Conversations sur la réforme réinventée - Compte rendu des rencontres régionales
Le projet sur la réforme réinventée avait pour objet darrêter certains critères devant permettre de définir pour les vingt prochaines années ce qui doit caractériser une saine gouvernance dans des pays comme le Canada. Par « gouvernance », on entend « la façon dont une société mène sa barque ». Le travail sest déroulé de juillet 1999 à juin 2000 sous la direction de Ruth Hubbard, conseillère supérieure au Bureau du Conseil privé, de concert avec le Centre de la gouvernance (Université dOttawa) et du Forum des politiques publiques (FPP). Le rapport final sera soumis au Greffier du Conseil privé, au professeur Gilles Paquet ainsi quà David Zussman (FPP).
Dans le cadre de cette recherche, plusieurs rencontres régionales ont été organisées afin de discuter du modèle proposé. À ces échanges, de portée très générale, ont participé des représentants de tous les secteurs et des horizons les plus divers, y compris des diplômés en affaires autochtones et des jeunes âgés de 18 à 25 ans. En tout, plus de 150 personnes ont pu faire entendre leur point de vue. La démarche suivie est expliquée à lannexe 1, qui présente également la version la plus récente du sommaire ainsi que du digramme daccompagnement.
La plupart des participants étaient davis que Ruth était effectivement sur la bonne voie en ce qui concerne les problèmes à régler et la nécessité de prendre sans tarder des mesures favorisant une saine gouvernance. Cest en tout cas ce qui ressort des propos tenus à Ottawa. Selon certains, il importe de considérer tout à la fois le problème lui-même et la nécessité dagir. Dautres ont mis laccent sur ce quil nous en coûte maintenant de ne pas avoir repensé certaines de nos positions (sur des « vaches sacrées » comme lassurance-maladie, par exemple). Dautres aussi (en grand nombre très souvent) ont rejeté le statu quo, même en en reconnaissant la nature évolutive. « Rien ne sert de regarder en arrière », a-t-on pu entendre notamment, mais il ne faut pas pour autant tomber dans lexagération (en parlant, par exemple, dun gouffre où les Canadiens risquent de tomber à tous moments alors que, en réalité, bon nombre des mêmes enjeux sont à lordre du jour, pour ainsi dire, depuis vingt ans). On ne sentend pas non plus sur le degré durgence de la situation. À Saint John, par exemple, on a souligné qu« il ne faut certainement pas perdre de vue le caractère évolutif du statu quo ». Lexpression « réforme réinventée » (en anglais reformcraft) ne plaisait pas non plus à tout le monde.
En règle générale, les défis à relever paraissent énormes, « comme de vouloir à bout de bras remettre à flôt le Titanic », a-t-on avancé à Calgary.
Pour beaucoup, un renforcement au niveau des valeurs, du consentement et de lapprentissage simpose, mais certains craignent que la question nait pas été formulée assez clairement, ni même de la bonne façon. Dautres estiment que le rôle des gouvernements doit être abordé avant de pouvoir sattarder vraiment à ce en quoi les Canadiens croient.
Tout ne va pas aussi bien quil ny paraît au Canada : telle est la préoccupation exprimée lors de diverses rencontres. Le Canada est bien vu sur la scène internationale (« le pays où il fait le mieux vivre », clame lONU), mais selon certains, une réalité tout autre se cache peut-être derrière les évidences. À Victoria, des participants ont fait valoir quau chapitre de lintégration sociale, le Canada se classe en tête de liste pour les efforts, mais en bon dernier pour les résultats.
Sur le thème général de la saine gouvernance, les opinions exprimées sont dune grande diversité. À Calgary, on croit que cest « permettre aux citoyens de prendre leurs propres décisions... de se prévaloir à nouveau de leur droit dintervenir et dassumer la responsabilité de leurs actes. Cest également un moyen de se montrer davantage à lécoute de la population. » Ailleurs, cest un concept qui doit « mettre en harmonie des valeurs qui, par essence, sont opposées, et qui, de ce fait, doit trouver un juste équilibre entre les diverses mesures à prendre. » La « quintessence » de ce nouveau schème de pensée que nous préconisons se trouve exprimée dans lexemple qui a été donné de ces vidéastes autochtones qui mettent en commun des connaissances et qui, du même coup, favorisent une meilleure compréhension des choses.
