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Instruments économiques pour la protection et la conservation de l'environnement : Leçons pour le Canada

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3. L'expérience des instruments économiques

3.1 L'expérience des instruments économiques en Europe et au Japon  

Encadré 1 : Taxes écologiques en Europe

Le programme de la taxe d'accise progressive sur les véhicules au R.-U. utilise des taux plus faibles de taxes d'accise pour encourager les achats de véhicules plus économiques : www.dvla.gov.uk/newved.ht

Taxes sur l'énergie en Hollande : les entreprises et les foyers aux Pays-Bas sont assujettis à une taxe de consommation d'énergie. Le produit des entreprises est utilisé pour réduire les charges salariales de l'employeur, tandis que le produit des foyers est recyclé pour réduire l'impôt sur le revenu des particuliers.

Taxes suédoises sur le diesel, le mazout de chauffage et l'électricité : les augmentations de taxes sur le diesel, le mazout de chauffage et l'électricité sont combinées pour compenser les réductions d'impôts, notamment l'impôt sur le revenu et des cotisations moindres à la sécurité sociale.

Taxe sur les combustibles fossiles au Danemark : Le Danemark a lancé une taxe sur les combustibles fossiles en 1993 qui permet à toutes les sociétés dont les factures de taxe sur ces combustibles représentent plus de 3 % de la valeur ajoutée de leurs produits de demander un remboursement si elles ont effectué des investissements raisonnables en matière d'efficacité énergétique (de l'avis d'un vérificateur agréé en énergie). Une partie importante du produit provenant de la taxe sur les combustibles fossiles sert à subventionner des projets d'efficacité énergétique, de chauffage de quartiers et de démonstration.

Taxe sur les sacs en plastique en Irlande : en 2002, l'Irlande a imposé un supplément de 15 centimes euro sur les sacs de plastique fournis par les épiceries et d'autres magasins. L'utilisation des sacs, gratuits auparavant, a chuté, et ils ne sont plus une source importante de déchets. L'argent recueilli est versé à un fonds écologique qui prévoit consacrer 35 millions d'euros en 2003 dans des centres de recyclage. Dernièrement, l'Irlande a annoncé des plans pour imposer des surtaxes similaires sur les paquets de gomme à mâcher, les reçus des guichets automatiques et les emballages en polystyrène des chaînes de restauration rapide.

Les pays européens utilisent les instruments économiques pour traiter toutes sortes de problèmes, notamment la pollution de l'eau, la pollution atmosphérique, le changement climatique, la contamination du sol, la gestion des déchets, la gestion des ressources naturelles, le bruit, la protection de la couche d'ozone, l'efficacité énergétique, le transport et la gestion des terres. Bien que le recours à ces mesures à incidence fiscale soit assez répandu, l'Europe a acquis une expérience considérable avec les systèmes de permis échangeables, les systèmes de consignation et les subventions incitatives pour l'environnement.

Les pays européens sont particulièrement avancés quand il s'agit d'utiliser la politique fiscale dans le but de promouvoir un comportement écologiquement durable. Même si le secteur du transport représente plus de 90 % de l'ensemble des taxes liées à l'environnement, avec les taxes sur le pétrole, le carburant diesel et les véhicules motorisés, les pays européens perçoivent des taxes et des droits afin de traiter une vaste gamme de problèmes environnementaux, notamment l'énergie (consommation et production de gaz naturel, de charbon et d'électricité), les matériaux d'emballage, la gestion des déchets, les émissions atmosphériques, les effluents d'eau et la pollution d'eau diffuse (voir Encadré 1).2

L'utilisation de l'énergie est imposée beaucoup plus lourdement en Europe qu'au Canada et aux États-Unis. La différence la plus importante est probablement le niveau beaucoup plus élevé des taxes européennes sur les carburants de véhicules motorisés. Ces taxes vont de près de 0,8 euro le litre au R.-U. à environ 0,35 euro le litre en Grèce, comparativement aux taxes fédérales et provinciales équivalentes à moins de 0,15 euro le litre au Canada. La plupart des pays européens imposent également le mazout léger, qui n'est pas imposé au Canada. De nombreux pays européens ont dernièrement instauré des taxes sur les combustibles fossiles visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre de la consommation de combustibles fossiles. Le Danemark, la Finlande, l'Italie, les Pays-Bas, la Norvège, la Suède et le Royaume-Uni ont instauré des impôts appelés « taxes sur les combustibles fossiles » ou « taxes sur le CO2 ».3 Pareillement, le ministère de l'Environnement du Japon a annoncé récemment une proposition de lancer un nouvel ensemble de taxes sur les carburants fossiles en 2005 dans le but de réduire les émissions de GES.

