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 * Mémoires
Risques et avantages : Les nouvelles frontières de la coopération internationale en matière de réglementation

Michael Hart1

Résumé et conclusions

Les progrès réalisés dans les technologies des transports et des communications ont permis aux gens de choisir, dans une offre de plus en plus variée, ce qu'ils aimeraient manger, porter, conduire, lire, voir, entendre et autre. Autant les entreprises que les particuliers ont la possibilité de rechercher ce qu'il y a de mieux dans le monde, à des prix qui sont désormais abordables à un grand nombre, plutôt que d'être limités par des contraintes de temps et d'espace à des produits et habitudes de consommation locaux. La politique gouvernementale a facilité ce processus et contribué ainsi à créer une société toujours plus prospère, au Canada et ailleurs.

Parallèlement, cette prospérité a amené la population à exiger une qualité de vie plus élevée, attendant aussi bien du gouvernement que du secteur industriel qu'ils accroissent la qualité et réduisent les risques. Cette attitude s'est traduite par des exigences de plus en plus variées en matière de réglementation. Loin de procéder à une déréglementation, la société canadienne a connu, à l'instar de ses homologues dans tous les pays de l'OCDE, une réorganisation des priorités en matière de réglementation : les Canadiens souhaitent que leurs gouvernements interfèrent moins dans leurs choix économiques, tout en améliorant leur qualité de vie.

L'effet combiné des technologies et de la plus grande liberté de choix a rendu les frontières nationales de plus en plus poreuses et encouragé une interdépendance transfrontière et transnationale accrue. Ce processus d'accélération et d'intensification de la mondialisation met aussi bien les gouvernements que les sociétés au défi d'envisager de nouvelles façons de gouverner et de collaborer.

Pour la plupart des Canadiens, les choix qu'ils exercent reflètent de plus en plus la réalité de leur emplacement géographique. Nous vivons dans un pays voisin de l'économie la plus importante, la plus puissante, la plus dynamique et la plus innovatrice du monde. Nous sommes devenus de plus en plus liés à cette économie, non par coercition, mais par choix, et savons profiter des avantages de la proximité tout en demeurant une économie distincte capable de définir sa propre destinée. Au cours des vingt dernières années, l'intégration nord-sud s'est accélérée alors que les liens est-ouest ont stagné, modifiant profondément les styles de vie et remettant en cause les postulats établis de longue date.

Les Canadiens ont fait figure de pionniers pour trouver des solutions coopératives aux problèmes et aux défis découlant de l'intensification et de l'accélération de la mondialisation. Exerçant généralement peu d'influence sur les prix et les règles dans le domaine du commerce et des affaires à l'échelle internationale, les Canadiens ont vu de grands avantages au fait de mettre sur pied des règles, des institutions et des procédures internationales destinées à trouver des approches coopératives. Qu'il s'agisse de mener des négociations commerciales internationales, d'établir des normes ou de former des réseaux, les Canadiens se trouvent toujours au coeur du processus.

Comme il fallait s'y attendre, une priorité centrale de la stratégie de coopération du Canada a consisté à travailler avec les États-Unis. Les sociétés privées et les représentants du gouvernement ont tous systématiquement établi de vastes réseaux avec leurs homologues américains, veillant de manière quotidienne à ce que les choix américains reflètent les intérêts canadiens et à ce que les priorités et décisions des États-Unis soient prises en compte dans les choix du Canada. Cette coopération systématique très étroite a produit d'excellents résultats : en effet, elle a été essentielle au développement économique du Canada et au bien-être des Canadiens.

La question à laquelle les Canadiens sont désormais confrontés se pose en ces termes : dans quelle mesure sont-ils prêts à passer d'une coopération systématique à une approche plus délibérée et plus activiste afin d'intensifier et d'accélérer le processus d'interdépendance transfrontière? Les choix effectués auront des conséquences importantes et à long terme. Faute d'approches actives pour mettre en place un système de régie conjointe, le Canada se trouve confronté à deux perspectives peu désirables, à savoir : se laisser dériver vers des positions par défaut déterminées par les États-Unis sur la plupart des questions liées à la réglementation du marché, ou faire un effort conscient pour imposer l'indépendance du Canada en matière de réglementation. Dans les deux cas, le Canada pourra se laisser bercer par une illusion d'indépendance tout en faisant face à une autre réalité, celle d'une performance économique bien au-dessous de son potentiel.

La présente étude tente de démontrer que les Canadiens ont beaucoup à gagner, et peu à perdre, à mettre sur pied un programme énergique de coopération en matière de réglementation. Un tel programme devrait être principalement axé sur les États-Unis, en raison des niveaux d'intégration déjà élevés qui unissent les deux pays sur les plans du commerce et des investissements, du degré élevé de compatibilité et de similarité de leurs buts et de leur approche, et du nombre important de réseaux de coopération déjà en place. Le fait de travailler très étroitement avec les États-Unis peut également offrir au Canada une possibilité directe de s'allier à des programmes américains de coopération en matière de réglementation, tels que le Dialogue transatlantique entre l'Union européenne et les États-Unis.

L'objectif directeur d'un tel programme devrait consister à accroître la compatibilité et la complémentarité des objectifs, de la conception et des résultats plutôt que de s'attacher aux détails, en favorisant l'échange de renseignements, la prise de décisions conjointe, le renforcement des réseaux, la mise en place de soupapes de sécurité convenues, une utilisation accrue d'accords de reconnaissance mutuelle et d'instruments analogues, la mise en place de mécanismes et d'institutions appropriés pour renforcer la confiance mutuelle et faciliter l'échange de renseignements et, finalement, la prise de décisions conjointe. La négociation d'un tel programme sera facilitée si elle s'inscrit dans le cadre d'efforts plus vastes visant à conclure un nouvel arrangement bilatéral avec les États-Unis sur la gamme complète des interactions transfrontières.

En revanche, il est dans l'intérêt du Canada de maintenir son engagement de longue date à poursuivre la coopération par le biais de forums multilatéraux tels que l'ISO et l'OMC. L'amélioration continue des mesures et procédures des accords de « normalisation » de l'OMC, par exemple, sera un élément important du Programme de Doha pour le développement. Outre les clauses de révision incluses dans l'Accord sur les obstacles techniques au commerce, l'Accord sur les mesures sanitaires et phytosanitaires, l'AGCS, les ADPIC, et d'autres accords de l'OMC, un grand nombre des questions appuyant l'objectif de renforcer l'équité et la disputabilité des marchés gravitent autour de l'établissement de normes internationales et des procédures nécessaires à leur mise en oeuvre et à leur application. Dans la poursuite de ces objectifs, la question fondamentale sera de trouver un terrain d'entente entre deux ensembles opposés de valeurs et de priorités sociales : celles adoptées par une culture commerciale fondée sur les avantages du libéralisme et de la libre concurrence et qui suppose la présence de marchés ouverts et la liberté de choix, et celles prônées par la culture de la réglementation, fondée sur les avantages d'un ordre comprenant des contraintes à la concurrence, des efforts visant à faire la promotion de la responsabilité sociale et des mesures d'atténuation des effets néfastes du libre marché. Le défi consiste à trouver un équilibre entre ces valeurs concurrentes.

Pour finir, le Canada devrait continuer à être prêt à travailler avec d'autres partenaires sur des marchés spécialisés, lorsque ces débouchés complètent les programmes de coopération américains ou multilatéraux. Dans certains secteurs de production et domaines de réglementation, les possibilités de coopération avec d'autres pays, par exemple, avec le Japon ou l'Union européenne, peuvent donner des résultats plus intéressants qu'avec les États-Unis. Toutefois, dans des cas où le Canada se verrait obligé de choisir entre les États-Unis et d'autres partenaires, la position par défaut devrait pencher de plus en plus en faveur des États-Unis. La logique de la proximité et de l'intégration mutuellement profitable rend tout autre choix contre-productif.

Risques et avantages : Les nouvelles frontières de la coopération internationale en matière de réglementation

Une des caractéristiques du nouveau marché mondial est l'apparente préséance de l'économie sur la politique. [...] Ce n'est pas la fin de l'État-nation, et encore moins la fin du gouvernement, [mais cette situation] place le gouvernement face à un défi de taille : non seulement doit-il imaginer des moyens de réduire son intervention dans certains domaines, mais également réorganiser et réorienter son intervention dans d'autres, tout en gardant la confiance du public.
Daniel Yergin et Joseph Stanislaw, Commanding Heights [trad.]

La disparition de l'État-nation [...] n'est pas pour demain; en effet, dans la plupart des pays, le gouvernement a continué de prendre de l'expansion. À n'en pas douter, la mondialisation punit les actions arbitraires des États et soumet les politiques économiques à un examen plus minutieux. [...] Essentiellement, la mondialisation a accru le coût d'un mauvais gouvernement.
John Micklethwait et Adrian Wooldridge, A Future Perfect [trad.]

Portée et contexte

Les progrès réalisés dans les transports et les communications - les principaux moteurs de la mondialisation - ont ouvert un vaste champ d'occasions d'affaires internationales et attiré l'attention de la communauté internationale sur une toute nouvelle série de questions de nature réglementaire. En revanche, les progrès réalisés pour réduire les obstacles à la frontière ont accru l'importance relative des obstacles « derrière les frontières », notamment de ceux liés aux normes et aux règlements. Bien que les organismes internationaux aient réussi à élaborer des normes et des règlements applicables à l'échelle mondiale, les gouvernements continuent à promouvoir ou à établir des exigences nationales et infranationales particulières. D'un autre côté, les gouvernements étudient actuellement des moyens de promouvoir la coopération intergouvernementale, tant pour réduire l'incidence de différences marginales en matière de réglementation que pour renforcer les effets désirables dans ce domaine. Ainsi, à mesure que la mondialisation de la vie économique se poursuit, le rôle des règlements et des normes, soit pour limiter, soit pour faciliter la « disputabilité » des marchés, est devenu un enjeu de plus en plus important.2

On appréciera mieux le lien croissant entre l'intensification de la mondialisation et l'internationalisation de l'élaboration de règles si on envisage le monde de la réglementation comme un ensemble de régimes imbriqués à quatre paliers :

  • Le régime immédiat de l'organisme de réglementation sectoriel, tel que le régime spécifique de sécurité qui régit la prestation de services aériens de transport de passagers, les exigences en matière de protection de l'environnement qui conditionnent certains processus de fabrication, ou le régime de sécurité alimentaire administré par le service canadien d'inspection des aliments.

  • Le cadre horizontal de lois, de règlements, d'institutions et de procédures contenant un régime de réglementation spécifique ou immédiat, tel que le cadre de lois régissant la concurrence, le droit des sociétés, la protection des consommateurs et plus.

  • Le système général de régie à l'échelle nationale ou infranationale qui permet de gérer la réglementation au sein de l'État, notamment les liens entre les fonctions législatives, exécutives et judiciaires, et l'établissement de priorités nationales ou infranationales.

  • Le régime international comprenant les règles, les institutions et les procédures permettant de coordonner des priorités nationales, de définir des normes internationales et infranationales, et de régler des différends.3

Depuis la Seconde Guerre mondiale, le rôle et l'influence du quatrième palier ont augmenté d'une façon exponentielle. L'édition actuelle du Yearbook of International Organizations, par exemple, dresse une liste de plus de 5 000 organisations intergouvernementales et de plus de 25 000 organisations internationales non gouvernementales.4 Un grand nombre de ces organisations jouent un rôle actif dans la conception, l'élaboration, la mise en oeuvre et l'administration du quatrième palier de réglementation. En outre, à l'instar de nombreux autres pays, le Canada a tissé un nombre croissant de liens officiels et non officiels avec d'autres pays, soit à l'échelle bilatérale, soit par le biais d'associations, d'organisations et d'ententes internationales. Des responsables du gouvernement et du secteur privé ont, par exemple, développé de nombreux liens avec des représentants étrangers de même optique pour discuter de problèmes similaires et d'approches communes. Les Canadiens sont des participants actifs à de nombreuses communautés épistémiques de ce type, renforçant ainsi la nature bilatérale des relations qui unissent les trois premiers paliers de réglementation du Canada au quatrième.

De même, au cours des cinquante dernières années, on a assisté à une explosion de la croissance des échanges et des investissements internationaux. Au cours de cette période, la valeur relative du commerce mondial a été pratiquement multipliée par trois et demi. Le dernier Rapport sur l'investissement dans le monde fait remarquer que la valeur des exportations mondiales de biens et de services non facteurs a atteint 7,43 billions de dollars en 2001, soit 23 p. 100 du PIB mondial qui s'élève à 31,9 billions de dollars. Par ailleurs, les ventes réalisées par des sociétés étrangères affiliées ont été estimées à 18,5 billions de dollars, soit 58 p. 100 du PIB mondial.5

Ces simples statistiques ne traduisent probablement pas la pleine ampleur de cette interconnectivité et interdépendance croissantes. Une proportion croissante du commerce s'opère désormais à l'intérieur des branches d'activités industrielles et des sociétés. Elle s'appuie sur des intrants et services intermédiaires et est alimentée par des investissements étrangers directs bilatéraux. Compte tenu de l'augmentation du commerce international de services et de la désagrégation de la production, le commerce, l'investissement et les transferts de technologies sont devenus des activités économiques complémentaires. La circulation de l'information et de la technologie représente le facteur le plus important, mais le plus difficile à mesurer, de cette intégration croissante. Une quantité inconnue, mais considérable, d'information et de technologies est désormais échangée au sein de réseaux privés et internes. Seule une partie de ces échanges peut être mesurée, ce qui laisse entendre que les statistiques officielles sur le commerce et les investissements sous-estiment peut-être la valeur et l'intensité réelles du commerce international et ne reflètent pas la richesse des nouveaux modèles d'interaction et d'intégration économiques à l'échelle internationale.

Ces nouveaux modèles d'intégration sont les réponses du marché à des débouchés créés par les avancées technologiques. Toutefois, la libéralisation intégrée dans les accords intergouvernementaux a aidé à créer le contexte au sein duquel ces débouchés se sont avérés avantageux, et la politique gouvernementale continuera à jouer un rôle important pour faciliter la croissance et le développement axés sur le marché. Les pays de l'OCDE se sont largement rendu compte des avantages de la libéralisation classique. Les enjeux qui influencent actuellement des comportements beaucoup plus variés dans le domaine du commerce et des investissements sont moins le fait de politiques de segmentation des marchés traditionnelles, telles que les tarifs et les contingents, que de différences plus subtiles en matière de réglementation. L'administration des frontières demeure importante pour faire respecter ces différences; toutefois, le secret pour les aborder de manière adéquate réside moins dans la libéralisation des marchés que dans la conception d'approches coordonnées ou coopératives pour régir les marchés. Les accords de libéralisation étaient principalement fondés sur une prise de décision statique axée sur le mouvement transfrontière de biens; les accords de régie reposent, au contraire, sur l'établissement d'institutions et de procédures plus dynamiques ayant une influence sur une gamme beaucoup plus variée d'opérations transfrontières, et notamment sur le mouvement de tous les facteurs de production. La coopération en matière de réglementation est un élément essentiel de ce programme émergent.

