Chambre de commerce de Laval
La quatrième année du mandat du gouvernement que j'ai l'honneur de diriger est déjà bien entamée. J'aimerais aujourd'hui vous parler de ce que nous avons accompli depuis 1993, et vous dire comment j'envisage l'avenir de notre pays.
Quand j'évoque mes 30 années et plus de vie publique, souvent je me rends compte que les problèmes du moment nous accaparent tellement qu'on en perd parfois le sens de la perspective. Et je crois qu'il ne faut surtout pas perdre de vue nos plus grandes réalisations.
Quand je vois ce que nous avons fait ensemble, la distance que nous avons parcourue et le modèle que nous avons créé, je comprends pourquoi notre pays est le meilleur. Je crois profondément que les Canadiens et les Canadiennes, dans toute leur diversité ont bâti un pays vraiment remarquable et unique au monde.
Je voudrais que chacun de mes concitoyens puisse partager les expériences que j'ai connues lors de mes rencontres avec des dirigeants et des citoyens de toutes les régions du monde. Notre pays a une réputation extraordinaire. Nous sommes vraiment considérés comme un modèle, en raison tant du rôle que nous jouons sur la scène mondiale que de la société que nous avons créée. Ce qui distingue le Canada, c'est que sa réussite matérielle repose sur l'édification d'une société généreuse à l'endroit de tous ses citoyens et fière de sa diversité et de sa tolérance.
Cela dit, il ne fait pas de doute que, lorsque nous avons formé le gouvernement, notre pays vivait un déclin économique. Comme le paiement des intérêts de la dette accaparait une part de plus en plus grande de la richesse nationale, nous avions de moins en moins de latitude pour décider de notre avenir et répondre aux besoins collectifs. L'état de nos finances était l'un des pires parmi les pays les plus avancés. Vous vous rappelez sans doute fort bien qu'ici, au Québec en 1995, les tenants de la séparation disaient que le Canada est en faillite, et sans avenir.
Il y a quatre ans, nous étions aux prises avec un cercle vicieux d'accroissement de la dette, de coûts d'intérêt élevés, de faible confiance en l'économie et de limitation des ressources gouvernementales applicables aux programmes. Il fallait des mesures radicales pour rétablir la santé financière et économique du Canada. Et c'est ce que nous avons fait, selon moi. Grâce aux quatre budgets de Paul Martin, nous avons rétabli la confiance dans le Canada ; nous avons rétabli la confiance dans la façon dont le gouvernement fédéral fait les choses ; nous avons rétabli notre souveraineté économique ; et nous sommes redevenus libres de décider de notre avenir, comme pays et comme société. Ce ne sera plus Wall Street qui pourrait nous forcer la main.
La clé de notre approche a consisté en une planification soigneuse, et même prudente, pour assurer l'atteinte de nos objectifs. Et nous nous sommes fixé des buts à la fois ambitieux et réalistes. Nous savions que l'adaptation à la réduction des dépenses serait pénible et nous voulions donner aux contribuables, aux provinces et à l'économie le temps voulu pour s'y habituer.
Je sais parfaitement combien les mesures financières que nous avons prises ont été difficiles pour les Canadiens et pour nos partenaires des provinces. Mais nous avons fait tout en notre pouvoir pour répartir équitablement nos compressions : en fait, les réductions les plus fortes ont presque toutes été effectuées dans les dépenses de programmes fédéraux directs, comme les subventions aux entreprises, les programmes de transport, les subventions à l'agriculture, la défense et l'aide à l'étranger. Les Canadiens qui dépendaient directement des programmes de soutien du revenu du gouvernement fédéral ont été protégés. C'est le cas des retraités par exemple. Et nous avons veillé à ce que les compressions apportées à nos propres programmes dépassent les réductions de nos transferts aux provinces.
Les avantages de cette stratégie sont manifestes. Nous voyons renaître la confiance des entreprises, des consommateurs et des prêteurs. Le regain de confiance de ces derniers, en particulier, a eu des effets spectaculaires. Ainsi, au cours des deux dernières années, les taux d'intérêt ont diminué de près de 5 points et demi. Depuis 20 ans, les taux d'intérêt à court terme ont été en moyenne supérieurs de deux points au Canada à ce qu'ils étaient aux États-Unis. Mais au moment même où je vous parle, les taux canadiens sont d'environ deux points et quart inférieurs aux taux américains. L'abaissement des taux d'intérêt se répercute sur les finances publiques et aide les gouvernements tant fédéral que provinciaux à maîtriser leur situation financière. Les bas taux d'intérêt actuels font économiser au gouvernement du Québec des centaines de millions de dollars en intérêt sur sa dette. L'ancien cercle vicieux est devenu un «cercle vertueux».