De nombreux pays européens sont passés au-delà de mesures fiscales à une réforme fiscale plus systématique pour traiter d'enjeux écologiques ponctuels. Au cours de la dernière décennie, plusieurs pays de l'OCDE (Belgique, Danemark, Finlande, Islande, Italie, Japon, Pays-Bas, Norvège et Suède) ont institué des « commissions d'écotaxes » pour examiner l'incidence et les possibilités de lancer des taxes et des redevances liées à l'environnement. Dans de nombreux cas, ces initiatives ont porté sur les possibilités d'atteindre des objectifs environnementaux plus efficacement, menant à l'application de taxes écologiques à des fins élargies. De nombreux pays ont également lancé de nouvelles taxes écologiques en réaction à la baisse des recettes fiscales4. En outre, comme le décrit la Section 3.4 (ci-dessous), certains pays instaurent des politiques de répercussion de l'impôt visant à utiliser les recettes tirées des nouvelles taxes sur la pollution ou l'extraction de ressources afin de réduire les taxes sur la main-d'oeuvre ou le capital. Le Danemark, la Finlande, l'Allemagne, l'Italie, la Norvège, les Pays-Bas, la Suède, la Suisse et le Royaume-Uni ont tous mis en oeuvre une imposition liée à l'environnement avec réductions explicites dans d'autres taxes distortionnaires. Au Royaume-Uni, par exemple, la taxe sur les sites d'enfouissement instaurée en 1996 a été accompagnée d'une réduction de 0,2 % des cotisations des employeurs à la sécurité sociale. En 1999, en Italie, plus de la moitié des recettes fiscales sur les combustibles fossiles ont été consacrées à la réduction des frais de main-d'oeuvre.

En Europe, un nombre croissant de mesures à base de redevances prennent la forme de taxes avec remise sans incidence sur les recettes. Ces taxes combinent : a) des droits fondés sur les niveaux d'émission ou certaines autres mesures de risque environnemental (comme la quantité de substances toxiques contenue dans un produit); avec b) une remise partielle pour les installations démontrant des améliorations environnementales prescrites (p. ex. grâce à la mise au point d'un plan de prévention de la pollution, l'efficacité énergétique améliorée, etc.). Une des premières taxes avec remise a été la taxe sur l'azote de la Suède. Les recettes fiscales provenant des génératrices d'électricité sont remboursées aux participants selon la quantité d'oxyde d'azote produite par unité d'énergie (un substitut grossier de l'efficacité de production de l'installation relativement aux émissions des oxydes d'azote). Dans la première année seulement, les émissions d'oxyde d'azote ont diminué de 35 % et l'investissement dans la technologie de réduction a augmenté. Ce système crée une dynamique où les plus gros pollueurs transfèrent des ressources aux pollueurs moins importants.

Comme les exemples de la Suède et d'autres pays européens l'illustrent, le modèle de taxation avec remise sans incidence sur les recettes offre une méthode particulièrement efficace permettant d'atteindre un objectif environnemental national (réduction des émissions) tout en réduisant au minimum les incidences nuisibles sur la compétitivité et en créant des incitatifs pour perpétuer l'innovation technologique et hausser l'efficacité de la production. L'exemple de la Suède indique également qu'une taxation avec remise peut fonctionner dans un marché relativement petit, comme celui du Canada. La population de la Suède compte pour seulement un tiers de celle du Canada, et l'économie de ce pays est également fortement orientée vers les exportations et fondée sur un ensemble similaire de ressources et sur les industries de haute technologie émergentes.5

En plus de la taxation avec remise, tous les pays de l'OCDE utilisent toutes sortes de subventions pour promouvoir des objectifs écologiques. Les subventions servent à créer des incitatifs sur le marché pour favoriser l'utilisation plus répandue de l'énergie renouvelable, améliorer l'efficacité énergétique, préserver les valeurs de la nature/des paysages, encourager le traitement efficace et efficient des eaux, promouvoir des modes de transport particuliers et appuyer la recherche-développement en matière de technologies de l'environnement.

