Le 27 mars 2002
Monsieur le Premier Ministre,
En tant que chef de la fonction publique du Canada et conformément à l’article 47.1
de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, je suis très heureux
de vous présenter ce rapport sur l’état de la fonction publique du Canada.
En concluant le dernier rapport que je vous adressais, je décrivais ainsi le
milieu de la fonction publique du Canada : « Il y a des leaders à
tous les niveaux. Les gens travaillent en équipes et en réseaux. Ils
éliminent les obstacles. » Je vous disais également que les
fonctionnaires « ont à cœur de servir leur pays et leurs concitoyens
avec loyauté et dévouement ». Je ne me doutais pas, au moment de
formuler ces propos, qu’ils se concrétiseraient pendant les heures, les jours
et les mois suivant les événements tragiques du 11 septembre 2001 aux
États-Unis. Comme vous le savez fort bien, les fonctionnaires canadiens ont agi
avec toute la célérité et l’intelligence voulues pour aider nos amis
américains et assurer la sécurité des Canadiens et des Canadiennes, ainsi que
de l’économie du Canada.
Notre aptitude à mobiliser nos forces et à agir, en période de crise comme
en période d’accalmie, révèle la solidité de notre fonction publique
professionnelle et impartiale. Le 11 septembre, le temps ne permettait pas de
consulter les manuels de procédures. Il a fallu prendre des décisions
rapidement. Par la force des choses, les actions ont pris un caractère
instinctif basé sur les valeurs sous-jacentes de la fonction publique du
Canada. Ces valeurs communes constituent depuis longtemps les assises de la
fonction publique d’aujourd’hui, et celles sur lesquelles s’appuiera celle
de demain.
Les sous-ministres et moi-même continuerons à édifier une fonction
publique plus moderne, plus axée sur les personnes et qui embrassera à la fois
les défis et les perspectives que présentent l’innovation, la collaboration
et le service. Par ailleurs, le recrutement, le maintien en poste et l’apprentissage
conservent leur caractère essentiel. Pourtant, comme je vous le disais dans mon
dernier rapport, « nous devons enclencher une réforme plus approfondie de
la législation en matière de gestion des ressources humaines dans la fonction
publique ». Avec votre appui, la modernisation a commencé au printemps
dernier et les propositions de réforme sont en voie de parachèvement.
Toutefois, la réforme législative à elle seule ne nous permettra pas d’atteindre
nos objectifs. Il faut qu’il se produise un changement culturel, qui s’enclenchera
grâce au leadership et se traduira en action.
L’appel du devoir
Le matin du mardi 11 septembre 2001, lorsque vous, moi et des dizaines
de milliers de fonctionnaires sommes entrés au travail, nous nous attendions à
une journée comme les autres. En fait, un bon nombre de fonctionnaires
exerçaient leur droit légal à la grève et n’avaient donc pas l’intention
d’aller travailler. Il va sans dire qu’aucun d’entre nous ne se doutait de
ce qui nous attendait.
Très vite, des nouvelles se sont répandues au sujet de l’écrasement d’un
avion à New York, puis d’un deuxième, suivis d’autres incidents à
Washington et dans l’État de la Pennsylvanie. Ces nouvelles, dont certaines se sont révélées fausses et d’autres
horriblement exactes, nous ont choqués, sans toutefois nous paralyser.
À peine quelques heures après les assauts terroristes, l’Alliance de la
fonction publique du Canada a suspendu ses mesures de grève, reconnaissant que
ses membres se devaient d’être à leur poste à un tel moment afin de
sauvegarder la sécurité des Canadiens. Sans tarder, tant au pays que dans nos
missions à l’étranger, les fonctionnaires canadiens se sont mobilisés pour
assurer la sécurité de notre espace aérien, l’intégrité de nos
frontières, la santé et la sécurité de nos concitoyens, ainsi que l’état
d’alerte de nos défenses.
