« Rétablir l'équilibre fiscal »
Notes pour une allocution
de l'honorable Michael D. Chong
Président du Conseil privé de la Reine pour le Canada,
ministre des Affaires intergouvernementales et
ministre des Sports
Chambre de Commerce de Trenton
Old Town Hall
Trenton (Ontario)
Le 19 juillet 2006
L'allocution
prononcée fait foi
Bonjour.
J’aimerais vous parler aujourd’hui des plans de notre gouvernement pour rétablir l’équilibre fiscal et renouveler
le fédéralisme au Canada, un débat sur ce qu’on a appelé au cours des dernières années le « déséquilibre fiscal ».
La question est complexe et on peut facilement se perdre dans les détails et les chiffres. Je vais donc l'aborder
dans un langage clair et simple.
Avant de vous exposer les plans du gouvernement, j'aimerais vous présenter brièvement ma version de l'histoire
du fédéralisme canadien. Le fédéralisme est un système de gouvernement qui se compose d'au moins deux ordres de
gouvernement souverain constitutionnellement établis, chacun ayant ses champs de compétence propres. Par opposition,
un État unitaire n'a qu'un seul gouvernement souverain établi par la constitution.
Le Dominion du Canada a été créé par l'Acte de l'Amérique du Nord britannique (AANB) en 1867. Sir John A. Macdonald,
préconisait un État central fort semblable au gouvernement unitaire du Royaume-Uni ou de la France, tandis que Cartier,
Tupper et d'autres plaidaient en faveur d'un système fédéral. Macdonald s'est finalement rallié à l'idée du système de
gouvernement fédéral tel qu'il existe de nos jours, un système formé de deux ordres de gouvernement, un provincial et un
fédéral, chacun responsable de domaines différents. Si l'AANB était le résultat d'un compromis, le gouvernement fédéral
visé par les législateurs était beaucoup plus fort que celui que nous connaissons aujourd'hui.
Comment sommes-nous passés d'un gouvernement fédéral fort, en 1867, à une fédération plus décentralisée? Il y a
plusieurs façons d'expliquer ce phénomène, mais je parlerai de deux facteurs en particulier.
Premièrement, en 1867, la grande majorité des responsabilités gouvernementales incombait au parti au pouvoir à
Ottawa. Or depuis, les programmes sociaux dans des domaines comme la santé et l'éducation, qui relèvent des provinces,
ont connu une expansion fulgurante, en particulier après la Seconde Guerre mondiale. De plus, la migration des régions
rurales vers les régions urbaines a engendré un besoin d'investissements massifs dans les infrastructures provinciales
et municipales comme les routes et le transport en commun.
Deuxièmement, l'accroissement des responsabilités provinciales est lié aux décisions du Comité judiciaire du
Conseil privé du Royaume-Uni qui, jusqu'en 1949, était le plus haut tribunal du Canada. De nos jours, ce rôle est assumé
par la Cour suprême du Canada. Jusqu'en 1949, l'interprétation du partage constitutionnel des pouvoirs par
le Comité judiciaire avait tendance à favoriser les provinces au détriment du gouvernement fédéral.
Le Comité a créé des précédents selon lesquels, par exemple, les principaux pouvoirs fédéraux, tels les pouvoirs
« résiduels » et celui qui touche au commerce, ont été interprétés de façon stricte, et selon lesquels la compétence des
provinces concernant « la propriété et les droits civils », s'est vu attribuer une acceptation large, ce qui donnera
naissance à toutes fins pratiques à une autre forme de pouvoir résiduel.
Cela dit, en dépit d'une fédération moderne fortement décentralisée, la Constitution confère au gouvernement
fédéral un pouvoir obscur très important, soit le « pouvoir de dépenser », bien qu'elle ne le mentionne pas expressément.
Au fil des ans, il est devenu courant pour les deux ordres de gouvernement d'effectuer des dépenses dans des domaines où
ils ne peuvent légiférer. Ce pouvoir a été utilisé pour mettre en oeuvre des priorités communes dans des champs de
compétence provinciale, dont les soins de santé, l'éducation postsecondaire, la formation et le logement. Les transferts
fédéraux sont l'un des principaux mécanismes utilisés par le gouvernement fédéral pour effectuer des dépenses dans des
domaines de compétence provinciale, transferts qui, aujourd'hui, constituent l'une des sources de revenus appréciables
de certaines provinces. Malheureusement, ces transferts ont souvent fait l'objet de tensions plutôt que d'un débat
constructif.