La dernière expansion dans l'utilisation de l'échange d'émissions au sein de l'Union européenne a été entraînée principalement par les engagements de l'UE aux termes du protocole de Kyoto et par l'impossibilité d'en arriver à un consensus sur une taxe paneuropéenne en matière d'énergie ou de combustibles fossiles. De nombreux pays ont mis au point des programmes d'échange d'émissions au niveau national, et une directive du Conseil européen prescrit la mise en oeuvre d'une formule paneuropéenne d'échange d'émission en 2005. Les pays européens ont également mis au point des programmes de droits d'aménagement échangeables pour diverses autres questions, notamment la préservation des terres (p. ex. France), les quotas transférables pour la conservation des pêches (p. ex. Pays-Bas), et des programmes d'échange d'émissions propres à un secteur englobant une série de GES et autres émissions atmosphériques provenant du secteur (p. ex. secteur de l'électricité du Danemark).

Tout comme au Canada, des pays européens ont eu recours à des systèmes de consignation surtout pour encourager le retour des contenants de boissons au point de vente. Cependant, depuis peu, les formules dépôt-remboursement ont été utilisées pour faire face à des enjeux de plus en plus complexes comme la réduction de l'utilisation des CFC (p. ex. Italie); le retour des véhicules aux fabricants (p. ex. Norvège); la collecte des huiles usées (p. ex. Norvège); le retour des ampoules électriques (Autriche); et la gestion écologiquement rationnelle de gros appareils et dispositifs électroniques. Les formules de dépôt-remboursement prennent de l'élan comme instrument efficace permettant d'atteindre des objectifs écologiques, et de nombreux programmes ont atteint des taux de récupération se rapprochant de 100 %. Les recettes provenant de la formule de dépôt-remboursement servent à financer les aspects administratifs du programme ainsi qu'à rembourser les participants.

Certains pays d'Europe et d'Asie explorent également des possibilités de dépasser les simples programmes de reprise par la mise en oeuvre de formules de dépôt-remboursement. L'objectif est de créer des incitatifs afin que les producteurs repensent la conception de leurs produits dans le but d'éliminer la source du problème environnemental. La « conception écologique » est un aspect important de la prévention de la pollution et peut comprendre la substitution de matériaux, l'utilisation moindre de substances toxiques et la conception en fonction de la durée de vie, de la réutilisation et de la possibilité de recyclage. Les nouvelles expériences concernant des produits, allant des tapis aux appareils électroniques, portent à croire que la conception écologique peut fournir aux producteurs d'importantes possibilités de diminuer les impacts environnementaux par des moyens novateurs permettant de réduire les coûts ou de rehausser leur part de marché. Plusieurs pays commencent à promouvoir la conception écologique grâce à l'utilisation d'une gamme d'instruments économiques pour compléter une obligation fondamentale de « consignation ». Taiwan et d'autres pays asiatiques se servent de plus en plus des droits d'élimination à l'avance ou de la consignation qui comportent des droits ou des dépôts différenciés selon le risque associé aux matériaux en cause dans le produit ciblé. Certains pays européens imposent des taxes sur les matériaux pour renforcer les incitatifs de conception écologique. Selon des études récentes, ces incitatifs pourraient encore être améliorés en adaptant le modèle de taxation avec remise qui s'est avéré efficace pour le perchlorétylène, les oxydes de soufre (SOx), les oxydes d'azote et diverses autres substances en Europe. Les recettes d'une taxe sur les matériaux pourraient être redistribuées aux producteurs prêts à investir dans les nouvelles technologies de production ou dans le secteur du recyclage pour stimuler davantage le recyclage.6 Une dernière option examinée relativement aux programmes de reprise d'automobiles en Suède consiste à permettre à tout producteur qui a souscrit un programme collectif de reprise de réclamer des remboursements partiels s'il prouve que ses véhicules sont moins chers à recycler, à démonter ou à éliminer que le véhicule moyen inclus dans le programme collectif de reprise.