Le Canada a maintenant repris une place d'honneur parmi les pays et les économies bien gérés du monde. Le quotidien français Libération affirmait récemment que «les experts n'hésitent plus à parler du miracle canadien». Et le respecté Financial Times, de Londres, écrivait sur le Canada : «Considérez les faits saillants : une diminution record des emprunts publics, des taux d'intérêt à la baisse, une faible inflation et, surtout, une reprise longtemps attendue de la croissance économique... Cela semble trop beau pour être vrai. Et pourtant, c'est généralement considéré comme trop pessimiste.»
Bien que le taux de chômage soit encore trop élevé, notre économie crée de nouveaux emplois à plein temps. De fait, elle a produit plus de 700 000 emplois depuis que notre gouvernement est en place. La plupart des économistes prévoient que l'économie canadienne créera plus de 300 000 nouveaux emplois cette année et autant l'an prochain. Et nous allons poursuivre nos efforts pour créer des conditions favorables à l'accroissement du nombre d'emplois offerts aux Canadiens.
Des taux d'intérêt bas constituent le meilleur outil de création d'emplois possible. Nous verrons cette année les bénéfices réels de nos politiques qui ont amené la baisse des taux d'intérêt. Ces bas taux d'intérêt ont mis beaucoup plus d'argent entre les mains des consommateurs et des entreprises que ne l'aurait fait n'importe quelle baisse de taxes ou d'impôt.
D'ici 1998-1999, le Canada aura un léger excédent au chapitre de ses besoins d'emprunt nets. L'année 1969-1970 a marqué la dernière fois où les besoins financiers du gouvernement fédéral ont été en équilibre. La plupart des pays industrialisés verraient dans cette situation financière l'indice d'un budget équilibré. Et nous sommes très fiers de pouvoir dire que le Canada sera le seul pays du G7 à avoir atteint ce but.
A l'aube du XXIe siècle, il est juste de dire que le Canada est bien placé pour tirer parti de ce que le prochain siècle peut offrir. Ensemble, nous avons accepté le défi de créer des possibilités pour nous-mêmes et pour nos enfants. Ensemble, nous nous sommes prouvé, encore une fois, que nous étions capables de faire cause commune pour relever les défis.
Ce que nous avons accompli ensemble est important en soi. Fixer des objectifs est une chose. Les atteindre en est une autre. Mais nous avons réussi, et c'est ce qui nous permet de reprendre confiance en nous. Les Canadiens ont maintenant de bonnes raisons d'envisager l'avenir avec optimisme.
Le travail de redressement de nos finances n'est pas encore terminé, et nous devons donc maintenir la trajectoire de notre politique budgétaire. Comme d'autres qui le font en ce moment avec une certaine légèreté, j'aimerais bien moi aussi pouvoir promettre des réductions d'impôt. Mais nous n'en sommes pas encore là, même si on voit enfin la lumière au bout du tunnel. Nous nous rapprochons du moment où nous pourrons investir davantage dans les domaines prioritaires comme la pauvreté des enfants, la santé et l'élargissement de la base de connaissances de notre société.
Gouverner, c'est faire des choix. Choisir, c'est décider des priorités. Les priorités, en bout de ligne, reflètent des valeurs. Par exemple, dans le dernier budget Martin, nous avons annoncé des réductions d'impôt sélectives en faveur des familles à faible revenu, des organismes de bienfaisance, des personnes handicapées, des étudiants et des travailleurs qui poursuivent des études supérieures, ainsi que des parents qui économisent en vue des études de leurs enfants.
Certains proposent aujourd'hui des réductions immédiates d'impôt qui favoriseront ceux qui ont le moins besoin d'aide et des compressions de programmes qui affecteront ceux qui ont le plus besoin d'aide. Mais ce ne sont pas là nos valeurs, ni nos priorités.