Considérant ce survol historique, j'aimerais souligner ce que j'estime être les cinq grandes causes du déséquilibre
fiscal au sein de la fédération canadienne.
D'abord, les excédents budgétaires fédéraux considérables et non planifiés des dernières années ont contribué au
phénomène du déséquilibre fiscal. Même si le recouvrement de la santé financière du Canada est en soi une bonne nouvelle,
le gouvernement fédéral a fait montre de peu de transparence devant le Parlement, les Canadiens et les autres ordres de
gouvernement à l'égard des surplus fédéraux plus importants que prévus réalisés au cours des huit dernières années.
Ces excédents imprévus ont incité le gouvernement fédéral à investir dans des secteurs de responsabilité
provinciale, souvent à l'encontre des priorités et des politiques des provinces. Vu que les récents surplus fédéraux
étaient en bonne partie non planifiés, ils se sont soldés par d'énormes dépenses en fin d'exercice qui n'étaient pas
toujours précédées par l'annonce d'un cadre de politiques. Pour la plupart, ces dépenses touchaient souvent à des
domaines de compétence provinciale et étaient annoncées sans consultations préalables auprès des provinces et des
territoires.
En troisième lieu, le déséquilibre fiscal est également attribuable aux compressions effectuées par le gouvernement
fédéral dans les transferts aux provinces et aux territoires au milieu des années 1990. Même si, globalement,
les transferts fédéraux ont été rétablis à leurs niveaux d'avant les compressions, ces efforts ont surtout consisté
à assurer un financement prévisible à long terme pour les soins de santé, conformément aux priorités des Canadiens et
des Canadiennes. Par conséquent, d'autres secteurs, comme l'enseignement postsecondaire et la formation, n'ont pas
bénéficié d'un soutien fédéral prévisible à long terme.
Les ententes bilatérales conclues récemment entre le gouvernement précédent et divers territoires et provinces ont
aussi aggravé le déséquilibre fiscal. Ces ententes ponctuelles ont ébranlé la confiance des Canadiens, étant perçues comme
une atteinte au principe d'équité entre les provinces et les territoires.
Enfin, les querelles qui ont parfois marqué les relations entre les ordres de gouvernement sont également
responsables d'un déséquilibre au sein de la fédération. Les Canadiens nous ont dit vouloir que leurs gouvernements
mettent de côté leurs arguments en matière de compétences et qu'ils s'emploient à résoudre les questions qui les
préoccupent. Le temps est venu d'établir avec les provinces une relation nouvelle fondée sur l'ouverture,
la franchise et le respect.
Le gouvernement actuel considère que le rétablissement de l'équilibre fiscal doit reposer sur un ensemble de
principes. C'est pourquoi nous nous sommes donné les cinq principes directeurs suivants :
1) une reddition de comptes en fonction de rôles et de responsabilités clairement établis entre les ordres de
gouvernement;
2) une planification budgétaire responsable et transparente;
3) des arrangements fiscaux prévisibles à long terme;
4) la compétitivité et l'efficience de l'union économique;
5) une gestion efficace de la fédération dans un climat de collaboration.
S'inspirant de ces principes, notre gouvernement a déjà pris des mesures pour rétablir l'équilibre fiscal au Canada.
Le Budget 2006 prévoit des investissements dans les grands domaines de responsabilité fédérale, dont la défense nationale,
la sécurité à la frontière, les Autochtones, la GRC et la planification d'urgence et les préparatifs en cas de pandémie,
et il contient plus d'allégements fiscaux pour les particuliers que dans les quatre budgets fédéraux précédents mis ensemble.
Cependant, la tâche n'est pas terminée. Aussi, le Premier ministre entend proposer des mesures dès l'automne dans
quatre domaines clés en vue de les inclure dans le Budget 2007. Premièrement, il proposera une nouvelle approche pour
affecter les excédents fédéraux imprévus. Deuxièmement, il annoncera des programmes de péréquation et de la formule
de financement des territoires renouvelés et fondés sur des principes établis. Troisièmement, il proposera une nouvelle
approche visant à accorder une aide financière à long terme pour l'enseignement postsecondaire et la formation. Enfin,
il proposera un nouveau cadre de soutien du financement à long terme au titre des programmes d'infrastructure.
