« Le prochain acte de la
dualité linguistique canadienne : que sera-t-il? »
Notes pour une allocution
de l’honorable Stéphane Dion
Président du Conseil privé et
ministre des Affaires intergouvernementales
Allocution prononcée dans le cadre du dévoilement du
Plan d’action pour
les langues officielles
Ottawa (Ontario)
le 12 mars 2003
L’allocution prononcée fait foi
Le prochain acte, que sera-t-il? Le premier acte, on le doit à Pierre
Elliott Trudeau : il a eu comme point de départ la Loi sur les langues
officielles de 1969. Le second s’est joué grâce à une autre grande
réalisation de Pierre Elliott Trudeau, l’enchâssement des droits
linguistiques dans la Charte canadienne des droits et libertés, en 1982,
avec, notamment, l’article 23 qui porte sur les droits à l’instruction dans
la langue de la minorité, que nous devons au ministre de la Justice de l’époque,
vous savez qui.
Aujourd’hui, en ce 12 mars 2003, nous nous devons d’être reconnaissants
à notre Premier ministre, le très honorable Jean Chrétien, de donner aux
Canadiens l’occasion d’écrire le prochain acte de notre dualité
linguistique.
C’est ce que les Canadiens demandent. Dans les sondages, dans ce qu’ils
disent, surtout les jeunes, une très grande majorité de Canadiens expriment à
quel point ils veulent avoir accès à cette partie de leur héritage que sont
le français et l’anglais, ces deux langues d’envergure internationale qui
nous ouvrent au monde.
Dans ce prochain acte, qui commence aujourd’hui, les Canadiens et les
Canadiennes de toutes origines et de toutes les provinces ainsi que des trois
territoires travailleront ensemble pour mettre en œuvre un Plan d’action fait
d’objectifs ambitieux, mais réalistes.
Ce prochain acte dans lequel nous nous engageons a été bien préparé.
Beaucoup de terrain a été déblayé par les actes précédents, que je viens
de mentionner : la Loi de 1969 – qui a été révisée en 1988 – et la
Charte de 1982. On en voit une manifestation concrète ici même en cette Cité
collégiale. Rappelons-nous que cette grande Cité collégiale n’existait pas
avant 1990 et que son campus permanent a été inauguré par notre Premier
ministre en septembre 1995. Rappelons-nous aussi qu’avant 1982, avant la
Charte, la moitié des provinces n’avaient pas d’écoles françaises :
aujourd’hui, des écoles françaises et des structures de gestion scolaire
pour les communautés minoritaires sont en place dans toutes les provinces et
dans les trois territoires. Quel chemin parcouru! C’est en le mesurant qu’on
trouve la détermination nécessaire pour donner un nouvel élan à notre
dualité linguistique.
Le prochain acte sera celui de la mise en œuvre d’un Plan d’action fait
de mesures qui se renforceront les unes les autres, créant ainsi une synergie
qui sera gage de succès. Là encore, la Cité collégiale qui nous accueille
aujourd’hui est un exemple inspirant. Elle reflète l’approche intégrée et
multidimensionnelle que vise notre Plan. En effet, la Cité collégiale a su
allier ses vocations d’établissement d’enseignement au service de la
communauté franco-ontarienne, d’institution au service de tous les
anglophones qui veulent apprendre le français par immersion, et de composante
clé du Consortium pancanadien pour la formation de professionnels francophones
dans le domaine de la santé, consortium que le Plan d’action va d’ailleurs
permettre d’élargir et de solidifier.
Ce Plan d’action a aussi été préparé par les gestes concrets que le
gouvernement du Canada a posés au cours des deux dernières années afin d’accélérer
la promotion de notre dualité linguistique, avec notamment ce qu’il a fait
pour aider la nouvelle ville d’Ottawa à se doter d’une politique de
bilinguisme.
De telles mesures, tout comme celles que nous avons prises pour appuyer le
gouvernement du Nouveau-Brunswick, étaient importantes en elles-mêmes, mais
elles ne s’inscrivaient pas dans un plan d’action. Ce sera le cas maintenant.
Le gouvernement du Canada a élaboré ce Plan d’action après avoir
écouté les Canadiens et les Canadiennes et discuté avec des étudiants, des
parents, des éducateurs, des professionnels de la santé, des membres des
communautés et leurs leaders, ses homologues provinciaux et territoriaux, des
experts et des universitaires, les députés, les sénateurs et la Commissaire
aux langues officielles, Mme Dyane Adam.
Forte de cette consultation, une équipe de ministres a conçu ce plan. C’est
aussi en équipe que nous le réaliserons, avec vous et avec tous les Canadiens.
Pour mettre en œuvre ce plan, le gouvernement fournit les ressources financières
nécessaires. Je l’ai toujours dit : pour justifier un financement substantiel,
il faut un plan d’ensemble, et pour qu’un bon plan se concrétise, il faut
le financement nécessaire.
Le Plan d’action est contenu dans l’énoncé de politique qui est rendu
public aujourd’hui, un document de plus de 80 pages. Ce document, qui contient
aussi une analyse lucide de la situation actuelle, présente les grandes
orientations qui nous guideront. Bien sûr, chaque ministre précisera la ou les
sections qui touchent plus précisément son ministère. De plus, plusieurs
mesures seront affinées au fil des consultations qui se poursuivront avec les
communautés et des accords qui devront être conclus avec les provinces et les
territoires, nos partenaires. Mais il reste que les grandes orientations du Plan
d’action sont clairement décrites dans l’énoncé de politique.
