemande. J’en
suis persuadé tout comme vous, membres de l’Atlantik-Brücke, ce qui me rend
très heureux d’être votre invité aujourd’hui.
La République fédérale d’Allemagne, troisième puissance économique
mondiale, plus gros investisseur direct au monde sur la base des sorties nettes,
locomotive économique industrielle de l’Europe, se situe au sixième rang des
partenaires commerciaux du Canada, tant en ce qui a trait au commerce qu’aux
investissements. Le Canada se classe parmi les plus importants investisseurs et
employeurs dans les nouveaux Länder particulièrement dans le secteur
ferroviaire, avec Bombardier notamment. Le commerce et les investissements entre
nos deux pays sont en pleine expansion.
Sur le plan politique, les événements tragiques du 11 septembre nous
convient à renforcer nos liens et notre amitié. Le Chancelier Schröder a
déclaré, le 11 octobre dernier, que votre pays devait dorénavant, et je cite
: « assumer (...) une responsabilité qui corresponde à notre
qualité de partenaire européen et transatlantique important, mais aussi en
tant que démocratie forte [et] économie puissante au sein de l’Europe.
» Et il a ajouté : « nous autres [Allemands] avons aujourd’hui
le devoir d’être parfaitement à la hauteur de notre nouvelle responsabilité.
»1 Le gouvernement du Canada salue cette déclaration du Chancelier
Schröder et y trouve un motif supplémentaire pour le renforcement de la
coopération entre nos deux pays.
Nos échanges s’intensifient dans tous les domaines, notamment dans ceux
des sciences, de la technologie, de la culture et de l’éducation, comme en
atteste la grande variété de talents canadiens que son Excellence la très
honorable Adrienne Clarkson, Gouverneure générale du Canada, a réunis dans la
délégation qui l’a accompagnée au cours de la visite officielle qu’elle a
effectuée en Allemagne la semaine dernière.
Le Canada s’intéresse de plus en plus à l’Allemagne, et je sens que c’est
réciproque. Mis à part les États-Unis, c’est en Allemagne que l’on
retrouve le plus important réseau universitaire de programmes complets d’études
canadiennes.
L’une des raisons qui font que l’Allemagne et le Canada gagnent à mieux
se connaître tient au fait que nos deux pays ont adopté la forme fédérative
de gouvernement. Ce trait commun entre nos deux pays touche directement mes
responsabilités ministérielles. À titre de ministre des Affaires
intergouvernementales, ma responsabilité est de veiller au bon fonctionnement
de la fédération et d’aider le Premier ministre Jean Chrétien et le
gouvernement du Canada à entretenir les relations les plus fructueuses
possibles avec les gouvernements de nos dix provinces et trois territoires.
L’Allemagne et le Canada sont deux fédérations modernes qui doivent s’adapter
au contexte de la mondialisation. Ce contexte comporte deux traits principaux du
point de vue de la gouvernance fédérale. Premièrement, le commerce extérieur
prend une importance croissante par rapport au commerce interprovincial au
Canada et inter-Länder en Allemagne. Deuxièmement, nos pays sont
amenés à signer des ententes internationales qui touchent de plus en plus aux
compétences de nos entités fédérées, dans les domaines de l’économie, de
l’agriculture, de l’environnement, de la santé, de la culture, et j’en
passe.
Je sais que ce nouveau contexte a suscité des débats en Allemagne. Des
ajustements ont dû être faits dans les relations entre votre gouvernement
fédéral et ceux de vos Länder. J’observe l’évolution de votre
fédération avec beaucoup d’intérêt. Mais je n’ai pas la prétention de
vous apprendre quoi que ce soit sur ce qui se produit chez vous. Je vais plutôt
vous présenter la fédération canadienne d’une façon qui, je le crois, sera
pertinente pour vous.