De très nombreux fonctionnaires dont les responsabilités n’avaient aucun
rapport avec la tragédie ou les préoccupations de sécurité qui en ont
découlé ont quand même ressenti l’appel du devoir et posé un geste. Ils
figuraient parmi les milliers de Canadiens qui ont donné soit de l’argent,
soit de leur sang, aux organismes d’aide.
Je n’en reviens pas de la façon dont nos efforts se sont faits dans la
collaboration — peu importe les hiérarchies et les frontières — avec d’autres
paliers de gouvernement, ainsi qu’avec le secteur privé et le milieu du
bénévolat. Tout au cours de l’automne et de l’hiver, ces efforts se sont
poursuivis, tant dans les domaines de la sécurité que du maintien de l’ordre,
de l’élaboration de lois sur la sécurité publique et de propositions
budgétaires, que sous forme d’actions soutenues de contre-terrorisme et de
mise en application de la Déclaration sur la frontière intelligente Canada–États-Unis.
En décembre 2001, j’ai rendu hommage à des milliers de fonctionnaires qui
ont posé de tels gestes, en leur remettant des certificats de reconnaissance
lors de la remise des prix du chef de la fonction publique. Et il me fait
plaisir de voir que le Réseau du leadership, dans son édition en ligne Une
journée dans la vie de la fonction publique du Canada (www.leadership.gc.ca), a présenté un
portrait des équipes et des personnes dont les actions nous honorent tous.
Il importe également de souligner que dans le sillage des événements
tragiques du 11 septembre, la fonction publique a pu aider le gouvernement du
Canada à répondre aux besoins de ses citoyens en matière de sécurité tout
en respectant ses objectifs à long terme de qualité de vie. Pendant que nombre
de fonctionnaires relevaient les défis posés par des questions de sécurité,
d’autres travaillaient de nombreuses façons à renforcer tant l’économie
que le tissu social canadien. Au cours de l’année, des progrès ont été
réalisés dans plusieurs domaines prioritaires tels que la culture et les arts
au Canada, ainsi que l’infrastructure stratégique. Des fonctionnaires ont
aussi travaillé sans relâche en faveur des Canadiens pour faire avancer d’importants
dossiers comme ceux de l’innovation et des compétences, de la politique
autochtone, de l’environnement et de l’aide au développement international.
Parallèlement, le travail de tous les jours allait bon train tout au long de
l’automne. Les Canadiens et les Canadiennes ont vu leur fonction publique
continuer à faire son travail de base : servir le public. Nous avons fait
les prévisions météorologiques, expédié les chèques de sécurité de la
vieillesse et fait la promotion du commerce et des investissements. En d’autres
mots, nous avons maintenu le cap.
Les valeurs, de solides assises
Nos valeurs moulent nos gestes quotidiens, que ce soit lorsque nous avons le
temps de réfléchir avant d’agir ou lorsque, comme en septembre dernier, il
nous en manque. S’il peut être plus important de mettre nos valeurs à
contribution plutôt que d’en parler, la fonction publique du Canada tire
également avantage des discussions sur nos valeurs et notre éthique. C’était
une des conclusions d’un groupe de travail, dirigé par le regretté
sous-ministre, John Tait, qui a publié en 1996 le rapport De
solides assises.
Ce travail de défrichage a dégagé quatre ensembles de valeurs de la
fonction publique du Canada, nombre desquelles ont sous-tendu les gestes des
fonctionnaires réagissant aux événements du 11 septembre, soit :
- les valeurs démocratiques, dont la loyauté et l’engagement envers l’intérêt
public;
- les valeurs professionnelles, qu’elles soient traditionnelles, comme
la neutralité et le mérite, ou qu’elles soient nouvelles, comme le
travail d’équipe et l’innovation;
- les valeurs liées à l’éthique, dont l’honnêteté et l’intégrité;
et
- les valeurs liées aux personnes, dont le respect et l’humanité.
