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ÉTUDE DE LA RÉGLEMENTATION INTERNATIONALE
A.L.C. de Mestral Décembre 2003 1re PARTIECONSIDÉRATIONS LIMINAIRES : PRÉSENTATION DES RÉGIMES DE RÉGLEMENTATION INTERNATIONAUXExiste-t-il un véritable régime de réglementation international? La réglementation internationale est un concept qui n'est pas facile à définir. Les règles primaires et secondaires du droit communautaire européen, qui régissent 15États et bientôt 25, ont été décrites comme un nouveau régime de droit international, ni international ni national. Ce régime représente néanmoins le plus dynamique ensemble d'activités de réglementation contemporain englobant plus qu'un seul État qui existe dans le monde aujourd'hui. Les normes établies par les mutuelles d'assurance et les sociétés de réassurance multinationales sont officiellement nationales et privées par nature, et pourtant, elles déterminent en fait les limites d'une bonne partie de l'activité commerciale privée et d'une bonne partie de l'activité de réglementation publique. Les activités qui ne peuvent pas être assurées ont peu de chances d'être entreprises. Selon quelles normes peut-on juger de la qualité ou de l'efficience de la réglementation internationale? Cette question est encore plus troublante que la première. En outre, cette évaluation exige que l'on s'entende sur la finalité de la réglementation internationale. À l'heure actuelle, on ne s'entend pas suffisamment sur ce sujet au niveau international. En conséquence, la recherche d'un consensus exige l'identification d'une communauté internationale. La maxime romaine ubi societas ibi ius porte à croire qu'il ne peut pas y avoir de véritable droit sans une société à laquelle l'appliquer. Pourtant, le dilemme central de tous les avocats internationaux consiste à trouver une société internationale et à la définir. Il faut s'attaquer à cette question avant de discuter des régimes de réglementation. Quelle est l'autorité de réglementation internationale? La théorie des régimes en sciences politiques offre un certain nombre de réponses à cette question. L'école réaliste suppose que les États-nations agissent sur la scène internationale pour atteindre leurs propres fins. Pour l'école de science politique de Yale, le droit international - ce qui comprend la réglementation internationale - existe dans le but d'atteindre des valeurs précises. Pour les institutionnalistes néolibéraux, c'est à travers le prisme des institutions officielles ou officieuses que l'on comprend le mieux les relations internationales. Enfin, l'école constructiviste croit que la participation des États-nations aux régimes internationaux (officiels et officieux) façonne non seulement leurs intérêts mais aussi leur identité même. Des règles juridiques émergent de l'interaction entre les États-nations et les acteurs privés dans ces régimes. Une école de relations internationales plus moderne se concentre sur les réseaux de gouvernance transnationaux. Ces réseaux sont composés de membres d'organes de réglementation nationaux qui agissent par l'intermédiaire de canaux officieux. Pour toutes les écoles sauf l'école réaliste, le droit et les régimes de réglementation définis sont davantage fonction d'un processus continu d'interaction et de changement qu'un état fini de règles fixes. Le régime de réglementation international est donc un travail continuellement en cours. L'autorité de réglementation réelle en termes positivistes est très difficile à définir. Existe-t-il un concept simple et unifié de réglementation internationale? Ici les choses sont plus claires. Il semble en fait qu'il n'y ait pas qu'un seul concept de réglementation internationale. Il semble plutôt y avoir de nombreuses formes de règles internationales. En conséquence, il vaut mieux élaborer un cadre d'analyse en fonction d'une série de régimes de réglementation internationaux connexes mais différents. Le concept de réglementation lui-même est hautement ambigu. Au xixe siècle, la réglementation s'effectuait largement par voie d'ententes à caractère privé assujetties au droit privé. On a construit des chemins de fer, engagé des milliers de travailleurs, construit des villes, tout cela dans le cadre du droit privé. La réglementation est souvent conçue en fonction de l'État providence contemporain. À mesure que recule le modèle westphalien d'État souverain et qu'il est remplacé, de nouveaux concepts de réglementation émergent avec les fonctions de gouvernance. Certains observateurs, particulièrement des relations commerciales, affirment voir l'émergence d'un ordre international transnational multipolaire. Cet ordre est régi par la conclusion d'ententes privées, surtout par l'intermédiaire des contrats et de l'arbitrage, et c'est là la forme dominante de gouvernance. Les traités internationaux et les règles internationales établies en raison de l'adoption de ces traités ainsi que les règles de droit international coutumier sont actuellement la source, en totalité ou en partie, de 30p.100 de la législation fédérale. Ces institutions internationales représentent aussi une partie, importante mais de moindre envergure, de la législation provinciale. Si l'on considère les domaines d'activité législative concernés, comme les transports, les communications, le commerce des biens et services et leurs normes ainsi que les questions de santé et de sécurité, les normes du travail et les droits de la personne, la signification de ces institutions internationales devient claire. Il est également évident que ce 30p.100 d'activité législative contemporaine représente une partie du travail le plus dynamique de l'État (à l'exception de la fiscalité). La matière présentée dans les annexes I, II et III suggère différentes façons de concevoir la classification et l'analyse du phénomène de la réglementation internationale. L'ANNEXEI énumère différentes familles de traités comportant des systèmes de réglementation qui caractérisent le droit international public contemporain. Ces ensembles de droit sont composés d'un grand nombre de traités connexes qui, en plus de traiter de sujets et d'objectifs similaires, se réfèrent fréquemment à des institutions et à des techniques de réglementation semblables. Ils constituent des sous-ensembles du droit international ou des régimes juridiques distincts. Ceux qui étudient la théorie des régimes ont l'habitude de baser leur analyse sur l'étude d'un seul domaine. Cette annexe montre l'existence de grands régimes de réglementation dictés par le sujet, certains composés de plusieurs centaines de traités multilatéraux, régionaux et bilatéraux. Dans le cas du droit de l'environnement, on compte quelque 220traités; dans le cas du droit commercial, largement au-delà de 250traités. L'ANNEXEII définit différentes approches qui peuvent être adoptées pour l'analyse des systèmes de réglementation internationaux. Cette analyse est plus abstraite et plus synthétique que l'ANNEXEI; elle cherche à définir les grandes catégories de règles en fonction de l'autorité générale, de la hiérarchie juridique, de l'autorité internationale, de la forme, du niveau et de la nature de l'intervention de réglementation, etc. Elle cherche également à faire la démonstration du rôle complémentaire de la conclusion d'ententes privées dans la réglementation internationale par voie d'ententes à caractère privé. Nous accordons une place particulière à l'expérience de la Communauté européenne en matière de réglementation. L'objet de cette