Nous savons que l'avenir appartient aux sociétés dont l'économie est saine, dont les enfants sont bien préparés, dont la population est en santé et qui investissent dans le savoir, l'apprentissage et l'innovation. Ce sont là nos valeurs. Ce sont là nos priorités. C'est là que nous investirons d'abord nos ressources limitées. Nous ne couperons pas les programmes dont les Canadiens ont besoin ; nous ne réduirons pas les impôts de ceux qui en ont le moins besoin avant d'avoir fait les investissements qu'il faut pour que notre pays puisse entrer de plain-pied dans le XXIe siècle.
Au Québec, les avantages de l'abaissement des taux d'intérêt et de la croissance économique qui se produit d'un bout à l'autre du Canada se font sentir à la fois directement et indirectement. Nous ne devons pas oublier que 21 % de l'activité économique du Québec est axée sur les ventes au reste du Canada. Notre économie provinciale est 15 fois plus intégrée à l'économie du reste du Canada qu'à celle de nos voisins américains. Pour nous, Québécois, c'est l'un des nombreux avantages d'être Canadiens.
Malheureusement, à certains égards, le Québec est en retard sur la majeure partie du Canada. Cela tient à diverses raisons, dont beaucoup sont d'ordre politique. Le gouvernement du Québec a été plus lent que celui des autres provinces à réagir au besoin de redresser ses finances. Il n'y a pas de doute que le référendum de 1995 a considérablement retardé l'inévitable. Mais le gouvernement du Québec prend maintenant les moyens pour remettre de l'ordre dans ses finances. Cependant, on ne peut douter que la menace persistante d'un autre référendum nuit à la confiance des investisseurs et des consommateurs et contribue à maintenir au Québec un taux de chômage beaucoup plus élevé que dans l'ensemble du Canada.
De notre côté, nous avons tiré des enseignements de cette période de grande tension et d'instabilité que nous avons vécue en 1995. Depuis, nous faisons de notre mieux pour que notre pays évolue de manière à nous éviter collectivement les angoisses et les conséquences d'un autre référendum.
Dans tout ce que nous faisons, nous nous fondons sur le grand principe voulant que le gouvernement ait pour obligation de tout mettre en oeuvre pour répondre aux besoins des Canadiens. Notre philosophie du fédéralisme est que la collaboration entre les différents ordres de gouvernement au Canada est nécessaire pour répondre le mieux possible à leurs besoins. Nous sommes conscients que les gens de ce pays s'attendent à ce que leurs gouvernements relèvent les défis posés ensemble, sans se chicaner continuellement.
C'est tout particulièrement dans cet esprit que mon gouvernement travaille pour réformer et améliorer davantage le Canada.
Il existe une foule d'exemples de ce que, nous, Canadiens, avons pu réaliser quand nous avons choisi de travailler de concert, quand les gouvernements ont décidé de collaborer entre eux, dans l'intérêt de tous. Grâce aux missions d'Équipe Canada, nous avons pu ouvrir de nouveaux marchés, attirer des investissements et créer des emplois. Et je crois que les Québécois sont heureux de constater que leurs gouvernements, à Québec et Ottawa, peuvent travailler ensemble pour régler des questions économiques.
Nous avons pu rétablir la confiance autour de la création d'emplois grâce, notamment, au programme d'infrastructure fédéral, provincial et municipal. Comme vous le savez, nous avons prolongé ce programme d'une autre année. Et je crois encore une fois que les Québécois sont heureux de voir que nous avons joint nos efforts pour faire progresser ce dossier.
Nous avons été capables de protéger nos régimes de pension publics à la suite d'une entente conclue entre le gouvernement fédéral et les provinces. Garantir une pension aux retraités au cours des prochaines décennies est un défi qu'essaient de relever plusieurs gouvernements dans le monde. Nous, au Canada, nous y sommes parvenus. C'est là une réalisation extraordinaire. Je crois que les Québécois sont satisfaits de voir que nos gouvernements ont pris ensemble les décisions qui s'imposaient pour y arriver.
Nous avons pu rationaliser la fonction publique et réduire le dédoublement et les chevauchements coûteux dans différents domaines comme l'environnement, le logement social, les forêts et les mines. Je crois que les Québécois sont heureux de constater que leurs gouvernements ont collaboré dans ces dossiers.
