« Commencer 2003 avec un bon plan pour les soins
de santé »
Notes pour une allocution
de l’honorable Stéphane Dion
Président du Conseil privé et
ministre des Affaires intergouvernementales
Faculté de droit
Université de Victoria
Victoria (Colombie-Britannique)
le 22 janvier 2003
L'allocution prononcée fait foi
Du point de vue des relations fédérales-provinciales, l’année 2003
commence à vive allure. Le Premier ministre du Canada, le très honorable Jean
Chrétien, rencontrera ses homologues provinciaux et territoriaux les 4 et 5
février prochains afin de convenir d’un plan d’action, assorti d’un
financement accru, en vue d’améliorer les soins de santé partout au Canada.
Ce sera là une rencontre d’une grande importance car nous savons tous à quel
point les Canadiens souhaitent des soins de santé plus accessibles et d’une
qualité accrue.
Nos gouvernements doivent arriver à s’entendre. Il reste, sans compter
aujourd’hui, 12 jours pour bien préparer cette rencontre. Hier, la
ministre fédérale de la Santé, l’honorable Anne McLellan, a prononcé à
Ottawa un discours dans lequel elle a précisé les objectifs que le
gouvernement du Canada souhaite atteindre de concert avec les provinces et les
territoires. Et hier aussi, j’ai eu une excellente rencontre avec mon
homologue de la Colombie-Britannique, l’honorable Greg Halsey-Brandt. Demain,
les premiers ministres des provinces et des territoires se réunissent à
Toronto. Ce travail de préparation se poursuivra intensément jusqu’au
4 février.
J’aimerais vous expliquer les quatre raisons pour lesquelles j’envisage
cette rencontre des premiers ministres avec optimisme et pour lesquelles je
prévois que les Canadiens seront satisfaits du travail de leurs chefs de
gouvernement.
1. Nos premiers ministres s’entendent pour faire de la santé leur
priorité
Nos premiers ministres ne peuvent pas ignorer que l’amélioration des soins
de santé est la priorité de l’heure, la principale préoccupation des
Canadiens. Nos premiers ministres savent que la solidarité face à la maladie
est une valeur sacrée pour les Canadiens, que l’accès à des soins de
qualité est une dimension essentielle de leur qualité de vie. Nos premiers
ministres ont vu les urgences débordées et sont conscients des longues
périodes d’attente pour les opérations. Je suis sûr qu’ils trouvent
inadmissible qu’au Canada, des personnes malades soient alignées dans des
corridors au lieu de bénéficier de l’intimité que commande leur état.
Aussi, en vue du mieux-être des Canadiens, en arriveront-ils à une entente
fructueuse le 5 février prochain.
2. Nos gouvernements s’entendent pour respecter les principes de la Loi
canadienne sur la santé
À propos du droit des Canadiens à avoir accès à des soins de santé, je
décèle un consensus philosophique entre nos premiers ministres, et ce, malgré
leurs différences idéologiques. Tous affirment adhérer aux cinq principes
rattachés à la Loi canadienne sur la santé : la gestion publique,
l’intégralité, l’universalité, la transférabilité et l’accessibilité.
Comme l’a déclaré le premier ministre Gordon Campbell le 25 janvier 2002,
alors qu’il s’exprimait à titre de président de la rencontre
provinciale-territoriale des premiers ministres : « Nous avons
tous à cœur la Loi canadienne sur la santé ». [traduction]. Nos
gouvernements ont d’ailleurs convenu en avril 2002 d’une procédure en vue d’éviter
ou de résoudre les différends qui pourraient résulter de l’interprétation
des principes de la Loi canadienne sur la santé. Bien sûr, ce consensus
philosophique n’empêche pas nos gouvernements d’avoir divers points de vue.
Mais je suis persuadé qu’ils adhèrent tous au principe de justice qui veut
qu’au Canada, l’accès aux soins de santé ne doit pas être fonction de l’épaisseur
du porte-monnaie du patient.
3. Le gouvernement fédéral dispose d’une certaine marge de manœuvre
financière
La troisième raison de mon optimisme est le nerf de la guerre : l’argent.
Car vous connaissez la bonne nouvelle : le gouvernement du Canada dispose d’une
marge de manœuvre suffisante pour accroître ses injections de fonds, du fait
notamment de la performance exceptionnelle de l’économie canadienne, qui a
augmenté de 3,5 % en 2002 alors que les économistes du secteur privé s’attendaient
plutôt à une croissance de 1,1 %. Imaginez la différence si nos premiers
ministres devaient se rencontrer d’ici quelques semaines pour discuter de
compressions budgétaires fédérales plutôt que de réinvestissements.
Rappelons-nous qu’ailleurs dans le monde industrialisé, aux États-Unis, en
Europe, au Japon, les gouvernements nationaux doivent composer avec des
déficits importants.
