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Salle de presse

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Notes pour une allocution
de l'honorable Lucienne Robillard
Ministre des Affaires intergouvernementales
à l'occasion de la troisième Conférence internationale sur le fédéralisme
Bruxelles


Le text prononcé fait foi

Votre Altesse,
Monsieur le Premier Ministre,
Distingués invités,
Mesdames,
Messieurs,

Comme ministre des Affaires intergouvernementales du Canada, c'est avec un plaisir bien particulier que je me retrouve parmi vous, à l'occasion de cette Conférence internationale sur le fédéralisme, qui coïncide avec le 175e anniversaire de la Belgique. J'aimerais en premier lieu remercier les organisateurs de cet événement prestigieux, mais aussi souligner la présence parmi nous de représentants du Forum des fédérations. Depuis sa création, le Forum est devenu un important outil de réflexion pour nous, praticiens du fédéralisme.

Vous me permettrez d'entrer d'emblée dans le sujet dont je suis venue vous entretenir : l'expérience canadienne en matière de fédéralisme.. Voilà un exemple qui date de 1867 avec ses propres particularités et qui démontre la possibilité de renforcer l'unité, la force et la créativité d'un pays dans la diversité.

1) Un fédéralisme flexible et évolutif

Lorsque l'on jette un regard sur l'histoire de mon pays, on se rend vite compte que le fédéralisme s'est imposé à la sagesse de tous comme la formule la mieux adaptée aux besoins et aspirations de la population canadienne. La raison principale en est son exceptionnelle diversité, perceptible dans toutes les sphères de l'activité humaine : linguistique, culturelle, géographique, économique et sociale. On retrouve au Canada des peuples autochtones, avec un riche héritage. Une province majoritairement francophone, possédant une importante minorité anglophone, et une minorité francophone à la grandeur du pays. Et une population de nouveaux citoyens venant de partout au monde qui contribuent à enrichir notre culture et à changer le visage du Canada.

Dans ce contexte, notre pratique fédéraliste permet de créer un équilibre entre unité et diversité. En termes concrets, cela signifie : la poursuite d'objectifs nationaux et l'expression de notre diversité à l'échelle locale et régionale. Comme le monde et les besoins des citoyens sont en constante évolution, notre fédéralisme a dû constamment rechercher cet équilibre en s'adaptant aux mutations contemporaines.

La nature souple de notre fédéralisme favorise le développement de solutions aux défis de politique publique. Elle doit tenir compte des capacités variées des juridictions pour mettre en oeuvre les initiatives qui visent des objectifs communs. Ce fédéralisme flexible renforce le pays et l'aide à faire face aux défis auxquels il est confronté.

Bref, si j'avais à mettre en relief une cause de la réussite canadienne, je l'attribuerais à la flexibilité et au caractère évolutif de notre fédéralisme, de même qu'au pragmatisme qui en découle dans son application concrète.

2) Collaboration et partenariat

Cette réussite de la fédération canadienne se fonde sur un principe de base qui va de soi : dans un régime fédéral, il importe avant tout que les partenaires constitutionnels se respectent mutuellement. Ce principe étant établi, ils doivent ensuite chercher à entretenir des rapports harmonieux, empreints de tolérance, et de compromis. Un Canada fort se fonde sur des provinces fortes et un gouvernement fédéral fort, tant sur le plan économique, social, que culturel.

Les Canadiens et les Canadiennes exigent de leurs gouvernements une collaboration fructueuse et les meilleurs résultats possibles. Ils ont peu de patience avec les débats stériles. Ils veulent des résultats concrets, de la collaboration entre gouvernements et un équilibre entre une vision nationale et un partenariat qui reconnaît et respecte la diversité locale.

C'est cette approche, fondée sur nos lois et respectueuse des juridictions, qui nous a permis de doter notre pays de systèmes où les gouvernements, en vrais partenaires, contribuent à assurer aux citoyens des services comparables d'un bout du pays à l'autre, que ce soit dans le domaine de la santé ou de l'éducation post-secondaire.

La collaboration aussi signifie prendre des moyens complémentaires, différents mais synergiques, que ce soit en mettant nos compétences en commun ou encore nos ressources en commun. L'alignement de ces mesures évite les dédoublements tout en permettant l'atteinte d'objectifs partagés.

La collaboration va plus loin. Sur la scène mondiale, dans l'exercice de ses responsabilités uniques en matière de protection de la sécurité nationale, dans la poursuite d'une économie solide, libre de barrières, le Canada est plus fort et le rôle du gouvernement plus efficace si tous les partenaires de la fédération participent.

Un des défis de la collaboration est l'imputabilité. Le modèle auquel je crois assure que les citoyens puissent exercer leur propre jugement sur la performance de leurs gouvernements. C'est un modèle qui peut s'accommoder de toutes les formes de collaboration puisqu'il exige simplement la transparence. L'imputabilité des gouvernements envers leurs citoyens, et non des gouvernements entre eux, est le résultat de notre évolution depuis les premiers grands projets nationaux des années soixante, jusqu'aux ententes cadres comme celles sur la santé de l'automne dernier et celles sur la petite enfance depuis 2000. Il s'agit d'ailleurs d'une tendance observable à l'échelle internationale. Les citoyens, mieux éduqués et bénéficiant notamment d'une technologie plus sophistiquée, se montrent plus exigeants en ce qui a trait à l'imputabilité des gouvernements à leur endroit. Dans le secteur privé, les attentes accrues des actionnaires sont le reflet de ce même phénomène.