Ces grandes orientations, elles sont conformes à celles que j’avais
annoncées aux communautés francophones et anglophones, notamment lors de mes
discours de Whitehorse, le 22 juin 2002, et de Québec, le 20 octobre 2002.
On y trouve d’abord un cadre d’imputabilité et de coordination. Qu’est-ce
qu’un cadre d’imputabilité? Ceux qui ont tant insisté pour que le
gouvernement s’en donne un, le savent. Il s’agit d’un document
officiel dans lequel le gouvernement consigne ses responsabilités en matière
de langues officielles et établit un processus de décision qui lui permettra
de s’assurer qu’elles feront toujours partie de ses priorités. Ce document,
qui est en quelque sorte une liste de contrôle, constitue l’engagement du
gouvernement à consulter les communautés minoritaires; c’est aussi un
mécanisme de coordination qui rassemblera les ministres et les fonctionnaires
dans une équipe vouée à la mise en œuvre, à l’évaluation, au succès du
Plan d’action pour les langues officielles. Il y aura même un ministre, le
ministre responsable des langues officielles, qui s’en assurera au quotidien.
Pour en savoir plus, on pourra lire le chapitre 2, qui décrit ce cadre d’imputabilité,
et l’Annexe A, qui le reproduit.
En plus du cadre d’imputabilité, le Plan d’action comprend trois axes :
l’éducation, le développement des communautés et le bilinguisme à la
fonction publique fédérale.
Le premier axe : l’éducation. Il faut, d’ici dix ans, hausser la
proportion des étudiants admissibles inscrits dans les écoles francophones à
l’extérieur du Québec, de 68 % qu’elle est aujourd’hui, à 80 %. Il faut
doubler la proportion des jeunes Canadiens qui connaissent l’autre langue
officielle, la faisant passer d’ici dix ans de 24 % à 50 %. Un jeune Canadien
sur deux parlera anglais et français d’ici dix ans. C’est possible.
Il nous faudra assurer un enseignement de meilleure qualité et ce, tant pour
les communautés de langue officielle en situation minoritaire – francophones
comme anglophones – que pour l’apprentissage de la langue seconde; il nous
faudra aussi rendre cet enseignement plus accessible, augmenter le nombre d’enseignants
qualifiés, améliorer l’accès aux études postsecondaires, offrir plus de
programmes d’échanges et plus de bourses et accroître le nombre de moniteurs
de langue seconde.
À cette fin, le gouvernement du Canada investit, en financement additionnel
réparti sur cinq ans, 381,5 millions de dollars. La majeure partie sera
consacrée à un nouveau fonds, pour l’enseignement dans la langue de la
communauté minoritaire francophone ou anglophone, de 209 millions de
dollars.
Un autre nouveau fonds, créé pour l’enseignement de la langue seconde,
sera de 137 millions de dollars.
Grâce au deuxième axe, le développement des communautés, le gouvernement
s’assurera que l’usage de leur langue par les communautés ne sera pas
limité à l’école, mais qu’il rayonnera sur toute la vie communautaire. À
cette fin, le gouvernement investit dans les différents domaines clés.
- Pour appuyer le développement de la petite enfance : 22 millions de
dollars. C’est tellement important de commencer dès le plus jeune
âge.
- Dans le domaine de la santé : un investissement de 119 millions de
dollars, dont 75 millions pour la formation, 30 millions pour les soins
de santé primaires et 14 millions pour l’établissement de réseaux d’information
visant à faciliter les échanges entre professionnels de la santé. Les
communautés ont beaucoup insisté pour obtenir un tel investissement dans
le domaine de la santé.
- À cela s’ajoutent 44,4 millions de dollars pour le développement
économique, 43 millions pour l’accès à la justice dans les deux
langues officielles et 9 millions pour l’intégration des immigrants.
D’autres mesures décrites dans l’énoncé de politique permettront de
renforcer le partenariat du gouvernement du Canada avec les provinces, les
territoires et les communautés elles-mêmes. Si bien qu’en tout, en fonds
additionnels pour ce deuxième axe, le développement des communautés, le
gouvernement investit 269,3 millions de dollars répartis sur cinq ans.
Pour tout le Plan d’action, ce qui inclut une aide ciblée aux industries
de la langue, ainsi que le financement des nouvelles mesures pour le bilinguisme
dans la fonction publique que décrira maintenant Mme Robillard, le
gouvernement consacrera à ce nouvel élan donné à la dualité linguistique
canadienne la somme de 751 millions de dollars, répartis sur cinq ans.
À cet investissement de 751 millions de dollars, viendront s’ajouter les
initiatives complémentaires que le plan suscitera chez les autres gouvernements,
dans le secteur privé, dans les communautés et chez les autres partenaires.
Mais l’argent n’est rien sans la volonté et l’esprit d’équipe. Cet
esprit d’équipe, les Canadiens en sont animés, surtout nos jeunes, qui
veulent profiter pleinement du double héritage linguistique de leur pays. Le
gouvernement du Canada répond aux demandes des Canadiens par ce Plan d’action.
Il les invite à écrire le prochain acte de la fascinante aventure de notre
pays bilingue.
Cette équipe, elle est aussi faite de tous nos dévoués fonctionnaires.
Avec à leur tête la plus vaillante des capitaines, la présidente du Conseil
du Trésor, mon estimée collègue Mme Lucienne Robillard, que
nous allons bientôt entendre.
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