Au Canada, certains avaient prédit que l’importance croissante du commerce
extérieur et de la réglementation internationale exercerait une pression
centrifuge et que la cohésion de notre fédération serait de plus en plus
difficile à maintenir. Selon eux, le gouvernement fédéral et ceux des
provinces seraient de moins en moins capables d’agir de concert, tandis que
les citoyens s’identifieraient de plus en plus à leur province respective
plutôt qu’à l’ensemble du pays.
Ce n’est pas ce qui se produit. Au contraire, l’omniprésence des enjeux
internationaux rappelle aux Canadiens l’importance de leur cohésion nationale.
Le gouvernement du Canada et ceux des provinces voient bien qu’au delà de
différences de vue tout à fait normales, ils ont intérêt à accroître leur
coopération dans le respect de leurs compétences respectives.
Voilà ce que je veux vous montrer en insistant d’abord sur les
différences de contexte entre la fédération allemande dans l’Europe et la
fédération canadienne dans la zone de l’ALENA. Je discuterai ensuite de la
solidarité entre les Canadiens et de celle entre nos deux ordres de
gouvernement.
1.
Les fédérations allemande et canadienne face à la mondialisation :
quelques différences de contexte
Votre modèle de fédéralisme est beaucoup plus intégré que le nôtre. En
effet, il est souvent difficile de départager les responsabilités de votre
gouvernement fédéral de celles de vos Länder. Chez nous, le partage
des compétences est en général plus clair. Cela tient à deux facteurs.
Premièrement, alors que votre Loi fondamentale prévoit pas moins de 26
compétences concurrentes et sept autres domaines où votre parlement fédéral
peut établir des lois-cadres exigeant l’adoption par les Länder de
lois s’y conformant, notre Constitution ne prévoit que trois compétences
concurrentes, dont deux à prédominance fédérale, l’immigration et l’agriculture
et une à prédominance provinciale, les pensions de sécurité de la vieillesse.
Deuxièmement, notre
Constitution ne prévoit pas l’équivalent de votre Bundesrat, soit
une Chambre des gouvernements provinciaux. Ceux-ci n’ont aucune présence
institutionnelle au Parlement canadien.
Il s’ensuit que nos provinces ont des compétences exclusives bien plus
grandes que celles de vos Länder; ces derniers, en revanche, ont une
prise beaucoup plus forte sur le parlement fédéral, et donc sur l’action du
gouvernement fédéral. Votre modèle fédératif est celui de la fusion des
pouvoirs : vos Länder sont forts dans les institutions
fédérales; notre modèle est celui d’une distribution des pouvoirs : nos
provinces sont fortes face au gouvernement fédéral et elles sont très
jalouses de leur autonomie législative, budgétaire et fiscale. Le contraste
entre les deux modèles ressort de différentes façons :
- Au plan législatif. D’ordinaire, ce sont leurs propres lois
que nos provinces mettent en œuvre et non les lois fédérales sur
lesquelles elles n’ont d’ailleurs pas de prise directe. Chez vous,
une large part de l’action des Länder consiste à appliquer les
lois fédérales. Vos Länder administrent ces lois qu’ils ont
contribué à façonner par l’entremise du Bundesrat.
- Au plan budgétaire. Les transferts en espèces que nos
provinces reçoivent du gouvernement fédéral sont assortis de très peu de
conditions, moins que chez vous et beaucoup moins qu’aux États-Unis.
- Au plan fiscal. Alors que nos provinces ont pleine latitude pour
déterminer leurs recettes fiscales, il n’en va pas de même pour vos Länder.
Les assiettes fiscales, les taux d’imposition et la part des revenus
attribués aux Länder, aux municipalités et au gouvernement
fédéral sont tous établis par législation fédérale. Toutefois, cette
législation est adoptée avec le consentement du Bundesrat.
Chez nous, l’absence d’un forum parlementaire qui institutionnaliserait
les relations entre les deux ordres de gouvernement fait en sorte que la
coopération fédérale-provinciale se fait pour ainsi dire uniquement par les
exécutifs : les premiers ministres ainsi que les ministres fédéraux et
provinciaux se réunissent régulièrement pour coordonner leur action. Ils se
consultent et s’informent des initiatives législatives ou autres qu’ils
entendent prendre.