3.2 Les instruments économiques et l'expérience américaine

Aux États-Unis, la démarche a été moins systématique que dans certains pays européens. Les Américains utilisent les instruments économiques pour régler des questions ponctuelles de protection et de conservation de l'environnement et de gestion des ressources, plutôt que dans le cadre d'une stratégie globale qui insiste sur la répercussion de l'impôt et la correction des échecs du marché, comme un ensemble assez intégré d'objectifs de politique sociale, industrielle et environnementale.

Toutefois, les États-Unis ont beaucoup plus utilisé les instruments économiques pour la protection de l'environnement que le Canada. Les administrations fédérales, d'État et locales ont toutes recours à des droits, des redevances et des taxes pour une variété de questions. Bien que la taxation avec remise ne soit pas utilisée en général, il existe un nombre croissant de mesures semblables aux taxes avec remise pour promouvoir l'efficacité énergétique. Par exemple, le Colorado Renewable Energy Mitigation Program exige que les nouvelles maisons dépassant une certaine dimension aient un système d'énergie renouvelable, sinon des frais d'atténuation de 5 000 $ sont imposés. Un organisme local sans but lucratif administre les fonds pour des projets, comme les panneaux solaires photovoltaïques pour des écoles locales et une micro-usine d'hydro-électricité. Le programme California 20/20 Rebate, créé en mars 2001, favorise la conservation énergétique volontaire en offrant un rabais de 15 à 20 % aux clients des services d'électricité qui ont diminué leur consommation électrique de 20 % depuis l'année précédente. En 2001, ce programme a permis d'atteindre une économie de demande de pointe de 2 600 MW au cours des mois de consommation de pointe, soit de juin à septembre.7

À l'échelle des États et au niveau local, des formules de dépôt-remboursement sont courantes pour favoriser le recyclage des contenants de boissons et d'autres produits de consommation. Les États-Unis sont les principaux tenants des permis échangeables et d'autres programmes d'échange, avec des initiatives au niveau fédéral, dans les États et dans les municipalités liées à divers polluants, l'affectation des terres et la conservation des ressources. Les cautionnements d'exécution, la loi sur la responsabilité et la présentation d'informations constituent également des éléments importants de la boîte à outils globale en gestion de l'environnement dans la plupart des régions américaines. Des incitatifs et des subventions pour réduire la pollution et améliorer l'environnement comprennent des avantages fiscaux, des prêts, des obligations exemptes d'impôts, des subventions, des incitatifs fiscaux et des programmes d'approvisionnement préférentiels.

Dans certains cas, ces mesures constituent la principale démarche de gestion du risque. En outre, les gouvernements fédéraux et d'État utilisent de plus en plus les instruments économiques pour promouvoir la participation aux programmes qui mettent de l'avant diverses mesures « dépassant la conformité ».

Lors de l'examen de ces nombreux programmes, un rapport récent du gouvernement américain, intitulé The United States Experience With Economic Incentives For Protecting the Environment, concluait que :

Dans de nombreux cas [les incitatifs économiques] produisent des avantages pour la santé et l'environnement dépassant ce qui est possible avec les règlements habituels, et parfois ils peuvent s'appliquer à des situations où les règlements ne seraient pas du tout possibles. ... En général, il est clair que les incitatifs économiques offrent vraiment la possibilité d'atteindre un niveau donné de contrôle de la pollution avec d'importantes réductions de coûts (NCEE, 2001).

3.3 Les instruments économiques et l'expérience canadienne

En général, l'utilisation restreinte des instruments économiques au Canada a suivi le modèle américain de démarches ponctuelles fondées sur le marché visant la protection de l'environnement plutôt que l'approche de la répercussion fiscale sans effet sur les recettes qui émerge en Europe.

À part la taxe d'accise sur l'essence qui, si l'on peut dire, est conçue pour produire des revenus plutôt que réduire la consommation de carburant, le gouvernement fédéral n'a presque pas recours à la taxation à des fins écologiques. Le Canada retire seulement environ 5 % de ses recettes fiscales à partir de taxes et redevances liées à l'environnement. En comparaison, c'est plus de 8 % pour le R.-U., plus de 10 % en Norvège et plus de 12 % dans le cas des Pays-Bas et de la Corée.8 Au Canada, les taxes d'accise sur le carburant représentent la majorité des recettes provenant de taxes écologiques (près de 11 milliards de dollars par année, soit environ 3 % des recettes fiscales totales).