Je crois que nous avons des valeurs assurant de solides assises, mais comme
le suggérait M. Tait, il est temps que l’on formule une déclaration de
principes fixant une orientation commune à tous les fonctionnaires. À mesure
que nous édifions une fonction publique davantage axée sur les personnes, nous
avons besoin de jalons qui nous aident à nous situer et à garder le cap. C’est
dans cette optique que l’automne dernier j’ai invité les fonctionnaires à
prendre part à des discussions sur les
principes sous-tendant la fonction publique au Canada. Depuis lors, les
cochampions des valeurs et de l’éthique au sein de la fonction publique —
Janice Cochrane, sous-ministre de Travaux publics et Services
gouvernementaux Canada, et Scott Serson, président de la Commission de la
fonction publique du Canada — ont consulté des fonctionnaires dans tout le
pays au sujet de l’ébauche d’une déclaration des principes de la fonction
publique.
Nous espérons parachever une déclaration de principes au cours des
prochains mois pour ensuite la publier. Cependant, cela ne suffira pas. À mon
avis, la discussion et les débats portant sur ces principes, en groupes
structurés comme en
ligne, se sont déjà avérés fort utiles. Ce type d’engagement
mène à une meilleure compréhension, qui inspire des gestes concrets.
Les consultations menées à ce jour laissent entendre que de nombreux
fonctionnaires estiment que ce projet de déclaration décrit la fonction
publique telle qu’ils la souhaitent, plutôt que telle qu’ils la vivent
aujourd’hui. Ce commentaire est juste. Cependant, la dilution des principes,
pour qu’ils se conforment au présent, est inacceptable. Nous devons être
prêts à intégrer nos valeurs et notre éthique dans tout ce que nous faisons.
Il faudra l’engagement de chaque gestionnaire de la fonction publique et de
chaque employé pour s’assurer que la fonction publique du Canada soit à la
hauteur de nos principes.
Créer une fonction publique moderne et axée sur les personnes
Comme je vous le mentionnais dans mes rapports précédents, notre aptitude
à offrir des services de qualité aux Canadiens et de solides conseils
impartiaux et professionnels au gouvernement, tant maintenant qu’à l’avenir,
repose sur le calibre de nos fonctionnaires.
Composer avec le système
Depuis ma nomination comme greffier, je mets l’accent sur la nécessité de
faire plus d’efforts en matière de recrutement, de bien-être en milieu de
travail et d’apprentissage. Les ministères et les organismes prennent des
mesures importantes en ce sens. Et les organismes centraux les appuient.
Afin qu’ils puissent mieux réaliser leurs objectifs particuliers, la
Commission de la fonction publique du Canada délègue le pouvoir de recruter
aux ministères prêts à assumer cette responsabilité et cette imputabilité
additionnelles. Par exemple, le ministère des Finances intensifie ses mesures
de recrutement en ligne et sur les campus, en faisant appel à la technologie et
à l’engagement de ses gestionnaires et de ses recrues. Quoique la majeure
partie des mesures de recrutement au niveau postsecondaire ait ciblé les
étudiants des universités canadiennes, le Bureau du Conseil privé sollicite
également de façon énergique des Canadiens faisant des études dans certaines
des plus grandes universités ailleurs dans le monde.
Nous devons regarder au-delà des jeunes et des diplômés universitaires.
Nous devrons recruter pour tous les échelons de la fonction publique, pour tous
les types de postes, et ce partout au pays.
Certains ministères, dont celui de Pêches et Océans, avec son centre d’excellence
en matière de recrutement, passent du recrutement poste par poste à une
approche planifiée et stratégique. Plusieurs ministères ont formé des
partenariats pour subvenir collectivement à leurs besoins. Par exemple, Santé
Canada s’emploie avec six autres ministères à vocation scientifique à
embaucher davantage d’Autochtones dans les domaines des sciences et de la
technologie. De plus, des salons de l’emploi ciblés nous ont aidé à
recruter des gens qualifiés qui reflètent la diversité du Canada.