Nos deux modèles de fédéralisme se reflètent dans nos cultures politiques
respectives. Ainsi, votre système de partis est relativement semblable aux deux
ordres de gouvernement alors que la vie politique est beaucoup plus
compartimentée chez nous. Le parti libéral fédéral et le parti libéral
provincial du Québec, par exemple, bien qu’ils soient des alliés, n’ont
aucun lien organique entre eux. De même, votre système syndical centralisé
serait tout à fait impensable chez nous. Nous ne pourrions concevoir au Canada
que le statut et les conditions de travail de nos fonctionnaires provinciaux et
municipaux doivent être conformes à des règles fixées par des lois-cadres
fédérales.
De même que votre modèle de fédéralisme est plus intégré que le nôtre,
le contexte international immédiat dans lequel vous évoluez l’est aussi.
Alors que l’ALENA est un accord commercial sans parlement, sans conseil des
ministres, sans banque centrale ni monnaie commune, le pouvoir réglementaire de
la Commission européenne applicable aux pays de l’Union européenne est à
certains égards plus étendu que celui du gouvernement fédéral canadien
applicable aux provinces. C’est vous dire à quel point le contexte est
différent.
L’Amérique du Nord n’est pas l’Europe et ne le deviendra pas, quoi que
certains en pensent chez nous. Le contexte est trop différent. La principale de
ces différences tient au poids des États-Unis. Ils représentent 68 % de la
population de l’Amérique du Nord, 86 % de son économie. En comparaison, l’Allemagne,
plus gros pays membre de l’Union européenne, représente 22 % de sa
population, 25 % de son économie. Vous savez bien que l’Union européenne
ne saurait fonctionner avec les institutions qui sont les siennes si l’un de
ses membres était à lui seul beaucoup plus gros que tous les autres réunis.
Les Allemands réfléchissent à la poursuite de la construction de l’Europe
dans un contexte où la « fédéralisation » est l’une des options à l’étude,
et ce, sans pour autant accepter que leur identité allemande ne soit affaiblie.
Nous, les Canadiens, voulons travailler de concert avec les États-Unis sans
nous fondre en eux. Nous intensifions nos échanges avec notre autre partenaire
de l’ALENA, le Mexique, et travaillons activement à mettre en place la Zone
de libre-échange des Amériques.
2. La solidarité entre les Canadiens
Même si l’ALENA entraîne un degré d’intégration bien moins poussé
que l’Union européenne, il reste que le libre-échange nord-américain a
contribué à développer considérablement notre commerce extérieur. En 1990,
ce que le Canada exportait vers le reste du monde équivalait à 22 % de son PIB.
En 2000, ce pourcentage s’établissait à 40 %. Le volume des importations a
connu une croissance similaire.
Prenons le cas de notre province la plus peuplée et la plus industrialisée,
l’Ontario. En 1981, ce que l’Ontario exportait dans les autres provinces
dépassait légèrement ce qu’elle exportait à l’étranger. Dès 1994, ses
exportations internationales étaient deux fois plus importantes que ses
exportations provinciales.
Nous avons donc un commerce de plus en plus tourné vers l’extérieur,
essentiellement vers les États-Unis. Comme je l’ai dit, certains pensent que
ce changement structurel de notre économie mine la cohésion de notre
fédération.
Ce n’est pas le cas. La solidarité des Canadiens les uns envers les autres
est tout aussi forte aujourd’hui qu’autrefois. Selon les sondages, bon an
mal an, environ 80 % des Canadiens se disent très attachés à leur pays. On n’observe
aucun déclin sur ce plan.
