Le 27 mars 2002
Monsieur le Premier Ministre,
En tant que chef de la fonction publique du Canada et conformément à l’article 47.1 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, je suis très heureux de vous présenter ce rapport sur l’état de la fonction publique du Canada.
En concluant le dernier rapport que je vous adressais, je décrivais ainsi le milieu de la fonction publique du Canada : « Il y a des leaders à tous les niveaux. Les gens travaillent en équipes et en réseaux. Ils éliminent les obstacles. » Je vous disais également que les fonctionnaires « ont à cœur de servir leur pays et leurs concitoyens avec loyauté et dévouement ». Je ne me doutais pas, au moment de formuler ces propos, qu’ils se concrétiseraient pendant les heures, les jours et les mois suivant les événements tragiques du 11 septembre 2001 aux États-Unis. Comme vous le savez fort bien, les fonctionnaires canadiens ont agi avec toute la célérité et l’intelligence voulues pour aider nos amis américains et assurer la sécurité des Canadiens et des Canadiennes, ainsi que de l’économie du Canada.
Notre aptitude à mobiliser nos forces et à agir, en période de crise comme en période d’accalmie, révèle la solidité de notre fonction publique professionnelle et impartiale. Le 11 septembre, le temps ne permettait pas de consulter les manuels de procédures. Il a fallu prendre des décisions rapidement. Par la force des choses, les actions ont pris un caractère instinctif basé sur les valeurs sous-jacentes de la fonction publique du Canada. Ces valeurs communes constituent depuis longtemps les assises de la fonction publique d’aujourd’hui, et celles sur lesquelles s’appuiera celle de demain.
Les sous-ministres et moi-même continuerons à édifier une fonction publique plus moderne, plus axée sur les personnes et qui embrassera à la fois les défis et les perspectives que présentent l’innovation, la collaboration et le service. Par ailleurs, le recrutement, le maintien en poste et l’apprentissage conservent leur caractère essentiel. Pourtant, comme je vous le disais dans mon dernier rapport, « nous devons enclencher une réforme plus approfondie de la législation en matière de gestion des ressources humaines dans la fonction publique ». Avec votre appui, la modernisation a commencé au printemps dernier et les propositions de réforme sont en voie de parachèvement.
Toutefois, la réforme législative à elle seule ne nous permettra pas d’atteindre nos objectifs. Il faut qu’il se produise un changement culturel, qui s’enclenchera grâce au leadership et se traduira en action.
Le matin du mardi 11 septembre 2001, lorsque vous, moi et des dizaines de milliers de fonctionnaires sommes entrés au travail, nous nous attendions à une journée comme les autres. En fait, un bon nombre de fonctionnaires exerçaient leur droit légal à la grève et n’avaient donc pas l’intention d’aller travailler. Il va sans dire qu’aucun d’entre nous ne se doutait de ce qui nous attendait.
Très vite, des nouvelles se sont répandues au sujet de l’écrasement d’un avion à New York, puis d’un deuxième, suivis d’autres incidents à Washington et dans l’État de la Pennsylvanie. Ces nouvelles, dont certaines se sont révélées fausses et d’autres horriblement exactes, nous ont choqués, sans toutefois nous paralyser.
À peine quelques heures après les assauts terroristes, l’Alliance de la fonction publique du Canada a suspendu ses mesures de grève, reconnaissant que ses membres se devaient d’être à leur poste à un tel moment afin de sauvegarder la sécurité des Canadiens. Sans tarder, tant au pays que dans nos missions à l’étranger, les fonctionnaires canadiens se sont mobilisés pour assurer la sécurité de notre espace aérien, l’intégrité de nos frontières, la santé et la sécurité de nos concitoyens, ainsi que l’état d’alerte de nos défenses.
De très nombreux fonctionnaires dont les responsabilités n’avaient aucun rapport avec la tragédie ou les préoccupations de sécurité qui en ont découlé ont quand même ressenti l’appel du devoir et posé un geste. Ils figuraient parmi les milliers de Canadiens qui ont donné soit de l’argent, soit de leur sang, aux organismes d’aide.
