« L’Acadie pour toujours! »
Notes pour une allocution
de l’honorable Stéphane Dion
Président du Conseil privé et
ministre des Affaires intergouvernementales
Discours prononcé
à l’occasion de la Proclamation royale
reconnaissant le Grand Dérangement
Salle des banques et du commerce
Édifice du Centre, Colline du Parlement
Ottawa (Ontario)
Le 10 décembre 2003
L’allocution prononcée fait foi
Je suis fier de participer à la cérémonie d’aujourd’hui, que nous
devons surtout au Premier ministre, le très honorable Jean Chrétien, à
ma collègue, l’honorable Sheila Copps, et au président de la Société
nationale de l’Acadie, M. Euclide Chiasson.
J’en suis fier comme ministre, certainement, mais aussi comme ancien
professeur de l’Université de Moncton, la première université qui m’a
donné une chance professionnelle dans la vie.
En cette occasion solennelle, je tiens à faire la déclaration suivante :
L’Acadie pour toujours!
« Lorsqu’ils ont construit leurs charrettes, ils n’étaient que des
familles. À leur retour en Acadie, ils étaient un peuple. » (Antonine
Maillet)
Tant avec cette proclamation royale qu’avec les commémorations annuelles
qui suivront chaque 28 juillet, à compter de 2005, le gouvernement du Canada réitère
sa reconnaissance, de la façon la plus officielle qui soit, du fait historique
du Grand Dérangement.
Pourquoi le gouvernement fait-il cela? Parce qu’il s’est engagé à aider
les Canadiens à célébrer leurs réalisations et leur histoire, et que le
Grand Dérangement fait partie de cette histoire. Aussi parce que, dans les mots
de notre Gouverneure générale, il nous faut assumer « toute l’étendue
de l’histoire canadienne – ses triomphes autant que ses tragédies ».
Le gouvernement exprime ainsi son souhait que dans les livres d’histoire,
tout comme dans les musées nationaux, le drame de la Déportation, et surtout,
la renaissance héroïque du peuple acadien, soient enseignés à tous les
jeunes Canadiens d’aujourd’hui et des générations futures.
Parmi les personnalités politiques canadiennes, c’est peut-être Pierre
Elliott Trudeau qui a le mieux célébré cette résurrection nationale : « Les
Acadiens ayant été d’un seul coup éliminés, non seulement n’avaient-ils
plus droit de cité, mais la question même ne se posait plus. Ils avaient été
tout simplement rayés de la carte. (...) En reconquérant votre place au soleil,
vous n’avez pas permis aux anciennes querelles et aux injustices du passé de
perpétuer leur fiel et leur amertume. (...) C’est aujourd’hui que nous
vivons et que nous pouvons faire l’avenir. »
Oui, il faut tourner la page. Mais non pour l’oublier. Nous l’avons lue,
alors gardons-la en mémoire. Il serait même bon de la relire de temps en
temps, au moins une fois par année!, afin de méditer sur la contribution
remarquable du peuple acadien à l’édification du Canada et sur son aptitude
exemplaire à bâtir un avenir, fort des enseignements du passé.
Kierkegaard a écrit : « La vie doit être vécue en avant mais elle peut
seulement être comprise en arrière. » Il ne s’agit pas de s’enfermer
dans le passé, ni d’exiger des excuses de responsables qui n’existent plus.
Non, il s’agit de tirer du passé les enseignements qui nous aident à aller
de l’avant.
Et l’un de ces enseignements, valable pour tous les Canadiens, a été
justement souligné par le grand professeur acadien Donald Savoie : quand
un pays a su donner une seconde vie à un peuple, il se doit de toujours
demeurer une terre d’accueil et de refuge ou, dans les mots de Donald Savoie,
« un chez-soi pour repartir à neuf ».
Un autre enseignement est valable pour toute la planète : la tragédie de la
Déportation des Acadiens oppose fondamentalement, selon l’expression de
l’historienne Naomi Griffiths, « les droits des petits peuplements contre
les prétentions des grands empires ». Dans combien d’endroits dans le
monde d’aujourd’hui de tels drames se jouent-ils? Nous aurons l’occasion
d’y réfléchir, au moins une fois par année.
Ils y étaient au début. Ils sont revenus, c’est pour toujours. Vive
l’Acadie! Vive le Canada!
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