Quelquun a fait remarquer la différence considérable qui existe entre les termes qui dominent le discours des Autochtones (paix, honneur et respect) et ceux qui dominent le discours du gouvernement du Canada (paix, ordre et bon gouvernement). Les Autochtones sefforcent aussi de mieux « comprendre » le point de vue des autres (même sils ne le partagent pas) et darriver à un consensus sur la décision à prendre. Le « respect » du point de vue des autres, indépendamment des possibilités dun terrain dentente, na pas le même degré de priorité pour les non-Autochtones au Canada.
Toujours du côté des Autochtones, on a beaucoup insisté sur lintégration sociale, cest-à-dire sur la possibilité pour tous les intervenants possibles de se faire entendre (avec leur propre voix, même si cela suppose certaines périodes de silence), mais aussi de le faire à leurs propres conditions (plutôt quà celles de la majorité). Une intégration sociale dénuée de tout paternalisme et fondée sur la dignité humaine, comme la souligné un des participants.
Daucuns sont davis quil faut absolument distinguer les formes traditionnelles de pouvoir démocratique (vertical) des liens qui unissent les membres dune même communauté. Cette distinction, selon eux, trouve son extension dans la nécessité que la gouvernance supra-nationale ne se contente pas de montrer les liens qui existent entre les différents paliers de gouvernement qui caractérisent lÉtat-nation, mais bien quelle donne aussi un rôle actif aux citoyens.
Bon nombre de groupes ont évoqué les fluctuations dun pouvoir qui va dans tous les sens au sein de cet État-nation dont on reconnaît le déclin, mais toujours pas, sauf quelques rares exceptions, linutilité. Cest ce quillustrent parfaitement les propos tenus à Edmonton, où lon estime que « les gens ne sont pas prêts à renoncer à lidée même dÉtat-nation », mais qu« il importe de (mieux) comprendre le rapport qui existe entre lÉtat et la population. »
Certes, il y a place pour lamélioration, mais de nombreux participants partout au pays se sont montrés positifs dans leurs commentaires. En fait, plusieurs ont noté que la démocratie se porte bien à certains niveaux (en règle générale, au niveau local ou communautaire), mais moins bien à dautres (sur la scène nationale, par exemple). À Halifax, on a parlé des travaux ayant pour objet le bien de la collectivité (comme le pavage des routes et lapprovisionnement en eau potable). À Regina, on a cité en exemple la coopérative de Waskawan, qui soccupe dapprovisionner la localité en eau. En définitive, leur pensée pourrait peut-être se résumer à ceci : la gouvernance a certainement besoin de faire peau neuve, mais ne changeons rien à ce qui fonctionne bien déjà. Cest certainement dans ce sens quabondaient les nombreux participants de Winnipeg qui ont fait valoir que « la réforme, si importante quelle puisse être, ne doit pas se faire au détriment de la démocratie. »
Le thème de la perte des espaces publics « traditionnels » et de la nécessité den trouver des nouveaux sest imposé à certains moments. Comme un groupe la souligné, « ce ne sont pas les jouets et les outils qui manquent, mais il faut bien les mettre quelque part. Il faut que les gens acceptent de plier les épaules de façon à créer plus despace. » Du côté des Autochtones, on a insisté sur le besoin de prévoir des espaces où les gens peuvent participer au processus et donner leur point de vue, « même si la solution existe déjà ». À Toronto, on sest demandé si les organisations civiles de premier plan ne finiraient pas un jour par intervenir en vue de créer et de maintenir ce genre despace, tout spécialement dans les vastes agglomérations métropolitaines où lordre social a bien besoin dêtre préservé.
L« intégration sociale » à tout prix suscite la méfiance, principalement en raison du risque perçu de manipulation et de conflits dintérêts. Il faut « protéger le public contre ses propres abus », cest-à-dire que la démocratie directe à létat pur présente certains dangers. Ce quil faut, en fait, cest élargir le concept lui-même tout en évitant que pareils dangers ne surviennent.