Par contre, le gouvernement fédéral utilise divers incitatifs fiscaux. Il a employé les taxes d'accise différenciées sur l'essence avec plomb et sans plomb pour accélérer l'élimination progressive de l'essence avec plomb et continue d'offrir des exemptions de taxes d'accise pour les combustibles de remplacement, comme l'éthanol, mesures visant « l'égalité des chances  » entre les sources d'énergie traditionnelles et l'énergie renouvelable, et des avantages fiscaux pour dons de terres à valeur écologique. En outre il a utilisé des allocations de consommation négociables dans le cadre de ses efforts visant à éliminer les HCFC et le bromure de méthyle (destructeurs d'ozone) et a fourni un soutien limité aux projets pilotes d'échange de gaz à effet de serre.

Le gouvernement fédéral utilise également divers instruments économiques pour appuyer des objectifs de gestion des ressources. De nombreuses ressources de pêches au Canada, par exemple, sont gérées par des systèmes de quota individuels transférables (QIT). Conformément au système QIT, le gouvernement fédéral établit un total autorisé des captures pour une pêche en particulier, et ensuite distribue les quotas à des entités individuelles selon les données historiques sur les prises. Au début de la saison, les personnes peuvent soit vendre une partie de leur quota, soit acheter des droits de pêche supplémentaires.

De plus, il existe diverses subventions fédérales destinées à appuyer des objectifs de gestion de ressources environnementales et naturelles, notamment l'utilisation de l'énergie renouvelable accrue, la conservation du sol et de l'eau sur des terres agricoles, le traitement efficace des eaux usées municipales, le reboisement, le recyclage des pneus et l'efficacité énergétique améliorée. Les subventions et d'autres dépenses de programme comprenaient des politiques d'approvisionnement vert, des subventions et prêts pour la recherche, le développement et l'application de nouvelles technologies, ainsi que toutes sortes de fonds pour appuyer des programmes d'éducation et de formation.

Plusieurs provinces utilisent également divers instruments économiques. Dernièrement, l'Ontario a lancé une forme d'échange d'émissions visant à réduire les émissions de divers polluants atmosphériques provenant des grosses génératrices alimentées au mazout ou au charbon.9 La taxe sur l'économie du carburant de l'Ontario est également l'exemple le plus notable d'une taxation avec remise au Canada. Instaurée en 1989, la province perçoit des droits sur les « belles américaines », soit les automobiles neuves dont la consommation dépasse un niveau cible, tandis que les véhicules consommant moins donneraient droit à une remise. Toutefois, ce programme a eu un effet insignifiant, car plus de 90 % des véhicules achetés sont assujettis à des droits nominaux de 75 $, ce qui constitue moins d'un tiers de 1 % du coût total d'une voiture moyenne. Par ailleurs, seulement une catégorie de conservation de carburant (6,0 L/100 km) est admissible à la remise, ce qui incite peu les consommateurs à modifier leur comportement d'achat.

Plusieurs provinces exigent une garantie ou des dépôts pour l'assainissement des lieux comme condition d'obtention de permis pour exploiter des installations, comme des décharges et des mines. Certaines provinces exigent que les exploitants d'agrégats (carrières de sable et de gravier) paient une taxe d'accise destinée à financer la remise en état des sites abandonnés. L'Alberta exige des droits similaires et possède un fonds de remise en état des puits de pétrole et de gaz et des pipelines abandonnés.

Encadré 2 : Consignation et conception écologique

Jusqu'à présent, les programmes canadiens ont utilisé les consignations et d'autres mesures de financement principalement pour aider à couvrir les coûts d'un programme d'intendance. Le Canada a très peu utilisé les instruments économiques pour stimuler la reconception de produits (appelée également conception écologique). Comme la gestion des risques provenant de produits complexes deviendra probablement un sujet important pour les priorités futures de gestion des risques, c'est un domaine qui comporte un potentiel considérable pour l'utilisation créative d'instruments économiques afin de gérer les risques tout en stimulant l'innovation.