L'incidence combinée des avancées technologiques et de l'évolution des politiques favorise non seulement l'accélération des échanges mondiaux mais également, dans une mesure encore plus importante, l'intensification des liens commerciaux régionaux. Le commerce transfrontières impose de plus en plus comme le facteur de croissance des liens commerciaux régionaux, alors que l'investissement étranger direct est devenu le moteur des liens interrégionaux. Les entreprises canadiennes exploitent cette réalité nouvelle, accroissant leur part de marché en Amérique du Nord par le biais du commerce et des investissements, tout en établissant une présence commerciale en Europe et en Asie davantage axée sur l'investissement que sur le commerce. Allan Rugman, économiste d'entreprise, déclare à ce propos [trad.] : « loin de s'opérer sur un marché mondial unique, la plupart des activités commerciales [...] s'opèrent au sein de blocs régionaux. [...] Les directeurs de réseaux de seulement 500 sociétés représentent le moteur de la mondialisation. [...] [C]es sociétés établies en triade luttent pour tirer leur épingle du jeu sur des marchés régionaux extrêmement concurrentiels. »6 Cette réalité devra de plus en plus orienter l'approche du Canada sur la coopération en matière de réglementation.

La profondeur et l'étendue de cette interdépendance ont un profond impact sur l'état de la réglementation. Il y a une génération de cela, la limite entre l'espace national et l'espace international était relativement claire et l'étendue des obligations nationales assurant une régie conforme aux normes internationales était relativement limitée et bien définie. Ce n'est plus le cas à présent. Le régime commercial international - tel qu'il est consacré dans l'Organisation mondiale du commerce (OMC) et ses centaines d'accords auxiliaires régionaux et bilatéraux, dont on pourrait dire qu'ils représentent les régimes intergouvernementaux les plus avancés et, par conséquent, les plus exigeants - a considérablement élargi sa portée au cours des vingt dernières années. On a également assisté à une profonde évolution de son centre de gravité, qui est passé de la prescription négative à une élaboration de règles positives. Désormais, ses règles requièrent non seulement des gouvernements qu'ils honorent les engagements précédents en matière de libéralisation, mais également qu'ils adoptent et mettent en oeuvre des politiques, des pratiques et des procédures spécifiques. Ces règles additionnelles s'étendent bien au-delà des frontières nationales et concernent des questions d'ordre public beaucoup plus variées. L'objet et le but de la politique commerciale sont ainsi passés d'une libéralisation du commerce par la réduction des obstacles commerciaux, à l'élaboration de règles positives visant à préserver la capacité des producteurs partout dans le monde à disputer pleinement les marchés des États membres, et à permettre aux gouvernements de gérer une intégration de plus en plus profonde de leurs économies.7

Au Canada, économie prospère de taille moyenne fortement dépendante des échanges avec le reste du monde, et plus particulièrement avec la seule superpuissance mondiale, l'intégration des décisions externes à la prise de décisions interne s'est rapidement accrue, principalement à l'avantage des Canadiens, mais pas sans avoir rencontré quelques difficultés de croissance et généré de nouvelles contraintes pour s'adapter et se conformer aux normes internationales, un défi que le Canada a relevé avec brio. Comme un récent rapport de l'OCDE l'indiquait, [trad.] « le Canada possède un système de régie évolué et efficace en matière de réglementation. Il n'a pas seulement été un pionnier dans le domaine de la réglementation mais a également démontré des qualités de leadership constantes ainsi qu'une vigoureuse capacité d'innovation dans des domaines très variés. »8

Pour la plupart des Canadiens, l'idée de tourner le dos à ces nouvelles réalités et d'isoler l'économie canadienne du reste du monde n'est pas une option envisageable. Il existe, bien entendu, une alternative aux efforts stratégiques mis en oeuvre pour faciliter l'intégration économique. Les gouvernements peuvent s'opposer aux forces de l'intégration silencieuse en mettant en place de nouvelles barrières d'envergure et en essayant de garder leurs distances. Dans le cas du Canada, une telle politique représenterait une sérieuse rupture des efforts déployés pendant pratiquement soixante-dix ans pour essayer d'assouplir graduellement le processus d'intégration international, surtout avec les États-Unis, et appauvrirait le Canada. Heureusement, personne ne soutient sérieusement cette position de principe au Canada.9

La réelle difficulté à laquelle les gouvernements canadiens sont confrontés, tant aux niveaux fédéral que provincial, consiste à définir quels autres avantages le Canada pourrait tirer de l'adaptation à des normes internationales, ainsi que la meilleure façon de faire appliquer et d'adopter de telles normes. La présente étude examine certains des enjeux soulevés par cette difficulté du point de vue du commerce et des investissements. Bien entendu, la coopération internationale entre gouvernements sur des questions liées à la réglementation englobe un ensemble de domaines beaucoup plus vaste que le commerce et l'investissement. Toutefois, aux fins de la présente étude, la dimension du commerce et des investissements suffit largement à alimenter notre réflexion; d'autres aspects seront abordés uniquement dans la mesure où ils aident à mettre en lumière le principal objectif de l'analyse.

La négociation de règles et de procédures internationales liées à des questions d'ordre réglementaire est compliquée par la structure fédérale du gouvernement et la répartition des responsabilités en matière de réglementation économique. Étant donné que les négociations commerciales font de plus en plus leur chemin dans des secteurs relevant de la politique interne, les représentants canadiens font face au défi supplémentaire de négocier d'une seule voix tout en étant capables de mettre en oeuvre et d'appliquer les résultats dans dix provinces et trois territoires. L'expérience acquise au cours des deux dernières décennies de négociations régionales et multilatérales indique que si ce défi peut être relevé, les institutions et procédures existantes pourraient ne pas être suffisantes pour y arriver. Une fois encore, les contraintes d'espace ne permettent pas de discuter pleinement de cette dimension de la réalité canadienne, mais nous signalons tout de même son importance pour concevoir et mettre en oeuvre un programme cohérent et efficace de coopération internationale en matière de réglementation.10

Étendue des différences en matière de réglementation

En dépit des engagements rhétoriques pris à l'égard de l'intensification du libre-échange, de la déréglementation et de la privatisation, les marchés continuent d'être régis par un cadre de règles et de règlements détaillé et très dynamique.11 Les gouvernements de l'OCDE, plus particulièrement, ont peut-être réduit leurs efforts visant à obtenir des résultats économiques spécifiques, mais accru leurs rôles pour gérer les risques et améliorer la qualité de vie. La hausse du niveau de vie a amplifié la demande de priorités sociales telles qu'une amélioration de la santé, de la sécurité, de la fiabilité, de la protection environnementale, des droits de la personne et de l'accès à l'information, lesquelles dépendent toutes de règlements.12 À l'instar de la réglementation économique qui l'a précédée, une grande partie de ces activités de réglementation peut avoir de profonds effets sur le commerce et l'investissement à l'échelle internationale, soulignant la nécessité d'adopter des approches coopératives pour réduire l'effet de distorsion du commerce découlant de différences dans la réglementation.

Dans la plupart des pays de l'OCDE, les corps législatifs et les représentants du gouvernement, aux niveaux national et infranational, participent à un processus continu d'élaboration et d'adaptation des règles. La grande majorité des règles créées par ce processus constant de modification reflète des objectifs stratégiques similaires mais des modes de réglementation, des antécédents, des pratiques législatives, des tâches institutionnelles et des exercices de mise en oeuvre différents. Toutefois, en dernière analyse, un grand nombre de ces différences ont des effets négligeables sur le plan réglementaire, plus particulièrement entre le Canada et les États-Unis, mais gênants et même négatifs sur le plan économique.13 La nécessité de produire de multiples versions d'un même produit, par exemple, peut accroître les coûts de conception et de production et empêcher les sociétés de jouir d'économies d'échelle qui se manifesteraient si la production était conforme à une seule norme acceptée à l'échelle mondiale. Pour les entreprises qui exportent sur de multiples marchés, la promesse d'un concept « une norme, un essai, acceptés partout » est devenue de plus en plus attrayante.14

Il y a vingt ans, par exemple, un exportateur canadien d'appareils électriques pouvait mettre ses produits sur le marché dans le monde entier, fort d'un certificat de sécurité délivré par le Canada. Aujourd'hui, des produits semblables doivent satisfaire des procédures d'essai et de certification distinctes pour les divers marchés dans lesquels ils doivent être vendus. Ces procédures d'évaluation de la conformité, tout en étant inévitables, peuvent entraîner des coûts additionnels importants pour les producteurs cherchant à vendre leurs produits sur de multiples marchés. Dans les cas où des spécifications obligatoires pour un produit diffèrent d'un pays à un autre, il est logique qu'une certification distincte de la conformité du produit soit nécessaire pour chaque pays en question. Même dans les cas où les pays se fient à des règles d'harmonisation à l'échelle internationale ou acceptent les normes d'un autre pays comme étant équivalentes, les essais et les certificats de conformité d'un pays exportateur pourraient ne pas être suffisantes pour attester de la conformité des produits sur un autre marché.

De même, l'exigence selon laquelle les ingénieurs, les comptables, les consultants en gestion, les architectes ou d'autres professionnels mobiles doivent satisfaire une multitude d'organismes de certification pour exécuter essentiellement la même tâche sur une variété de marchés limite leur capacité à utiliser de la manière la plus efficace possible leurs connaissances spécialisées et leurs talents. L'accès aux marchés par les fournisseurs de services financiers, de transport ou de communication peut également être entravé par différentes exigences réglementaires nationales ou infranationales allant au-delà de ce qui peut être nécessaire pour assurer des obligations fiduciaires, de sécurité, de responsabilité ou d'autres obligations similaires.

Bien entendu, tous les secteurs économiques ne sont pas touchés de la même manière par la dimension internationale de la diversité des règlements. Les entreprises fortement axées sur l'exportation, comme celles opérant dans le secteur des télécommunications et le secteur forestier, s'intéressent davantage à l'établissement d'une convergence internationale que les secteurs subissant la concurrence des importations. La nature des produits (p. ex., des produits indifférenciés par rapport à des biens et des services possédant des attributs particuliers) et les critères sur lesquels ils se fondent pour soutenir la concurrence (p. ex., le prix par rapport à la qualité ou le rendement) ont également des conséquences importantes sur le rôle que devront jouer les différents règlements. Par conséquent, il n'est pas surprenant de constater que les discussions secteur par secteur sur des questions liées à la réglementation produisent souvent les résultats les plus satisfaisants pour réduire les obstacles inutiles et coûteux au commerce.

Malgré les progrès réalisés dans l'élaboration de normes internationales et dans la négociation de disciplines multilatérales et régionales sur l'application des normes et règlements afférents, les obstacles réglementaires au commerce des biens et d'autres obstacles similaires au commerce des services demeurent par conséquent de graves entraves au commerce international. Une gamme sans cesse croissante de produits industriels - depuis les aéronefs, les automobiles et la machinerie jusqu'aux produits chimiques, aux médicaments et à l'équipement électrique - doivent être testés et certifiés selon des exigences normatives et réglementaires strictes avant de pouvoir être vendus.15 Les services connaissent une croissance tout aussi explosive et de plus en plus de services peuvent être offerts par des fournisseurs de partout dans le monde, tout en continuant à être limités par des exigences de qualification et de certification contraignantes et souvent répétitives. La conformité aux différents règlements nationaux, alliée à une répétition des essais et des procédures de certification pour les produits et les fournisseurs destinés à différents marchés, augmente les coûts pour les fabricants et les fournisseurs oeuvrant sur le marché mondial. De plus, la complexité et la longueur des procédures d'approbation des produits ou des fournisseurs peuvent freiner l'innovation, gêner le lancement de nouveaux produits et avoir pour objectif de protéger les producteurs et les fournisseurs nationaux contre leurs concurrents étrangers.16

Pour les fournisseurs de biens, la prolifération de différentes normes et exigences réglementaires s'est accompagnée d'une demande croissante de la part des gouvernements, comme condition préalable à la vente, que la conformité aux normes soit démontrée par le biais de procédures d'inspection, d'essai ou de certification indépendantes. Ces procédures sont exécutées par l'organisme de réglementation du pays important le produit ou, de plus en plus, par des organismes privés ou parapublics travaillant pour leur compte. En ce qui concerne les fournisseurs de services, la nécessité de démontrer leur compétence et leur fiabilité à une kyrielle d'organismes de réglementation nationaux et infranationaux peut gravement limiter leur mobilité et leur capacité à concevoir des produits spécialisés novateurs. Dans certains secteurs, tels que le secteur forestier, des organismes entièrement privés ont réussi à élaborer et à appliquer des normes en se fondant sur des critères qui soulèvent de sérieuses questions sur le plan de la légitimité et de l'obligation redditionnelle.17

Le manque d'acceptation des évaluations de la conformité crée un certain nombre d'obstacles potentiels au commerce international. Il peut se traduire par la répétition coûteuse et largement inutile de procédures d'essai et de certification pour différents marchés nationaux. Même pour exporter vers un seul marché d'outre-mer, un producteur pourrait devoir effectuer des essais approfondis dans le pays afin d'évaluer la probabilité que le produit soit conforme aux exigences du pays ou du client auquel il est destiné. En outre, la nécessité de soumettre des produits ou des personnes particulières à une évaluation par des organismes de réglementation sur des marchés d'outremer souvent éloignés peut entraîner des retards dans l'obtention d'approbations qui, surtout dans le cas de technologies novatrices, de produits à courte durée de vie, ou de services devant être fournis dans une certaine période, peuvent gravement nuire à leur commercialisation. Des coûts de transport accrus peuvent également découler du rejet du produit pour non-conformité aux exigences réglementaires du pays importateur.

Les approches en matière d'évaluation de la conformité peuvent également varier d'un marché à l'autre, d'un secteur à l'autre et d'un produit à l'autre. Dans certains cas, la déclaration de conformité d'un fabricant peut suffire, sous réserve de vérification périodique. Dans d'autres cas, le fabricant peut être tenu de soumettre ses produits à des essais ou à la vérification du gouvernement ou d'un tiers. Dans les cas où les règlements gouvernementaux dépendent de l'évaluation et de la certification par un tiers, on pourrait voir apparaître une industrie spécialisée dans les procédures d'essai et de certification, possédant ses propres normes et règlements également soumis à l'évaluation et la certification. La complexité et le coût de l'infrastructure requise pour mettre en place un régime réglementaire élaboré créent, bien entendu, une panoplie d'intérêts pouvant compliquer tout effort visant à simplifier ou à harmoniser des exigences réglementaires transfrontières en matière de réglementation ou à réduire les coûts et frais indirects des procédés de vérification de la conformité.

