Chambre de commerce de Laval
Le 25 mars 1997
Laval (Québec)
La quatrième année du mandat du gouvernement que
j'ai l'honneur de diriger est déjà bien entamée.
J'aimerais aujourd'hui vous parler de ce que nous avons accompli
depuis 1993, et vous dire comment j'envisage l'avenir de notre
pays.
Quand j'évoque mes 30 années et plus de vie publique,
souvent je me rends compte que les problèmes du moment
nous accaparent tellement qu'on en perd parfois le sens de la
perspective. Et je crois qu'il ne faut surtout pas perdre de vue
nos plus grandes réalisations.
Quand je vois ce que nous avons fait ensemble, la distance que
nous avons parcourue et le modèle que nous avons créé,
je comprends pourquoi notre pays est le meilleur. Je crois profondément
que les Canadiens et les Canadiennes, dans toute leur diversité
ont bâti un pays vraiment remarquable et unique au monde.
Je voudrais que chacun de mes concitoyens puisse partager les
expériences que j'ai connues lors de mes rencontres avec
des dirigeants et des citoyens de toutes les régions du
monde. Notre pays a une réputation extraordinaire. Nous
sommes vraiment considérés comme un modèle,
en raison tant du rôle que nous jouons sur la scène
mondiale que de la société que nous avons créée.
Ce qui distingue le Canada, c'est que sa réussite matérielle
repose sur l'édification d'une société généreuse
à l'endroit de tous ses citoyens et fière de sa
diversité et de sa tolérance.
Cela dit, il ne fait pas de doute que, lorsque nous avons formé
le gouvernement, notre pays vivait un déclin économique.
Comme le paiement des intérêts de la dette accaparait
une part de plus en plus grande de la richesse nationale, nous
avions de moins en moins de latitude pour décider de notre
avenir et répondre aux besoins collectifs. L'état
de nos finances était l'un des pires parmi les pays les
plus avancés. Vous vous rappelez sans doute fort bien qu'ici,
au Québec en 1995, les tenants de la séparation
disaient que le Canada est en faillite, et sans avenir.
Il y a quatre ans, nous étions aux prises avec un cercle
vicieux d'accroissement de la dette, de coûts d'intérêt
élevés, de faible confiance en l'économie
et de limitation des ressources gouvernementales applicables aux
programmes. Il fallait des mesures radicales pour rétablir
la santé financière et économique du Canada.
Et c'est ce que nous avons fait, selon moi. Grâce aux quatre
budgets de Paul Martin, nous avons rétabli la confiance
dans le Canada ; nous avons rétabli la confiance dans la
façon dont le gouvernement fédéral fait les
choses ; nous avons rétabli notre souveraineté économique
; et nous sommes redevenus libres de décider de notre avenir,
comme pays et comme société. Ce ne sera plus Wall
Street qui pourrait nous forcer la main.
La clé de notre approche a consisté en une planification
soigneuse, et même prudente, pour assurer l'atteinte de
nos objectifs. Et nous nous sommes fixé des buts à
la fois ambitieux et réalistes. Nous savions que l'adaptation
à la réduction des dépenses serait pénible
et nous voulions donner aux contribuables, aux provinces et à
l'économie le temps voulu pour s'y habituer.
Je sais parfaitement combien les mesures financières que
nous avons prises ont été difficiles pour les Canadiens
et pour nos partenaires des provinces. Mais nous avons fait tout
en notre pouvoir pour répartir équitablement nos
compressions : en fait, les réductions les plus fortes
ont presque toutes été effectuées dans les
dépenses de programmes fédéraux directs,
comme les subventions aux entreprises, les programmes de transport,
les subventions à l'agriculture, la défense et l'aide
à l'étranger. Les Canadiens qui dépendaient
directement des programmes de soutien du revenu du gouvernement
fédéral ont été protégés.
C'est le cas des retraités par exemple. Et nous avons veillé
à ce que les compressions apportées à nos
propres programmes dépassent les réductions de nos
transferts aux provinces.
Les avantages de cette stratégie sont manifestes. Nous
voyons renaître la confiance des entreprises, des consommateurs
et des prêteurs. Le regain de confiance de ces derniers,
en particulier, a eu des effets spectaculaires. Ainsi, au cours
des deux dernières années, les taux d'intérêt
ont diminué de près de 5 points et demi. Depuis
20 ans, les taux d'intérêt à court terme ont
été en moyenne supérieurs de deux points
au Canada à ce qu'ils étaient aux États-Unis.