annexe est de laisser entrevoir la grande variété d'approches qui doivent être prises pour comprendre parfaitement la complexité de la réglementation internationale. N'aurait-elle que cette seule fonction, cette annexe montre qu'il n'y a pas de modèle unique de réglementation internationale mais qu'il existe une grande variété de façons de procéder. L'ANNEXEIII expose, sous forme de colonnes, les différents régimes de réglementation en fonction de la méthode de réglementation. Les colonnes englobent différents degrés d'obligation de gauche à droite et différents degrés dans la clarté de l'engagement des parties. Elles tentent d'exposer des méthodes communes de réglementation. Les colonnes représentent une progression dans le degré d'obligation légale et peut-être aussi dans le degré d'efficacité, bien que ce ne soit pas toujours le cas. En clair, une déclaration exhortative ne produira pas le même résultat qu'un règlement de la Communauté européenne. Mais la théorie des régimes montre qu'un système de réglementation non limitatif peut produire des résultats plus prévisibles qu'un traité rigoureusement formulé. Le choix des régimes de réglementation est donc dicté avant tout par le résultat. Ainsi, il y a moins d'insistance sur des obligations légalement strictes et contraignantes. On trouve un exemple très frappant de cela dans l'expérience historique de la CE en ce qui concerne l'harmonisation des lois. Le fait que la CE possède une large autorité pour imposer une approche commune de la réglementation relative à un produit ou à un problème donné ne signifie pas que la méthode la plus légalement contraignante soit la plus efficace. Le respect des différences et la sensibilité à la pluralité suggèrent une préférence pour les directives plutôt que pour les règlements. En termes internationaux, cela se traduirait par une reconnaissance mutuelle des normes de préférence à l'uniformité, ou même par l'adoption d'une méthode de coordination illimitée de préférence à une uniformité étroitement supervisée. L'annexe III montre également la diversité d'approches de la réglementation internationale. On a fait appel et on continue de faire appel à une extraordinaire gamme de méthodes pour réglementer. Il n'est même pas possible de s'attendre que la même institution ou le même groupe de traités continuera d'utiliser les mêmes techniques pendant une longue période de temps. Le changement est aussi typique que la stabilité. Le deuxième message de cette étude est que la réglementation internationale est orientée vers l'ordre juridique national. La réglementation n'a guère d'effet ou de sens si elle n'est pas mise en application dans l'ordre de réglementation intérieur. L'État-nation est donc non seulement l'auteur originel et officiel du régime de réglementation, mais l'agent essentiel de sa mise en application. En effet, lorsqu'on se rend compte que tous les États-nations n'ont pas une égale influence sur la conception concrète du régime, il reste qu'ils doivent être fidèles à son observance. A.L.C. de MESTRAL, 2e PARTIE :PROBLÈMES STRUCTURELS DONNANT LIEU À UN ÉCART ENTRE LES OBLIGATIONS DU CANADA ET LES SYSTÈMES DE RÉGLEMENTATION INTERNATIONAUX1. Réglementation internationale - Le rôle des traités et le droit international coutumierLe droit international est composé de traités. Les traités sont des instruments juridiques à caractère officiel liant les États qui les acceptent. Les règles du droit international coutumier sont des règles non écrites et non codifiées qui lient elles aussi tous les États, mais sans qu'ils soient obligés de les accepter au préalable. On pourrait dire que le droit international est composé d'un troisième ensemble de règles relatives au droit coutumier : les principes généraux du droit. Les systèmes de réglementation internationaux sont créés par traité. Ils peuvent incorporer des règles coutumières et la coutume peut être utile à leur interprétation, mais ils doivent être rédigés officiellement et acceptés par les États avant d'avoir force obligatoire. Le droit international coutumier est généralement considéré comme faisant partie du droit de tous les États. Les plus hauts tribunaux des États-Unis et du Royaume-Uni ont réitéré ce principe en des termes empathiques. Bon nombre d'États-nations font de ce principe une question de droit constitutionnel. Aux États-Unis et au Royaume-Uni, le Parlement ou le Congrès peut déroger aux règles du droit international coutumier, mais en des termes clairs et exprès. La Cour suprême du Canada, bien qu'elle ait encore à énoncer ce principe de façon aussi emphatique, a suggéré d'intégrer le droit international coutumier dans ses décisions. En effet, suggérer le contraire aurait créé un énorme vide dans l'ordre juridique canadien. L'endroit approprié pour les traités à l'intérieur de l'ordre juridique national est une question plus complexe et plus ambiguë. Certains États-nations comme les Pays-Bas, en vertu de leur Constitution même, attribuent aux traités une place supérieure aux lois ordinaires. D'autres, comme la France et le Mexique, accordent aux traités une force de loi supérieure aux lois préexistantes mais les laissent assujettis à une limitation législative subséquente. Aux États-Unis, la Constitution déclare que les traités sont « la loi suprême du sol ». On a interprété cette locution comme voulant dire qu'ils sont l'équivalent de la législation existante au moment de l'adoption mais qu'on peut y déroger par la suite par un acte du Congrès. Le Canada a toujours adopté une position réservée et souvent ambiguë à propos du statut des traités, et une position encore plus confuse au sujet des lois qui les mettent en oeuvre. Les Lois constitutionnelles sont quasiment silencieuses sur le statut des traités en droit interne, sauf en ce qui concerne les traités conclus au nom du Canada par l'Empire britannique. Il subsiste très peu de traités de ce genre : le Traité des eaux limitrophes de 1908 en est un exemple notable. Le seul point au sujet duquel tous les tribunaux semblent s'entendre est que sans intervention supplémentaire du législateur, les traités ne font pas partie du système juridique. Là où ils ne peuvent pas être appliqués dans l'ordre juridique interne, ils ne sont pas directement contraignants pour les gouvernements ou les simples citoyens dans le sens qu'ils ne sont pas invoqués devant les tribunaux. Même lorsque le Canada s'est déclaré lui-même lié par un traité, on considère que cette obligation n'existe qu'en droit international. Elle est contraignante pour le Canada dans ses responsabilités à l'égard des autres États. Sans législation additionnelle, le traité n'a aucun effet sur les gouvernements canadiens; il n'en a pas non plus sur les simples citoyens. Afin d'avoir des effets sur l'ordre juridique interne, un traité doit être « mis en oeuvre ». La loi doit être clairement adoptée par le corps législatif compétent selon la répartition ordinaire des compétences. Toute mesure législative du genre peut être modifiée par un acte législatif subséquent. La principale dichotomie est que même lorsqu'il lie le Canada sur le plan international, un traité n'entraîne aucune obligation pour les administrateurs ou les tribunaux de l'appliquer à l'intérieur du Canada. La seule obligation du tribunal canadien consiste à appliquer les lois canadiennes et le droit coutumier, pas le droit international conventionnel. La seule circonstance dans laquelle il y aura reconnaissance d'un traité international