En terminant, j'aimerais répondre aux préoccupations exprimées dans notre province au sujet de l'écart fiscal.
Dans une fédération comme la nôtre, les disparités économiques régionales résultant d'une panoplie de facteurs
peuvent entraîner des différences d'équilibre entre les recettes et les dépenses d'une région à l'autre.
En raison de leurs revenus relativement plus élevés, les citoyens et les entreprises des provinces mieux nanties,
comme l'Ontario, contribuent davantage aux recettes fédérales que ce qu'elles ne reçoivent des programmes fédéraux.
Ce que certains appellent l'« écart » de l'Ontario s'explique par la plus grande prospérité de cette province par
rapport à la plupart des autres, et découle essentiellement de ses revenus supérieurs à la moyenne et de son
admissibilité inférieure à la moyenne aux programmes fédéraux fondés sur le revenu ou les besoins.
Notre gouvernement est néanmoins résolu à faire davantage au cours de la prochaine année. Il souhaite engager
les Canadiens, les gouvernements provinciaux et territoriaux, les universitaires et les spécialistes du Canada dans
un dialogue sur une relation fiscale plus ouverte, plus transparente et plus axée sur la coopération. Le gouvernement
de l'Ontario participera au processus de consultation relatif au programme de péréquation, et ses vues seront entendues.
Comme vous pouvez le constater, le déséquilibre fiscal est une question complexe, et tous les ordres de
gouvernement doivent avoir la volonté de collaborer afin de trouver des solutions tangibles et efficaces pour assurer
le bien-être de tous les Canadiens. Nous ne devons pas oublier que la qualité de vie enviable dont nous jouissons est
intimement liée au bon fonctionnement de la fédération. C’est pourquoi le débat actuel n’est pas seulement une question
de chiffres, de structures ou de mécanismes de financement, mais a aussi un visage humain.
Même si ce débat peut être assez technique, il est au coeur de notre fédération et des valeurs qu'elle sous-tend,
à savoir, la solidarité, la générosité, le partage et l'équité. Les grands transferts fédéraux – le Transfert canadien en
matière de santé, le Transfert canadien en matière de programmes sociaux, le programme de péréquation et la formule de
financement des territoires – sont conçus expressément pour assurer des services de qualité comparable à tous les Canadiens.
À titre d'exemple, le régime d'assurance-maladie du Canada garantit un accès universel à des services de santé de
haute qualité pour tous les Canadiens, peu importe leur lieu de résidence ou leur situation financière, de manière à ce
qu'il n'y ait aucun obstacle financier à des soins de qualité. Bien qu'il s'agisse d'un domaine de compétence provinciale
et territoriale, l'éducation jouit d'un appui financier important du gouvernement fédéral par le truchement des
gouvernements provinciaux et territoriaux de même que d'un soutien direct au moyen de prêts et de bourses aux étudiants,
afin que l'enseignement postsecondaire soit accessible à tous les Canadiens. La péréquation permet de s'assurer que les
Canadiens de toutes les régions du pays ont accès à des services publics à un niveau de qualité et de fiscalité
sensiblement comparables.
Ce système de programmes fédéraux et de fiscalité témoigne des valeurs d'aide et de partage qui nous sont
chères en tant que Canadiens. Nous ne devons pas les perdre de vue à mesure que nous avançons dans notre démarche.
En conclusion, nous savons que l'objectif de rétablir l'équilibre fiscal est ambitieux. Nous devons toutefois
reconnaître que la collaboration fédérale-provinciale-territoriale est la meilleure garantie de notre progrès et de
notre prospérité futurs, et cela, peu importe s'il s'agit de résoudre le problème du déséquilibre fiscal ou toute
autre question. Soyez assurés que le nouveau gouvernement du Canada est solidement engagé dans cette voie.
En bref, le rétablissement de l’équilibre fiscal nécessitera une étroite collaboration avec nos partenaires
de la Confédération. Il faudra faire preuve d’ouverture et bien comprendre que nous profiterons tous d’une fédération
économique plus efficace.
Merci
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