Mais au moment même où je vous parle, les taux canadiens
sont d'environ deux points et quart inférieurs aux taux
américains. L'abaissement des taux d'intérêt
se répercute sur les finances publiques et aide les gouvernements
tant fédéral que provinciaux à maîtriser
leur situation financière. Les bas taux d'intérêt
actuels font économiser au gouvernement du Québec
des centaines de millions de dollars en intérêt sur
sa dette. L'ancien cercle vicieux est devenu un «cercle vertueux».
Le Canada a maintenant repris une place d'honneur parmi les pays
et les économies bien gérés du monde. Le
quotidien français Libération affirmait récemment
que «les experts n'hésitent plus à parler du
miracle canadien». Et le respecté Financial Times,
de Londres, écrivait sur le Canada : «Considérez
les faits saillants : une diminution record des emprunts publics,
des taux d'intérêt à la baisse, une faible
inflation et, surtout, une reprise longtemps attendue de la croissance
économique... Cela semble trop beau pour être vrai.
Et pourtant, c'est généralement considéré
comme trop pessimiste.»
Bien que le taux de chômage soit encore trop élevé,
notre économie crée de nouveaux emplois à
plein temps. De fait, elle a produit plus de 700 000 emplois depuis
que notre gouvernement est en place. La plupart des économistes
prévoient que l'économie canadienne créera
plus de 300 000 nouveaux emplois cette année et autant
l'an prochain. Et nous allons poursuivre nos efforts pour créer
des conditions favorables à l'accroissement du nombre d'emplois
offerts aux Canadiens.
Des taux d'intérêt bas constituent le meilleur outil
de création d'emplois possible. Nous verrons cette année
les bénéfices réels de nos politiques qui
ont amené la baisse des taux d'intérêt. Ces
bas taux d'intérêt ont mis beaucoup plus d'argent
entre les mains des consommateurs et des entreprises que ne l'aurait
fait n'importe quelle baisse de taxes ou d'impôt.
D'ici 1998-1999, le Canada aura un léger excédent
au chapitre de ses besoins d'emprunt nets. L'année 1969-1970
a marqué la dernière fois où les besoins
financiers du gouvernement fédéral ont été
en équilibre. La plupart des pays industrialisés
verraient dans cette situation financière l'indice d'un
budget équilibré. Et nous sommes très fiers
de pouvoir dire que le Canada sera le seul pays du G7 à
avoir atteint ce but.
A l'aube du XXIe siècle, il est juste de dire que
le Canada est bien placé pour tirer parti de ce que le
prochain siècle peut offrir. Ensemble, nous avons accepté
le défi de créer des possibilités pour nous-mêmes
et pour nos enfants. Ensemble, nous nous sommes prouvé,
encore une fois, que nous étions capables de faire cause
commune pour relever les défis.
Ce que nous avons accompli ensemble est important en soi. Fixer
des objectifs est une chose. Les atteindre en est une autre. Mais
nous avons réussi, et c'est ce qui nous permet de reprendre
confiance en nous. Les Canadiens ont maintenant de bonnes raisons
d'envisager l'avenir avec optimisme.
Le travail de redressement de nos finances n'est pas encore terminé,
et nous devons donc maintenir la trajectoire de notre politique
budgétaire. Comme d'autres qui le font en ce moment avec
une certaine légèreté, j'aimerais bien moi
aussi pouvoir promettre des réductions d'impôt. Mais
nous n'en sommes pas encore là, même si on voit enfin
la lumière au bout du tunnel. Nous nous rapprochons du
moment où nous pourrons investir davantage dans les domaines
prioritaires comme la pauvreté des enfants, la santé
et l'élargissement de la base de connaissances de notre
société.
Gouverner, c'est faire des choix. Choisir, c'est décider
des priorités. Les priorités, en bout de ligne,
reflètent des valeurs. Par exemple, dans le dernier budget
Martin, nous avons annoncé des réductions d'impôt
sélectives en faveur des familles à faible revenu,
des organismes de bienfaisance, des personnes handicapées,
des étudiants et des travailleurs qui poursuivent des études
supérieures, ainsi que des parents qui économisent
en vue des études de leurs enfants.
Certains proposent aujourd'hui des réductions immédiates
d'impôt qui favoriseront ceux qui ont le moins besoin d'aide
et des compressions de programmes qui affecteront ceux qui ont
le plus besoin d'aide. Mais ce ne sont pas là nos valeurs,
ni nos priorités.