Bien sûr, lorsqu’il est question d’argent, il est rare que les ententes
se concluent facilement. Lors de la rencontre des ministres des finances des 17
et 18 décembre derniers, les ministres des provinces ont réitéré leur désir
d’obtenir un réinvestissement fédéral majeur de l’ordre de
24,7 milliards de dollars dans le domaine de la santé réparti sur les
quatre prochaines années. Ce montant excède de 4,6 milliards de dollars (soit
de 30,7 %) les montants suggérés dans le rapport Romanow pour la période
allant de 2003-2004 à 2005-2006. Le ministre fédéral des Finances, l’honorable
John Manley, a indiqué clairement à maintes reprises qu’il lui sera très
difficile de trouver une telle somme car, bien que la santé soit la priorité,
d’autres besoins légitimes et pressants exigent aussi des dépenses
supplémentaires. De plus, M. Manley a insisté sur la nécessité de respecter
le cadre financier du gouvernement du Canada et de tenir compte des incertitudes
de la conjoncture internationale.
Si les économies des États-Unis, de l’Europe et du Japon croissaient à
un rythme aussi impressionnant que la nôtre, si elles créaient des emplois au
même rythme que nous, au lieu de montrer des signes de faiblesse, si les
gouvernements de ces pays dégageaient des surplus comparables au nôtre, au
lieu de renouer avec des déficits importants, il est certain que M. Manley
envisagerait le prochain exercice budgétaire avec un optimisme accru. Mais,
devant une conjoncture internationale aussi incertaine, tous les Canadiens
peuvent le féliciter de sa prudence. Je suis sûr que les premiers ministres
provinciaux et territoriaux en sont conscients.
4. Nos gouvernements ont tout pour s’entendre sur les objectifs de
réforme
L’expérience acquise est la quatrième considération qui justifie mon
optimisme. Nos gouvernements sont déjà passés par là : ils ont conclu
une entente sur la santé lors de la Rencontre des premiers ministres de
septembre 2000. Durant les mois qui ont précédé cette entente, les
gouvernements provinciaux et territoriaux demandaient un financement accru du
gouvernement fédéral, tandis que celui-ci tenait à assortir ce financement d’un
plan de réformes. Pas d’argent, pas de plan, répétaient les provinces; pas
de plan, pas d’argent, répondait le gouvernement du Canada. Finalement, on a
eu les deux : un plan d’action qui a donné d’excellents résultats et
un financement fédéral accru de 21 milliards de dollars réparti sur cinq
ans, dont un fonds de 1 milliard de dollars pour les équipements médicaux
et un autre fonds de 800 millions de dollars pour les coûts de transition
liés à la mise en œuvre des grandes initiatives en matière de soins de
santé primaires.
Depuis l’entente de 2000, les ministres de la santé de notre pays se sont
réunis à plusieurs reprises pour assurer la mise en œuvre de ce plan. Ils ont
aussi beaucoup travaillé pour mettre au point des indicateurs de performance
afin de rendre l’action des gouvernements plus efficace, transparente et
imputable au public. Plusieurs gouvernements ont commandé des études, tels le
rapport Fyke ou le rapport Romanow, afin de les guider dans leurs réformes. Les
conclusions de ces rapports sont assez convergentes. Il est possible de bâtir
sur ces acquis afin de conclure une nouvelle entente entre nos premiers
ministres d’ici le 5 février.
C’est dans le prolongement de tout ce travail conjoint que la ministre Anne
McLellan a identifié certains projets de réformes dans lesquels le
gouvernement du Canada veut investir en particulier. Mme McLellan a
fortement insisté sur la nécessité d’élaborer un plan d’action ajusté
au contexte de chaque province et de chaque territoire et qui leur accordera la
flexibilité nécessaire quant à sa mise en oeuvre. Elle a dit vouloir aider
les provinces à atteindre des objectifs qui sont aussi les leurs et à en être
imputables au public.
En effet, les gouvernements provinciaux et territoriaux poursuivent des
objectifs qui correspondent aux six grands secteurs que Mme McLellan
a retenus hier et qui doivent être au cœur de la réforme des soins de santé.
L’essentiel de ce que Mme McLellan a annoncé hier se résume de
la façon suivante :
-
les soins de santé primaires – il s’agit de faire en sorte que, d’ici
cinq ans, 50 % des Canadiens soient inscrits auprès d’équipes de
soins pluridisciplinaires;
-
les soins à domicile – il faut offrir une couverture pour les services
de soins à domicile de base;
-
les produits pharmaceutiques – nous devons faire en sorte que tous les
Canadiens aient accès à une couverture pour des médicaments
exceptionnellement onéreux;
-
les équipements diagnostiques et le matériel médical – nous devons
remédier au manque de matériel diagnostique et médical;
-
les ressources humaines en santé – nos ministres de la santé doivent
continuer à travailler de concert pour mieux planifier les effectifs de
santé, leur formation et leur distribution dans le pays;
-
les technologies de l’information – il faut promouvoir l’utilisation
du dossier électronique de santé et de la télésanté, particulièrement
dans les collectivités rurales et éloignées.