Comme vous le savez bien, la pyramide d’âge de la population canadienne
est telle qu’au cours de la prochaine décennie, de très nombreux employés
et cadres chevronnés prendront leur retraite. Ce facteur démographique aura d’importantes
répercussions sur notre fonction publique, car la proportion de nos employés
ayant moins de 35 ans ne constitue que la moitié de la proportion des moins de
35 ans dans la main-d’œuvre active ailleurs au pays. Si cela laisse entrevoir
de belles perspectives aux jeunes fonctionnaires, il en découle un immense
défi pour les gestionnaires d’aujourd’hui qui auront à recruter et à
former leur personnel pour en faire les leaders de demain.
Nous pourrions consacrer toutes nos énergies au recrutement, mais ce serait
les gaspiller si nous n’offrons pas un cadre de travail attrayant aux yeux de
nos employés. Le bien-être en milieu de travail passe par l’offre d’un
travail intéressant et d’outils appropriés pour le mener à bon port.
Il faut trouver que son travail est d’une classification et d’une
rémunération adéquates. Il faut travailler efficacement dans un environnement
sécuritaire et respectueux. Il faut pouvoir vivre un équilibre entre les
responsabilités et les aspirations de la vie personnelle et de la vie
professionnelle. Le bien-être en milieu de travail est la pierre angulaire du
maintien en poste de notre précieux personnel. Fondamentalement, le bien-être
en milieu de travail est une mesure du respect de nos valeurs liées aux
personnes.
De nombreux ministères et organismes ont lancé des initiatives visant à
améliorer le milieu de travail, par exemple en adoptant des programmes de
mieux-être et de résolution de différends. Ils reconnaissent et récompensent
ceux qui excellent en gestion axée sur les personnes, parce que la gestion
axée sur les personnes, c’est de la bonne gestion. De plus, nous avons
annoncé des politiques applicables à toute la fonction publique en matière de
prévention et de règlement du harcèlement et en matière de divulgation d’information
concernant des actes fautifs.
En mai 2002, nous réaliserons un deuxième sondage des employés de la
fonction publique. Les fonctionnaires de tous les niveaux et de toutes les
régions du pays auront l’occasion de faire connaître leurs points de vue sur
des questions telles que la charge de travail, le perfectionnement
professionnel, le service à la clientèle, le harcèlement et la
discrimination. Les résultats seront rendus publics à l’automne et donneront
une excellente idée du niveau de bien-être dans nos milieux de travail, par
rapport à 1999 quand le premier sondage a été réalisé. En outre, les
résultats aideront à cerner les éléments sur lesquels il faudra
se pencher.
Depuis fort longtemps, l’apprentissage est une de mes priorités parce qu’à
tous les paliers, le niveau de savoir exigé pour occuper un poste de
fonctionnaire a augmenté. Aujourd’hui, nous sommes tous des travailleurs du
savoir, mais la fonction publique du Canada n’est pas encore entièrement une
organisation apprenante. Nous éprouvons encore de la difficulté à trouver le
temps de profiter d’occasions de perfectionnement, la charge de travail étant
lourde. De plus, nous voyons bien qu’avant que des employés chevronnés ne
prennent leur retraite, il faudra faciliter la transmission de leur savoir à
ceux qui demeurent en poste. Afin de garantir la qualité de notre travail, nous
devons préparer nos recrues à assumer la relève, quel que soit leur âge ou
leur niveau.