Je n’en reviens pas de la façon dont nos efforts se sont faits dans la collaboration — peu importe les hiérarchies et les frontières — avec d’autres paliers de gouvernement, ainsi qu’avec le secteur privé et le milieu du bénévolat. Tout au cours de l’automne et de l’hiver, ces efforts se sont poursuivis, tant dans les domaines de la sécurité que du maintien de l’ordre, de l’élaboration de lois sur la sécurité publique et de propositions budgétaires, que sous forme d’actions soutenues de contre-terrorisme et de mise en application de la Déclaration sur la frontière intelligente Canada–États-Unis.
En décembre 2001, j’ai rendu hommage à des milliers de fonctionnaires qui ont posé de tels gestes, en leur remettant des certificats de reconnaissance lors de la remise des prix du chef de la fonction publique. Et il me fait plaisir de voir que le Réseau du leadership, dans son édition en ligne Une journée dans la vie de la fonction publique du Canada (www.leadership.gc.ca), a présenté un portrait des équipes et des personnes dont les actions nous honorent tous.
Il importe également de souligner que dans le sillage des événements tragiques du 11 septembre, la fonction publique a pu aider le gouvernement du Canada à répondre aux besoins de ses citoyens en matière de sécurité tout en respectant ses objectifs à long terme de qualité de vie. Pendant que nombre de fonctionnaires relevaient les défis posés par des questions de sécurité, d’autres travaillaient de nombreuses façons à renforcer tant l’économie que le tissu social canadien. Au cours de l’année, des progrès ont été réalisés dans plusieurs domaines prioritaires tels que la culture et les arts au Canada, ainsi que l’infrastructure stratégique. Des fonctionnaires ont aussi travaillé sans relâche en faveur des Canadiens pour faire avancer d’importants dossiers comme ceux de l’innovation et des compétences, de la politique autochtone, de l’environnement et de l’aide au développement international.
Parallèlement, le travail de tous les jours allait bon train tout au long de l’automne. Les Canadiens et les Canadiennes ont vu leur fonction publique continuer à faire son travail de base : servir le public. Nous avons fait les prévisions météorologiques, expédié les chèques de sécurité de la vieillesse et fait la promotion du commerce et des investissements. En d’autres mots, nous avons maintenu le cap.
Nos valeurs moulent nos gestes quotidiens, que ce soit lorsque nous avons le temps de réfléchir avant d’agir ou lorsque, comme en septembre dernier, il nous en manque. S’il peut être plus important de mettre nos valeurs à contribution plutôt que d’en parler, la fonction publique du Canada tire également avantage des discussions sur nos valeurs et notre éthique. C’était une des conclusions d’un groupe de travail, dirigé par le regretté sous-ministre, John Tait, qui a publié en 1996 le rapport De solides assises.
Ce travail de défrichage a dégagé quatre ensembles de valeurs de la fonction publique du Canada, nombre desquelles ont sous-tendu les gestes des fonctionnaires réagissant aux événements du 11 septembre, soit :
- les valeurs démocratiques, dont la loyauté et l’engagement envers l’intérêt public;
- les valeurs professionnelles, qu’elles soient traditionnelles, comme la neutralité et le mérite, ou qu’elles soient nouvelles, comme le travail d’équipe et l’innovation;
- les valeurs liées à l’éthique, dont l’honnêteté et l’intégrité; et
- les valeurs liées aux personnes, dont le respect et l’humanité.
Je crois que nous avons des valeurs assurant de solides assises, mais comme le suggérait M. Tait, il est temps que l’on formule une déclaration de principes fixant une orientation commune à tous les fonctionnaires. À mesure que nous édifions une fonction publique davantage axée sur les personnes, nous avons besoin de jalons qui nous aident à nous situer et à garder le cap. C’est dans cette optique que l’automne dernier j’ai invité les fonctionnaires à prendre part à des discussions sur les principes sous-tendant la fonction publique au Canada. Depuis lors, les cochampions des valeurs et de l’éthique au sein de la fonction publique — Janice Cochrane, sous-ministre de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, et Scott Serson, président de la Commission de la fonction publique du Canada — ont consulté des fonctionnaires dans tout le pays au sujet de l’ébauche d’une déclaration des principes de la fonction publique.
Nous espérons parachever une déclaration de principes au cours des prochains mois pour ensuite la publier. Cependant, cela ne suffira pas. À mon avis, la discussion et les débats portant sur ces principes, en groupes structurés comme en ligne, se sont déjà avérés fort utiles. Ce type d’engagement mène à une meilleure compréhension, qui inspire des gestes concrets.