De nos dix provinces, c’est l’Ontario qui a enregistré la plus grande
augmentation de ses exportations internationales par rapport à son PIB au cours
des deux dernières décennies. Or, ce développement du commerce extérieur n’a
en rien refroidi le sentiment d’appartenance des Ontariens au Canada. Les
sondages le confirment : c’est en Ontario qu’on a le plus tendance à se
définir comme citoyen du Canada, plutôt que comme citoyen de sa province.
Après l’Alberta, c’est en Ontario que la perspective d’une annexion aux
États-Unis suscite l’opposition la plus généralisée.
Comme vous le savez sans doute, le gouvernement actuel du Québec est
sécessionniste. L’un de ses arguments préférés est que la mondialisation
rend la fédération canadienne inutile et même nuisible au Québec. Mais les
Québécois n’acceptent pas cet argument. Dans un sondage récent2,
on leur a demandé avec lequel de ces deux énoncés ils étaient le plus d’accord
: « Un Canada uni pourra mieux faire face aux défis de la mondialisation »
ou « Un Québec souverain pourra mieux se protéger face à la
mondialisation ». Près des deux tiers des répondants (64 %) ont choisi le
premier énoncé et seulement 23 % le second. D’ailleurs, dans une proportion
croissante, la majorité des Québécois désirent que le Québec demeure une
province du Canada et se détournent du projet sécessionniste.
Un autre signe de bonne santé de la solidarité canadienne est le programme
de péréquation grâce auquel le gouvernement du Canada verse de l’argent aux
provinces moins prospères, c’est-à-dire à celles dont la capacité de
percevoir des recettes est inférieure à la moyenne nationale. Comme chez vous,
cette manifestation concrète de la solidarité fédérale est inscrite dans la
Constitution. Cependant, les transferts du programme canadien de péréquation
proviennent uniquement du gouvernement fédéral. Les provinces les moins riches
ne reçoivent pas directement d’argent des provinces les plus riches,
contrairement à ce qui se passe ici entre les Länder. C’est le
gouvernement fédéral canadien qui veille à ce qu’aucune province n’ait
une capacité fiscale nettement inférieure à la moyenne nationale.
Actuellement, le programme permet de maintenir toutes les provinces au-dessus de
95 % de la capacité fiscale moyenne.
Le programme canadien de péréquation représente des sommes d’argent
assez importantes : bon an mal an, il s’élève à un peu plus de 1 % de notre
PIB. Une part croissante du budget des programmes du gouvernement fédéral y
est consacrée : 9 % comparativement à environ 7 % il y a dix ans. Trois
provinces sur dix ne reçoivent aucune péréquation, soit l’Alberta, l’Ontario
et la Colombie-Britannique. Ce sont les contribuables de ces provinces qui
financent en très grande partie les paiements de péréquation versés par le
gouvernement fédéral. À elles seules, ces trois provinces englobent 61 % de
la population canadienne, ce qui correspond presque à la proportion
démographique (66 %) des cinq Länder qui financent directement en très
grande partie les paiements de péréquation dans votre fédération.
Bien sûr, les paiements de péréquation suscitent certains débats. Chez
vous, ils ont été exacerbés par l’ampleur des transferts financiers que
commande le redressement économique des Länder de l’est, et sans
doute aussi par la contribution allemande au financement de l’Europe, laquelle
exige elle aussi un effort financier appréciable. Mais chez nous aussi, la
péréquation fait régulièrement l’objet de discussions. Certains
économistes prétendent que les provinces qui reçoivent la péréquation sont
entretenues dans une dépendance malsaine qui nuit à la bonne gestion
économique. Des provinces bénéficiaires voudraient que le programme soit
enrichi ou que l’on ne tienne pas compte de certains de leurs revenus dans le
calcul de la péréquation.
Il reste que les partis politiques de toutes tendances et les Canadiens de
toutes les régions du pays appuient ce principe de redistribution entre les
provinces les plus prospères et celles qui le sont moins. Tous les sondages le
confirment.