Nous savons que l'avenir appartient aux sociétés
dont l'économie est saine, dont les enfants sont bien préparés,
dont la population est en santé et qui investissent dans
le savoir, l'apprentissage et l'innovation. Ce sont là
nos valeurs. Ce sont là nos priorités. C'est là
que nous investirons d'abord nos ressources limitées. Nous
ne couperons pas les programmes dont les Canadiens ont besoin
; nous ne réduirons pas les impôts de ceux qui en
ont le moins besoin avant d'avoir fait les investissements qu'il
faut pour que notre pays puisse entrer de plain-pied dans le XXIe
siècle.
Au Québec, les avantages de l'abaissement des taux d'intérêt
et de la croissance économique qui se produit d'un bout
à l'autre du Canada se font sentir à la fois directement
et indirectement. Nous ne devons pas oublier que 21 % de l'activité
économique du Québec est axée sur les ventes
au reste du Canada. Notre économie provinciale est 15 fois
plus intégrée à l'économie du reste
du Canada qu'à celle de nos voisins américains.
Pour nous, Québécois, c'est l'un des nombreux avantages
d'être Canadiens.
Malheureusement, à certains égards, le Québec
est en retard sur la majeure partie du Canada. Cela tient à
diverses raisons, dont beaucoup sont d'ordre politique. Le gouvernement
du Québec a été plus lent que celui des autres
provinces à réagir au besoin de redresser ses finances.
Il n'y a pas de doute que le référendum de 1995
a considérablement retardé l'inévitable.
Mais le gouvernement du Québec prend maintenant les moyens
pour remettre de l'ordre dans ses finances. Cependant, on ne peut
douter que la menace persistante d'un autre référendum
nuit à la confiance des investisseurs et des consommateurs
et contribue à maintenir au Québec un taux de chômage
beaucoup plus élevé que dans l'ensemble du Canada.
De notre côté, nous avons tiré des enseignements
de cette période de grande tension et d'instabilité
que nous avons vécue en 1995. Depuis, nous faisons de notre
mieux pour que notre pays évolue de manière à
nous éviter collectivement les angoisses et les conséquences
d'un autre référendum.
Dans tout ce que nous faisons, nous nous fondons sur le grand
principe voulant que le gouvernement ait pour obligation de tout
mettre en oeuvre pour répondre aux besoins des Canadiens.
Notre philosophie du fédéralisme est que la collaboration
entre les différents ordres de gouvernement au Canada est
nécessaire pour répondre le mieux possible à
leurs besoins. Nous sommes conscients que les gens de ce pays
s'attendent à ce que leurs gouvernements relèvent
les défis posés ensemble, sans se chicaner continuellement.
C'est tout particulièrement dans cet esprit que mon gouvernement
travaille pour réformer et améliorer davantage le
Canada.
Il existe une foule d'exemples de ce que, nous, Canadiens, avons
pu réaliser quand nous avons choisi de travailler de concert,
quand les gouvernements ont décidé de collaborer
entre eux, dans l'intérêt de tous. Grâce aux
missions d'Équipe Canada, nous avons pu ouvrir de nouveaux
marchés, attirer des investissements et créer des
emplois. Et je crois que les Québécois sont heureux
de constater que leurs gouvernements, à Québec et
Ottawa, peuvent travailler ensemble pour régler des questions
économiques.
Nous avons pu rétablir la confiance autour de la création
d'emplois grâce, notamment, au programme d'infrastructure
fédéral, provincial et municipal. Comme vous le
savez, nous avons prolongé ce programme d'une autre année.
Et je crois encore une fois que les Québécois sont
heureux de voir que nous avons joint nos efforts pour faire progresser
ce dossier.
Nous avons été capables de protéger nos régimes
de pension publics à la suite d'une entente conclue entre
le gouvernement fédéral et les provinces. Garantir
une pension aux retraités au cours des prochaines décennies
est un défi qu'essaient de relever plusieurs gouvernements
dans le monde. Nous, au Canada, nous y sommes parvenus. C'est
là une réalisation extraordinaire. Je crois que
les Québécois sont satisfaits de voir que nos gouvernements
ont pris ensemble les décisions qui s'imposaient pour y
arriver.
Nous avons pu rationaliser la fonction publique et réduire
le dédoublement et les chevauchements coûteux dans
différents domaines comme l'environnement, le logement
social, les forêts et les mines. Je crois que les Québécois
sont heureux de constater que leurs gouvernements ont collaboré
dans ces dossiers.