De même, tous les gouvernements s’entendent pour renforcer leur
imputabilité au public. Pour la première fois, en septembre 2002, les
ministres de la santé des quatorze gouvernements, y compris celui du Canada,
ont présenté simultanément un rapport à leurs électeurs sur un ensemble d’indicateurs
de performance définis conjointement. Certains de ces indicateurs sont bien
élaborés et peuvent déjà être utilisés; d’autres sont en préparation et
nécessitent des mises au point. Il faut faire plus pour accroître la portée,
l’intégralité et la qualité des indicateurs et des rapports. Je suis sûr
que l’entente prochaine des premiers ministres renforcera davantage cette
collaboration.
La réaction initiale de certains gouvernements provinciaux au discours de Mme McLellan
m’encourage, surtout en ce qui a trait à l’approche flexible qu’elle
entend élaborer. Le National Post d’aujourd’hui cite le premier
ministre Ralph Klein dans son style inimitable : « ...si quelqu’un
vous donnait de l’argent en vous disant "vous pouvez faire ce que vous
voulez avec cet argent, mais vous devez le dépenser dans un domaine bien
précis", en d’autres mots, pour des rénovations, alors je dirais oui ».
[traduction]
Je suis également tout à fait d’accord avec l’évaluation du ministre
de la Santé du Nouveau-Brunswick, Elvy Robichaud, dont les commentaires sont
aussi rapportés dans le National Post d’aujourd’hui : « Nos
positions ne sont pas si éloignées que cela, et je crois que lorsque le
Premier ministre et ses homologues provinciaux vont se rencontrer, nous serons
en mesure d’en arriver à une entente. ».[traduction]
Conclusion
Les dépenses totales (privées et publiques) dans le domaine de la santé au
Canada se sont chiffrées à 112 milliards de dollars en 2002 selon le
dernier rapport de l’Institut canadien d’information sur la santé, rendu
public le 18 décembre dernier.1 Cela
représente 9,8 % de notre PIB, l’un des plus hauts pourcentages de tous
les pays. C’est beaucoup d’argent. Un financement supplémentaire du
gouvernement fédéral n’aura d’impact que s’il contribue au financement
de réformes qui auront des effets structurants. L’amélioration de notre
système de santé, ce n’est pas qu’une question d’argent. Il nous faut
des objectifs clairs.
Heureusement, nos gouvernements ont tout en main pour s’entendre sur le
choix de ces objectifs. Premièrement, ils ont la volonté de réussir, car tous
savent à quel point la santé est une priorité pour les Canadiens.
Deuxièmement, ils s’accordent sur une orientation philosophique fondamentale,
car ils adhèrent tous aux cinq principes de la Loi canadienne sur la santé.
Troisièmement, la marge financière pour réinvestir dans les soins de santé
existe, même si elle n’est pas aussi grande qu’on le souhaiterait.
Enfin, nos gouvernements ont renforcé leur partenariat à la suite de l’entente
de septembre 2000 sur les soins de santé. La réforme des soins primaires,
les soins à domicile, l’accès à une couverture pour tous les Canadiens des
coûts des médicaments exceptionnellement onéreux, un meilleur accès au
matériel et aux services diagnostiques et médicaux, un renforcement de la
planification et de la gestion des effectifs de santé, une meilleure
utilisation de la technologie de l’information en vue d’améliorer les soins,
voilà autant d’objectifs identifiés hier par la ministre fédérale de la
Santé et que partagent tous ses homologues.
Lors de sa conférence de presse de début d’année, le 15 janvier dernier,
le Premier ministre Chrétien a déclaré : « La santé et la
préparation d’une réunion fructueuse des premiers ministres sont donc une
grande priorité pour moi. Je vais travailler en collaboration et en partenariat
avec les autres premiers ministres. Je compte sur la même chose de leur part.
Les Canadiens ne méritent pas moins que cela. L’heure est à l’action et
non à la rhétorique ».
Pour les quatre raisons que je viens de vous énumérer, je suis persuadé
que ces sages paroles du Premier ministre du Canada trouveront un écho
favorable auprès de ses homologues provinciaux et territoriaux.
-
Institut canadien d’information sur la santé, Tendances des
dépenses nationales de santé, 1975 à 2002, rapport sommaire rendu
public le 18 décembre 2002, p. 2.
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