L’apprentissage est un investissement essentiel pour la fonction publique
et, ultimement, pour l’avenir du Canada. Nous devons tirer meilleur parti des
occasions formelles et informelles de perfectionnement, des technologies qui
facilitent l’apprentissage et la formation, ainsi que des meilleures pratiques
des secteurs public et privé. Les ministères et organismes s’y emploient et
plusieurs encouragent leurs employés à se servir de plans d’apprentissage
personnels. L’Agence canadienne de développement international s’est dotée
d’une approche à la gestion du savoir conçue pour que ses employés, où qu’ils
soient, puissent se mettre en rapport entre eux, se transmettre leurs
connaissances et les leçons apprises afin d’être plus efficaces. Solliciteur
général Canada, en plus d’offrir plusieurs activités d’apprentissage
internes, s’associe avec Santé Canada pour que ses employés puissent
accéder à de nombreux programmes de gestion de carrière et d’autres formes
d’apprentissage comme peut en offrir un plus gros ministère. De plus, le
Comité des sous-ministres sur l’apprentissage et le développement se veut le
fer de lance de la promotion d’une culture du savoir dans la fonction
publique.
En résumé, nous faisons de grands efforts pour que la fonction publique du
Canada travaille mieux. Nous nous servons mieux des éléments de souplesse que
le système offre présentement, nous mettons à l’essai des idées
prometteuses et tirons parti des réussites ainsi que des échecs des autres.
Néanmoins, ces mesures ne peuvent surmonter certains des problèmes
fondamentaux dont souffre le système de gestion des ressources humaines de la
fonction publique. Afin d’atteindre l’objectif que vous avez fixé dans
votre adresse en réponse au Discours du Trône, soit « que la fonction
publique continue de disposer des talents dont elle a besoin dans sa poursuite
de l’excellence », il faudra une réforme législative.
Édifier le système dont nous avons besoin
Après les événements du 11 septembre, plusieurs se sont demandé si le
gouvernement allait, ou même devrait, poursuivre la modernisation de notre
régime de gestion des ressources humaines. Moi pas. Nos réalisations de l’automne
dernier attestent de la résistance de nos fonctionnaires et des solides valeurs
qui nous guident. Cependant, le maintien d’un haut niveau de performance —
excellence des services rendus et élaboration de politiques avantageant les
Canadiens au cours des prochaines années — demeurera hors de portée si
le système n’est pas remanié en profondeur.
Conçu en fonction des réalités d’une autre époque, le régime actuel
est devenu lourd et contre-productif. En fait, comme vous le savez bien, la
vérificatrice générale du Canada concluait dans son récent rapport sur le
recrutement que « la fonction publique faisait face à un défi des plus
menaçants en ce qui touche le ‘capital humain’, en raison du vieillissement
de son effectif, des initiatives prises dans le passé en matière d'embauche et
de réduction des effectifs, de la nature différente du travail et de la
prévision d'un marché du travail concurrentiel dans les années
à venir ».
Les problèmes sont complexes et interreliés. Combler un poste prend en
moyenne cinq mois. Les retards entraînent des surcharges de travail chez les
autres employés, le non-respect d’engagements et une diminution de la
qualité des services rendus au public. Pour accélérer l’embauche, les
gestionnaires admettent qu’il se fient trop à du personnel temporaire.
Cependant, ces offres de travail de courte durée ne réussissent pas à attirer
des travailleurs hautement qualifiés, particulièrement ceux qui ont de l’expérience
et ont déjà un emploi ailleurs.
Le Comité consultatif sur les relations de travail patronales-syndicales
dans la fonction publique du Canada a conclu que « bien que le système
soit censé protéger les employés contre le favoritisme et des comportements
semblables, les dirigeants syndicaux le considéraient comme un mécanisme ni
transparent ni équitable... ». Qui plus est, des employés de longue date
estiment qu’on passe sous silence la pauvreté du rendement des uns et que la
seule façon dont nous récompensons le travail bien fait des autres est de leur
donner plus de travail à faire. Cela ne contribue pas au mieux-être du milieu
de travail, alors qu’en plus, le public n’est pas bien servi.
Le 3 avril 2001, vous avez demandé à Ranald A. Quail de diriger
le Groupe de travail sur la modernisation de la gestion des ressources
humaines.