est lorsque ce traité est utilisé pour aider à l'interprétation du droit interne. Les tribunaux peuvent présumer qu'une loi de mise en oeuvre d'un traité doit être interprétée en conformité avec le traité. Même là, ils n'ont pas clairement l'obligation de le faire. La distance entre un traité et sa loi de mise en oeuvre peut être considérable. Les juges et les membres de tribunaux administratifs canadiens connaissent rarement à fond le droit international et la procédure de conclusion des traités, quoique les choses changent et qu'ils aient manifesté ces derniers temps un intérêt accru pour ces questions. La question de la reconnaissance judiciaire est aggravée davantage par des problèmes législatifs. Le Parlement et les assemblées législatives provinciales, lors de l'adoption de lois de mise en oeuvre des traités, ne sont nullement obligés par la Constitution de légiférer avec fidélité au traité. Ces organismes politiques n'ont pas de procédure établie concernant l'examen de traités légaux ou la manière de légiférer lorsque les traités doivent être mis en oeuvre. Les traités ont été mis en oeuvre suivant une grande variété de techniques législatives. En outre, les gouvernements canadiens jouissent d'une grande latitude dans les méthodes qu'ils adoptent pour donner suite aux obligations conventionnelles que le Canada a contractées sur le plan international. Il semble que les gouvernements fédéraux qui se sont succédé depuis vingt ans aient eu comme position (peut-être en conséquence des disputes constitutionnelles avec le Québec) qu'ils n'ont nullement l'obligation d'obtenir le pouvoir de négocier un traité ou de le ratifier. Les gouvernements fédéraux successifs se sont donc prévalu de l'occasion d'exercer leur discrétion pour assurer le respect des obligations conventionnelles à l'intérieur du pays. Là où les Lois constitutionnelles sont muettes, le Parlement canadien n'a donné aucune indication précise sur aucune de ces questions par voie de législation ni même par voie de règles spéciales de procédure. Le résultat de cette ambiguïté au Canada est une distance accrue entre les traités et le droit interne par comparaison avec des pays ayant des systèmes juridiques et des engagements juridiques comparables. Les tribunaux canadiens ont été extrêmement hésitants à regarder directement les traités; ce sont plutôt les lois internes qui sont utilisées comme fondement des décisions. En outre, les tribunaux au Canada ont été peu disposés à se risquer là où les tribunaux américains, et même les tribunaux britanniques relativement conservateurs sont allés. Dominé par des gouvernements successifs qui préfèrent considérer les traités comme relevant de leur discrétion exécutive, le Parlement ne donne pas d'indication sur cette question ni dans la Loi d'interprétation ni dans la Loi sur le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international. Le public dispose finalement de peu d'éléments pour comprendre la relation entre la source internationale et certains régimes de réglementation intérieurs. Comme les règles internationales augmentent en nombre et en importance, les observateurs ont fait des commentaires sur le prétendu « déficit démocratique »qui, dit-on, serait caractéristique des régimes de réglementation internationaux. Cela se produit même dans le contexte de la Communauté européenne, qui compte une variété d'institutions politiques dans lesquelles les citoyens sont représentés. Ce mécontentement est ressenti encore plus là où il n'y a pas de représentation directe des citoyens. On a le fort sentiment que la création de régimes internationaux provoque une érosion de la souveraineté. Nous faisons valoir ailleurs dans ce document que ce n'est pas nécessairement le cas, mais le public en a fortement l'impression. Une réponse que le Canada devrait envisager est d'associer davantage les élus à l'élaboration des systèmes internationaux. Les systèmes de réglementation internationaux sont trop importants pour demeurer la chasse gardée des gouvernements et des fonctionnaires. Les régimes de réglementation internationaux sont habituellement établis par traités. Les seules exceptions sont lorsque le régime de réglementation international est basé sur le réseautage informel de fonctionnaires ou sur l'intervention privée. La situation au Canada, telle que nous l'avons décrite ci-dessus, fait que les tribunaux ne sont pas obligés de donner la primauté absolue aux traités internationaux. Au contraire, leur réflexe est presque toujours de chercher la loi ou les textes réglementaires qui sont appliqués plutôt que le traité qui les sous-tend. Dans un certain nombre de cas, les tribunaux administratifs et autres, y compris la Cour suprême du Canada, ont donné préséance à une règle de droit interne sur ce qui semblait être l'intention exprimée dans le traité. L'affaire des National Corn Growers impliquait la question de la définition d'une subvention aux termes de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, qui mettait en application le Code des subventions du GATT de 1979. Ce code a été adopté pour fournir une approche standard à l'évaluation des droits compensateurs contre les produits importés à rabais à cause de la subvention. Devant le Tribunal canadien des importations ainsi que devant la Cour d'appel fédérale, la divergence entre la loi et le traité a fait l'objet de discussions. Malgré de fortes opinions dissidentes, la majorité a décidé de donner la suprématie à la loi. La Cour suprême du Canada a laissé entendre qu'un traité pourrait être utilisé pour interpréter une loi ou un règlement en cas d'ambiguïté, mais elle a été bien loin de soutenir qu'un tribunal canadien avait l'obligation de soutenir le droit international conventionnel en présence d'une loi canadienne claire. Au cours de la crise du SRAS, au début de 2003, l'Organisation mondiale de la santé a demandé au Canada d'adopter des mesures de dépistage sanitaire dans les aéroports canadiens. Les fonctionnaires du ministère des Transports et du ministère de la Santé ont remis en question la nécessité de ces formalités et en ont retardé la mise en application. En conséquence, l'OMS a publié un avis aux voyageurs qui a causé du tort à la réputation et à l'économie de Toronto. Considérons les avantages de reconnaître l'obligation de donner effet à la demande de l'OMS. De telles demandes ne sont pas faites à la légère et sont rendues publiques dans la perspective de considérations sanitaires à l'échelle de la planète. Le Canada s'étant engagé à respecter le système de réglementation de l'OMS, les fonctionnaires canadiens devraient-ils être libres de deviner les intentions du jugement de l'organisation mondiale? En 1994, le Parlement a adopté des modifications à la Loi sur les brevets et à la Loi de mise en oeuvre de l'Accord sur l'Organisation mondiale du commerce. Ces mesures législatives visaient entre autres l'adoption d'une période de protection des brevets sur les médicaments d'une durée de vingt ans. Par rapport à l'appui qu'il accordait auparavant à la fabrication de médicaments génériques, le Canada a apporté un changement important à sa politique. Ce changement est attribuable en partie au fait qu'il n'avait guère le choix à la fin du cycle d'Uruguay et en partie au fait qu'il avait obtenu d'autres concessions de la part des gouvernements dans les négociations de l'ALENA et du GATT, ainsi que des engagements en matière d'investissement de la part des compagnies pharmaceutiques. Pourtant ces