Les consultations menées à ce jour laissent entendre que de nombreux fonctionnaires estiment que ce projet de déclaration décrit la fonction publique telle qu’ils la souhaitent, plutôt que telle qu’ils la vivent aujourd’hui. Ce commentaire est juste. Cependant, la dilution des principes, pour qu’ils se conforment au présent, est inacceptable. Nous devons être prêts à intégrer nos valeurs et notre éthique dans tout ce que nous faisons. Il faudra l’engagement de chaque gestionnaire de la fonction publique et de chaque employé pour s’assurer que la fonction publique du Canada soit à la hauteur de nos principes.
Comme je vous le mentionnais dans mes rapports précédents, notre aptitude à offrir des services de qualité aux Canadiens et de solides conseils impartiaux et professionnels au gouvernement, tant maintenant qu’à l’avenir, repose sur le calibre de nos fonctionnaires.
Composer avec le système
Depuis ma nomination comme greffier, je mets l’accent sur la nécessité de faire plus d’efforts en matière de recrutement, de bien-être en milieu de travail et d’apprentissage. Les ministères et les organismes prennent des mesures importantes en ce sens. Et les organismes centraux les appuient.
Afin qu’ils puissent mieux réaliser leurs objectifs particuliers, la Commission de la fonction publique du Canada délègue le pouvoir de recruter aux ministères prêts à assumer cette responsabilité et cette imputabilité additionnelles. Par exemple, le ministère des Finances intensifie ses mesures de recrutement en ligne et sur les campus, en faisant appel à la technologie et à l’engagement de ses gestionnaires et de ses recrues. Quoique la majeure partie des mesures de recrutement au niveau postsecondaire ait ciblé les étudiants des universités canadiennes, le Bureau du Conseil privé sollicite également de façon énergique des Canadiens faisant des études dans certaines des plus grandes universités ailleurs dans le monde.
Nous devons regarder au-delà des jeunes et des diplômés universitaires. Nous devrons recruter pour tous les échelons de la fonction publique, pour tous les types de postes, et ce partout au pays.
Certains ministères, dont celui de Pêches et Océans, avec son centre d’excellence en matière de recrutement, passent du recrutement poste par poste à une approche planifiée et stratégique. Plusieurs ministères ont formé des partenariats pour subvenir collectivement à leurs besoins. Par exemple, Santé Canada s’emploie avec six autres ministères à vocation scientifique à embaucher davantage d’Autochtones dans les domaines des sciences et de la technologie. De plus, des salons de l’emploi ciblés nous ont aidé à recruter des gens qualifiés qui reflètent la diversité du Canada.
Comme vous le savez bien, la pyramide d’âge de la population canadienne est telle qu’au cours de la prochaine décennie, de très nombreux employés et cadres chevronnés prendront leur retraite. Ce facteur démographique aura d’importantes répercussions sur notre fonction publique, car la proportion de nos employés ayant moins de 35 ans ne constitue que la moitié de la proportion des moins de 35 ans dans la main-d’œuvre active ailleurs au pays. Si cela laisse entrevoir de belles perspectives aux jeunes fonctionnaires, il en découle un immense défi pour les gestionnaires d’aujourd’hui qui auront à recruter et à former leur personnel pour en faire les leaders de demain.
Nous pourrions consacrer toutes nos énergies au recrutement, mais ce serait les gaspiller si nous n’offrons pas un cadre de travail attrayant aux yeux de nos employés. Le bien-être en milieu de travail passe par l’offre d’un travail intéressant et d’outils appropriés pour le mener à bon port. Il faut trouver que son travail est d’une classification et d’une rémunération adéquates. Il faut travailler efficacement dans un environnement sécuritaire et respectueux. Il faut pouvoir vivre un équilibre entre les responsabilités et les aspirations de la vie personnelle et de la vie professionnelle. Le bien-être en milieu de travail est la pierre angulaire du maintien en poste de notre précieux personnel. Fondamentalement, le bien-être en milieu de travail est une mesure du respect de nos valeurs liées aux personnes.
De nombreux ministères et organismes ont lancé des initiatives visant à améliorer le milieu de travail, par exemple en adoptant des programmes de mieux-être et de résolution de différends. Ils reconnaissent et récompensent ceux qui excellent en gestion axée sur les personnes, parce que la gestion axée sur les personnes, c’est de la bonne gestion. De plus, nous avons annoncé des politiques applicables à toute la fonction publique en matière de prévention et de règlement du harcèlement et en matière de divulgation d’information concernant des actes fautifs.