Dans les cas où une approbation réglementaire est accordée sur la foi de l'inspection et de la certification du système de qualité du fabricant ou du fournisseur, plutôt que simplement du produit (une approche réglementaire de plus en plus courante), cette approbation nécessite des visites d'inspection coûteuses et fastidieuses de la part des autorités du pays importateur. Dans bien des cas, les difficultés à comprendre le régime réglementaire d'un marché étranger donné - à cause de la distance, de la langue ou des différences culturelles - peuvent agir comme un obstacle discriminatoire de facto contre les importations.

Répercussions économiques et commerciales

Peu de recherche systématique a été effectuée sur les coûts économiques et les répercussions commerciales nuisibles de règlements divergents et il n'existe aucune preuve prima facie que les règlements ont forcément des répercussions économiques néfastes ou des effets perturbateurs sur le commerce. En fait, de nombreux signes indiquent que des règlements bien conçus peuvent être des vecteurs de promotion et de facilitation des échanges.18 De même, rien n'indique que la concurrence réglementaire est forcément nuisible, bien que les coûts générés par un dédoublement des efforts puissent rendre une telle concurrence moins utile que certains de ses défenseurs ne l'affirment. Ainsi, contrairement aux efforts visant à réduire et même à éliminer les tarifs douaniers et les contingents, dont les effets nuisibles sont bien documentés, l'approche internationale employée par les gouvernements pour aborder des questions reliées à la réglementation a consisté à isoler les problèmes que ces dernières pouvaient susciter et à les aborder avec des mesures conçues pour réduire ou éliminer leur effet perturbateur sur le commerce. 19

En règle générale, les problèmes de différences nuisibles au commerce dans les normes sur les produits liées à la compatibilité, par exemple, sont bien traités, soit par les forces du marché, soit par le travail d'organismes de normalisation internationaux tels que l'Organisation internationale de normalisation (ISO), la Commission électrotechnique internationale (CEI), ou le Codex Alimentarius.20 L'analyste américain Alan Sykes fait remarquer que « autant la théorie que la pratique indiquent que les incitatifs du marché visant à éliminer des incompatibilités indésirables sont souvent puissants et que beaucoup de travail sera accompli lorsque le secteur privé pourra faire jouer ses propres mécanismes. Les problèmes de mesures collectives et les imperfections des mécanismes de concurrence, toutefois, sont une source d'échecs commerciaux potentiellement importants ».21 Ceux qui nuisent réellement au commerce se classent généralement dans deux grandes catégories : les problèmes qui ont précédé les efforts visant à créer des normes internationales (p. ex., les véhicules à conduite à droite plutôt qu'à gauche) et ceux qui ont été délibérément établis pour promouvoir des technologies exclusives (p. ex., les vidéocassettes VHS par rapport aux vidéocassettes Bêta ou les systèmes d'exploitation d'ordinateur d'Apple et de Microsoft).

Aucun de ceux-ci ne se prêtent facilement à des efforts visant à éliminer les différences.

Les problèmes des différences nuisibles au commerce dans les normes liées à la qualité sont une toute autre question. Ces derniers mettent souvent en cause des préférences sociales et autres, qu'elles soient prévues dans la loi ou qu'elles soient une question de coutumes nationales. Ici, il est important d'établir une distinction entre des différences fondamentales et des différences qui peuvent être satisfaites de manière à ce que des objectifs similaires soient atteints. On peut faire appel à trois principes pour atténuer ces différences : utiliser le moyen le moins restrictif qui soit, appliquer la norme de façon non discriminatoire et promouvoir le recours à des dispositions faisant état d'équivalence ou de reconnaissance mutuelle pour des normes différentes ou des procédures d'évaluation qui satisfont des objectifs similaires ou équivalents.22 Comme on le verra plus loin, les accords de l'OMC sur les obstacles techniques au commerce et sur l'application des mesures sanitaires et phytosanitaires ont déjà fait beaucoup de progrès en intégrant ces principes dans des règles applicables, régissant le commerce de biens, mais ils ont besoin d'être raffinés et étendus à des autorités infranationales et à des organismes de normalisation privés. Dans le secteur des services, l'Accord général sur le commerce des services (AGCS) et ses annexes constituent un bon point de départ pour la création d'un cadre à l'intérieur duquel on aborde les problèmes créés par des différences réglementaires touchant le commerce de services.

Du point de vue des sociétés, l'incidence de régimes réglementaires semblables mais distincts peut influencer les décisions d'investissement. Ces incidences peuvent être divisées en deux grandes catégories : celles visant à établir une discrimination en faveur des producteurs locaux, et celles qui sont le résultat de règlements ciblant d'autres objectifs. La première catégorie représente les éléments résiduels de négociations traditionnelles en matière de libéralisation des échanges et comprend des mesures telles que les tarifs toujours en vigueur, les restrictions imposées aux marchés publics, les lois sur les recours commerciaux et d'autres mesures similaires. La seconde catégorie comprend une vaste gamme de mesures qui reflètent la complexité croissante des économies modernes et la réponse des gouvernements à des demandes allant de la protection du consommateur à la bonne intendance de l'environnement, en passant par les droits de la personne. Les effets sur le commerce et les investissements de la première catégorie devraient continuer à être abordés par le biais des approches traditionnelles intégrées à des accords de libéralisation du commerce et des investissements; la seconde catégorie requiert de resserrer la coopération pour déterminer les règlements qui n'ont plus aucune utilité publique, ceux qui peuvent être mis en oeuvre et administrés de manière à limiter ou à éliminer l'incidence des différences, et ceux dont les différences sont profondes et importantes. La création d'obstacles importants au commerce peut continuer de s'avérer nécessaire seulement dans le cas de cette dernière catégorie, mais de manière beaucoup plus limitée que ce qui se pratique souvent aujourd'hui.

Pour les petites et moyennes entreprises qui n'ont ni filiales ni présence établie sur les marchés étrangers, le coût d'acquisition de la connaissance du régime réglementaire d'un pays tiers et de l'accès à ce dernier peut effectivement les dissuader d'essayer d'exploiter ce marché. Par ailleurs, l'imposition de normes, d'essais et d'exigences de certification obscurs et accablants peut être utilisée de façon efficace pour décourager les importations et protéger les entreprises nationales de la concurrence.

L'augmentation des différends officiels portés devant le mécanisme de règlements des différends de l'OMC est le signe de frictions commerciales causées par des obstacles techniques discriminatoires. Des recherches menées par l'OCDE et d'autres institutions indiquent que des normes et des règlements techniques différents sur différents marchés nationaux, associés aux coûts des procédures d'essai et de vérification de la conformité à ces exigences, peuvent représenter entre deux et dix pour cent des coûts de production globaux.23 De même, des enquêtes et autres études réalisées par le secteur montrent presque infailliblement que l'évaluation de la conformité et les exigences en matière de certification représentent un obstacle important et croissant au commerce international.24 Il n'est donc pas surprenant de constater que l'évaluation de la conformité soit devenue en elle-même une importante industrie de services, comme en témoigne la croissance rapide du nombre et de la taille des laboratoires d'essai, des organismes de certification et d'assurance de la qualité, des cabinets de vérificateurs et des organisations d'accréditation, aussi bien dans les pays industrialisés que dans les pays en développement.

Le rôle des accords commerciaux

Comme nous l'avons vu, des exigences réglementaires très variées peuvent avoir une incidence sur les opérations économiques transfrontières. Un grand nombre de ces exigences peuvent être établies dans le but d'atteindre des objectifs importants aux niveaux économique et social; toutefois, étant donné qu'elles peuvent également influer sur les opérations transfrontières, ces dernières représentent des questions importantes pour les négociations commerciales. Les accords commerciaux peuvent aborder des restrictions affectant le mouvement transfrontière de biens, de services, de capitaux, de technologies, d'idées ou de personnes de manières très diverses. Le moyen le plus simple de procéder consiste à éliminer ces restrictions. La réduction progressive des tarifs douaniers, et même leur élimination, a été l'une des réalisations les plus importantes des négociations commerciales qui se sont tenues récemment. Par ailleurs, l'instauration de règles commerciales peut permettre d'éliminer la discrimination dans l'application de diverses exigences réglementaires. En garantissant que les fournisseurs nationaux et étrangers satisfont aux mêmes exigences, ces règles assurent aux négociants des possibilités similaires de disputer un marché. Toutefois, même l'absence de discrimination ne peut être une garantie d'égalité face à l'accès au marché et aux débouchés. En établissant des normes de base et en garantissant à tous les fournisseurs ou prestataires de services potentiels des chances raisonnables de satisfaire à ces normes, les accords commerciaux peuvent faire progresser les principes de la libre concurrence des débouchés et de la disputabilité des marchés. Dans chacun de ces cas, les gouvernements essaient de trouver des moyens de limiter les effets commerciaux négatifs d'exigences réglementaires légitimes.

Depuis le début, l'Accord du GATT de 1947 comprenait des règles pour restreindre l'utilisation de mesures réglementaires qui viseraient à protéger les producteurs nationaux. L'article III exige que les règlements et exigences connexes soient appliqués de manière non discriminatoire aussi bien aux produits nationaux qu'aux produits importés. Les dispositions de l'article XX limitent dans une certaine mesure cette exigence, en ce sens qu'elles prévoient des exceptions pour atteindre des objectifs environnementaux ou d'autres objectifs gouvernementaux, à condition que ces dernières ne constituent pas des restrictions déguisées au commerce. Ces principes continuent de servir de fondement à l'approche adoptée à l'égard des obstacles techniques aux accords commerciaux internationaux. Toutes les négociations ultérieures ont détaillé et clarifié ces principes fondamentaux.25

Au cours des négociations du Tokyo Round du GATT (1973-1979), des préoccupations relatives aux répercussions croissantes des exigences techniques ont mené à la conclusion d'un Code sur les obstacles techniques au commerce, appliqué de façon volontaire. Ce Code clarifiait l'application de questions aussi fondamentales que la transparence et la non-discrimination dans l'application de normes sur les produits et des règlements techniques.26 Ce code d'application volontaire n'avait qu'un effet limité et, par conséquent, a été renforcé et rendu exécutoire pour tous les membres de l'OMC au cours des négociations du cycle de l'Uruguay du GATT (1986-1994). En outre, les membres ont négocié l'Accord sur les mesures sanitaires et phytosanitaires pour établir des principes et procédures similaires dans l'application de règlements sur la sécurité alimentaire ainsi que sur la santé des plantes et des animaux. Les deux accords font partie de l'engagement unique qui constitue les règles de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) de 1994.27

Les accords de 1994 exigent des pays membres qu'ils réglementent les produits de la manière la moins restrictive possible pour le commerce, rendent les pays responsables de l'application appropriée des règlements par les autorités gouvernementales locales et provinciales et leur imposent de nouvelles mesures sur la façon dont les laboratoires et les organismes de certification doivent exécuter l'évaluation de la conformité des produits afin de réduire au minimum les contraintes sur le commerce international et de réduire tout risque de discrimination dans ce domaine. L'Accord sur les obstacles techniques au commerce comprend un code de bonne pratique pour guider les activités de normalisation et enjoint aux gouvernements d'assurer le respect de ses dispositions par des organisations infranationales et non gouvernementales. Ce qui est le plus important, les accords encouragent les membres de l'OMC à reconnaître les essais, les certificats et les marques de certification délivrés par les autres membres afin que l'on puisse s'y fier pour fournir des garanties équivalentes en matière de santé et de sécurité. L'Accord sur les obstacles techniques au commerce (article 6.3), par exemple, reconnaît que cette façon de faire n'est possible que si elle résulte de négociations [trad.] :

Les membres sont encouragés, à la demande d'autres membres, à manifester la volonté de se prêter à des négociations sur la conclusion d'accords de reconnaissance mutuelle des résultats de leurs procédures d'évaluation de la conformité. Les membres peuvent demander que ces accords respectent les critères de l'article 1 et qu'ils soient mutuellement satisfaisants en ce qui a trait à la possibilité de faciliter le commerce pour les produits visés.28

De même, l'Accord général sur le commerce des services (AGCS) fournit un cadre de travail pour libéraliser le commerce des services parmi les membres. Comme les accords sur les obstacles techniques au commerce et sur l'application des mesures sanitaires et phytosanitaires, il se fonde en grande partie sur la reconnaissance mutuelle. L'article VI reconnaît le droit des membres de réglementer, mais il demande que dans des secteurs pour lesquels les membres ont pris des engagements en matière d'accès aux marchés, les mesures d'application générale soient administrées « de façon raisonnable, objective et impartiale ». De plus, l'article contient des dispositions sur la « bonne régie » et presse les intervenants participant aux futures négociations de faire en sorte que les mesures relatives aux exigences et aux procédures de qualification, aux normes techniques et aux exigences de délivrance de licences ne constituent pas des obstacles inutiles au commerce des services. En attendant que ces négociations se terminent, l'article prévoit certaines mesures temporaires à cet effet.

L'accord décrit également des procédures pour que les membres reconnaissent, dans certaines conditions et de diverses façons, l'éducation, la certification ou les qualifications des fournisseurs étrangers de services aux fins de leurs propres activités de délivrance de licences, d'autorisation et de certification. Dans les annexes à l'accord, les membres établissent des engagements et des promesses liés à l'accès de services particuliers à leur propre marché, ainsi que des procédures visant à assurer des négociations continues pour consolider l'accord et intensifier la négociation d'autres engagements. Les annexes sectorielles décrivent des droits, des obligations et des engagements plus spécifiques en ce qui a trait à des secteurs plus particuliers, notamment les services financiers, les services de transport, les services professionnels, les services de télécommunications, les services informatiques et autres services connexes, d'autres services commerciaux, des services de construction et de distribution, le tourisme et des services culturels.

L'Accord de l'OMC sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) regroupe avec succès bon nombre des mesures établies dans diverses conventions internationales sur la propriété intellectuelle en un seul engagement, appuyé de mesures exécutoires en matière de règlement de différends. Les membres de l'OMC demeurent libres de déterminer la méthode appropriée pour mettre en oeuvre les ADPIC au sein de leurs propres système et pratique juridiques. Toutefois, l'accord exige des membres qu'ils accordent aux ressortissants d'autres pays membres le traitement national prévu par divers traités multilatéraux sur la propriété intellectuelle. Des obligations plus spécifiques sont définies dans les huit sections consacrées à des secteurs donnés des droits de propriété intellectuelle et de leur application :

  • les brevets
  • les marques de commerce déposées
  • les droits d'auteur et les droits connexes
  • les dessins industriels
  • les indications géographiques
  • les circuits intégrés
  • les renseignements non divulgués
  • les pratiques anti-concurrentielles

La partie III de l'accord établit les obligations des membres relativement à l'application des droits de propriété intellectuelle sur leur propre territoire. Une fois encore, la contrainte principale consiste à obtenir des membres qu'ils acceptent de mettre en place des procédures qui reconnaissent et fassent respecter les droits accordés par d'autres gouvernements membres.