mesures législatives ont été attaquées avec succès devant les groupes spéciaux de l'OMC, non pas une fois mais deux, au cours des années suivantes, parce qu'elles avaient été mises en application de façon incomplète. Le Parlement avait laissé des avantages déguisés aux fabricants de médicaments génériques et il avait adopté seulement une protection valide pendant dix-huit ans. L'opinion selon laquelle les obligations internationales sont assumées par l'autorité exécutive et que le droit international et le droit interne constituent deux entités très distinctes sous-tend cette façon de voir. En outre, même lorsque le Parlement agit pour mettre en oeuvre ses obligations internationales, la Cour suprême du Canada assume la suprématie absolue des règles fixées par le Parlement sur l'ordre juridique international. Du point de vue international, cela constitue une grave menace à l'intégrité des régimes internationaux - celui-ci et les autres. La communauté internationale et, pour être précis, les partenaires du Canada dans les traités, ne peuvent pas se fier aux tribunaux ou aux administrateurs canadiens pour mettre en oeuvre le traité complètement si le Parlement ne fait pas le travail. Autre conséquence quelque peu ironique : les régimes de traités créés au profit des citoyens ne sont pas applicables par les citoyens. Ces derniers ne peuvent s'en plaindre qu'à leur gouvernement, qui a déjà choisi de violer les règles. Si les citoyens avaient davantage la capacité d'invoquer les règles établies par les traités directement devant les tribunaux, peut-être manifesteraient-ils plus d'intérêt pour ces régimes et auraient-ils davantage confiance en eux. Cette situation devrait-elle préoccuper ceux qui cherchent à faire en sorte que la réglementation internationale soit efficace? On pourrait dire que oui. Les États sont et continueront d'être dans un avenir rapproché les premiers agents de la démocratie et les premiers défenseurs des intérêts de leurs citoyens. Mais les États ne sont plus simplement concernés par leur propre ordre juridique interne et ils ont des comptes à rendre à d'autres niveaux aussi. Le droit international lie les États. Les États s'attaquent à un éventail grandissant de problèmes par l'intermédiaire d'organisations internationales dans la création de régimes de réglementation internationaux. Il y a en réalité peu de choix. Ces régimes sont nécessaires. Ils servent les intérêts des citoyens aussi bien que ceux du gouvernement. Pourtant le Canada, même après avoir décidé d'être lié par le régime de réglementation, semble souhaiter avoir la liberté de choix. Un universitaire américain d'avant-garde, Louis Henkin de l'Université Columbia, a déclaré que la plupart des États respectaient la plupart des règles de droit international la plupart du temps, et cela est vrai. Curieusement, c'est le Canada, qui se perçoit comme un très loyal défenseur du droit international, et non un gouvernement républicain conservateur, qui rejette souvent les contraintes du droit international, qui perpétue la situation. Une situation qui laisse le Canada libre de comprendre après coup les intentions des obligations internationales, même après qu'il a publiquement assumé leur présentation. Nous n'alléguons pas ici que le Canada est un État voyou, loin de là. Mais il existe une opinion très conservatrice et désuète des rapports entre l'ordre juridique interne et l'ordre juridique international. À une époque où une gamme de plus en plus grande de règles internationales constitue la base de nos décisions législatives, administratives et judiciaires, il est regrettable qu'il en soit ainsi. L'état de la situation ne renforce pas la fidélité du Canada aux régimes de réglementation internationaux qu'il accepte. On peut dire que les législateurs, les juges, les preneurs de décisions administratives et les administrateurs devraient prendre des mesures afin de combler ce malheureux écart entre l'ordre juridique canadien et l'ordre juridique international. Pour donner effet aux opinions exprimées dans ce document, nous formulons les propositions suivantes :
A.L.C. de MESTRAL 3e PARTIECOOPÉRATION INTERNATIONALE EN MATIÈRE DE RÉGLEMENTATIONA. SOUVERAINETÉ1. Les choix internationaux en matière de réglementation : existent-ils? Entraînent-ils la concurrence ou une perte de souveraineté?La souveraineté soulève à la fois des questions essentielles et des questions fausses. Essentielles, en ce sens que la souveraineté est l'attribut essentiel de l'État; fausses, en ce sens que la poursuite et l'affirmation de la souveraineté pour affirmer sa souveraineté sont insensées et vont à l'encontre du but recherché et qu'en plus, elles constituent une réponse inadéquate aux forces de la mondialisation. L'Albanie et le Cambodge sont allés aux limites de l'affirmation de leur souveraineté, ce qui ne les a menés nulle part. Il existe de très sérieuses raisons de croire que la manière la plus efficace d'évaluer la souveraineté consiste à s'engager dans les milieux internationaux qui s'occupent de réglementation plutôt que de déployer de vains efforts pour affirmer sa différence (Chayes). Dans l'univers mondialisé postmoderne, la différence pour la différence n'est pas la solution que le Canada devrait envisager. La population du Canada est beaucoup mieux protégée par la participation aux régimes de réglementation internationaux que par le refus de ces régimes. La souveraineté peut être améliorée par la primauté du droit dans le monde beaucoup plus que par l'affirmation de la différence comme une fin en soi. La concurrence en matière de réglementation est-elle une question qui préoccupe sérieusement, soit parce qu'un État peut vouloir adopter un système de réglementation pour obtenir un avantage commercial ou afin d'éviter une certaine sorte de nivellement par le bas? Il y a des situations dans lesquelles il faut faire des choix entre des normes techniques concurrentes mises de l'avant par des groupes commerciaux nationaux (p.ex., le téléphone sans fil ou la télévision). Ces choix sont normalement dictés par des intérêts commerciaux sur lesquels les États-nations ont rarement la haute main. Les règlements viennent après le fait, et dans presque tous les cas, le Canada n'a guère le choix sinon de suivre l'exemple donné par les États-Unis. Dans le domaine de la télévision, nous pourrions difficilement imposer une norme technique japonaise ou européenne différente de celles des États-Unis, fût-elle supérieure. Par conséquent, il est concevable que les gouvernements canadiens puissent vouloir intervenir pour promouvoir un intérêt commercial canadien. Néanmoins, les gouvernements ont rarement réussi à choisir les gagnants sur le plan technologique - leurs résultats à ce chapitre sont lamentables. Il a été concédé que les gouvernements devraient s'en tenir à ce qu'ils font le mieux : protéger leurs citoyens contre le mal. Une deuxième allégation se présente là où les gouvernements doivent faire preuve de vigilance contre la tendance de la réglementation internationale à niveler par le bas. On prétend que la meilleure façon pour le Canada d'éviter ça, c'est d'être différent. L'approche canadienne sera toujours la meilleure. Ce point de vue est hautement discutable. Dans la sphère de la réglementation environnementale, et, dans une plus large mesure encore, dans la sphère commerciale, il y a des raisons de croire que l'État qui a la norme la plus élevée sera celui envers lequel on aura le plus confiance. Par