En somme, la solidarité des Canadiens se porte bien. Qu’en est-il de celle
de leurs gouvernements?
3. La solidarité entre les gouvernements de la fédération
canadienne : l’exemple des relations internationales
Nos provinces, tout comme vos Länder, sont désireuses de développer
leurs propres stratégies pour mieux percer les marchés extérieurs. Comme eux,
elles cherchent à clarifier leur rôle sur la scène internationale, là où se
négocient des ententes qui touchent de plus en plus directement leurs
compétences. Et comme chez vous encore, notre gouvernement fédéral, tout en
voulant aider les provinces à tirer parti de leur plein potentiel, veille à
maintenir la cohérence d’ensemble de la politique étrangère du pays. Il est
évident qu’un pays qui n’a plus de politique étrangère cohérente n’a
plus de politique étrangère du tout. Les processus d'élaboration de notre
politique en matière de commerce international sont à l'occasion l'objet de
tensions intergouvernementales qui vous rappelleraient la dynamique à
l'intérieur des frontières de l'Allemagne comme dans le contexte européen.
La collaboration nécessaire entre le gouvernement fédéral et les
gouvernements des provinces sur la scène internationale se reflète dans les
principes constitutionnels. Si le gouvernement fédéral est seul à pouvoir
ratifier des traités ayant force de loi au regard du droit international, il ne
peut forcer les provinces à les mettre en oeuvre dans les domaines qui
relèvent de leurs compétences. C’est pourquoi avant de signer de tels
traités, le gouvernement fédéral a-t-il tout intérêt à consulter
étroitement les provinces. Il ne ménage aucun effort pour améliorer la
qualité et l’efficacité de ces consultations.
De plus, le gouvernement du Canada aide de multiples façons les
gouvernements des provinces à intensifier leur présence à l’étranger dans
leurs domaines de compétences et d’une façon qui contribue au renforcement
de la fédération. Le réseau des missions diplomatiques canadiennes est
régulièrement mis à contribution pour organiser des missions commerciales
dirigées par des premiers ministres ou des ministres provinciaux. Le
gouvernement du Canada appuie les efforts des gouvernements provinciaux en vue d’ouvrir
des bureaux à l’étranger ou leur offre la possibilité d'intégrer leurs
représentants au sein d’une mission canadienne. D’ailleurs, des
négociations sont en cours pour que des représentants de deux provinces
profitent de cette possibilité au consulat canadien ici à Munich. Les
provinces canadiennes disposent de près d’une cinquantaine de ces unités de
représentation dans une quarantaine de pays. À lui seul, le gouvernement
du Québec possède 35 bureaux dans 24 pays. En 1998, il a dépensé « davantage
et [disposé] d’un effectif international plus important que les
cinquante états américains réunis. »3 Un de ces joyaux est le
Bureau du Québec à Munich qui permet au Québec et à la Bavière d’avoir
une relation étroite et fructueuse.
Des représentants des gouvernements des provinces font aussi partie des
délégations canadiennes dans des forums internationaux, comme ce fut le cas
lors des récentes conférences sur les changements climatiques de La Haye et de
Bonn. Et le Conseil des ministres provinciaux de l’Éducation représente le
Canada en matière d’éducation auprès des instances internationales.
Il y a aussi le concept d’Équipe Canada, mis au point par le Premier
ministre Jean Chrétien en 1994. Une Équipe Canada regroupe autour du
Premier ministre du Canada les premiers ministres des provinces et des
territoires et une délégation de gens d’affaires. Ces missions se déplacent
dans un pays ou une région du monde afin de promouvoir les exportations
canadiennes en provenance de toutes les provinces et de tous les territoires.
Depuis 1994, sept missions ont visité diverses régions du monde,
principalement en Asie et en Amérique latine. D'autres missions d’Équipe
Canada sont en planification dont certaines, éventuellement, cibleront des pays
de ce côté-ci de l'Atlantique.