L'accord plurilatéral de l'OMC sur les marchés publics pose la réciprocité comme principe de base. Les gouvernements signataires doivent traiter les produits et les services des autres parties, ainsi que les fournisseurs de ces produits et services, de façon tout aussi favorable que leurs propres produits, services et fournisseurs nationaux pour les marchés couverts par l'accord. Il demande également à chaque partie de s'assurer que les spécifications techniques n'ont pas pour objet ou pour effet d'imposer des obstacles inutiles au commerce.

La crédibilité de ces progrès décisifs pour imposer des obligations nouvelles, plus approfondies, plus vastes et plus rigoureuses, a été assurée par les dispositions sur le règlement de différends. Le Mémorandum d'accord de l'OMC sur le règlement des différends a permis d'intégrer un certain nombre de principes et de procédures d'une importance critique pour l'OMC, accroissant ainsi les chances d'obtenir un niveau plus élevé de conformité et de mise en oeuvre. Prises ensemble, ces nouvelles ententes ont représenté une série de dispositions qui ont renforcé la confiance des gouvernements, des négociants et des investisseurs dans les règles et les procédures du régime commercial international. Les gouvernements se sont mis d'accord sur un niveau d'intervention potentiel dans leurs affaires internes par d'autres gouvernements membres, au moyen de ces procédures. À diverses reprises au cours des huit dernières années, les groupes spéciaux ont été clairs sur le fait que si les gouvernements sont libres d'adopter des normes plus rigoureuses que les normes reconnues à l'échelle internationale, ils doivent être prêts à les justifier sur la foi de preuves scientifiques crédibles. Dans le cas des hormones bovines de l'UE et du saumon australien, par exemple, les groupes spéciaux ont clairement indiqué qu'ils n'étaient pas satisfaits de la qualité et de la validité des preuves scientifiques présentées par l'UE pour justifier son interdiction d'importer du boeuf traité aux hormones, ni de celles utilisées par l'Australie pour interdire l'importation de saumon frais, réfrigéré et congelé en provenance du Canada.29

Bien entendu, les dispositions relatives au règlement des différends ne sont utiles que dans la mesure où les règles sous-jacentes qu'elles doivent interpréter et faire appliquer sont elles-mêmes utiles. Si ces règles demeurent vagues ou ambiguës, les groupes spéciaux de règlement des différends ne peuvent combler le vide. Les différences ne peuvent alors être réglées que par la négociation. Bon nombre des groupes spéciaux qui se sont prononcés sur des questions relatives aux obstacles techniques au commerce ou à l'application des mesures sanitaires et phytosanitaires ont étiré le plus possible les obligations de ces accords. Leurs conclusions indiquent également qu'il existe sans doute de meilleurs moyens de résoudre les problèmes créés par une différence dans les normes, les règlements et les procédures d'évaluation de la conformité.30

L'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) et d'autres accords de libre-échange conclus entre le Canada et divers pays s'appuient sur ces obligations de base de l'OMC et les prolongent. En ce qui concerne le commerce de biens, par exemple, ces accords impliquent l'élimination virtuelle des tarifs douaniers. En ce qui concerne le commerce de services, ils impliquent un élargissement des obligations sur le traitement national. Au chapitre de l'investissement, certains accords instaurent de nombreux droits et obligations supplémentaires. Toutefois, les contours de ces accords suivent essentiellement le modèle établi par les accords de l'OMC. Pris ensemble, ils constituent un important niveau d'obligations régissant la réglementation du commerce et de l'investissement à l'échelle internationale, et permettent notamment d'accroître le niveau d'obligations conditionnant les régimes réglementaires internes et les activités de normalisation privées.

L'évolution du régime commercial, à l'échelle multilatérale, régionale et bilatérale, devrait offrir de nouvelles possibilités d'accroître et de renforcer les règles et d'approfondir les engagements pris à l'égard de la libéralisation. À l'exception de l'agriculture, peu de secteurs figurent encore à l'ordre du jour du processus de libéralisation, ce qui met en évidence l'utilité d'éliminer une fois pour toute les tarifs industriels et d'autres méthodes traditionnelles de segmentation des marchés. La prise de nouveaux engagements dans le domaine des services et l'instauration de régimes multilatéraux pour régir les mesures liées à l'investissement et à la concurrence seraient également profitables au Canada. Toutefois, une grande partie de cette activité (tant à l'échelle multilatérale que régionale) progresse très lentement et a peu de chance d'aboutir à des résultats concluants dans les années à venir. Étant donné que les questions sont devenues plus complexes et les intervenants plus nombreux, le processus s'est ralenti et les résultats ne présentent plus un intérêt immédiat pour la situation commerciale et économique du Canada. Par conséquent, comme on le mentionne plus loin, ce sont les stratégies coopératives avec les États-Unis qui offriront le plus d'avantages au Canada dans l'immédiat.

Participation du Canada à d'autres formes de coopération internationale sur la réglementation

Étant donné la grande importance du commerce extérieur et de l'investissement étranger pour le bien-être économique du Canada, il n'est pas surprenant que les Canadiens et les sociétés, associations, institutions et gouvernements canadiens soient parmi les acteurs les plus actifs sur la scène internationale en ce qui concerne la promotion de la coopération en matière de réglementation, et ce, de la normalisation à l'élaboration de règles. La participation du Canada à ces activités internationales est grandement influencée par la nature et la taille de l'économie canadienne, une économie qui, bien qu'elle soit beaucoup plus petite que celles des États-Unis et du Japon, entretient des relations commerciales intensives avec ces pays. En outre, l'économie canadienne dépend des niveaux élevés d'investissement étranger direct en provenance de ces pays et dépend grandement de la technologie et des normes élaborées par ces puissances économiques. Les normes élaborées à l'échelle internationale et à l'étranger sont par conséquent essentielles à l'activité de réglementation du Canada et à sa compétitivité sur les marchés étrangers. Dans ce contexte, le rôle des États-Unis est central, particulièrement pour le Canada.

Bien que le Canada, dans l'ensemble, exerce peu d'influence sur les règles et les prix proposés dans les domaines du commerce extérieur et de l'investissement international, l'économie canadienne est suffisamment développée et les contributions du Canada suffisamment importantes pour que le Canada soit au premier rang des pays qui se consacrent au bon fonctionnement du régime international. L'économie canadienne est suffisamment développée et les Canadiens suffisamment prospères pour que le pays puisse faire cavalier seul dans bon nombre de dossiers. Les organismes de réglementation canadiens doivent par conséquent souvent faire un choix délicat entre l'adoption d'une solution élaborée au Canada et la coopération internationale. Dans un exposé présenté à ce comité, le sous-ministre du Commerce international du MAECI, Len Edwards, a déjà dit qu'il s'agissait d'un « faux problème ». Il a peut-être raison, mais nous savons que trop souvent, en l'absence de lignes directrices et de priorités claires, tout est considéré comme « important »31. L'histoire du Canada montre bien que les Canadiens sont très ouverts à pratiquement toutes les activités internationales et que les gouvernements canadiens ont souvent du mal, officiellement, à faire un choix entre leurs priorités concurrentes. D'un point de vue pratique, toutefois, comme nous le verrons plus loin, la plupart des institutions, associations et organismes gouvernementaux canadiens doivent fréquemment prendre des décisions en fonction de priorités, dont les États-Unis font partie. Ces priorités témoignent de la préférence marquée des consommateurs canadiens pour les produits américains ainsi que de la grande intégration des producteurs canadiens et américains, notamment sur le plan de la normalisation.

En général, les Canadiens soutiennent les efforts déployés par leurs gouvernements fédéral et provinciaux afin d'alléger le fardeau de la réglementation et de coopérer avec d'autres gouvernements afin de réduire les dédoublements, les chevauchements et les coûts, entre autres. À cette fin, les gouvernements déploient des efforts axés sur quatre objectifs fondamentaux :

  • Assurer l'intégrité optimale de la réglementation

  • Réduire les coûts nationaux et les différends internationaux

  • Améliorer les occasions de commerce et d'investissement

  • Adopter les meilleures pratiques internationales en matière de réglementation

Ces quatre objectifs soutiennent une vaste gamme d'efforts continus de coopération internationale, qu'il s'agisse des nombreuses voies multilatérales ou des voies bilatérales ou régionales.

Le Canada, par exemple, est actif auprès d'organismes qui élaborent des normes internationales. Il a fourni des services de secrétariat à l'élaboration des normes ISO 9000 et 14000 et à l'élaboration de normes dans de nombreux secteurs clés comme les pâtes et papiers, le carton, le nickel, les alliages de nickel et les structures en bois d'oeuvre. Bien que le rôle du Canada dans la Commission électrotechnique internationale soit plus restreint que celui qu'il joue au sein de l'ISO, il se charge du secrétariat de quatre comités techniques. Par l'intermédiaire du Conseil canadien des normes (CCN), le Canada est également actif auprès d'importants organismes régionaux et internationaux de réglementation comme l'International Accreditation Forum, Inc. (IAF), l'International Laboratory Accreditation Cooperation (ILAC), l'Organisation de coopération pour l'agrément de la région du Pacifique (PAC), l'Organisation de coopération Asie-Pacifique pour l'agrément des laboratoires d'essais (APLAC), la North American Calibration Cooperation (NACC) et l'International Auditor Training and Certification Association (IATCA). Ces organismes font la promotion à l'échelle internationale de la reconnaissance des accréditations qui portent sur l'homologation de systèmes de gestion, l'étalonnage, la mise à l'essai, l'homologation de produits ainsi que la formation et l'accréditation de vérificateurs. Le Canada collabore également avec de nombreux autres organismes qui élaborent des normes utilisées à l'échelle internationale, notamment avec certains des principaux organismes américains de normalisation comme l'Institute of Electrical and Electronic Engineers (IEEE), l'American Society for Testing and Materials (ASTM), l'American Society for Mechanical Engineers (ASME) et la Society of Automotive Engineers (SAE), qui établit les normes de facto utilisées par l'industrie automobile en Amérique du Nord32.

Le Canada participe également activement à l'élaboration d'accords de reconnaissance mutuelle. Ces accords peuvent être négociés entre des gouvernements (p. ex. l'ARM Canada-UE de 1998 sur le matériel de télécommunications, la compatibilité électromagnétique, les embarcations de plaisance, la sécurité du matériel électrique, les pratiques de fabrication des médicaments et les appareils médicaux) entre des organismes d'accréditation (p. ex. l'accord entre le CCN et l'American National Standards Institute et le Registrar Accreditation Board sur l'homologation des systèmes de gestion de la qualité) et entre des organismes d'essai et de certification (p. ex. l'Association canadienne de normalisation a conclu des accords concernant les normes de sécurité sur l'électricité avec les organismes de normalisation de plus de 30 pays)33. L'Accord sur les obstacles techniques au commerce (AOTC) de l'OMC incite les pays membres à accepter les essais et les homologations des produits des autres pays membres dans la mesure où ces essais et approbations offrent une garantie équivalente en matière de qualité, de santé, de sécurité et d'autres exigences.

En raison de l'interdépendance des économies canadienne et américaine, les représentants des gouvernements canadien et américain collaborent étroitement à la gestion et à la mise en oeuvre d'une vaste gamme de régimes de réglementation similaires mais non identiques qui visent divers secteurs allant de la sécurité alimentaire à la reconnaissance du statut de réfugié34. En effet, ces deux économies ont tissé un vaste réseau d'accords non officiels de coopération sur l'échange d'information, d'expériences, de données et d'expertise dans le but d'améliorer l'efficacité de la réglementation, de réduire les coûts, de régler des problèmes transfrontières, de mettre en place des accords de reconnaissance mutuelle et d'établir des protocoles conjoints de mise à l'essai, entre autres35. Chaque jour, tant au Canada qu'aux États-Unis, des dizaines de représentants des gouvernements fédéraux et provinciaux et de représentants d'État travaillent ensemble, se rendent visite, se réunissent, correspondent par courrier électronique, se téléphonent, etc. Pratiquement toutes ces activités se déroulent en dehors de la sphère politique. Seule une petite partie de ce travail est coordonnée ou régie par un ensemble cohérent de priorités ou d'objectifs stratégiques globaux. Certaines de ces activités sont obligatoires en vertu d'accords officiels comme l'ALENA ou de protocoles d'entente non officiels. En fait, la majorité de ces activités ont été entreprises naturellement par des représentants qui partagent des responsabilités et des points de vue communs et qui tentent de constituer un réseau de soutien qui les aidera à s'acquitter de leurs responsabilités. Ces activités, de manière subtile et indirecte, contribuent à renforcer l'intégration des deux économies. En Amérique du Nord, contrairement à l'Europe, l'intégration est en grande partie « naturelle », c'est-à-dire qu'elle est la conséquence des forces du marché et de la proximité plutôt que d'une orientation gouvernementale. L'ALENA et d'autres accords similaires témoignent des efforts des gouvernements pour s'adapter aux forces qui soutiennent cette intégration et pour mettre en place une structure de régie adéquate et facilitante.

De même, le secteur privé, lorsqu'il établit et adopte des normes, affiche une préférence marquée pour les normes et les procédures américaines de certification et d'évaluation de la conformité. Bien que certains secteurs et sociétés choisissent occasionnellement des normes non américaines afin d'exploiter un débouché en particulier, les gouvernements et le secteur privé tiennent de plus en plus compte de l'intégration de l'économie nord-américaine.

Bien que les activités transfrontières officieuses entre le Canada et les États-Unis demandent davantage de temps et d'énergie aux intervenants, en particulier aux représentants des ministères à compétence interne et des organismes qui se chargent de la plus grande partie de la réglementation canadienne, ces activités n'attirent pas autant l'attention des milieux politiques et du public que les divers dialogues sur la coopération en matière de réglementation avec certains partenaires commerciaux. Divers dialogues de ce genre se déroulent actuellement, notamment avec l'UE, le Japon et au sein de l'APEC36. Ce type d'activité figure également à l'ordre du jour des négociations en vue de l'établissement de la Zone de libre-échange des Amériques et d'un certain nombre de négociations bilatérales de moindre envergure sur l'établissement d'accords de libre-échange. Toutefois, aucune de ces négociations n'a autant d'incidence que les vastes, mais discrets, réseaux de coopération mis en place entre les représentants des secteurs public et privé du Canada et des États-Unis. Nous y reviendrons plus loin.