exemple, on a prétendu que l'ALENA favoriserait un nivellement par le bas des normes environnementales et des normes en matière de travail ou de droits de la personne. Or cela n'est pas arrivé. En effet, il se produit beaucoup de choses qui portent à croire que ce sont les normes mexicaines qui cherchent à s'élever au niveau des normes canadiennes et américaines. L'expérience de la Communauté européenne est encore plus éloquente, étant donné que l'expérience de la CE a été l'amélioration des normes dans les nouveaux États après leur adhésion. Le nivellement par le bas par l'intermédiaire d'une entente internationale est donc un faux problème. Il est vrai qu'il est souvent difficile de parvenir à une entente internationale et que cette entente n'atteint pas toujours le niveau que certains États pourraient désirer, mais le fait qu'il y ait entente internationale est lui-même un facteur très positif et rien n'empêche un État de maintenir des normes plus élevées pour lui-même là où il le juge à-propos. Mis à part ces débats théoriques, il existe d'importantes considérations pratiques à évaluer. En bref, qu'est-ce qui se produit réellement sur le plan des régimes de réglementation internationaux pour que le Canada se sente tellement obligé de se soumettre? Dans bien des cas, le Canada n'a pas le choix. Dans d'autres cas, le Canada a une marge de choix, et dans d'autres encore, le Canada a une capacité considérable de rejeter ou d'ignorer les systèmes de réglementation internationaux. Il existe en fait un grand nombre de régimes de réglementation dans lesquels le Canada n'a d'autre choix que d'interagir. Il doit les accepter, vivre en accord avec et à tout le moins se conformer à la norme minimale. Le Canada n'a d'autre choix que de respecter les normes de sécurité de l'OACI pour la construction et la maintenance des aéronefs. L'unilatéralisme n'est pas possible, car cela voudrait dire pas de transport aérien international en direction ou en provenance d'autres pays et comporterait la probabilité de tragédies aériennes au pays. Dans certains domaines, les normes qui s'appliquent sont encore plus strictes. Celles qui exigent une construction différente des aéronefs peuvent rarement être imposées unilatéralement. De façon générale, le régime de droit international qui régit les services de transport aérien est régi par un système hautement réglementé constitué de quelque 5000traités bilatéraux basés sur la souveraineté sur l'espace aérien et un calcul étroit de l'avantage réciproque. Il y a peu de disciplines multilatérales applicables à l'heure actuelle. Au cours des dix dernières années, cependant, la CE a libéralisé complètement les services aériens entre ses 15États membres, qui seront bientôt 25. Résultat : à la demande de la CE, les États-Unis et la CE négocient un nouveau traité général, basé sur les principes non discriminatoires du « ciel ouvert ». L'ex-ministre canadien des Transports, trouvant que la question concernait strictement les Européens, a déclaré que le Canada n'avait pas besoin de suivre l'exemple de la CE. Le ministre a fait valoir que sa politique consistait à ne rien faire. Ce n'est pas une stratégie défendable. Il est à espérer que son successeur se rendra bientôt compte - il sera peut-être désastreusement tard, cependant - que le Canada ne peut pas baser ses relations internationales en matière de transport aérien sur des principes différents de ceux que suivent nos deux partenaires commerciaux les plus importants. Le Canada devra suivre rapidement l'exemple des États-Unis et de la CE. En moins de cinq ans, le monde entier s'ajustera. Le message est clair : le Canada n'a pas d'autre choix que celui de se conformer. Il y a des domaines dans lesquels le Canada a une marge de choix. Presque toujours, un État-nation peut adopter des normes de protection plus strictes. C'est la marge de discrétion essentielle. Dans la plupart des cas, un État jouit d'une discrétion considérable pour déterminer quelle est la meilleure façon d'appliquer un régime de réglementation au pays. Bien que les objectifs et les règles soient fixés à l'échelle internationale, il dispose d'une latitude substantielle quant aux moyens de les appliquer. Ce n'est que logique compte tenu des différences entre les systèmes juridiques, les traditions administratives et même les capacités des États-nations. Plusieurs traités laissent délibérément ouvertes certaines questions, les traités sur la propriété intellectuelle et industrielle par exemple. En effet, la latitude laissée aux États-nations de prendre ou de laisser des parties de ces conventions est tellement grande qu'il a fallu une réglementation supplémentaire. L'Accord sur les ADPIC a donc été préconisé à l'OMC pour forcer chacun des États membres à souscrire à un niveau minimal de protection de la propriété intellectuelle. Dans d'autres contextes, le Canada peut adopter ou non le régime de réglementation international. C'est le cas lorsque ces régimes n'ont pas force obligatoire, comme bon nombre de déclarations ou de codes de déontologie, ou parce qu'ils ne suscitent pas un appui international suffisant, comme c'est le cas de divers accords internationaux sur les marchandises. L'argument concernant la perte de la souveraineté de l'État-nation suscite un appui modéré. Il soulève des inquiétudes : on craint qu'en participant à divers systèmes internationaux de réglementation, comme l'OMC et l'ALENA, le Canada n'ait compromis sa souveraineté. L'impression de « déficit démocratique »vient renforcer cet argument. La société démocratique est compromise au profit d'accords internationaux dans lesquels le public n'a pas son mot à dire. Comme nous l'avons indiqué, les régimes internationaux ne feront qu'augmenter en taille et en importance. Les gouvernements canadiens devraient donc prendre la question au sérieux et évaluer les moyens d'atténuer le problème. Toutes les choses sont relatives. En comparaison avec les Landesgemeinde d'Appenzell, où tous les citoyens votent ensemble en public, tous les pays occidentaux souffrent de déficits démocratiques graves. Mais c'est un problème réel. Une possibilité de réforme dans ce domaine consisterait à donner aux parlementaires un rôle accru dans l'approbation et la surveillance des systèmes de réglementation internationaux. On devrait aussi envisager d'autres mesures pour accroître l'ouverture de ces procédures à l'examen minutieux de la part de la société civile. On pourrait aussi suggérer qu'il y ait un dialogue entre les autorités gouvernementales, les négociateurs et le public. On l'a fait dans le domaine de l'environnement et du développement durable, où il y a eu des séances avant et après le Sommet mondial sur le développement durable. Peut-être est-ce pour remédier à la situation sur le plan international que la participation des ONG aux conférences des Nations Unies a été augmentée. 