A tous ces égards, il existe de riches expériences au Canada. Nos modèles de financement, nos lois, nos pratiques de concertation intergouvernementales sont très développés même s'ils revêtent un caractère non institutionnel. Nous avons de nombreuses tables de concertation qui n'ont aucun statut légal ou constitutionnel mais qui permettent d'en arriver ensemble à des consensus sur les buts que nous voulons atteindre en commun, sur les options pour y arriver, et sur la mise en oeuvre de nos plans. Que ce soit dans le domaine de l'agriculture, du commerce intérieur, de la sécurité publique, des services sociaux, ou de l'immigration, nos tables fédérales-provinciales-territoriales sont un lieu privilégié de collaboration. Malgré les divergences de vue ou peut-être justement parce que la diversité canadienne y donne lieu inévitablement, ces mécanismes nous permettent de trouver les solutions, de faire les compromis et de mieux servir les citoyens. Par ailleurs, depuis décembre 2003, les provinces et territoires se sont dotés d'un nouveau mécanisme, le Conseil de la Fédération, une initiative qui renforce leur capacité de travailler en commun et favorise des rapports fructueux entre les gouvernements qui sont fondés sur le respect de la constitution et la reconnaissance de la diversité au sein de la fédération.

3) Réalités contemporaines

Qu'y a-t-il de nouveau dans ce que je décris? L'évolution est parfois ponctuée de moments déterminants. Certains diraient que l'un de ces moments est survenu lors de la récente signature d'une entente sur la santé à laquelle tous les gouvernements ont souscrit et qui a donné un nom à la souplesse : le fédéralisme asymétrique. C'est un aspect de notre fédération qui est bien ancré dans nos deux traditions légales, civiliste et de droit commun, dans nos deux langues officielles, dans de nombreuses pratiques où la spécificité des provinces et des régions nous ont mené à conclure des ententes particulières plutôt qu'une entente multilatérale. La mention explicite de cette étiquette a été reçue de façon perplexe dans certains milieux, allant même jusqu'à une remise en question de cette approche, pourtant essentielle au bon fonctionnement de notre fédération. Avec nos partenaires, nous devrons nous assurer que nous préservons l'essence de l'asymétrie qui favorise le développement de moyens flexibles pour atteindre des buts communs.

Un autre élément d'actualité dans notre fédération est le questionnement sur les modalités de partage des ressources financières. Depuis 10 ans, nous avons réussi à éliminer le déficit fédéral et nous avons diminué la dette nationale. Le 23 février dernier, notre ministre des Finances nous apprenait que le budget du gouvernement canadien était équilibré pour une 8ième année consécutive. Notre économie est performante et a permis d'améliorer le niveau de vie des Canadiens et Canadiennes, de créer des emplois, de maintenir les taux d'intérêt à des niveaux très bas. Toutes les parties du pays en ont bénéficié mais pas toutes dans la même mesure. Ceci a permis au gouvernement fédéral de réinvestir dans des domaines où les pressions étaient grandes, notamment en matière de santé et dans le programme de péréquation. La péréquation est l'outil privilégié, enchâssé dans notre constitution, qui vise à assurer que chaque province puisse offrir des services publics comparables malgré des différences de capacité fiscale. Le principe même de partage n'est pas remis en question et l'engagement du gouvernement fédéral envers ce fondement de notre fédération n'est pas diminué. Mais les points de vue sont variés. Les nombreuses démarches qui ont été entreprises pour éclaircir la question, tant au niveau provincial que fédéral, témoignent de l'ampleur de cet enjeu à l'heure actuelle au pays. Je suis confiante que la capacité de compromis et le respect qui font partie de nos traditions permettront d'arriver à un dénouement positif.

Il y a de plus un intérêt accru en ce qui a trait au rôle des provinces sur la scène internationale. Il existe déjà un riche canevas d'expériences sectorielles sur lequel on peut bâtir plus de cohérence. Le gouvernement du Canada est bien sûr l'interlocuteur des autres gouvernements nationaux et des organismes internationaux dont il est membre. Mais la participation active des provinces est essentielle afin que le Canada puisse répondre efficacement aux incidences domestiques des questions internationales. On doit voir le fédéralisme comme un atout qui renforce la voix du Canada dans le monde.

Tels sont, rapidement esquissés, certains traits du contexte dans lequel notre fédération continue d'évoluer, à se consolider et à grandir.

Conclusion

Un fédéralisme canadien adapté aux réalités du pays doit tenir compte des valeurs fondamentales qui unissent tous mes compatriotes : l'égalité, le respect de la diversité, l'équité, la dignité de l'être humain, la responsabilité individuelle, la protection des droits des minorités, la dualité linguistique, de même que notre solidarité et nos responsabilités les uns envers les autres.

C'est en combinant ces éléments que le Canada a su progresser, prospérer et assumer son destin national. À mes yeux, voilà ce qui fait du fédéralisme un système si bien adapté aux grands idéaux universels, aux enjeux de notre époque et à notre réalité canadienne.

Je vous remercie.

 

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Mise à jour : 2005-03-03  Avis importants