Façons d'accroître la coopération en matière de réglementation

Une grande partie du débat sur les politiques visant à résoudre le problème des obstacles réglementaires au commerce s'exprime en termes d'hétérogénéité de la réglementation par rapport à l'harmonisation. Évidemment, il ne s'agit pas de savoir si les gouvernements doivent légiférer, mais de trouver comment ils peuvent le faire d'une façon plus efficace et à moindre coût. Le dédoublement des essais de conformité, par exemple, peut alourdir considérablement les coûts sans atteindre aucun objectif de réglementation en particulier. Le refus d'envisager l'équivalence ou la reconnaissance mutuelle pourrait se traduire par un dédoublement des efforts, sans rien apporter de plus à l'organisme de réglementation.

Dans les cas où différents objectifs et valeurs véritables et justifiables sur le plan national sont exprimés dans des normes distinctes, il est beaucoup plus difficile de régler les problèmes qui nuisent au commerce. Dans bien des cas, tout tourne autour de la question hautement empreinte d'émotivité qu'est le risque, que différentes sociétés pourraient envisager différemment. Le Conseil atlantique des États-Unis souligne ce qui suit [trad.] :

Les conséquences des différences entre les politiques de réglementation se font particulièrement sentir dans le dur conflit qui oppose l'Europe et l'Amérique au sujet de la réglementation européenne sur l'approbation des organismes génétiquement modifiés (OGM) destinés aux aliments pour animaux ou à la consommation humaine. Ce différend illustre abondamment les difficultés qui surviennent lorsque des politiques intérieures sur une question délicate de réglementation se heurtent aux obligations commerciales internationales du pays. Le différend a également souligné les différences dans les expériences américaine et européenne en matière de sécurité alimentaire et de crédibilité des organismes gouvernementaux qui en sont responsables37.

La diversité en matière de réglementation trouve donc souvent sa source dans diverses traditions sociales, valeurs et préférences, dans la géographie et le climat et dans des conditions économiques. Une telle diversité pourrait ne pas être servie au mieux par l'harmonisation ou la reconnaissance de règles fondées sur différentes traditions38. Dans ces cas, l'harmonisation risque d'augmenter les coûts sociaux ou économiques. Certaines sociétés, par exemple, sont plus réfractaires au risque que d'autres et veulent protéger leurs consommateurs contre des produits considérés comme sécuritaires par d'autres sociétés. Toutefois, ces valeurs sont parfois utilisées pour entraver le commerce, ce qui indique qu'il est préférable de disposer de solutions coopératives.

Dans certains cas, les différences peuvent favoriser la concurrence et permettre aux consommateurs d'avoir accès à un choix plus vaste. Dans d'autres cas, il sera nécessaire, mais difficile, d'harmoniser ou d'établir des objectifs et des principes communs à l'échelle internationale. Les accords de reconnaissance mutuelle, par exemple, permettent d'échapper à la tyrannie de l'harmonisation de la réglementation dictée par les puissances économiques, tout en remplissant l'obligation politique d'assurer une administration démocratique des marchés. La déréglementation, qui permet aux forces du marché de régler les différences, peut également être utile, qu'elle soit le résultat d'une action unilatérale ou d'un accord international en vue de la déréglementation d'un secteur en particulier. L'adoption des meilleures pratiques internationales est un autre moyen qui, au fil du temps, peut entraîner un degré élevé d'intégrité réglementaire ainsi qu'une compatibilité internationale. L'adoption de protocoles officiels d'échange d'information et la tenue de discussions sur les changements à la réglementation avant leur adoption auprès des principaux partenaires commerciaux et économiques peuvent également contribuer à réduire et à éliminer les différences inutiles ou imprévues et empêcher de nouvelles différences entre les pays de faire obstacle au commerce. Enfin, les activités officielles conjointes de réglementation peuvent éliminer des différences et des dédoublements coûteux39.

Afin d'en arriver à des rapports de coopération entre les différentes autorités de réglementation, il est clair qu'il faut mieux comprendre les coûts et les avantages des différentes stratégies qui lient la réglementation au-delà des frontières juridiques et politiques. Une approche globale consiste à utiliser le « rapprochement réglementaire », qui se concentre sur la réduction des différences pratiques entre les règlements de différents pays, de manière à ce que les réglementations en viennent graduellement à se ressembler ou à avoir des effets similaires; il en résulte un système de réglementation plus unifié. Trois stratégies particulières de rapprochement réglementaire existent au sein des pays membres de l'OCDE.

La stratégie la plus rigoureuse est l'harmonisation ou la normalisation des réglementations sous une forme identique. C'est ce qui était prévu dans le Traité de Rome d'origine sur l'établissement du Marché commun européen, mais le processus s'est heurté à des obstacles trop importants et a été abandonné. Les États-Unis et le Canada ont également tenté d'harmoniser ainsi leurs réglementations sanitaires et phytosanitaires respectives dans le cadre de l'accord de libre-échange conclu entre les deux pays (article 708 et annexe 708.1), mais ont abandonné ce projet dans l'ALENA après plusieurs années de résultats mitigés dans la mise en oeuvre des exigences. Une autre solution plus souple est la reconnaissance mutuelle ou l'acceptation de la diversité réglementaire dans la poursuite d'objectifs communs (on parle également de « réciprocité » ou d'« équivalence »). À la suite de la mise en oeuvre de l'Acte unique européen, l'UE a obtenu un succès remarquable dans la mise en oeuvre de cette stratégie. C'est également la stratégie privilégiée par l'OMC. L'option la moins contraignante est la coordination ou la réduction graduelle des différences entre les systèmes de réglementation, souvent fondée sur des codes de pratiques internationaux volontaires, comme ceux de l'ISO, de la Commission électrotechnique internationale et d'organismes similaires. Dans ce contexte, il convient également d'établir une distinction entre les exigences réglementaires en elles-mêmes et les procédures établies pour déterminer l'équivalence et l'évaluation de la conformité, éléments qui pourraient se prêter à une plus grande coopération.

Si l'on considère que la diversité en réglementation est souhaitable, il faut alors se demander jusqu'à quel point peut-on et faut-il introduire la reconnaissance mutuelle. Voilà une question qui doit être abordée d'un certain nombre de points de vue : mondialement à l'intérieur des zones régionales de libre-échange ainsi que sur les plans bilatéral et national. La Californie, par exemple, établit des normes et des règlements sur les produits et l'environnement qui sont habituellement supérieurs à ce que l'on trouve dans la plupart des autres États américains, et elle s'opposerait fermement à l'harmonisation de ses normes avec celles d'autorités moins rigoureuses aux États-Unis. De même, les normes et règlements varient entre les provinces canadiennes, ce qui indique différentes priorités, préférences et penchants historiques ou actuels d'une province à l'autre. La question consiste désormais à déterminer le mécanisme approprié pour faciliter la circulation des produits et des services au sein de l'espace économique commun tout en tenant compte des caractères propres aux États en cause.

Risques et avantages

Dans ce contexte, il est évident qu'un pays commerçant comme le Canada ne peut pas vraiment se permettre de se tenir à l'écart des efforts de coopération internationale d'harmonisation de la réglementation. Il n'est donc pas surprenant que le Canada soit constamment au premier rang de ces efforts, ce qui ne risque pas de changer de sitôt. Toutefois, le Canada doit désormais déterminer s'il est prêt à franchir une étape cruciale dans la convergence de la réglementation, c'est-à-dire passer de la coopération à la prise de décisions conjointe et même à l'adoption de normes, de règlements et de décisions réglementaires d'autres pays, et si oui, de quels pays. Cette démarche peut entraîner trois types d'avantages directs : 1) augmentation de l'efficacité de la réglementation en raison de l'adoption des meilleures pratiques internationales; 2) possibilités d'économies substantielles pour les gouvernements et le secteur privé dans la conception, la mise en oeuvre et l'observation de différents régimes réglementaires et 3) selon le partenaire, augmentation considérable des débouchés commerciaux et des occasions d'investissement. En règle générale, comme nous le verrons plus loin, même l'élargissement et l'encadrement officiel de la convergence réglementaire avec les États-Unis, notre principal partenaire en matière de commerce, d'investissement et de réglementation, pourront entraîner des avantages indirects considérables puisqu'ils contribueraient à l'établissement d'un nouvel accord avec les États-Unis qui serait compatible avec la portée et l'étendue de l'intégration transfrontière et qui serait adapté à nos intérêts communs de plus en plus nombreux.

Le risque de perte de contrôle qui semble inhérent à ce genre de démarche peut être atténué si le Canada s'assure de conserver suffisamment d'influence sur l'élaboration et la mise en oeuvre de régimes réglementaires conjoints et conserve certaines mesures de sauvegarde et procédures qui permettront aux représentants des gouvernements canadiens de s'acquitter des responsabilités du Canada. Dans le cas d'un petit pays comme le Costa Rica, qui n'a pas les moyens de maintenir son propre régime d'approbation des médicaments, la reconnaissance des régimes américain ou européen d'approbation des médicaments pour la plupart des médicaments destinés au Costa Rica peut être considérée comme une forme de réglementation acceptable et judicieuse. Il faudra déterminer si le Canada profiterait d'une démarche semblable, particulièrement si cette démarche permettait au Canada de prendre part aux décisions et aux procédures réglementaires américaines et donnait aux représentants canadiens toute la latitude voulue pour s'acquitter des responsabilités politiques du Canada.

L'effet cumulé de l'accélération de la mondialisation, de l'intensification de l'intégration transfrontière, de l'intérêt grandissant pour la coopération internationale et de l'accroissement de la convergence réglementaire entre le Canada et les États-Unis permet de croire qu'il serait souhaitable de déterminer les avantages et les inconvénients de l'adoption d'un programme actif et délibéré de coopération en matière de réglementation avec les États-Unis. Une grande partie de cette coopération se déroulerait au premier palier, que nous avons décrit dans l'introduction. En raison des exigences techniques de cette démarche, il sera impératif de procéder à une collecte, à une analyse et à un examen minutieux de données, afin de désigner les secteurs potentiels et de régler les détails. Il serait également utile d'analyser les coûts et les avantages des différentes stratégies de coopération en matière de réglementation. La plus grande difficulté, toutefois, consistera à déterminer si cette démarche est viable sur le plan politique, particulièrement en ce qui concerne trois préoccupations d'ordre politique : la crainte du nivellement par le bas, l'érosion de la souveraineté et la perte de contrôle.

Le nivellement par le bas et préoccupations semblables

Souvent, les opposants à la mondialisation et à la coopération internationale sur la réglementation soutiennent que ce processus favorise le nivellement par le bas, c.-à-d. qu'il permet aux gouvernements d'abaisser constamment leurs normes et leurs attentes en matière de réglementation afin d'attirer des investisseurs étrangers et de retenir les investisseurs du pays. Très peu de faits appuient cet argument. Les faits, comme nous venons de le voir, tendent plutôt à démontrer exactement le contraire. Plus une société s'enrichit (l'un des avantages les plus importants de la mondialisation), plus elle a besoin de règlements pour améliorer la qualité de vie. L'explosion des efforts de réglementation déployés par les gouvernements dans le but de régler des questions en matière d'environnement, de droits de la personne, de sécurité et d'autres questions illustre clairement que ces arguments ne correspondent pas à la réalité. La convergence réglementaire et la coopération en matière de réglementation ont même habituellement pour effet de resserrer les exigences, résultat de l'adoption de critères internationaux de rendement et des meilleures pratiques internationales. Comme nous l'a démontré notre examen des nombreux programmes internationaux de coopération en matière de réglementation, ces programmes, qu'ils soient multilatéraux, régionaux ou bilatéraux, sont tous conçus de manière à maintenir des normes réglementaires élevées et à renforcer l'efficacité de la réglementation.

Si le Canada entreprenait une intensification importante de sa coopération en matière de réglementation avec les États-Unis, il serait important de donner l'assurance au public que cette coopération aurait pour objet de renforcer les normes et d'améliorer leur efficacité. Contrairement à la croyance populaire, les exigences réglementaires sont souvent plus rigoureuses aux États-Unis qu'au Canada. Concrètement, la convergence réglementaire bilatérale entraînera davantage l'adoption des meilleures pratiques que la recherche d'un dénominateur commun. De plus, comme nous l'avons vu, les différences entre le Canada et les États-Unis portent moins sur les objectifs que sur les moyens. Il ne s'agit donc pas tant de s'entendre sur des objectifs et des résultats que de trouver des moyens acceptables pour tous d'arriver à ces résultats. Comme le soulignait un sondage mené par Industrie Canada auprès des organismes canadiens de la réglementation : « Toutes les personnes interrogées ont affirmé poursuivre des objectifs stratégiques généraux semblables à ceux de leurs homologues américains. Toutefois, bon nombre d'entre elles ont rappelé que les différences dans les systèmes de lois gouvernementales et habilitantes de chaque pays entravent la coopération et limitent les résultats qui peuvent être obtenus sans nécessiter de changements importants à la législation. » Selon le même sondage, « une grande partie de la coopération se déroule sur le plan opérationnel » [trad.]40. Le sondage révèle également que l'absence de stimulant extérieur (p. ex. négociations commerciales internationales) mène habituellement à l'arrêt de la coopération en matière de réglementation entre les responsables des opérations; si les responsables de la réglementation ne participent pas aux négociations, les objectifs et les moyens pourraient être mal définis et donner des résultats mitigés.

Érosion de la souveraineté

Certains Canadiens, à l'examen des avantages et des inconvénients des différentes formes de coopération en matière de réglementation, en viendront inévitablement à la conclusion que le fait de se fier à des organismes de réglementation étrangers supposera des sacrifices inacceptables pour la souveraineté du Canada. La meilleure réponse à cet argument vient de Hugh Segal, président de l'Institut de recherche en politiques publiques (IRPP)[trad.] :

La souveraineté n'est pas une fin en soi, mais un instrument national vital. Nous nous en servons pour façonner notre politique intérieure; nous partageons, nous divisons notre souveraineté dans le processus de création et de négociation de constitutions fédérales et confédérales; nos forces armées la protègent en patrouillant notre espace aérien, notre territoire, nos voies navigables et nos eaux côtières, et nous l'utilisons afin de conclure avec d'autres nations souveraines des accords que les gouvernements canadiens, élus démocratiquement, jugent favorables à nos intérêts nationaux. La souveraineté n'est pas une chose que l'on peut accumuler et mettre sous clé, mais un pouvoir que nous pouvons utiliser pour défendre les intérêts socioéconomiques du Canada sur de nombreux fronts.41

Précisément, comme la spécialiste en commerce Wendy Dobson le rappelle aux Canadiens, « la souveraineté ne correspond pas seulement à ce qu'un pays abandonne, mais à ce qu'il gagne en termes d'augmentation de la productivité, d'élargissement de ses marchés, de libéralisation du mouvement des investissements, de résolution rapide des différends commerciaux, de protection accrue de la propriété intellectuelle, entre autres [...] les États ne doivent leurs contraintes qu'aux décisions qu'ils prennent, [...] et aux décisions qu'ils ne prennent pas lorsqu'ils ne se prévalent pas de leur souveraineté » [trad.]42.