2. Détermination d'un système de réglementation internationale efficaceLa définition d'un système de réglementation internationale efficace ne constitue pas une entreprise simple. Il existe tout bonnement un trop grand nombre de modèles et de systèmes de réglementation pour qu'il soit possible d'établir la supériorité d'une méthode. Ainsi, les approches qui garantissent l'utilisation de systèmes communs pour le classement douanier ou le classement des marchandises s'avèrent peu utiles pour contrôler l'application des conventions sur les droits de la personne. Malgré les difficultés, des progrès ont été réalisés au chapitre de la réglementation de domaines précis. Des règles régissant la sécurité des aéronefs ont par exemple pu être établies directement par l'Organisation de l'aviation civile internationale(OACI), organisme spécialisé des Nations Unies. L'Organisation maritime internationale(OMI), qui a aussi qualité d'organisme spécialisé des Nations Unies, travaille quant à elle à l'amélioration de la sécurité de la construction navale, principalement au moyen de conventions internationales séparées. L'OMI devrait-elle modifier ses méthodes de réglementation parce que les États sont libres de choisir les traités qu'ils désirent accepter et la vitesse à laquelle ils décident de les accepter? Peut-être, mais ces modifications n'auraient pas nécessairement pour effet d'augmenter le taux de succès de l'OMI. Rien ne permet de croire qu'en modifiant le mécanisme de réglementation, on favoriserait l'amélioration des normes en matière de construction navale. En fait, les résultats d'une modification du mécanisme de réglementation sont presque impossibles à prévoir. La résistance continue à l'adoption de nouvelles normes rigoureuses dans le domaine de la construction navale provient de la nature de l'industrie du transport maritime, industrie très conservatrice qui accorde une grande importance aux profits. Or, dans ce domaine comme en toute chose, le gouvernement n'est que l'art du possible. L'un des enjeux centraux de la réglementation internationale est la capacité des décideurs internationaux d'entrer dans les détails. Quel niveau de détail les règles et les normes internationales peuvent-elles comporter? Dans la plupart des cas, le processus d'élaboration des règles internationales ne tient pas compte des parties auxquelles ces règles sont destinées à s'appliquer dans les faits ni de celles qui seront tenues de s'y conformer. Inévitablement, un processus de perfectionnement s'impose entre l'étape de l'élaboration de la règle au niveau international et celle de son application concrète au niveau national. Un travail d'amélioration s'avère presque toujours nécessaire. Pour les raisons mentionnées précédemment, il est peu utile de suggérer des techniques de réglementation précises. De façon générale, aucune technique n'est essentiellement supérieure. Dans certains contextes, soit le commerce, la protection de l'environnement, la santé, etc., il est possible de définir des techniques de réglementation pertinentes. Toutefois, même dans ces cas, des techniques estimées efficaces à un moment donné ne bénéficieront parfois pas du même appui quelques décennies plus tard. Le changement remarquable qui s'est produit dans la stratégie technique de réglementation de la CE entre 1957 et 1986 illustre ce caractère transitoire. La « nouvelle approche »de la réglementation de la libre circulation des biens a été adoptée en1985. L'objectif d'élaborer une législation souple et technologiquement neutre constitue l'élément novateur de cette stratégie. La « nouvelle approche »représente en effet un virage marqué par rapport au régime de réglementation strict auparavant en place. Plutôt que privilégier la technique la plus efficace ou la plus récente, il semble préférable d'évaluer la réglementation internationale du point de vue de sa conformité aux valeurs canadiennes. Lorsque le Canada a le choix, ce qui n'est pas toujours le cas, quel système de réglementation devrait-il utiliser? Il s'agit ici d'examiner les valeurs que le pays cherche à transmettre à la communauté internationale. Or, l'établissement d'une norme élevée de protection des citoyens canadiens et des êtres humains en général est d'une importance primordiale. Le premier principe du bon droit est celui de l'humanité. Une norme élevée de protection réglementaire sert peut-être mieux le principe de l'humanité qu'une norme peu élevée. L'utilisation d'une telle norme est-elle toujours indiquée cependant? Certaines règles internationales, comme celles qui protègent les diplomates ou les consuls, reposent sur des valeurs neutres, car elles ont pour objet d'assurer le contact entre les gouvernements de toutes sortes. Toutefois, lors de la conception d'un régime de réglementation, les méthodes qui reposent sur les valeurs canadiennes et qui garantissent un niveau élevé de protection de tous les citoyens doivent certainement être privilégiées. 3. Pertinence de l'expérience de l'UE en matière de réglementationDans le contexte d'un examen de la réglementation, il peut s'avérer utile de procéder à une étude de cas du Traité sur l'Union européenne et du Traité instituant la Communauté européenne. Les institutions européennes ne se limitent pas à créer un système économique international destiné à éliminer les obstacles au commerce. En effet, à certains égards, elles s'approchent d'une union économique fédérale. Le système reste toutefois axé sur les traités. On peut examiner ces traités internationaux pour en dégager un processus d'élaboration de règles internationales véritablement efficace. Contrairement aux parties à d'autres accords internationaux, les membres de la CE ont été préparés à se soumettre à l'autorité d'institutions supranationales possédant le pouvoir d'adopter des lois. Malgré tout, les personnes intéressées à étudier les façons de concevoir des systèmes de réglementation internationale efficaces devraient examiner l'expérience de la CE. À ce jour, aucune autre institution n'a produit de meilleurs résultats. La CE (contrairement à l'UE, dont l'orientation est plus politique) a été investie du pouvoir de réglementation dès sa création, en1957. L'organisation possède en effet le pouvoir de prendre des règlements contraignants dont l'effet est équivalent à celui d'une loi canadienne. Toutefois, la réglementation de la CE est établie en grande partie sous forme de directives dont seul le résultat est contraignant pour les États membres. Ceux-ci ont donc toute liberté pour déterminer le moyen le plus efficace d'atteindre le résultat prescrit. La CE est aussi habilitée à prendre des décisions contraignantes qui sont exécutoires devant les tribunaux nationaux. Elle peut légiférer pour favoriser la libre circulation des marchandises, des services, des personnes et des capitaux et pour établir le marché commun, maintenant appelé le marché « unique ». L'organisation est aussi habilitée à légiférer dans d'autres domaines, dont la liste s'allonge constamment. Les règles de la CE peuvent s'appliquer directement aux activités des citoyens et des entreprises, ainsi qu'aux produits et services. La capacité d'harmoniser les lois des États membres constitue le principal pouvoir législatif de la Communauté européenne. On croyait initialement que l'organisation procéderait à l'harmonisation en adoptant des règles uniformes régissant les affaires et la fabrication des produits. La CE a en effet utilisé cette méthode pendant ses premières années d'activité. Il est toutefois rapidement devenu évident que des règlements et même des directives hautement détaillés et précis ne suffiraient jamais à rendre compte de la complexité des réalités de six, puis neuf, ensuite 15 et bientôt 25 États et davantage. Bien que la CE possède le pouvoir juridique nécessaire pour créer des régimes de réglementation hautement détaillés, cette entreprise s'est avérée une mission impossible pour l'organisme. Une simplification radicale de la réglementation s'imposait. On a eu recours à plusieurs processus pour réaliser cette simplification. D'abord, la Cour de