Plusieurs groupes ont parlé de sensibilisation et dinformation. « Il simpose de trouver des instruments déducation et dinformation à la fois nouveaux et fiables qui, sans être totalement séparés des gouvernements, nen soient pas non plus dépendants », a-t-on souligné dans lun dentre eux. Plus précisément, leffet de rétroaction est considéré comme un élément essentiel et indissociable de tout cadre ayant pour objet une saine gouvernance.
Presque tous les participants ont indiqué que la question valait bien le temps et lénergie quils venaient dy consacrer, et ont admis avoir pris beaucoup de plaisir à participer aux discussions. Bon nombre dentre eux se sont dits agréablement surpris quun haut fonctionnaire du BCP ait choisi ce thème et entrepris de lapprofondir au fil de consultations menées dun bout à lautre du pays. On sest toutefois grandement préoccupé (pour diverses raisons) des mesures à prendre pour que le plus grand nombre possible de gens prennent part à ce débat crucial, ainsi que de labsence de pressions venant de la base pour que des changements soient effectués, ces pressions constituant pour plusieurs groupes un indispensable déclencheur. Les suggestions allaient dune démarche proactive auprès des Cabinets fédéral et provinciaux ainsi que le secteur privé partout au pays, à une démonstration des améliorations apportées en permettant une participation réaliste à la prise de décisions également réalistes et en accroissant la confiance de la population. On note par ailleurs un certain scepticisme quant à la volonté des politiciens et des bureaucrates dOttawa daccorder quelque attention à la question de la « saine gouvernance ». Dans plusieurs régions, les participants ont dit souhaiter que le travail amorcé se poursuive et sallie les hauts fonctionnaires et les politiciens.
Certains ont émis lidée quune amélioration des institutions et des processus déjà en place serait préférable à un examen devant aboutir à un changement fondamental, ce genre dexamen étant perçu comme une source de stagnation.
Plus on séloignait dOttawa dans ces consultations, plus limportance de permettre aux régions dintervenir dans les affaires fédérales était affirmée avec force. Dans les Maritimes et dans lOuest, lincapacité de se faire entendre, durement ressentie selon toute apparence, donne lieu à des accusations de comportement anti-démocratique à lendroit dOttawa, ce comportement causant dans ces provinces un sentiment de frustration tel que les occasions de « contourner » le gouvernement sen trouvent multipliées. Plus particulièrement, ce sont surtout les rapports antagonistes et la culture du secret qui caractérisent le parlementarisme canadien que les participants saccordaient à dénoncer. Ils déploraient également lincapacité de trouver des moyens constructifs (une meilleure utilisation des mécanismes parlementaires, notamment) de faire participer les citoyens plus activement aux travaux, et ce, dès les premières étapes. Cest ainsi quà Vancouver, par exemple, on a fait remarquer que «Preston Manning na vraiment de chance de réussir que si Jean Chrétien échoue. » À Victoria, quelquun a demandé « pourquoi le Premier ministre sent-il le besoin de dire à propos dune ancienne ministre de la Santé quelle na pas à être punie pour avoir donné son opinion sur le système de soins de santé. » (Autrement dit, pourquoi la notion de « punition » devrait-elle entrer en ligne de compte de toute façon?)
Pour dautres, cest le fédéralisme exécutif et limportance exagérée qui est accordée aux relations intergouvernementales qui méritent notre attention. Dautres encore, à Edmonton notamment, ont souligné labsence de mécanismes de rétroaction entre les scrutins. Il a été question aussi de létroitesse du principe du « parti politique légitime » tel quexprimé dans Loi sur les dépenses délection : « Si vous ne faites pas partie de léquipe, vous ne pouvez pas jouer. La porte est gardée, mais cest une bien petite porte. En fait, lactivité politique dans sa version informelle est profondément ancrée au pays. » Et les politiciens saccrochent au pouvoir, a-t-on fait remarquer également (« Lopposition la plus vive à la réforme du Sénat vient non pas des provinces, mais bien de la Chambre des communes. »). À Saint John, on a parlé dune centralisation accrue du pouvoir exécutif et du pouvoir judiciaire, mais aussi de la nécessité dune nouvelle répartition, plus large, du pouvoir dans le contexte actuel. Cela dit, il semble que lon ait constaté une baisse du sectarisme politique ainsi quune conception moins limitée et davantage inclusive des valeurs une fois que celles-ci sont ramenées à leur expression fondamentale (Calgary Inc., par exemple).