Dans le dossier de la formation de la main-d'oeuvre, nous avons déjà signé des ententes avec trois provinces. Une quatrième est sur le point d'en faire autant. Et je suis convaincu que nous sommes en mesure de signer une entente avec le Québec qui nous permettra de régler une fois pour toutes ce dossier, tel que les gouvernements successifs du Québec le demandent depuis de nombreuses années. Tous les éléments sont réunis pour le faire et nous croyons que, dans l'intérêt des travailleurs et des travailleuses du Québec, le plus tôt sera le mieux.
Enfin, grâce toujours à la collaboration fédérale-provinciale, nous pouvons maintenant commencer à aider beaucoup de nos enfants à sortir de la pauvreté et à s'épanouir. Je crois qu'il est important pour les Québécois que les gouvernements s'attachent, ensemble, à régler les véritables problèmes des familles avec enfants à faible revenu.
Je viens juste de démontrer que nous sommes capables de travailler ensemble ; que, de concert, nous pouvons régler des problèmes, que nous avons fait de réels progrès ensemble; que le Canada marche bien et qu'il est capable de faire encore mieux si nous continuons de collaborer.
La force et l'unité de ce pays ne tiennent pas à la seule Constitution. Ce qui cimente ce pays, c'est une économie forte et prospère ; c'est cette terre de liberté où tous les espoirs sont permis, cette terre où les gens se sentent en sécurité et sont respectés par-delà leurs différences. C'est également une société démocratique qui affirme et soutient les valeurs communes que sont la tolérance, la générosité, l'équité, la compassion et le respect de la diversité. C'est ça être Canadien.
Et c'est aussi pourquoi, nous, les Québécois, pouvons avoir un sens aigu de notre identité et la fierté d'être Québécois, tout en ressentant également une immense fierté à l'égard du Canada et du fait d'être Canadiens. Et l'un n'a jamais eu besoin d'exclure l'autre.
Ainsi, bien que l'immense valeur de ce pays ne réside pas dans sa seule Constitution, la modernisation du Canada doit aussi s'y intéresser. Comme vous le savez sans doute, le gouvernement du Canada ne peut modifier seul la Constitution. Les provinces doivent y participer. Vous savez également que le gouvernement péquiste ne veut pas parler de constitution, et encore moins participer à la réforme de la fédération. Cette attitude négative limite ce que nous pouvons faire sur le plan constitutionnel, mais ne nous empêche pas d'aller de l'avant en pratique sur beaucoup d'autres plans.
C'est pourquoi peu après le référendum, le Parlement a adopté une loi garantissant au Québec et aux quatre autres régions du pays un droit de veto sur les changements constitutionnels les concernant. La Chambre des communes a également adopté une résolution reconnaissant que le Québec forme une société distincte. Les mesures que nous avons prises sur le droit de veto et la société distincte ont donné suite aux engagements que j'ai pris à Verdun le 24 octobre 1995.
Mais j'ai répété plusieurs fois que je souhaite faire plus et enchâsser ces mesures dans la Constitution dès que possible, notamment lorsque le Québec y consentira enfin. Entre-temps, avec les gouvernements des provinces et des territoires, le gouvernement fédéral continuera d'améliorer, étape par étape, cette fédération qui nous sert déjà si bien.
Si je devais choisir deux mots pour résumer l'essentiel du message que je veux vous transmettre aujourd'hui, je choisirais confiance et détermination.
Confiance que le Canada est en voie de mettre de l'ordre dans ses affaires et qu'il sera en bonne position pour entreprendre le prochain siècle. Confiance que la générosité, le souffle et la vision du Canada lui permettront de demeurer un modèle pour la communauté internationale. Confiance que la souplesse et la flexibilité de notre système fédéral continueront à bien nous servir.
Et détermination à atteindre le plein potentiel de notre pays. Détermination à ne rien tenir pour acquis. Détermination à apporter les réformes qui amélioreront le fonctionnement du Canada. Détermination à adapter notre pays aux nouvelles réalités du XXIe siècle. Détermination à célébrer les réalisations du Canada. Détermination à accroître la solidarité entre les Canadiens. Détermination à représenter et à promouvoir ces valeurs qui nous définissent et nous unissent. Détermination à garder le Canada uni. Détermination à ce que le Canada demeure le meilleur pays au monde.