La plupart des provinces utilisent la consignation et des droits d'élimination à l'avance afin de promouvoir l'intendance de produits et la gestion écologique de divers déchets solides (voir l'Encadré 2). Diverses provinces perçoivent également des taxes d'accise liées aux batteries, aux solvants, aux pneus, à l'utilisation de l'eau, aux droits d'immatriculation de véhicules et à la protection des ressources forestières. Le Manitoba envisage d'imposer une taxe sur les appareils électroniques ménagers qui serait semblable aux droits sur les pneus perçus actuellement par la province.

Malgré l'utilisation restreinte actuelle, certaines provinces jouissent d'un pouvoir législatif assez vaste pour accroître considérablement leur utilisation des instruments économiques. La Water Resources Act de l'Alberta permet de percevoir une taxe sur l'eau. Jusqu'à présent, la province a utilisé cette loi pour affecter des droits et autoriser une formule limitée d'échanges, mais n'a pas encore instauré la taxe d'eau. La portée de nouvelle Loi de la C.-B. Environmental Management Act est assez vaste pour permettre l'instauration d'une gamme d'instruments économiques, notamment des structures de droits modifiés fondées sur le rendement écologique et des formules d'échange de rejets (l'échange de crédits de rejets pour la réduction de décharges au-dessous des niveaux permis).10 Comme la Loi a été promulguée cette année seulement, il est trop tôt pour prédire dans quelle mesure la province tirera parti de ces nouveaux pouvoirs.

Au niveau municipal, la « Nouvelle donne » proposée par Winnipeg fournit un exemple de la façon dont une réforme fiscale municipale pourrait inclure des objectifs environnementaux, sociaux et économiques. 11 Une insuffisance budgétaire et la réticence de la ville à accroître les taxes foncières ont donné lieu à la Nouvelle donne. Le régime fiscal proposé serait fondé sur un modèle de « taxe à la consommation » et comprendrait une taxe de vente, une taxe municipale sur le carburant (où 100 % des recettes seraient appliquées aux dépenses de transport public), ainsi que des taxes appliquées à l'essence, à l'électricité et à l'élimination des déchets. Bien que d'autres municipalités aient instauré des services utilisateur-payeur, Winnipeg est la première grande ville du Canada à recommander un régime fiscal foncièrement nouveau.

Le gouvernement du Canada et Environnement Canada ont sans cesse demandé une plus grande utilisation des instruments économiques pour traiter les questions environnementales.12 Malgré ces énoncés de politique et les exemples décrits ci-dessus, l'expérience canadienne en matière d'instruments économiques est très limitée et se classe loin derrière de nombreux pays en Europe et ailleurs. Nous utilisons très peu de mesures fondées sur la perception de taxes et de droits visant à modifier l'attitude. Nous avons peu d'expérience avec des permis échangeables et utilisons peu d'instruments économiques axés sur le changement des schémas de consommation. Nous ne disposons de presque aucun instrument économique pour gérer les substances toxiques, pour encourager des améliorations à la conception de produits complexes ou pour traiter des sources non ponctuelles de pollution (autres que les ordures ménagères).  

À propos de l'utilisation peu fréquente d'instruments économiques, l'Étude économique du Canada, 2000 de l'OCDE concluait que :

«... il faut donc développer l'utilisation des instruments économiques (notamment les redevances pour les émissions et déchets toxiques et les redevances d'élimination pour les produits contenant des substances toxiques) afin de renforcer le principe pollueur/payeur. »

 (p. 7).

3.4 Expérience de l'écologisation fiscale

Au cours de la dernière décennie, plusieurs pays européens ont commencé à chercher et à mettre en oeuvre divers aspects de l'ÉF, qui connaît maintenant un essor important dans toute l'Europe. Les pays scandinaves et les Pays-Bas ont lancé une réforme des écotaxes au début des années 1990, instaurant de nouvelles redevances pour pollution et taxes sur les carburants et réduisant les impôts sur le revenu et les cotisations à la sécurité sociale. Par la suite, l'Autriche, l'Italie, l'Allemagne, la Belgique et le Royaume-Uni ont lancé d'importantes initiatives de réforme fiscale.