J’aurais beaucoup plus à dire sur la collaboration fédérale-provinciale
en matière de politique étrangère. Mais je crois avoir fait ressortir l’aspect
fondamental : il est tout à fait souhaitable que tous les gouvernements de la
fédération canadienne, au delà des tensions inévitables, visent le même
objectif en politique internationale, soit une cohésion d’ensemble qui s’appuie
sur le plein potentiel d’un pays diversifié, en mesure de parler d'une voix
crédible et convaincante à l'étranger.
Conclusion
Tout en ne minimisant en aucune façon le contraste entre nos deux
fédérations, ainsi qu’entre les deux contextes dans lesquels nous évoluons,
l’ALENA et l’Union européenne, je vous ai présenté une réalité qui
suscite chez nous des débats, réalité qui, je crois, vous est familière :
celle de la cohésion fédérale à l’ère de la mondialisation. J’ai voulu
démontrer que les forces centrifuges qui auraient pu naître de l’explosion
du commerce extérieur et de l’omniprésence des enjeux internationaux n’ont
en rien amoindri la cohésion du peuple canadien et de sa fédération.
Je dirais même que c’est le contraire. Les Canadiens prennent davantage
conscience que leur unité constitue une force. Ils voient bien que le Canada
est un pays respecté, jouissant d’une excellente réputation, un pays qui a
su allier cohésion d’ensemble et grande diversité : des provinces et
territoires dont les forces se complètent, deux langues officielles qui sont
des langues internationales, deux systèmes juridiques, le droit civil et la
common law, qui nous permettent de parler le langage juridique de la grande
majorité des pays, une situation géographique qui nous ouvre aux Amériques,
à l’Europe et à l’Asie, une population multiculturelle qui donne prise sur
tous les continents du globe. Indéniablement, nous avons su faire de notre
diversité une force sur laquelle nous aurons de plus en plus à compter.
Vous le voyez, je suis optimiste quant à l’avenir de mon pays. Mais notre
succès dépendra de nous, Canadiens, notamment de notre capacité à mettre en
pratique le principe de loyauté fédérale qui a fait l’objet de mon discours
aujourd’hui, un principe magnifiquement exprimé par votre Cour
constitutionnelle fédérale :
« Le principe constitutionnel du fédéralisme s'appliquant à l'état
fédéré, il impose donc à la Fédération et à toutes ses composantes
l'obligation légale d'avoir un comportement pro-fédéral, c'est-à-dire
que tous les membres de l'"alliance" constitutionnelle sont tenus
de coopérer ensemble d'une manière qui est compatible avec la nature de
cette alliance et de contribuer au renforcement de celle-ci et à la
protection de ses intérêts ainsi que des intérêts bien pesés de ses
membres. »4 [traduction libre]
La loyauté fédérale invite chaque partenaire de la Fédération à
travailler, au pays comme à l’étranger, à la consolidation de l’alliance
constitutionnelle et à la promotion des intérêts de tous et non pas seulement
de ses seuls intérêts. Voilà une clé du succès dans ce siècle dans lequel
nous entrons. Ce principe de loyauté fédérale n’est pas qu’allemand, il
est universel, il est valable pour toutes les fédérations du monde. Je
souhaite pour les Canadiens que tous les gouvernements de notre fédération y
adhèrent pleinement. Et je vois aussi dans ce principe la preuve que le Canada
gagne à connaître l’Allemagne. Longue vie à nos deux fédérations.
Notes
- Déclaration gouvernementale prononcée par
Monsieur Gerhard Schröder, Chancelier de la République fédérale d’Allemagne,
le 11 octobre 2001, devant le Bundestag.
- CROP, mars 2001.
- Earl H. Fry, The Expanding role of State and
Local Governments in U.S. Foreign Affairs, Council of Foreign Relations
Press, New York, 1998, 141 pages, p. 77.
- BVerfGE 1, 299 (315). Un jugement de la Cour
constitutionnelle fédérale d’Allemagne rendu en 1954.
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