justice a établi que tous les biens légalement en circulation dans un pays de la CE avaient accès aux autres pays. La CE a enchaîné avec de nouvelles approches des lois fondées sur le principe de la reconnaissance mutuelle. Elle a également modifié son approche de la réglementation en général, adoptant davantage de règles rédigées en fonction des objectifs, de l'aptitude à l'usage et du « caractère essentiel »de la réglementation, que de règles d'un niveau de détail élevé. Les directives et les règlements adoptés pour établir le marché unique en1986 appartenaient en grande partie à la première catégorie. Dans les années ultérieures, la CE a fait d'autres expériences et a tenté de créer des régimes de réglementation à vocation politique destinés à régler des problèmes sociaux. Elle utilise maintenant dans ces domaines la « méthode de coordination ouverte », qui exige seulement des États qu'ils se fixent des objectifs et des points de repère communs. Les États se réunissent par la suite afin de discuter des réussites et des échecs de leurs efforts pour déterminer des objectifs communs. Ce processus permet aux États membres de tirer des enseignements les uns des autres. Même dans les domaines où la CE cherche à établir des règlements détaillés sur des produits, elle fait des concessions. La « nouvelle approche »de la CE repose sur la participation des utilisateurs et des fabricants à un système de réglementation des produits souple et révolutionnaire. Cette méthode définit des exigences obligatoires relatives aux produits, ce qui garantit un haut niveau de protection publique tout en laissant aux parties intéressées (utilisateurs, fabricants, etc.) le soin de trouver des solutions techniques. La nouvelle approche s'est avérée hautement efficace pour favoriser la compétitivité, la création de nouveaux produits et la libre circulation des marchandises, tout en garantissant un haut niveau de sécurité du public. Elle a été appliquée à plus de vingt secteurs industriels et à des milliers de produits industriels. La CE l'a décrite comme un processus de « coréglementation »qui fait appel à la participation de tous les intervenants aux efforts en vue d'une réglementation efficace. 4. Critères pour l'évaluation et pour des choix en matière de réglementation internationale par le gouvernement du CanadaExiste-t-il des critères généraux pour établir la pertinence des modèles de réglementation internationale? Il s'agit d'abord et avant tout d'une question politique qui dépend de la philosophie politique de chacun. Il n'est pas facile de répondre en même temps aux exigences en matière de réglementation des Hayek et Lord Keynes, des républicains conservateurs et des socialistes français, des autorités de réglementation indiennes et des réformateurs communistes chinois, sans parler de celles des représentants de plus d'une centaine de pays en développement. C'est pourtant la tâche qui revient aux responsables de la création des régimes internationaux contemporains. Le dénominateur commun de toutes les cultures est incontestablement le principe de l'humanité. Il faut connaître ses valeurs et chercher à établir un haut niveau de protection. Il est possible d'examiner les méthodes qui fonctionnent le mieux et la façon de créer de nouveaux systèmes efficaces dans un secteur donné, mais cet exercice exige une analyse approfondie du secteur. Nous exposons à cette fin une série d'approches recommandées sous la rubrique Leadership canadien,à la fin du présent document. 5. Approfondissement des relations réglementaires dans le cadre de l'ALENALe degré de pénétration de l'économie américaine par l'économie canadienne est supérieur à celui que l'on peut trouver dans toute combinaison de deux membres de l'UE. Le phénomène n'a pratiquement pas de précédent dans l'histoire. Bien que la participation des États-Unis à l'économie canadienne représente un pourcentage beaucoup plus faible de l'ensemble des activités économiques américaines, étant donné sa population, le Canada reste un partenaire indispensable pour les États-Unis. Le Canada est en effet le plus important partenaire commercial des États-Unis et le principal partenaire commercial de 38 États américains. Fait probablement encore plus important, le Canada est le principal fournisseur d'énergie de son voisin américain. L'ALE et l'ALENA ont fait considérablement avancer le processus de l'intégration économique dans ces deux directions. Il devient donc évident que le Canada doit harmoniser ses systèmes de réglementation avec ceux des États-Unis dans les domaines les plus importants. Il est impossible de maintenir des normes différentes pour les produits, car pour bon nombre d'entre eux, les processus de fabrication se déroulent des deux côtés de la frontière. (Ainsi, les principales composantes d'une automobile traversent la frontière au moins quatre fois pendant le processus de fabrication). Les produits qui ne sont fabriqués que dans un seul des deux pays sont tout aussi susceptibles d'être vendus dans l'autre. Ils doivent donc être aptes à être vendus dans les deux pays. Il reste encore beaucoup de travail à faire pour harmoniser les systèmes américains et canadiens de réglementation des produits et de la fabrication des produits. La principale difficulté consiste à surmonter ce que Michael Hart appelle « la tyrannie des légères différences ». Au niveau des services, les écarts entre les deux pays restent considérables. Les obstacles au libre mouvement des personnes nuisent sensiblement à l'intégration, tandis que les efforts de l'Union européenne dans ce domaine sont fructueux. Il est donc clairement dans l'intérêt du Canada d'accroître l'harmonisation des normes industrielles et des procédures d'essai. Une harmonisation accrue favoriserait la libre circulation des marchandises vers le marché principal du Canada. De plus, la reconnaissance des diplômes et des qualifications professionnelles, dans les domaines où elle n'a pas encore été établie par l'intermédiaire d'accords limités de l'ALENA, comme dans le domaine médical, servirait clairement, encore une fois, l'intérêt du Canada. Pour hausser sensiblement le niveau d'intégration économique, il faut approfondir des questions complexes que la plupart des Canadiens ne désirent pas aborder et dont la plupart des Américains ne sont même pas conscients. La stratégie de l'harmonisation avec les États-Unis dépend principalement de considérations politiques quant à l'évolution de l'ALENA. L'Accord doit-il rester une zone de libre-échange ou deviendra-t-il une union douanière? La première solution qui vient à l'esprit consiste à trouver une formule intermédiaire qui conférerait aux Canadiens les avantages d'une union économique sans en porter le nom et sans les institutions politiques et les organes de réglementation d'une union douanière. Dans quelle mesure les Canadiens sont-ils prêts à mettre en jeu leur identité pour approfondir leurs relations avec les États-Unis? Les Américains sont-ils intéressés à écouter nos préoccupations? Ces questions dépassent la portée de la présente analyse, mais elles constituent les véritables enjeux à examiner avant de discuter de l'harmonisation de la réglementation. Si on suppose qu'une transformation officielle en une union douanière et monétaire n'est pas possible, la coopération en matière de réglementation peut toujours être envisagée dans un certain nombre de domaines. Cette méthode exige l'analyse minutieuse des règles qui régissent actuellement les