Tout en se rapportant à moi, il appuie la présidente du Conseil du
Trésor, Mme Lucienne Robillard, en sa qualité de ministre
responsable de la réforme de la gestion des ressources humaines au sein de la
fonction publique. Au cours de la dernière année, ce groupe de travail a
élaboré avec diligence des recommandations sous-tendant un encadrement moderne
des politiques, des lois et des institutions qui permettra à la fonction
publique d’attirer, de maintenir en poste et de développer les talents
nécessaires pour bien servir les Canadiens.
Afin d’appuyer le gouvernement, nous avons besoin d’une fonction publique
compétente et impartiale à même de dire sans crainte toute la vérité aux
autorités. Afin de bien servir les Canadiens, nous avons besoin d’une
fonction publique compétente et impartiale qui vise l’excellence et recherche
l’innovation. Afin d’attirer des Canadiens de talent qui ont le cœur à l’ouvrage
et de les maintenir en poste, nous avons besoin d’une fonction publique
compétente et impartiale reconnue pour sa qualité et son travail d’équipe.
Malheureusement, je crois que le processus que nous avons a évolué d’une
façon telle qu’il mine le principe du mérite. Il nous faut des
changements législatifs afin de protéger le mérite.
Permettez-moi de réitérer que les efforts du Groupe de travail continuent
à être guidés par les principes directeurs dont je traitais dans mon rapport
de l’an dernier :
« Nous croyons qu’un cadre législatif moderne en matière de
ressources humaines doit se fonder sur les principes directeurs
suivants :
- d’abord et avant tout, sauvegarder le principe du mérite, de l’impartialité,
de la représentativité et de la compétence;
- deuxièmement, assurer que tous les aspects afférents aux ressources
humaines relèvent de la gestion;
- troisièmement, déléguer les pouvoirs de gestion des ressources
humaines aux niveaux de gestion les plus bas possible de la hiérarchie;
- enfin, responsabiliser les gestionnaires et les rendre imputables de
leur gestion. »
Depuis sa mise sur pied, le Groupe de travail a entrepris de vastes
consultations, au sujet desquelles je tiens à reconnaître l’appui de l’Association
professionnelle des cadres supérieurs de la fonction publique du Canada et des
conseils fédéraux régionaux. J’ai également profité des conseils de
jeunes employés de la fonction publique et d’un groupe consultatif externe
composé d’experts des secteurs privé, public, syndical et universitaire.
Les propositions concernant la modernisation du cadre législatif de la
gestion des ressources humaines de la fonction publique sont en voie de
parachèvement pour fin d’examen par vous et votre Cabinet. Comme Mme
Robillard l’a mentionné, on s’attend à ce qu’un projet de loi soit
déposé au Parlement cet automne.
Cependant, le changement législatif n’est que le premier volet de notre
travail. La mise sur pied d’un régime moderne de gestion des ressources
humaines s’avère un défi beaucoup plus costaud. Pour y parvenir, nous aurons
besoin de votre confiance indéfectible, ainsi que de l’aval des gestionnaires
et du personnel de la fonction publique. Il faudra veiller à ce que la
modernisation de notre culture de la gestion s’harmonise avec le cadre
législatif et institutionnel. Nos dirigeants doivent être prêts,
enthousiastes et capables d’assumer la responsabilité, le mandat et l’imputabilité
du nouveau régime.
Les chefs de file, à l’écoute d’un nouveau son de cloche
Jamais le leadership n’est-il chose facile, mais il donne davantage de fil
à retordre quand les résultats visés sont grands. La modernisation de la
gestion des ressources humaines offrira des outils à ceux qui sont prêts à s’en
servir. Cependant, le scepticisme et le désabusement sont monnaie courante dans
la fonction publique, et l’on se dit volontiers que ces outils demeureront
lettre morte. Je comprends le désillusionnement auquel donnent lieu les
palabres, tant qu’il n’en découle pas de changement concret. Aujourd’hui,
cependant, nous avons l’occasion de changer les choses fondamentalement. C’est
un changement que ni vous ni moi ne pouvons réaliser seuls.