Dans certains cas, ces initiatives découlaient de commissions établies pour chercher des possibilités d'instaurer des écotaxes. Ces commissions étaient différentes par leur mandat et leur composition (certaines à multi-intervenants (Norvège) et d'autres (p. ex. Finlande) ne comprenaient que des fonctionnaires gouvernementaux). Des pays comme l'Italie et l'Allemagne se sont engagés dans divers aspects de réforme écofiscale grâce à une action directe exécutive et législative, sans avoir recours à des commissions sur les écotaxes. Peu importe sa forme, le processus du passage à l'ÉF a toujours été de plus en plus fréquent, souvent s'appuyant sur des consultations publiques préalables. De plus, il a été pragmatique, ajustant ou établissant progressivement des taxes écologiques pour atténuer leurs répercussions néfastes sur la concurrence et répondant aux préoccupations publiques répandues quant au fardeau des charges sociales. Au fil du temps, cette démarche prudente a légitimé l'utilisation de la politique d'imposition à d'autres fins écologiques et, dans certains pays, prouvé que les écotaxes sont une source importante de revenu pour le gouvernement.

Malgré la vaste expérience avec des instruments fondés sur le marché, y compris l'utilisation répandue de droits, de redevances et de taxes, les États-Unis ne sont pas passés à l'étape suivante de l'ÉF. Cette situation est due en partie à ce que son expérience avec ces instruments est davantage axée sur des régimes d'échange que sur des redevances pour pollution et parce que l'imposition de taxes, même avec une répercussion fiscale sans effet sur le revenu, demeure profondément impopulaire. Le Minnesota, l'Orégon et le Vermont ont tous débattu officiellement de l'ÉF sans toutefois la mettre en oeuvre.

À l'exception de la Nouvelle donne de Winnipeg, l'expérience du Canada avec l'ÉF s'est également restreinte aux discussions théoriques à plusieurs intervenants, avec peu de références au discours politique. L'Examen des programmes au milieu des années 1990 a éliminé de nombreuses subventions aux méga-projets agricoles et énergétiques aux effets écologiques « pernicieux ». Cet exercice a été davantage entraîné par la réduction du déficit que par des objectifs écologiques, car dans certains cas il a également mené à la réduction de divers programmes environnementaux. En outre, malgré ces changements, le gouvernement fédéral continue de verser d'importantes subventions fiscales (principalement sous la forme d'incitatifs fiscaux) aux investissements dans les sables bitumineux et les mines de charbon (CEDD, 2000, chapitre 3). Le Canada n'a également presque aucune expérience de la taxation avec remise sans effet sur les recettes, ni des impôts environnementaux spécifiques. La Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie (TRNEE) a fait remarquer dernièrement que les recettes provenant de nombreux instruments provinciaux d'intendance de produits ne sont pas affectées à des buts environnementaux et que cela contribue au « scepticisme et à la réticence du public face à l'utilisation des instruments économiques pour la protection de l'environnement » (TRNEE, 2002, p. 9).

Bien que le Canada n'ait pas eu de commission sur l'écotaxe, les gouvernements fédéral et de la C.-B. ont parrainé des processus analogues à plusieurs intervenants dans les années 1990, sans qu'ils aient eu un effet important sur les politiques fiscales. La TRNEE a donné régulièrement des conseils au gouvernement fédéral sur les écotaxes et a dernièrement mis de l'avant une version de l'ÉF qui conjugue la réduction systématique des subventions pernicieuses sur le plan environnemental avec l'utilisation de plusieurs outils politiques fiscaux et autres (TRNEE, 2002). Pareillement, depuis les trois dernières années, la Coalition pour un écobudget – regroupant 17 des principaux groupes environnementaux du pays – fait pression en faveur d'une réforme fiscale écologique à long terme en proposant des formules de « réinvestissements stratégiques » dans les mesures environnementales.13


2 Pour plus d'information concernant l'utilisation des taxes environnementales, veuillez consulter la base de données sur les taxes liées à l'environnement de l'OCDE : http://www.oecd.org/ env/policies/taxes/index.htm

3 Même si ces taxes couvrent souvent les nouvelles assiettes fiscales fossilifères, et même si les taux de taxation varient dans une certaine mesure  selon la teneur en carbone de ces combustibles fossiles qui sont taxés, les prélèvements ne sont pas des taxes sur les combustibles fossiles purs. Notamment, de nombreuses exemptions et réductions sont appliquées, reflétant divers objectifs de politique non environnementale, comme des préoccupations concernant la compétitivité sectorielle ou la répartition du revenu.

