DEVANT LE COMITÉ DU SÉNAT SUR LE PROJET DE LOI SUR LA CLARTÉ, LE MINISTRE DION AFFIRME QU'UN PAYS DÉMOCRATIQUE COMME LE CANADA DOIT S'ASSURER QU'UNE SÉCESSION UNILATÉRALE SOIT EXCLUE
OTTAWA (ONTARIO), le 29 mai 2000 – Au cours de son témoignage devant
le comité spécial sénatorial sur le projet de loi C-20, l'honorable Stéphane
Dion, Président du Conseil privé et ministre des Affaires
intergouvernementales, a rappelé que ce projet de loi, conforme à l'avis de la
Cour suprême du Canada sur le Renvoi sur la sécession du Québec
rendu le 20 août 1998, vise à protéger les droits de tous les Canadiens et
respecte les rôles des deux Chambres du Parlement du Canada dans nos traditions
parlementaires.
Le Ministre a d'abord abordé la question de la divisibilité du Canada. « Je comprends, pour l'éprouver moi-même, cet attachement profond à notre pays qui nous fait espérer que jamais il n'aura à être divisé. Mais le fait est que le Canada n'est pas indivisible sur le plan juridique. La Cour suprême l'a confirmé. » Il a précisé que, conformément à cet avis de la Cour suprême, la divisibilité du Canada ne serait acceptable que dans des conditions de clarté et ne pourrait s'effectuer que par un amendement constitutionnel.
Le Ministre a rappelé qu'aucun des principaux partis politiques du Canada ne prône que le Québec devrait continuer à faire partie du Canada contre la volonté clairement exprimée des Québécois. Et il a tenu à préciser que : « Si nous les Canadiens admettons la divisibilité de notre pays, ce n'est pas parce que nous jugeons notre citoyenneté moins empreinte de valeurs que celles des autres pays. Au contraire, c'est que nous estimons notre appartenance au Canada au point que nous ne pouvons concevoir qu'elle puisse reposer sur autre chose que sur l'adhésion volontaire. »
Le Ministre a ensuite réfuté l'argument selon lequel le gouvernement du Canada ne serait pas tenu de respecter l'avis. Il a cité les points de vue de la Cour suprême ainsi que ceux des grands experts canadiens en droit constitutionnel qui permettent de conclure qu' : « Un avis de la Cour suprême du Canada, rendu dans le cadre d'un renvoi a donc en pratique la même portée juridique que tout jugement de cette Cour. Une décision d'un gouvernement qui irait à l'encontre d'un tel avis serait presque certainement contestée avec succès devant les tribunaux. » Il a ajouté que l'avis s'applique à tous les acteurs constitutionnels au Canada, y compris au gouvernement du Québec.
Le Ministre a ensuite affirmé que : « C-20 est tout à fait applicable. C'est la déclaration unilatérale d'indépendance qui ne l'est pas. » Il a noté que si la Cour ne peut écarter à priori qu'un gouvernement indépendantiste puisse être irresponsable au point de procéder à une tentative de sécession unilatérale, elle a précisé qu'une telle tentative s'effectuerait sans « le couvert d'un droit juridique ». « Aussi faut-il demander au gouvernement de M. Bouchard, comment, en l'absence d'un droit juridique, il pourrait retirer unilatéralement le Canada à des millions de Québécois qui voudraient le garder et seraient en droit de le garder? Comment ferait-il pour obtenir le respect de son autorité si lui-même sortait du droit? » a-t-il fait remarquer.
M. Dion a aussi rappelé que la communauté internationale fait preuve d'une grande réticence lorsqu'il s'agit de reconnaître des sécessions unilatérales. Et la Cour a tenu compte de cette réticence en évaluant de façon très prudente le rôle de la communauté internationale : « Aussi bien, ceux de nos concitoyens qui optent pour la sécession du Québec ne devraient pas compter sur une reconnaissance internationale qui s'exercerait à l'encontre de la volonté de l'État canadien. (...) Ils devraient miser sur les valeurs de tolérance que nous partageons tous au Canada et qui nous seraient plus que jamais nécessaires si nous avions à mener ces négociations pénibles et difficiles », a noté le Ministre.
Il a tenu à affirmer que le projet de loi sur la clarté respecte pleinement le rôle que joue le Sénat dans notre régime parlementaire. « Il est tout à fait approprié que le projet de loi sur la clarté ne confère pas au Sénat le même rôle qu'à la Chambre des communes. (...) En assignant au Sénat et à la Chambre des communes des rôles différents, le projet de loi sur la clarté ne crée en aucune façon un précédent. Il arrive que les deux Chambres n'aient pas le même rôle à jouer et ce, pour d'excellentes raisons », a-t-il ajouté.
Le Ministre a expliqué que, si la Chambre des communes s'oppose à ce que le gouvernement engage des négociations constitutionnelles sur quelque question constitutionnelle que ce soit, elle peut défaire le gouvernement par un vote de non-confiance. Le Sénat n'a pas ce pouvoir. M. Dion a précisé que le projet de loi reconnaît que la décision d'engager des négociations sur la sécession aurait des conséquences graves et pour cette raison il oblige le gouvernement du Canada à s'assurer au préalable de la confiance de la Chambre des communes.
Le Ministre a expliqué que le projet de loi sur la clarté impose cependant à la Chambre des communes l=obligation de tenir compte des déclarations ou résolutions officielles du Sénat sur la clarté de la question et de la majorité. Il a fait valoir qu'attribuer au Sénat un rôle déterminant dans l'évaluation de la clarté lui conférerait un pouvoir additionnel de bloquer un amendement constitutionnel, « pouvoir qu'il n'a pas présentement dans notre régime parlementaire ».
M. Dion a conclu en rappelant sa conviction profonde que c'est la clarté qui est l'alliée de l'unité canadienne et non l'ambiguïté, qu'à une question claire les Québécois répondront toujours qu'ils veulent rester Canadiens et qu'un pays démocratique comme le Canada a le droit, le devoir et les moyens pacifiques de s'assurer qu'une sécession unilatérale soit exclue. Il a ensuite invité les sénateurs à voter en faveur du projet de loi sur la clarté et à ainsi contribuer à renforcer l'unité de notre pays.
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