J’aurai besoin de l’engagement des hauts fonctionnaires qui ont été mis
au courant du défi dans le document Priorités
stratégiques de la fonction publique du Canada pour 2002-2003 (www.pco-bcp.gc.ca/performance-rendement). Ces
priorités exigent que ces derniers prennent des dispositions concrètes et
mesurables pour améliorer leur gestion des ressources humaines et
préparer leurs organisations au changement législatif; voient à ce que leurs
lieux de travail reflètent de plus près la dualité linguistique et respectent
les dispositions de la Loi sur les langues officielles; s’assurent de l’intégrité
et de la continuité des programmes et services en matière de sécurité et d’état
de préparation; et travaillent davantage en collaboration avec leurs collègues
et les intervenants des secteurs public, privé et sans but lucratif.
Dans le contexte de l’économie du savoir, la prospérité repose sur l’innovation,
et celle-ci, sur l’investissement dans la créativité et le talent des gens.
Or, l’innovation et l’investissement dans les gens sont tout aussi
importants dans la fonction publique du Canada. Nous devons mobiliser l’enthousiasme
et l’intelligence des gens dont nos équipes se composent déjà, ainsi que de
ceux que nous aimerions y intégrer. C’est pourquoi nous favorisons un
leadership qui est autant le moteur d’un changement de culture que d’une
culture qui prise le changement.
Je dois dire que je suis souvent frappé par l’humilité des héros du
quotidien de la fonction publique. Ils insistent sur le fait qu’ils n’ont
rien fait de spécial, qu’ils n’ont fait que leur boulot. C’est
probablement vrai et c’est pour cela qu’ils nous en apprennent tant. Nous,
les fonctionnaires, devons apprendre de ceux qui font les choses bien du premier
coup, de ceux qui travaillent dans un esprit de collaboration, de ceux qui
croient qu’une personne, un geste, un changement peut faire une différence.
Conclusion
Je suis très fier de la fonction publique du Canada, tant pour ce qu’elle
a accompli dans le sillage des événements du 11 septembre que pour ce qu’elle
réalise chaque jour de par le pays. Les valeurs que nous partageons constituent
des assises sur lesquelles nous pouvons bâtir.
Afin de relever demain les défis de la fonction publique, nous devons
poursuivre les efforts déjà entrepris en matière de recrutement, de
bien-être en milieu de travail et d’apprentissage. Nous devons vous
présenter de solides propositions de restructuration de notre gestion des
ressources humaines. Et nous devons veiller à ce que les changements à la loi
mènent à une amélioration, pas seulement à du changement.
En notre qualité de fonctionnaires, nous comptons les uns sur les autres
pour faire progresser les intérêts des Canadiens et servir le gouvernement.
Certains estiment que la fonction publique est une vocation spéciale, d’autres
la perçoivent comme un travail qui leur offre un outil de croissance
personnelle tout en contribuant à édifier la société canadienne. Quoiqu’il
en soit, nous sommes tous rassemblés par les valeurs que nous partageons et les
principes qui sous-tendent notre travail.
J’invite tous les fonctionnaires à participer aux discussions sur nos
principes, nos valeurs et notre éthique.
Par ailleurs, j’enjoins aux chefs de file de la fonction publique, de
quelque niveau qu’ils soient, de faire quelque chose de différent, de
meilleur, soit de transformer la fonction publique d’aujourd’hui en un
milieu qui soit davantage à l’image de nos aspirations.
Je lance le défi aux gestionnaires de la fonction publique de mieux axer
leur gestion sur les personnes.
Ensemble, nous pourrons bâtir une fonction publique forte et capable de
subvenir aux besoins des générations futures de Canadiens et de Canadiennes.
Je vous prie d’agréer, monsieur le Premier Ministre, l’expression de ma
très haute considération.
Mel Cappe
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