En mai 2002, nous réaliserons un deuxième sondage des employés de la fonction publique. Les fonctionnaires de tous les niveaux et de toutes les régions du pays auront l’occasion de faire connaître leurs points de vue sur des questions telles que la charge de travail, le perfectionnement professionnel, le service à la clientèle, le harcèlement et la discrimination. Les résultats seront rendus publics à l’automne et donneront une excellente idée du niveau de bien-être dans nos milieux de travail, par rapport à 1999 quand le premier sondage a été réalisé. En outre, les résultats aideront à cerner les éléments sur lesquels il faudra se pencher.
Depuis fort longtemps, l’apprentissage est une de mes priorités parce qu’à tous les paliers, le niveau de savoir exigé pour occuper un poste de fonctionnaire a augmenté. Aujourd’hui, nous sommes tous des travailleurs du savoir, mais la fonction publique du Canada n’est pas encore entièrement une organisation apprenante. Nous éprouvons encore de la difficulté à trouver le temps de profiter d’occasions de perfectionnement, la charge de travail étant lourde. De plus, nous voyons bien qu’avant que des employés chevronnés ne prennent leur retraite, il faudra faciliter la transmission de leur savoir à ceux qui demeurent en poste. Afin de garantir la qualité de notre travail, nous devons préparer nos recrues à assumer la relève, quel que soit leur âge ou leur niveau.
L’apprentissage est un investissement essentiel pour la fonction publique et, ultimement, pour l’avenir du Canada. Nous devons tirer meilleur parti des occasions formelles et informelles de perfectionnement, des technologies qui facilitent l’apprentissage et la formation, ainsi que des meilleures pratiques des secteurs public et privé. Les ministères et organismes s’y emploient et plusieurs encouragent leurs employés à se servir de plans d’apprentissage personnels. L’Agence canadienne de développement international s’est dotée d’une approche à la gestion du savoir conçue pour que ses employés, où qu’ils soient, puissent se mettre en rapport entre eux, se transmettre leurs connaissances et les leçons apprises afin d’être plus efficaces. Solliciteur général Canada, en plus d’offrir plusieurs activités d’apprentissage internes, s’associe avec Santé Canada pour que ses employés puissent accéder à de nombreux programmes de gestion de carrière et d’autres formes d’apprentissage comme peut en offrir un plus gros ministère. De plus, le Comité des sous-ministres sur l’apprentissage et le développement se veut le fer de lance de la promotion d’une culture du savoir dans la fonction publique.
En résumé, nous faisons de grands efforts pour que la fonction publique du Canada travaille mieux. Nous nous servons mieux des éléments de souplesse que le système offre présentement, nous mettons à l’essai des idées prometteuses et tirons parti des réussites ainsi que des échecs des autres.
Néanmoins, ces mesures ne peuvent surmonter certains des problèmes fondamentaux dont souffre le système de gestion des ressources humaines de la fonction publique. Afin d’atteindre l’objectif que vous avez fixé dans votre adresse en réponse au Discours du Trône, soit « que la fonction publique continue de disposer des talents dont elle a besoin dans sa poursuite de l’excellence », il faudra une réforme législative.
Édifier le système dont nous avons besoin
Après les événements du 11 septembre, plusieurs se sont demandé si le gouvernement allait, ou même devrait, poursuivre la modernisation de notre régime de gestion des ressources humaines. Moi pas. Nos réalisations de l’automne dernier attestent de la résistance de nos fonctionnaires et des solides valeurs qui nous guident. Cependant, le maintien d’un haut niveau de performance — excellence des services rendus et élaboration de politiques avantageant les Canadiens au cours des prochaines années — demeurera hors de portée si le système n’est pas remanié en profondeur.
Conçu en fonction des réalités d’une autre époque, le régime actuel est devenu lourd et contre-productif. En fait, comme vous le savez bien, la vérificatrice générale du Canada concluait dans son récent rapport sur le recrutement que « la fonction publique faisait face à un défi des plus menaçants en ce qui touche le ‘capital humain’, en raison du vieillissement de son effectif, des initiatives prises dans le passé en matière d'embauche et de réduction des effectifs, de la nature différente du travail et de la prévision d'un marché du travail concurrentiel dans les années à venir ».