Dans le dossier de la formation de la main-d'oeuvre, nous avons
déjà signé des ententes avec trois provinces.
Une quatrième est sur le point d'en faire autant. Et je
suis convaincu que nous sommes en mesure de signer une entente
avec le Québec qui nous permettra de régler une
fois pour toutes ce dossier, tel que les gouvernements successifs
du Québec le demandent depuis de nombreuses années.
Tous les éléments sont réunis pour le faire
et nous croyons que, dans l'intérêt des travailleurs
et des travailleuses du Québec, le plus tôt sera
le mieux.
Enfin, grâce toujours à la collaboration fédérale-provinciale,
nous pouvons maintenant commencer à aider beaucoup de nos
enfants à sortir de la pauvreté et à s'épanouir.
Je crois qu'il est important pour les Québécois
que les gouvernements s'attachent, ensemble, à régler
les véritables problèmes des familles avec enfants
à faible revenu.
Je viens juste de démontrer que nous sommes capables de
travailler ensemble ; que, de concert, nous pouvons régler
des problèmes, que nous avons fait de réels progrès
ensemble; que le Canada marche bien et qu'il est capable de faire
encore mieux si nous continuons de collaborer.
La force et l'unité de ce pays ne tiennent pas à
la seule Constitution. Ce qui cimente ce pays, c'est une économie
forte et prospère ; c'est cette terre de liberté
où tous les espoirs sont permis, cette terre où
les gens se sentent en sécurité et sont respectés
par-delà leurs différences. C'est également
une société démocratique qui affirme et soutient
les valeurs communes que sont la tolérance, la générosité,
l'équité, la compassion et le respect de la diversité.
C'est ça être Canadien.
Et c'est aussi pourquoi, nous, les Québécois, pouvons
avoir un sens aigu de notre identité et la fierté
d'être Québécois, tout en ressentant également
une immense fierté à l'égard du Canada et
du fait d'être Canadiens. Et l'un n'a jamais eu besoin d'exclure
l'autre.
Ainsi, bien que l'immense valeur de ce pays ne réside pas
dans sa seule Constitution, la modernisation du Canada doit aussi
s'y intéresser. Comme vous le savez sans doute, le gouvernement
du Canada ne peut modifier seul la Constitution. Les provinces
doivent y participer. Vous savez également que le gouvernement
péquiste ne veut pas parler de constitution, et encore
moins participer à la réforme de la fédération.
Cette attitude négative limite ce que nous pouvons faire
sur le plan constitutionnel, mais ne nous empêche pas d'aller
de l'avant en pratique sur beaucoup d'autres plans.
C'est pourquoi peu après le référendum, le
Parlement a adopté une loi garantissant au Québec
et aux quatre autres régions du pays un droit de veto sur
les changements constitutionnels les concernant. La Chambre des
communes a également adopté une résolution
reconnaissant que le Québec forme une société
distincte. Les mesures que nous avons prises sur le droit de veto
et la société distincte ont donné suite aux
engagements que j'ai pris à Verdun le 24 octobre 1995.
Mais j'ai répété plusieurs fois que je souhaite
faire plus et enchâsser ces mesures dans la Constitution
dès que possible, notamment lorsque le Québec y
consentira enfin. Entre-temps, avec les gouvernements des provinces
et des territoires, le gouvernement fédéral continuera
d'améliorer, étape par étape, cette fédération
qui nous sert déjà si bien.
Si je devais choisir deux mots pour résumer l'essentiel
du message que je veux vous transmettre aujourd'hui, je choisirais
confiance et détermination.
Confiance que le Canada est en voie de mettre de l'ordre dans
ses affaires et qu'il sera en bonne position pour entreprendre
le prochain siècle. Confiance que la générosité,
le souffle et la vision du Canada lui permettront de demeurer
un modèle pour la communauté internationale. Confiance
que la souplesse et la flexibilité de notre système
fédéral continueront à bien nous servir.
Et détermination à atteindre le plein potentiel
de notre pays. Détermination à ne rien tenir pour
acquis. Détermination à apporter les réformes
qui amélioreront le fonctionnement du Canada. Détermination
à adapter notre pays aux nouvelles réalités
du XXIe siècle. Détermination à célébrer
les réalisations du Canada. Détermination à
accroître la solidarité entre les Canadiens. Détermination
à représenter et à promouvoir ces valeurs
qui nous définissent et nous unissent. Détermination
à garder le Canada uni. Détermination à ce
que le Canada demeure le meilleur pays au monde.
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