différents secteurs du commerce des biens et des services. Actuellement, l'intégration est en grande partie assurée par la constitution de réseaux de représentants, qui vise à abolir les légères différences qui persistent. Il s'agit en particulier d'améliorer les mécanismes de coopération institutionnelle existants, soit la Commission et les comités permanents et organismes de coopération souvent non utilisés, pour faire en sorte de tirer les meilleurs avantages possibles des chapitres 3 et 12 de l'ALENA sur la circulation des biens et des services. D'importants efforts pourraient aussi être consacrés à l'avancement des objectifs des chapitres 7 et 9 portant sur les normes sanitaires, phytosanitaires et techniques. De plus, des progrès sont réalisables au chapitre de la reconnaissance mutuelle des normes et des procédures d'essai. La réglementation devrait avoir pour objectif de favoriser la libre circulation de tous les biens et services entre le Canada et les États-Unis. Idéalement, les deux pays devraient adopter le principe réglementaire de la libre circulation des biens et services et de la reconnaissance mutuelle des normes réglementaires en place. Ils devraient aussi dans ce contexte s'engager à respecter l'Accord de libre-échange des Amériques (ALEA). La menace que la libre circulation des biens et des services pose pour les politiques sociales nationales a fait couler beaucoup d'encre. Ces menaces sont souvent imaginaires. Il ne faudrait pas oublier que dans l'UE, où il existe réellement l'équivalent d'un droit constitutionnel à la libre circulation des marchandises, des services, des personnes et des capitaux, des programmes sociaux très différents sont en place et ils ne sont pas menacés. Le message que l'on peut tirer de l'expérience européenne à l'intention des nationalistes canadiens est le suivant : un haut degré d'harmonisation réglementaire peut coexister avec la présence de différentes institutions et politiques sociales. 6. Propositions1. Accords nationaux existants Compte tenu du très large éventail de règlements canadiens fondés sur des politiques convenues internationalement, le Canada devrait prendre les mesures nécessaires pour favoriser la convergence des règlements internationaux et de la réglementation nationale, dans tous les secteurs où il a accepté de se conformer (voir le deuxième document). 2. Souveraineté Le Canada devrait agir comme un véritable État postmoderne, un élément d'un processus de réglementation horizontal et multipolaire dans lequel l'État ne devrait être considéré que comme une partie d'un système plus vaste. L'État ne peut constituer le seul organe d'élaboration des politiques de réglementation, même s'il reste le moteur essentiel de l'application efficace des règlements. 3. Nature spéciale des relations canado-américaines
4. Mise au courant des dirigeants canadiens des problèmes de réglementation internationale
ANNEXE IDifférents régimes de traités de droit public importants reposant sur diverses formes de réglementation, différents niveaux d'obligation et différents degrés d'intégration du droit international au droit national Règles générales : Convention de Vienne sur le droit des traités; Convention de Vienne sur les relations diplomatiques et consulaires; Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, etc. Droit maritime Droit aérien Droit spatial Droit commercial international (OMC et accords commerciaux régionaux) Droit monétaire et bancaire Droit de la santé Droit de la sécurité alimentaire Droit de l'environnement Droit international du travail Droit des postes et des télécommunications Droit des droits de la personne Droit international de la propriété intellectuelle Droit pénal international Droit international humanitaire Droit international privé CE/UE / Benelux ANNEXE IIDifférentes approches de l'analyse des systèmes de réglementation internationale Répartition des compétences Compétence nationale exclusive Régime international et intergouvernemental Régime supranational Réseaux multinationaux Formes de réglementation internationale Répartition des compétences + compétences exclusives ou coopération en matière d'application des lois Création d'un régime international Régime supranational Élaboration de règles multinationales Formes de droit Droit exclusif national Droit intergouvernemental Droit supranational Niveaux de règles Règles multilatérales Règles régionales Règles bilatérales Règles nationales Formes d'accord habilitant Accords écrits Règles douanières Pratiques Diplomatie / négociation Formes d'instrument normatif Normes Principes Règles Formes de structure de réglementation internationale Règles impératives Règles n'ayant pas caractère obligatoire Pratiques recommandées Normes Lignes directrices Règles d'un régime de traité Règles primaires Règles secondaires Droit international systémique / interstitiel Charte des Nations Unies Souveraineté étatique Droit diplomatique Droit des traités Détermination des compétences territoriales et personnelles Droit international des ONG de la société civile Règlement des différends Différentes familles d'organisations et de régimes de traité Organisations politiques mondiales (G-8) Organismes spécialisés Banques de développement Organisations de protection de la propriété intellectuelle Tribunaux internationaux Organismes de réglementation à vocation unique : Organisation internationale des commissions de valeurs (OICV) / Secrétariat du Protocole de Montréal Associations d'organismes de réglementation nationale (associations non officielles) Assemblées parlementaires Services de police Bureaux de la concurrence Organismes de réglementation du commerce des valeurs mobilières Vérificateurs généraux Autorité de surveillance des compagnies d'assurance Banques centrales Ententes à caractère privé-Organisations internationales - (bien-être, sport, activités bénévoles, professions, etc.) Religions / Églises Organisation internationale du commerce (OIC) Croix-Rouge Fédérations internationales de sport Centre international de calcul (CIC) ISO et autres organismes de normalisation Collège international des commissaires aux comptes de l'OTAN (IBA) et autres organisations professionnelles Organisations criminelles Ententes à caractère privé - Élaboration de règles internationales ICC - INCOTERMS ISO Normes comptables internationales Règles d'arbitrage internationales Normes internationales d'assurance Expérience de la CE Approximation - expression d'une règle unique par un règlement -art. 94 du Traité instituant la Communauté européenne (TCE) Libre circulation - traitement national -conformément à l'art. 24 du TCE Harmonisation - norme unique établie par une directive Harmonisation axée sur les résultats au moyen d'une directive Reconnaissance mutuelle par un traité, une décision de la Cour européenne de justice ou une directive Nouvelle approche et approche mondiale (1986) Méthode de coordination ouverte (pratiques exemplaires, établissement de points de référence, consultation) établie par une directive (2000) Utilisation de la coréglementation comme nouvelle approche réglementaire (2003) Organismes de réglementation dont le rôle est indicatif plutôt que directeur Théories en matière de régimes internationaux Réalisme Institutionnalisme néolibéral Modèle transformationnel Constructivisme Réseaux de gouvernance non structurés ANNEXE IIIRÉGIMES DE RÉGLEMENTATION INTERNATIONALE : SPECTRE (NON EXHAUSTIF)
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