Les problèmes sont complexes et interreliés. Combler un poste prend en moyenne cinq mois. Les retards entraînent des surcharges de travail chez les autres employés, le non-respect d’engagements et une diminution de la qualité des services rendus au public. Pour accélérer l’embauche, les gestionnaires admettent qu’il se fient trop à du personnel temporaire. Cependant, ces offres de travail de courte durée ne réussissent pas à attirer des travailleurs hautement qualifiés, particulièrement ceux qui ont de l’expérience et ont déjà un emploi ailleurs.
Le Comité consultatif sur les relations de travail patronales-syndicales dans la fonction publique du Canada a conclu que « bien que le système soit censé protéger les employés contre le favoritisme et des comportements semblables, les dirigeants syndicaux le considéraient comme un mécanisme ni transparent ni équitable... ». Qui plus est, des employés de longue date estiment qu’on passe sous silence la pauvreté du rendement des uns et que la seule façon dont nous récompensons le travail bien fait des autres est de leur donner plus de travail à faire. Cela ne contribue pas au mieux-être du milieu de travail, alors qu’en plus, le public n’est pas bien servi.
Le 3 avril 2001, vous avez demandé à Ranald A. Quail de diriger le Groupe de travail sur la modernisation de la gestion des ressources humaines. Tout en se rapportant à moi, il appuie la présidente du Conseil du Trésor, Mme Lucienne Robillard, en sa qualité de ministre responsable de la réforme de la gestion des ressources humaines au sein de la fonction publique. Au cours de la dernière année, ce groupe de travail a élaboré avec diligence des recommandations sous-tendant un encadrement moderne des politiques, des lois et des institutions qui permettra à la fonction publique d’attirer, de maintenir en poste et de développer les talents nécessaires pour bien servir les Canadiens.
Afin d’appuyer le gouvernement, nous avons besoin d’une fonction publique compétente et impartiale à même de dire sans crainte toute la vérité aux autorités. Afin de bien servir les Canadiens, nous avons besoin d’une fonction publique compétente et impartiale qui vise l’excellence et recherche l’innovation. Afin d’attirer des Canadiens de talent qui ont le cœur à l’ouvrage et de les maintenir en poste, nous avons besoin d’une fonction publique compétente et impartiale reconnue pour sa qualité et son travail d’équipe. Malheureusement, je crois que le processus que nous avons a évolué d’une façon telle qu’il mine le principe du mérite. Il nous faut des changements législatifs afin de protéger le mérite.
Permettez-moi de réitérer que les efforts du Groupe de travail continuent à être guidés par les principes directeurs dont je traitais dans mon rapport de l’an dernier :
« Nous croyons qu’un cadre législatif moderne en matière de ressources humaines doit se fonder sur les principes directeurs suivants :
- d’abord et avant tout, sauvegarder le principe du mérite, de l’impartialité, de la représentativité et de la compétence;
- deuxièmement, assurer que tous les aspects afférents aux ressources humaines relèvent de la gestion;
- troisièmement, déléguer les pouvoirs de gestion des ressources humaines aux niveaux de gestion les plus bas possible de la hiérarchie;
- enfin, responsabiliser les gestionnaires et les rendre imputables de leur gestion. »
Depuis sa mise sur pied, le Groupe de travail a entrepris de vastes consultations, au sujet desquelles je tiens à reconnaître l’appui de l’Association professionnelle des cadres supérieurs de la fonction publique du Canada et des conseils fédéraux régionaux. J’ai également profité des conseils de jeunes employés de la fonction publique et d’un groupe consultatif externe composé d’experts des secteurs privé, public, syndical et universitaire.
Les propositions concernant la modernisation du cadre législatif de la gestion des ressources humaines de la fonction publique sont en voie de parachèvement pour fin d’examen par vous et votre Cabinet. Comme Mme Robillard l’a mentionné, on s’attend à ce qu’un projet de loi soit déposé au Parlement cet automne.
Cependant, le changement législatif n’est que le premier volet de notre travail. La mise sur pied d’un régime moderne de gestion des ressources humaines s’avère un défi beaucoup plus costaud. Pour y parvenir, nous aurons besoin de votre confiance indéfectible, ainsi que de l’aval des gestionnaires et du personnel de la fonction publique. Il faudra veiller à ce que la modernisation de notre culture de la gestion s’harmonise avec le cadre législatif et institutionnel. Nos dirigeants doivent être prêts, enthousiastes et capables d’assumer la responsabilité, le mandat et l’imputabilité du nouveau régime.