Au cours des 60 dernières années, le Canada a joué un rôle de premier plan dans la promotion, la négociation et l'adoption d'un système de relations internationales fondé sur des règles et des régimes. Il est facile de reconnaître ce qui pousse le Canada à élaborer des règles et à mettre des institutions sur pied43. Bien que certains observateurs estiment que l'on puisse attribuer à sa dépendance à l'égard du commerce international l'engagement du Canada à l'égard d'un système international fondé sur les règles et les régimes, les motivations premières de cet engagement sont plus profondes et découlent du fait que le Canada sait que ses relations extérieures les plus étroites sont établies avec des puissances qui, si on les laisse faire, négligeront les intérêts du Canada, quand elles ne leur porteront pas atteinte. C'est pourquoi le Canada privilégie le recours à des règlements et à des régimes internationaux dans l'ensemble de ses activités de politique étrangère44.

Au coeur de cette diplomatie active se trouve la volonté d'accepter des restrictions de plus en plus importantes sur notre latitude en matière de prise de décisions, particulièrement en ce qui concerne nos relations avec les États-Unis, en échange d'un resserrement des mesures suivies par nos partenaires étrangers. La recherche de formes plus exigeantes de coopération en matière de réglementation est la suite logique des efforts déployés jusqu'à maintenant à ce chapitre. L'intensification de l'intégration bilatérale entre le Canada et les États-Unis, en particulier, incite les gouvernements des deux pays à continuer à exercer leur souveraineté, ce qui représente un moyen profitable pour les deux pays d'atteindre d'importants objectifs économiques ou autres.

Responsabilités

La sécurité et le bien-être de la population sont au coeur des responsabilités de tout gouvernement; les règlements qui portent sur tout ce qui va de la sécurité alimentaire à la qualité de l'environnement sont essentiels à l'exécution de ces responsabilités. Les gouvernements doivent donc faire preuve de prudence lorsqu'ils envisagent des initiatives qui pourraient compromettre leur capacité à s'acquitter de ces responsabilités. L'expérience du Canada dans la négociation de règles internationales et la coopération en matière de réglementation, que ce soit dans un cadre bilatéral ou multilatéral, permet de croire qu'il n'y a pas d'incompatibilité inhérente entre ces responsabilités et l'élaboration de règles et la coopération à l'échelle internationale. Néanmoins, certains groupes d'intérêt peuvent mener des campagnes à forte charge émotive afin d'amener les gens à se demander si les règlements adoptés conjointement avec d'autres pays peuvent permettre au Canada de s'acquitter de ses responsabilités. Heureusement, ces allégations sont faciles à réfuter. Les Canadiens, par exemple, se rendent fréquemment aux États-Unis et font entièrement confiance aux règlements américains en matière de sécurité. Ils mangent et boivent aux États-Unis avec autant de confiance que s'ils étaient chez eux. S'ils tombent malades, ils peuvent faire confiance, malgré les coûts élevés, à des médecins américains et à des médicaments approuvés par les États-Unis. À presque tous les points de vue, les Canadiens n'ont pratiquement aucune inquiétude en ce qui concerne les objectifs et l'efficacité des règlements américains lorsqu'ils voyagent aux États-Unis, ce qui s'explique simplement, comme nous l'avons déjà vu, par la très grande harmonisation des régimes réglementaires canadien et américain à presque tous les points de vue. Les différences sont minimes et, si elles peuvent intéresser des organismes de réglementation en particulier, elles n'ont que peu d'incidence sur les buts et les résultats.

De plus, le rapprochement réglementaire entre le Canada et les États-Unis ne permet pas au Canada de renoncer à ses responsabilités réglementaires. La réussite de la convergence reposera en grande partie sur l'élaboration de procédures de sauvegarde grâce auxquelles le Canada demeurera en mesure de contribuer à la prise de décisions réglementaires et de surveiller les résultats.

Étapes concrètes de l'évolution de la coopération transfrontière en matière de réglementation

Comme nous venons de le voir, il existe déjà un niveau élevé de convergence réglementaire dans le contexte du Canada et des États-Unis, du moins sur le plan des objectifs. Les différences sont minimes et portent sur la mise en oeuvre et non sur les objectifs fondamentaux45. Néanmoins, ces différences entraînent des coûts et ont une incidence sur les décisions en matière d'investissement. On a donc beaucoup à gagner à chercher des moyens d'aplanir ces différences ou d'en atténuer les effets46. L'étendue de la réglementation à tous les niveaux de l'administration des deux pays permet de croire qu'il serait préférable que cette tâche soit divisée par secteur et par fonction et soit associée à des procédures et à des institutions capables de tenir compte de la nature dynamique de la plupart des régimes de réglementation.

L'expérience du Canada et des États-Unis sur le plan de l'élaboration de stratégies coopératives de réglementation est généralement positive et beaucoup plus active que ce que l'on admet généralement. Le système nord-américain de sécurité alimentaire, par exemple, dépend grandement de stratégies de coopération entre les représentants du Canada et des États-Unis, ce qui témoigne de l'importante intégration de la production alimentaire des deux pays47. Il y a de nombreux autres secteurs et fonctions dans lesquels il y aurait de la place pour un accroissement de la coopération. Les procédures d'approbation des médicaments, par exemple, seraient améliorées si l'on intensifiait les efforts en vue d'éliminer les dédoublements et les chevauchements. De même, les différences dans les règlements sur les services financiers, les transports, les valeurs, la concurrence, la certification professionnelle et d'autres secteurs similaires pourraient donner lieu à des discussions encadrées par un contexte institutionnel adéquat et axées sur un ensemble d'objectifs communs. Le premier objectif devrait donc consister à établir un contexte institutionnel adéquat et des objectifs communs au lieu d'insister dès le départ sur l'adoption d'un régime de réglementation conjoint48.

Un bon point de départ pourrait consister à faire intervenir les institutions ou à confier de nouvelles responsabilités aux représentants des organismes des deux côtés de la frontière. Par exemple, rien n'empêche les ministères des Transports du Canada et des États-Unis de s'entendre pour coordonner leurs efforts en matière de sécurité sur les autoroutes; avant d'adopter de nouveaux règlements ou de nouvelles règles, les deux pays pourraient être tenus de coordonner leurs efforts afin de viser des résultats compatibles et de reconnaître la solution de l'autre pays à un même problème. Les réseaux non officiels de représentants des deux pays et la ressemblance des différentes réglementations représentent une base solide pour ce genre de coopération. Il manque toutefois des efforts concertés en vue d'éliminer les différences ainsi qu'un cadre institutionnel officiel qui serait en mesure de garantir des résultats bénéfiques pour tous. Il pourrait être nécessaire, afin de donner au processus l'impulsion et la volonté politique requises, de créer une commission mixte Canada-États-Unis qui serait chargée de superviser les efforts de coordination et de convergence de la réglementation sur tous les modes de transport.

De même, les deux gouvernements suivent des procédures distinctes mais similaires d'approbation de médicaments qui mènent à des conclusions presque identiques; seuls les délais sont différents. Afin d'adapter les procédures en place au profit des deux pays, ceux-ci pourraient devoir s'engager à adopter davantage de stratégies de partage et de reconnaissance mutuelle, ce qui réduirait les dédoublements et les chevauchements, mais permettrait aux deux pays d'intervenir dans les situations propres à chacun. Par exemple, la mise en place d'une règle qui donnerait la priorité au pays qui adopterait un règlement en premier créerait une saine concurrence en matière de réglementation, surtout si cette règle comportait un mécanisme de sauvegarde à l'égard des questions délicates. L'établissement d'une commission mixte qui superviserait la transition vers un régime intégré et surveillerait ce régime par la suite permettrait aux deux gouvernements de continuer d'avoir leur mot à dire en ce qui concerne le processus d'approbation des médicaments.

La sécurité alimentaire est un autre secteur dans lequel les deux pays coopèrent déjà étroitement. L'Agence canadienne d'inspection des aliments (ACIA) et Santé Canada ainsi que, du côté américain, l'Animal and Plant Health Inspection Service (APHIS), le Food Safety Inspection Service (FSIS) et la Food and Drug Administration (FDA) collaborent étroitement en vertu de centaines de protocoles d'entente. La plupart de ces protocoles d'entente, toutefois, n'ont pas le statut de loi nationale ou de traité international, et les problèmes doivent être réglés par le ministre de l'Agriculture ou le secrétaire à l'Agriculture. En intégrant les niveaux actuels de coopération à un traité bilatéral dont la mise en oeuvre serait supervisée par une commission mixte, on augmenterait considérablement la confiance des consommateurs et des producteurs envers l'engagement des deux gouvernements en ce qui concerne l'administration de ce qui se trouve à être, «de facto », un marché intégré.

D'autres secteurs pourraient nécessiter des mécanismes officiels et indépendants de coordination, parfois de manière permanente, parfois à titre de mesure de transition. Au fil des discussions sur les meilleurs moyens de régir l'intégration accrue entre le Canada et les États-Unis, les représentants définiraient les secteurs dans lesquels il y aurait lieu de mettre sur pied des commissions mixtes bilatérales qui seraient chargées de coordonner et de superviser les activités de réglementation des deux gouvernements et de régler les conflits liés aux activités de réglementation des États et des provinces ainsi que des deux gouvernements fédéraux.

L'établissement de ces commissions mixtes pourrait être effectué progressivement au fur et à mesure que les nouveaux engagements seront mis en oeuvre et que l'on aura de plus en plus confiance dans l'efficacité de ces processus conjoints de prise de décisions. Comme c'est le cas actuellement pour la Commission mixte internationale, le pouvoir politique ultime demeurerait aux mains des deux gouvernements, mais ceux-ci, en nommant des commissaires de haut calibre et en s'engageant à ne pas s'ingérer dans les affaires des commissions, tenteraient de donner à chacune des nouvelles commissions un statut similaire et respecté49.

Coopération en matière de réglementation avec l'Europe, le Japon et les autres pays

Les occasions sont loin d'être aussi nombreuses en ce qui concerne l'élaboration de stratégies semblables avec les autres partenaires commerciaux du pays. La plupart des efforts de coopération déployés auprès de pays autres que les États-Unis ont pour objet de détecter rapidement les nouveaux problèmes, d'assainir les relations en matière de commerce et d'investissement, de contribuer à la prestation d'assistance technique, entre autres. Aucun de ces efforts, toutefois, n'aura jamais autant d'incidence que l'activité actuelle et future de coopération avec les États-Unis. Compte tenu du poids économique et politique de l'UE et, dans une moindre mesure, du Japon, ainsi que des relations économiques complexes et souvent tumultueuses que chacun de ces pays entretient avec les États-Unis, toute conciliation réglementaire avec l'UE ou le Japon entraînerait des conséquences stratégiques importantes pour le Canada. Ces dernières pèseraient beaucoup plus lourd dans la balance que les nouveaux débouchés commerciaux dont bénéficieraient les exportateurs canadiens sur les marchés du Japon et de l'UE étant donné que le Canada irait à l'encontre de l'orientation qu'il s'est donnée au cours des années 1980 et 1990, en vertu de laquelle il doit envisager son avenir à titre de nation des Amériques. Ces efforts seraient incompatibles avec le virage amorcé depuis au moins deux générations, qui vise à privilégier la convergence réglementaire avec les États-Unis. Depuis plus de 70 ans, le principal objectif commercial du Canada consiste à éliminer les obstacles à l'exportation des produits canadiens aux États-Unis. Le Canada devrait donc envisager avec une extrême prudence toute initiative avec l'UE, le Japon ou toute autre initiative susceptible d'amener les Américains à douter de la volonté du Canada de conclure de nouveaux accords de coopération, d'intensifier la convergence et d'accroître l'ouverture des frontières avec eux.

L'entrée en vigueur de l'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis, puis de l'ALENA, découle de la décision stratégique du Canada d'accepter l'acquis américain50 dans la régie du commerce bilatéral et de la réglementation économique nationale. Dans une vaste gamme de politiques commerciales, notamment les tarifs et les programmes connexes comme les règles d'origine, les normes sur les produits, les recours commerciaux, l'investissement et les droits de propriété intellectuelle, le Canada a adopté des politiques, des pratiques et des procédures compatibles avec celles des États-Unis. Certes, d'importants écarts demeurent dans certains domaines, mais ceux-ci sont de moins en moins nombreux et moins importants en termes de commerce que les écarts qui séparent le Canada de l'UE et du Japon. En général, la principale difficulté en ce qui concerne la régie de l'économie nord-américaine ne sera pas tant d'apporter des changements importants aux politiques que de mettre en place les changements administratifs nécessaires à la mise en oeuvre et à l'administration de régimes réglementaires largement similaires.

Par contre, déployer de sérieux efforts de coopération en matière de réglementation avec l'UE ou le Japon, constituerait pratiquement pour le Canada une reconnaissance de l'acquis communautaire ou de l'acquis japonais. Plus le Canada refuse de s'aligner sur l'un de ces deux régimes réglementaires, moins les avantages commerciaux découlant de la coopération en matière de réglementation sont nombreux. Or, plus le Canada accepte l'acquis européen ou japonais, plus il s'éloigne des politiques, des pratiques et des procédures américaines, ce qui peut se traduire par de graves conséquences pour l'accessibilité du Canada au marché américain. Il est difficile de concevoir ce qui pourrait inciter une société à envisager d'entreprendre des initiatives qui mettraient en péril 85 % de ses échanges afin de rechercher des débouchés dans des marchés qui représentent pour l'instant 5 % de ses échanges dans le cas de l'UE et encore moins dans le cas du Japon.

A priori, il peut être attirant d'explorer la possibilité d'amorcer un rapprochement réglementaire avec plus d'un partenaire, par exemple avec les États-Unis et avec l'Union européenne. Le Canada pourrait, par exemple, indiquer que ses exigences obligatoires sont remplies par les normes européennes aussi bien que par les normes américaines. Cette façon de faire est possible, mais mettrait en péril les efforts déployés pour mettre en place un régime mieux intégré entre le Canada et les États-Unis et établir un marché commun nord-américain qui ne serait plus divisé par une frontière commerciale bien réelle. Il s'agit de décider si les intérêts commerciaux et économiques du Canada seraient mieux servis par l'hétérogénéité de la réglementation ou par la convergence des réglementations canadienne et américaine.

Néanmoins, les efforts de coopération qui ont pour objet de mieux comprendre et même d'influencer la réglementation en Europe, au Japon et ailleurs sont utiles et devraient être poursuivis. Ce type d'exercice peut permettre de recueillir beaucoup de renseignements précieux et contribuer de façon importante à notre précieuse collaboration avec les États-Unis. Bien sûr, les efforts conjoints du Canada et des États-Unis pour étendre la coopération en matière de réglementation au-delà du Pacifique et de l'Atlantique pourraient entraîner des avantages supplémentaires. Mentionnons par exemple que les dialogues transatlantiques entre les États-Unis et l'UE entraînent plus d'avantages que les discussions similaires qui se tiennent entre le Canada et l'UE.