4 Anderson (1996) affirme, par exemple, que l'introduction de nombreuses taxes environnementales par les pays nordiques dans les années 1990 était principalement une réaction face à une diminution des recettes fiscales. Plutôt que d'augmenter les taux d'imposition sur le revenu, qui dans certains cas se situaient déjà à près de 50 %, certains gouvernements nordiques ont choisi d'introduire de nouvelles taxes « vertes ». Le principal objectif de nombreuses nouvelles taxes était d'augmenter les revenus afin d'appuyer les vastes programmes sociaux; les objectifs environnementaux étaient complémentaires, mais pas le principal objectif. Toutefois, les taxes spécifiques sur les émissions atmosphériques et la consommation d'énergie ont aidé à améliorer la qualité de l'air et le rendement industriel.

5 Deux ONG américaines ont conclu dans leur rapport qu'une solution semblable à celle des remises de taxes suédoises sur le NOx pourrait s'appliquer au marché nord-américain à condition qu'elle soit dotée d'une importante menace de réglementation (Wolf 2000).

6 Palmer, Karen et Margaret Oates. Extended Producer Responsibility: An Economic Assessment of Alternative Policies, Resources For The Future Discussion Paper, 1999.

7 Pour plus d'information sur le 20/20 Rebate Program de la Californie, consulter l'adresse suivante : www.flexyourpower.ca.gov/state/fyp/fyp_homepage.jsp

8 Pour plus d'information sur l'utilisation des taxes environnementales, consulter la base de données sur les taxes liées à l'environnement de l'OCDE : http://www.oecd.org/ env/policies/taxes/index.htm

9 Pour plus d'information sur le nouveau programme ontarien d'échange des droits d'émission, consulter le site Web du ministère de l'Environnement de l'Ontario au www.ene.gov.on.ca/envision/air/etr/

10 Un examen du Environmental Management Act de la Colombie-Britannique est disponible au www.hgelaw.com/lawupdate/polluted-convoluted.htm

11 Pour plus d'information sur la Nouvelle donne de Winnipeg, consulter l'adresse suivante : www.winnipeg.ca/interhom/mayors_office/newdeal/TheNewDeal.stm

12 Les engagements visant à améliorer l'utilisation des instruments économiques pour les problèmes relatifs à l'environnement comprennent :

  • Le premier point des Guidelines on Competitiveness And The Design Of Regulations (lignes directrices sur la compétitivité et l'élaboration de la réglementation) de 1992 du Secrétariat du Conseil du Trésor dit que « là où c'est possible, les programmes de réglementation devraient faire appel aux mécanismes du marché afin d'atteindre leurs objectifs ».
  • Une réglementation canadienne adaptée aux réalités de l'heure, la réponse de 1993 du Secrétariat du Conseil du Trésor au Report on Regulations and Competitiveness (rapport sur la réglementation et la compétitivité), dit que les programmes de réglementation feront une « meilleure utilisation des nouvelles formes de réglementation, y compris les incitatifs économiques ».
  • Le « secteur d'activité de la gestion, de l'administration et des politiques » d'Environnement Canada 2001/2002 RMR comprenait une stratégie concentrée afin de « faire preuve de leadership pour la conception et la promotion d'instruments économiques comme outils stratégiques de gestion de l'environnement ».
  • Dans le discours qu'il a prononcé à la Plénière d'ouverture de Globe 2000 (mars 2000) « Le défi environnemental du XXIe siècle » le ministre de l'Environnement, David Anderson, a déclaré que : « [...] peut-être que l'élément le plus important [de la nouvelle structure de gestion de l'environnement] se veut un recours élargi et plus sophistiqué aux incitations commerciales et aux stimulants [... .] Il est temps de se pencher sérieusement sur la nécessité de faire concorder les signaux économiques et les récompenses financières avec les objectifs environnementaux ».

13 Pour plus d'information sur la Coalition du budget vert, consulter l'adresse suivante : www.greenbudget.ca

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Mise à jour:  8/30/2004

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