Jamais le leadership n’est-il chose facile, mais il donne davantage de fil à retordre quand les résultats visés sont grands. La modernisation de la gestion des ressources humaines offrira des outils à ceux qui sont prêts à s’en servir. Cependant, le scepticisme et le désabusement sont monnaie courante dans la fonction publique, et l’on se dit volontiers que ces outils demeureront lettre morte. Je comprends le désillusionnement auquel donnent lieu les palabres, tant qu’il n’en découle pas de changement concret. Aujourd’hui, cependant, nous avons l’occasion de changer les choses fondamentalement. C’est un changement que ni vous ni moi ne pouvons réaliser seuls.
J’aurai besoin de l’engagement des hauts fonctionnaires qui ont été mis au courant du défi dans le document Priorités stratégiques de la fonction publique du Canada pour 2002-2003 (www.pco-bcp.gc.ca/performance-rendement). Ces priorités exigent que ces derniers prennent des dispositions concrètes et mesurables pour améliorer leur gestion des ressources humaines et préparer leurs organisations au changement législatif; voient à ce que leurs lieux de travail reflètent de plus près la dualité linguistique et respectent les dispositions de la Loi sur les langues officielles; s’assurent de l’intégrité et de la continuité des programmes et services en matière de sécurité et d’état de préparation; et travaillent davantage en collaboration avec leurs collègues et les intervenants des secteurs public, privé et sans but lucratif.
Dans le contexte de l’économie du savoir, la prospérité repose sur l’innovation, et celle-ci, sur l’investissement dans la créativité et le talent des gens. Or, l’innovation et l’investissement dans les gens sont tout aussi importants dans la fonction publique du Canada. Nous devons mobiliser l’enthousiasme et l’intelligence des gens dont nos équipes se composent déjà, ainsi que de ceux que nous aimerions y intégrer. C’est pourquoi nous favorisons un leadership qui est autant le moteur d’un changement de culture que d’une culture qui prise le changement.
Je dois dire que je suis souvent frappé par l’humilité des héros du quotidien de la fonction publique. Ils insistent sur le fait qu’ils n’ont rien fait de spécial, qu’ils n’ont fait que leur boulot. C’est probablement vrai et c’est pour cela qu’ils nous en apprennent tant. Nous, les fonctionnaires, devons apprendre de ceux qui font les choses bien du premier coup, de ceux qui travaillent dans un esprit de collaboration, de ceux qui croient qu’une personne, un geste, un changement peut faire une différence.
Je suis très fier de la fonction publique du Canada, tant pour ce qu’elle a accompli dans le sillage des événements du 11 septembre que pour ce qu’elle réalise chaque jour de par le pays. Les valeurs que nous partageons constituent des assises sur lesquelles nous pouvons bâtir.
Afin de relever demain les défis de la fonction publique, nous devons poursuivre les efforts déjà entrepris en matière de recrutement, de bien-être en milieu de travail et d’apprentissage. Nous devons vous présenter de solides propositions de restructuration de notre gestion des ressources humaines. Et nous devons veiller à ce que les changements à la loi mènent à une amélioration, pas seulement à du changement.
En notre qualité de fonctionnaires, nous comptons les uns sur les autres pour faire progresser les intérêts des Canadiens et servir le gouvernement. Certains estiment que la fonction publique est une vocation spéciale, d’autres la perçoivent comme un travail qui leur offre un outil de croissance personnelle tout en contribuant à édifier la société canadienne. Quoiqu’il en soit, nous sommes tous rassemblés par les valeurs que nous partageons et les principes qui sous-tendent notre travail.
J’invite tous les fonctionnaires à participer aux discussions sur nos principes, nos valeurs et notre éthique.
Par ailleurs, j’enjoins aux chefs de file de la fonction publique, de quelque niveau qu’ils soient, de faire quelque chose de différent, de meilleur, soit de transformer la fonction publique d’aujourd’hui en un milieu qui soit davantage à l’image de nos aspirations.
Je lance le défi aux gestionnaires de la fonction publique de mieux axer leur gestion sur les personnes.
Ensemble, nous pourrons bâtir une fonction publique forte et capable de subvenir aux besoins des générations futures de Canadiens et de Canadiennes.
Je vous prie d’agréer, monsieur le Premier Ministre, l’expression de ma très haute considération.
Mel Cappe