Le Canada doit également demeurer actif sur le plan des initiatives multilatérales. Comme nous venons de le voir, les règles du régime commercial mondial et les initiatives volontaires de nombreux organismes et associations de réglementation sont essentielles pour le Canada puisqu'elles lui permettent d'orienter sa pratique réglementaire et de rehausser l'efficacité de ses règlements. Encore ici, le Canada aura davantage de poids sur le plan multilatéral s'il continue de collaborer étroitement avec les États-Unis.

Conclusions et recommandations

Le Canada a beaucoup à gagner et peu à perdre à adopter un programme dynamique de coopération en matière de réglementation axé principalement sur les États-Unis puisque les deux pays sont déjà unis par un degré élevé d'intégration en matière de commerce et d'investissement, par une grande compatibilité et une grande similarité dans les objectifs et les moyens et par la présence d'importants réseaux de coopération. La collaboration étroite avec les États-Unis peut également permettre au Canada de profiter des avantages des programmes américains de coopération en matière de réglementation comme le dialogue transatlantique entre l'UE et les États-Unis.

L'objectif directeur d'un tel programme devrait consister à accroître la compatibilité et la complémentarité des objectifs, de la conception et des résultats plutôt que de s'attacher aux détails, en favorisant l'échange de renseignements, la prise de décisions conjointe, le renforcement des réseaux, la mise en place de soupapes de sécurité convenues, une utilisation accrue d'accords de reconnaissance mutuelle et d'instruments analogues, la mise en place de mécanismes et d'institutions appropriés pour renforcer la confiance mutuelle et faciliter l'échange de renseignements et, finalement, la prise de décisions conjointe.

La négociation d'un tel programme sera facilitée si elle s'inscrit dans le cadre d'efforts plus vastes visant à conclure un nouvel arrangement bilatéral avec les États-Unis sur la gamme complète des interactions transfrontières. Comme Bill Dymond et moi l'avons déjà déclaré [trad.] :

Les États-Unis représentent de loin le principal partenaire du Canada en matière de commerce et de politique étrangère. Le partenariat du Canada avec les États-Unis est plus large, profond et intense que tous les autres partenariats du Canada réunis. Le commerce et l'investissement avec les États-Unis sont les moteurs de notre économie. L'esprit d'innovation et d'entreprise américain est à la fois une source d'occasions et de concurrence pour le Canada. La culture populaire américaine domine le Canada non pas parce qu'elle est imposée aux Canadiens, mais parce que les Canadiens la choisissent. L'armée américaine assure une protection au Canada. Des millions de Canadiens chaque hiver sont attirés par le climat chaud des États-Unis. Les États-Unis sont présents dans tous les aspects de la vie des Canadiens, y compris, comme le reconnaît le ministre des Affaires étrangères Bill Graham, la politique étrangère. Pratiquement tous les aspects de la vie politique, économique, culturelle et sociale du Canada sont comparés à leur équivalent américain par les Canadiens. [...] Au cours des prochaines années, la principale, pour ne pas dire la seule, priorité des diplomates canadiens consistera à rechercher un nouvel accord avec les États-Unis. Le Canada et les États-Unis doivent tout mettre en oeuvre pour que leur relation soit à la hauteur de ce défi, à ce qu'elle soit adaptée à la réalité de l'intensification de l'intégration et à ce qu'elle tienne compte du contexte politique et des questions de sécurité qui découlent des évènements du 11 septembre51.

Généralement, l'amélioration continue des mesures et des procédures des accords de normalisation de l'OMC occupera une place importante dans le Programme de Doha. Outre les dispositions de révision intégrées à l'Accord sur les obstacles techniques au commerce, à l'Accord sur l'application des mesures sanitaires et phytosanitaires, à l'Accord général sur le commerce des services et aux l'Accords sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce et à d'autres accords, bon nombre des enjeux visant à rendre les marchés plus disputables et équitables gravitent autour de l'établissement de normes internationales et des procédures nécessaires à leur mise en oeuvre et à leur application. Dans la poursuite de ces objectifs, la question fondamentale sera de trouver un terrain d'entente entre deux ensembles de valeurs et de priorités sociales opposées : celles adoptées par une culture commerciale fondée sur les avantages du libéralisme et de la libre concurrence et qui suppose la présence de marchés ouverts et la liberté de choix, et celles prônées par la culture de la réglementation, fondée sur les avantages d'un ordre comprenant des contraintes à la concurrence, des efforts visant à faire la promotion de la responsabilité sociale et des mesures d'atténuation des effets néfastes du libre marché. Le défi consiste à trouver un équilibre entre ces valeurs opposées.


Notes

1 M. Hart, ancien délégué commercial canadien, est actuellement titulaire de la chaire de politique commerciale Simon Reisman de la Norman Paterson School of International Affairs de l'Université Carleton et membre honorable du Centre de droit et de politique commerciale de l'Université Carleton et de l'Université d'Ottawa.

2 Dans ce contexte, la disputabilité des marchés suppose l'adoption d'une approche beaucoup plus globale de l'accès aux marchés qui englobe l'ensemble des politiques sur le commerce, l'investissement et la concurrence. Ce concept soulève la nécessité d'éliminer les pratiques anti-concurrentielles qui peuvent empêcher les producteurs de disputer un marché, que ces pratiques proviennent du secteur public ou privé. Selon ce concept, l'accès au marché et l'implantation sur un marché ne doivent pas être entravés indûment par des contrôles à la frontière, des restrictions à l'investissement, des obstacles réglementaires ou des obstacles structurels, qu'ils soient publics ou privés. Selon Robert Lawrence, économiste de Harvard [trad.] : « La mise en place de marchés disputables nécessite par conséquent une démarche globale. Cette démarche ne doit pas se limiter aux règles sur le commerce ou l'investissement, mais doit englober d'autres domaines comme la politique sur la concurrence, la réglementation gouvernementale, la politique technologique, les marchés publics, la régie d'entreprise, la normalisation et les politiques fiscales. » (OCDE. « Towards Globally Contestable Markets », Market Access After the Uruguay Round: Investment, Competition and Technology Perspectives, Paris, 1996, p. 32). Tout accord sur la mise en place de la disputabilité complète devrait donc offrir un ensemble transparent de mesures en matière de commerce et d'investissement qui régiraient les actions du secteur privé et les politiques publiques qui ont une incidence sur la capacité des entreprises de disputer des marchés partout dans le monde. Pour en savoir plus, voir Edward M. Graham, Rivalité sur les marchés internationaux et nouveaux enjeux pour l'Organisation mondiale du commerce, Document de discussion no 6, Industrie Canada, février 1998 et Michael Hart, « A Multilateral Agreement on Foreign Direct Investment - Why Now? » dans l'ouvrage de Pierre Sauvé et Daniel Schwanen, éd., Investment Rules for the Global Economy: Enhancing Access to Markets (Toronto, Institut C.D. Howe, 1996).

3 Pour en savoir plus sur cette typologie, voir G. Bruce Doern, « The Interplay among Regimes: Mapping Regulatory Institutions in the United Kingdom, the United States and Canada » dans l'ouvrage de Doern et Stephen Wilks, Changing Regulatory Institutions in Britain and North America (Toronto, University of Toronto Press, 1998).

4Voir le site Web de l'annuaire à l'adresse suivante : http://www.uia.org/organizations/volall.php. En 2002-2003, l'annuaire en était à sa 39e édition.

5 Voir la dernière version du Rapport sur l'investissement dans le monde 2002 de la CNUCED, à l'adresse suivante : http://r0.unctad.org/wir/pdfs/wir02ove_a4.fr.pdf.

6 RUGMAN, Alan. The End of Globalization, New York, Amacom, 2000, garde volante.

7 Pour en savoir plus sur cette transformation et ses conséquences, voir Michael M. Hart et William A. Dymond, « Post-Modern Trade Policy: Reflections on the Challenges to Multilateral Trade Negotiations After Seattle », Journal of World Trade, vol. 34, no 3, juin 2000.

8 OCDE. Canada : Rester à la pointe du progrès grâce à l'innovation (Examens de l'OCDE de la réforme réglementaire), p. 8, consulté à l'adresse suivante :
http://www1.oecd.org/publications/e-book/4202092E.PDF.

9 Bien que cette façon d'aborder nos rapports avec le reste du monde ne suscite pas l'approbation générale du public, cela ne signifie pas qu'elle ne possède pas d'appuis. La gauche canadienne, largement majoritaire dans les universités et les organisations non gouvernementales (ONG) canadiennes, continue de dénoncer les conséquences de l'intensification de l'intégration mondiale et continentale. Toutefois, la grande majorité des Canadiens continuent de se prononcer en faveur de cette intégration dans leurs choix de tous les jours, tendance qui se dégage également maintenant des sondages d'opinion publique.

10 J'approfondis cette question dans Michael Hart et Laura Ritchie Dawson, Developing a Strategy for the Negotiation of Standards Issues in Global Trade, rapport préparé à l'intention du comité provincial-territorial du Conseil canadien des normes, décembre 1999.

11 Le fonctionnement efficace du marché repose sur un cadre de règles, de règlements et d'institutions comme la propriété privée, les tribunaux, etc. Rien ne prouve que les marchés et les gouvernements ont des intérêts opposés. Voir, par exemple, Nathan Rosenberg et L.E. Birdzell, How the West Grew Rich: The Economic Transformation of the Industrialized World, New York, Basic Books, 1986, pour en savoir plus sur le rôle crucial des règles et des institutions dans le développement économique de l'Occident.

12 Les gouvernements utilisent les règlements afin de traduire des objectifs sociaux et politiques généraux en tâches réalisables axées sur la réalisation de buts précis. C'est grâce aux règlements que les bureaucraties mettent en oeuvre des politiques en transformant les objectifs politiques des législateurs en tâches réalisables pour les représentants. La clé d'une bonne pratique réglementaire se trouve donc souvent dans la définition adéquate des objectifs. Lorsque les objectifs sont mal définis, les règlements sont fastidieux, coûteux et mal accueillis. James Q. Wilson, dans son ouvrage Bureaucracy: What Government Agencies Do and Why They Do It (New York, Basic Books, 1989), présente un excellent exposé de la différence entre un règlement efficace et un règlement inefficace.

13 Le règlement proposé par Transports Canada sur l'installation obligatoire d'un dispositif antivol sur tous les véhicules qui seront construits après 2005 est un exemple éloquent. Le règlement américain similaire soustrait les modèles bas-de-gamme à cette exigence, ce qui permet de réduire les coûts et tient compte du fait que ces véhicules sont moins convoités par les voleurs. Transports Canada a décidé de ne pas accorder cette exemption, ce qui imposera aux constructeurs des coûts élevés de conception et de construction, coûts qui devront être recouverts en raison du nombre relativement limité de véhicules vendus au Canada. Voir l'article de Tom Blackwell, « Ottawa tries to rein in Joyriders », dans le National Post du 29 juillet  2003, p. A1.

14 Christopher Wagner, de l'OCDE, révèle comment chacun profiterait de la réalisation de cet objectif : « L'harmonisation des normes et des procédures de certification apportera aux consommateurs la garantie que les produits achetés dans le monde entier répondent à des normes homogènes de sécurité. Les fabricants pourront éviter des essais coûteux et inutiles et mettre plus rapidement leurs innovations sur le marché. Enfin, assurées que les produits ont été convenablement testés et répondent à des contraintes strictes, les autorités de la réglementation pourront mieux utiliser des ressources de plus en plus réduites. » Christopher Wagner, « Normes : sécurité des utilisateurs ou protection des marchés? », L'Observateur de l'OCDE, no 202 (octobre/novembre 1996), p. 16.

15 Une étude du National Research Council américain révèle qu'il y a dix ans déjà, 60 % des exportations américaines vers l'UE devaient répondre à des normes de l'UE, ce qui nécessitait souvent des essais redondants et coûteux. Le document du National Research Council des États-Unis, Standards, Conformity Assessment and Trade Into the 21st Century (Washington, National Academy Press, 1995, p. 112) cite une étude du ministère du Commerce des États-Unis selon laquelle 65 % des exportations américaines font l'objet de règlements techniques; plus de la moitié de ces exportations sont soumises à des exigences réglementaires de certification étrangères, et 15 % de celles-ci doivent être homologuées en vertu d'un système de gestion de la qualité ou de l'environnement. Ce rapport contient également une évaluation révélatrice au sujet des dédoublements inutiles dans la normalisation et des exigences réglementaires qui découlent de la stratégie américaine hautement décentralisée.

16 Il est important de se souvenir que les questions abordées ici se manifestent le plus clairement dans les échanges commerciaux entre les pays membres de l'OCDE. Seules les économies les plus évoluées et développées disposent de toute la gamme d'institutions et de procédures coûteuses et complexes nécessaires au maintien d'exigences réglementaires élevées. Il est encore plus coûteux de maintenir des normes et des règlements différents. Pour les petits pays, la stratégie la plus sensée pourrait consister à harmoniser leur régime réglementaire avec le régime en vigueur aux États-Unis ou dans l'UE et à laisser les institutions des États-Unis et de l'UE assumer les coûts d'entretien de ces régimes. Les Federal Aviation Regulations (FAR), administrées par la Federal Aviation Agency (FAA) des États-Unis, sont dans la plupart des cas la base sur laquelle se fonde la réglementation de la sécurité aérienne et de la navigabilité aérienne de nombreux pays, même dans ceux qui pourraient ne pas avoir la capacité de les faire observer. Bien sûr, cette façon de faire pose un problème : les États-Unis et l'UE assument la responsabilité politique de toute erreur de jugement.

17 CHAITOO, Ramesh et Michael HART. The Forest Stewardship Council and Sustainable Forestry Management Standards: Issues and Challenges for the Canadian Forestry Industry, Ottawa, Centre de droit et de politique commerciale, 1998.

18 Comme le soulignent souvent les analystes de l'économie de marché, l'exploitation fructueuse d'un marché repose avant tout sur la présence de lois et d'institutions qui le soutiennent. Les partisans des réformes de la réglementation économique axées sur les marchés ne veulent pas que l'État se retire, mais que son rôle soit dirigé vers des activités qui garantiront le fonctionnement efficace et bénéfique des marchés. Voir l'ouvrage de Nathan Rosenberg et L.E. Birdzell, How the West Grew Rich: The Economic Transformation of the Industrialized World (New York, Basic Books, 1986) pour en savoir plus sur le rôle crucial des institutions dans la montée des économies de marché modernes.

19 Pour un exposé plus complet de l'économie de la normalisation et de la réglementation, voir Alan O. Sykes, Product Standards for Internationally Integrated Goods Markets (Washington, Brookings Institution, 1995), p. 27-56. D'intéressants exposés de l'évolution des questions liées à la réglementation se trouvent également dans les ouvrages de G. Bruce Doern, Margaret M. Hill, Michael J. Prince et Richard J. Schultz, Changing the Rules: Canadian Regulatory Regimes and Institutions (Toronto, University of Toronto Press, 1999) et de G. Bruce Doern et Ted Reed, Risky Business: Canada's Changing Science-Based Policy and Regulatory Regime (Toronto, University of Toronto Press, 2000).

20 La portée et les avantages des activités de ces trois principaux organismes internationaux de normalisation sont clairement illustrées par la vaste acceptation de leurs normes. Selon les sites Web de ces organismes, l'ISO a publié plus de 13 700 normes, qu'il s'agisse de normes individuelles qui portent sur un seul produit ou de systèmes complets de gestion de la qualité comme ISO 9000. Le Codex a établi 237 normes alimentaires concernant des produits, adopté 41 codes d'usages en matière d'hygiène ou de technologie, évalué 185 pesticides, fixé 3 274 limites pour les résidus de pesticides, émis 25 directives pour les contaminants et évalué 1 005 additifs alimentaires et 54 médicaments vétérinaires. La CEI est également reconnue comme le principal organisme mondial pour l'élaboration et la publication de normes internationales sur l'électricité, l'électronique et les technologies connexes.

21 Sykes, Product Standards for Internationally Integrated Goods Markets, p. 36.

22 L'UE a effectué les progrès les plus impressionnants en ce qui concerne l'adaptation de ces principes en lois. Au sein de l'UE, des normes minimales uniformes concernant les produits ont d'abord été établies entre les pays. Ces normes ont été suivies d'accords de reconnaissance mutuelle (ARM), qui portent sur les normes qui s'écartent de ces critères uniformes. Ailleurs, les ARM portent davantage sur l'évaluation de la conformité. Dans ces circonstances, les ARM expriment une confiance mutuelle dans la capacité des organismes chargés de l'évaluation de la conformité des pays étrangers de tester et de certifier en fonction des exigences du pays importateur, et ce, que les normes sur les produits pertinentes soient harmonisées ou jugées équivalentes ou pas. La reconnaissance par l'organisme du pays importateur a trait au système d'accréditation des organismes chargés de l'évaluation de la conformité du pays exportateur pour un produit ou un secteur donné. Cette situation est plus susceptible de se produire lorsque les systèmes d'accréditation des deux pays, ainsi que les procédures d'essai et de certification, respectent des normes ou des directives communes en matière d'exploitation ou de gestion de la qualité (comme les guides de l'ISO). Une question clé soulevée par ce type de reconnaissance consiste à savoir si elle permet ou non à l'organisme étranger chargé des essais d'utiliser la marque de certification souvent requise dans le pays importateur, puisque ces marques sont habituellement la propriété exclusive d'un organisme national. La reconnaissance par un pays des normes étrangères sur les produits est habituellement désignée par le terme « équivalence » et elle n'appelle pas automatiquement la réciprocité. Au Canada, par exemple, les autorités réglementaires acceptent souvent des produits des États-Unis et des marques de certification fondées sur des normes américaines différentes mais équivalentes.

23 ORGANISATION DE COOPÉRATION ET DE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUES. Conference on Consumer Product Safety Standards and Conformity Assessment: Their Effect on International Trade Proceedings, Paris, 1996.

24 LOW, Patrick. Trading Free: The GATT and US Trade Policy, New York, Twentieth Century Fund Press, 1993, p. 72-75.

25 Sykes caractérise cette approche de « décentralisation policée ». Les gouvernements conservent le droit d'établir leurs propres normes et règlements connexes, mais ils sont sujets à contestation et à examen par les autres gouvernements membres. Une des faiblesses fondamentales de cette approche réside dans le fait que les règles se limitent au processus et à son effet plutôt qu'aux dispositions de fond, et dans le fait que les gouvernements infranationaux et les organisations privées sont au mieux protégés indirectement. Voir Products Standards for Internationally Traded Goods, p. 63-85.

26 Pour une analyse juridique détaillée du code du Tokyo Round, voir le texte d'Ivan Bernier, « Product Standards and Non-Tariff Obstacles: The GATT Code on Technical Barriers to Trade », dans l'ouvrage de John Quinn et Philip Slayton, éd., Non-Tariff Barriers After the Tokyo Round (Montréal, Institut de recherche en politiques publiques, 1982).

27 Pour une autre analyse des accords de l'OMC, voir le document du National Research Council américain, Standards, Conformity Assessment and Trade, p. 112-120.

28 L'article 6:1, auquel renvoie le paragraphe 3, mentionne certaines des conditions techniques et juridiques que peuvent exiger les membres afin de conclure des accords de reconnaissance.

29 Les textes des décisions se trouvent au www.wto.org/règlement des différends.

30 De plus, comme le soutient Sykes, le système du GATT/OMC de décentralisation policée ne remet pas en question les valeurs sous-jacentes ni les postulats des normes et des règlements spécifiques adoptés par les gouvernements. C'est un système axé sur les besoins des États souverains qui ne sont pas prêts à permettre un niveau élevé d'intrusion dans leurs affaires internes. Un système fondé sur une reconnaissance mutuelle gérée, bien qu'il réponde aux besoins des États souverains, ne permet pas un plus haut niveau de reconnaissance d'équivalences dans les normes et dans l'évaluation de la conformité. Sykes, Product Standards for Internationally Integrated Markets, 110ff. Voir aussi les commentaires de Kalypso Nicolaides dans le même volume, 141ff.

31 « International Regulatory Co-operation », présentation au Comité consultatif externe sur la réglementation intelligente, le 3 juillet 2003.

32 Consulter le site Web du CCN au http://www.ccn.ca pour en savoir plus sur ces collaborations et les autres activités du CCN.

33 Autres ARM conclus récemment par le Canada : l'Accord de reconnaissance mutuelle (ARM) en matière d'évaluation de la conformité de l'équipement de télécommunications conclu le 8 mai 1998 avec l'Organisation de coopération économique Asie-Pacifique (APEC); les ARM conclus le 24 janvier 1998 avec l'Organisation de coopération pour l'agrément de la région du Pacifique (PAC) et l'International Accreditation Forum (IAF) sur l'homologation des systèmes de gestion de la qualité; l'ARM avec l'APEC sur les aliments et la sécurité alimentaire (cet ARM n'a pas encore été signé). On prévoit également la signature d'ARM dans le cadre de la North American Calibration Cooperation (NACC) sur la métrologie et des secteurs connexes.

34 Par exemple, le CCN et le National Institute for Standards Technology (NIST) des États-Unis ont signé un accord en 1994 sur la reconnaissance mutuelle des systèmes d'essais en laboratoire administrés par chacun des pays. Au profit d'une entreprise qui exporte pour plus de un milliard de dollars de dispositifs de fixation annuellement aux États-Unis, le CCN a conclu un accord avec des organismes américains pertinents pour que les évaluations de la conformité aux règlements américains des fixations fabriquées au Canada soient exécutées au Canada.

35 Le Centre de droit et de politique commerciale élabore actuellement une base de données qui mesurera l'ampleur de ces réseaux. On a déjà achevé le recensement des réseaux de coopération dans les domaines de l'application des mesures douanières, de la sécurité alimentaire et de l'agriculture, de l'énergie, des transports, de l'immigration, des produits chimiques et pétrochimiques et des médicaments. Les travaux se poursuivent en ce qui concerne la réglementation environnementale, la technologie médicale, le matériel électrique et les services financiers.

36 Pour en savoir plus sur ces activités, consulter les sites Web suivants :
http://www.dfait-maeci.gc.ca/canadaeuropa/caneu-regulatorycoop-fr.asp
au sujet du dialogue entre le Canada et l'UE,
http://www.mofa.go.jp/region/n-america/canada/p_ship21/annex1.html
au sujet du dialogue entre le Canada et le Japon et
http://www.dfait-maeci.gc.ca/canada-apec/links-fr.asp
au sujet du dialogue entre le Canada et l'APEC.

37 « Managing Risk Together: US-EU Regulatory Cooperation », Bulletin, vol. XIV, no 2 (juin 2003), consulté à l'adresse
http://www.acus.org/Publications/bulletins/Managing Risk Together.pdf

38 Voir « Strategies for Increasing Market Access Under Regulatory Heterogeneity » de Alan O. Sykes, article rédigé en vue de la réunion du Comité sur le commerce de l'OCDE du 15 février 1996 (TD/TC(96)8). M. Sykes y explique les causes de l'hétérogénéité de la réglementation.

39 Les États-Unis et l'UE ont fait des progrès considérables dans la définition des paramètres d'une coopération fructueuse en matière de réglementation. Les lignes directrices sur une augmentation de la coopération en matière de réglementation publiées en avril 2002 présentent des moyens clairs d'entreprendre une coopération « non officielle » sur la réglementation. Or, comme nous l'expliquerons plus loin, ces lignes directrices pourraient n'avoir qu'une incidence limitée en raison des différences dans les démarches, les valeurs et les processus décisionnels, et le fait de surveiller étroitement le Congrès et les pays membres ne fera que saper l'énergie des représentants des deux côtés de l'Atlantique. Les lignes directrices peuvent être consultées au http://europa.eu.int/comm/ enterprise/enterprise_policy/gov_relations/regulcoopguidel.htm. Pour en savoir plus au sujet de la coopération en matière de réglementation entre les États-Unis et l'UE, voir l'ouvrage de David Vogel, Barriers or Benefits? Regulation in Transatlantic Trade (Washington, Brookings Institution, 1997). Le Canada et l'UE ont entrepris un exercice similaire. Pour connaître les objectifs, les démarches et les calendriers de la coopération en matière de réglementation entre le Canada et l'UE, consulter le site suivant : http://www.dfait-maeci.gc.ca/canadaeuropa/site/images/caneu_plan-fr.doc.

40 INDUSTRIE CANADA. North American Regulatory Cooperation, ébauche, février 2002.

41 « New North American Institutions: The Need for Creative Statecraft », allocution prononcée à la cinquième conférence annuelle sur le droit commercial de JLT et du Centre de droit et de politique commerciale. Ottawa, le 18 avril 2002. Consultée à l'adresse http://www.irpp.org/fasttrak/index.htm.

42 « Shaping the Future of North American Economic Space: A Framework for Action », C.D. Howe Institute Commentary no 162 (Toronto, Institut C.D. Howe, avril 2002), p. 3. Selon l'ancien diplomate canadien Leonard Legault [trad.] : « Une conception erronée de la souveraineté peut nuire à l'exercice de l'une des expressions les plus fondamentales de la souveraineté : la défense des intérêts nationaux. » (Canada and the United States: Three Ways To Run A Relationship)

43 Il y a 30 ans, John Holmes soutenait ce qui suit [trad.] : « ...l'isolationnisme n'est plus une solution personnelle ou nationale pour les Canadiens. Nous sommes actifs sur le plan mondial non pas parce que les grandes puissances nous y ont contraints, mais parce que nous avons tout intérêt à bâtir un monde dans lequel notre pays pourra s'adonner au commerce en toute quiétude. » Discours prononcé à l'occasion d'une cérémonie de collation des grades à l'Université Lakehead le 26 mai 1973, reproduit dans Holmes, Canada: A Middle-Aged Power (Toronto: McClelland and Stewart, 1976), p. 278-293.

44 Le Canada dans le monde, le cadre de la politique étrangère du Canada publié en 1995, souligne les réalisations du Canada sur le plan de l'élaboration de règles internationales. Le gouvernement s'y engage à poursuivre dans cette voie.

45 Pour obtenir un bon aperçu de l'étendue de la convergence et des différences, consulter le programme de l'OCDE sur la réforme de la réglementation, en particulier les études sur le Canada et les États-Unis, aux adresses suivantes :
http://www1.oecd.org/publications/e-book/4202091E.PDF (Canada)
et http://www.oecd.org/dataoecd/48/19/2478900.pdf (États-Unis).
Ces deux études existent également sous forme de livre.

46 Le Conseil canadien des chefs d'entreprise et ses vis-à-vis américain et mexicain ont entrepris un projet tripartite de recherche sur la portée de la coopération en matière de réglementation et sur la réduction des dédoublements, des chevauchements et des différences nuisibles.

47 On a pu mesurer toute l'ampleur de l'intégration de ce système à l'occasion de la crise de la vache folle déclenchée par la découverte d'un seul cas en Alberta. Les tentatives malavisées du Japon en vue d'exiger la séparation des produits carnés canadiens et américains illustrent à quel point ce secteur et les régimes de réglementation des deux pays sont intégrés.

48 Le Canada et les États-Unis ont déjà une vaste expérience dans la conception de mécanismes institutionnels adéquats, notamment en ce qui concerne la Commission permanente mixte de défense Canada-États-Unis et la Commission mixte internationale. L'examen des activités de ces institutions révèle que leur point fort réside souvent dans la qualité des personnes qui y sont nommées et dans la volonté de ces personnes de conserver leur autonomie par rapport au gouvernement en place. En revanche, les comités et groupes de travail composés de représentants n'ont pas l'indépendance qui leur permettrait de travailler sans se préoccuper des priorités politiques.

49 Leonard Legault, ancien co-président canadien de la Commission mixte internationale, attribue la réussite de la Commission « [...] à sa nature binationale mais unitaire, à son caractère permanent et indépendant, à son impartialité et à son engagement dans la recherche de solutions axées sur les intérêts communs des deux pays, à l'importance qu'elle accorde aux consensus, à son utilisation fréquente d'enquêtes conjointes encadrées par des conseils consultatifs binationaux ainsi qu'à son ouverture à l'endroit de toute personne ou de tout organisme qui désire lui faire part de son point de vue. Par conséquent, la Commission permet habituellement d'éviter les inconvénients des négociations entre gouvernements et offre certains avantages supérieurs à la plupart des mécanismes de résolution de différends. Comme c'est le cas de toute institution, toutefois, la valeur de la Commission est égale à la valeur de ses membres. C'est donc dire que la valeur de la Commission dépend largement de la qualité des personnes qui y sont nommées par les deux gouvernements » [trad.]. (Canada and the United States: Three Ways to Run a Relationship)

50 Cette expression est tirée du vocabulaire de l'Union européenne et désigne l'ensemble des règles, des règlements et des institutions qui visent à réaliser l'idéal européen d'un marché commun européen. Bien que les motivations politiques et les idéaux soient différents en Amérique du Nord, dans la pratique, un mouvement similaire s'emploie à favoriser le développement du marché commun nord-américain.

51 HART, Michael et Bill DYMOND. « Canada and the Global Challenge: Finding a Place to Stand », C.D. Howe Institute Commentary No. 180, Toronto, Institut C.D. Howe, mars 2003, p. 16 et 20.


Mise à jour:  8/30/2004

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