Partout, on a reproché aux gouvernements leur approche très fortement paternaliste. Les préoccupations ne se situent toutefois pas toutes à ce niveau, comme le commentaire suivant, entendu à Edmonton : « À quoi servent bien mes impôts? Cinquante pour cent de ce que je gagne va se perdre dans un trou noir, et ce quon en fait nen vaut pas toujours la peine. Les règlements municipaux sur les chats, par exemple. » Dans un groupe, on a parlé dune représentation plus efficace à certains niveaux (les administrations municipales et les gouvernements autochtones notamment), ajoutant que ces nouvelles réalités doivent simplanter, et durablement, dans nos institutions. « Le problème en est un non pas de structure, mais de mentalité, a-t-on pu entendre à Halifax. La structure peut être parfaitement valable, mais si les gens ne veulent pas quelle fonctionne, elle ne fonctionnera pas. » Enfin, la question du calibre et de lenrichissement continu de la fonction publique (comment attirer, et maintenir en poste, les meilleurs sujets possibles?) est revenue plus dune fois dans les conversations.
Bon nombre de groupes se sont engagés dans une discussion sur ce en quoi lon croit au Canada. À une extrémité du spectre, à Vancouver plus précisément, un participant a affirmé que « ce qui compte, cest que le pays reste uni; rien à voir avec des valeurs communes. Continuer de travailler ensemble et de vivre ensemble, quon aime ça ou pas. La politique, par essence, cest ça. ». À lautre bout, certains groupes croyaient en la nécessité dune vision commune du Canada (une vision claire pour ceux et celles de lintérieur qui puisse se comprendre aussi de lextérieur) qui serve aussi à expliquer le Canada aux autres pays. À Fredericton, laccent était mis sur un partage avec les régions. Dans dautres groupes, ce partage se limitait aux paiements de péréquation.
La plupart des participants, pour ne pas dire lensemble des groupes de discussion, ont parlé des valeurs. Pour certains, le processus amorcé est aussi important que les résultats attendus. La majorité des groupes estimait quen règle générale (pensons à la Charte des droits, par exemple), on retrouve certaines valeurs communes, celles-ci pouvant toutefois être interprétées de différentes façons dune région à lautre du pays, et que dans une certaine mesure, pour la plupart des Canadiens, cette communauté de valeurs est une condition essentielle à la crédibilité des décisions qui sont prises. Durant le déjeuner, des jeunes ont parlé avec inquiétude dun changement de valeurs qui sest opéré et qui est à la source de ces accès de fureur que lon observe chez certains automobilistes et de cette anxiété qui fait son chemin dans la population (peur des voisins). Dans un autre groupe, on a parlé des dangers inhérents à la quête dunanimité et duniformité dès quil est question de nos valeurs. On saccordait généralement à reconnaître quil faut que le sens moral (lintégrité, notamment) reprenne sa place dans les activités gouvernementales et politiques (parce que ces activités sont essentielles, du point de vue moral aussi bien que du point de vue de leurs résultats, et parce que dans le monde daujourdhui, la présence de valeurs peut vraiment servir à transmettre aux décideurs ce que la société attend deux). Prêcher par lexemple est également un moyen vital de faire la preuve des valeurs proposées (y compris lhonnêteté) et de susciter la confiance. Cela dit, lutilisation de lexpression « sens moral » (morality en anglais) a fait bondir certains participants qui ont demandé que soit précisé le sens donné à cette expression, et par qui.
Tous les participants ne sentendaient pas sur limportance relative de déployer quelque effort du côté des politiciens. Pour certains, ce nest quune perte de temps (« leur objectif est de se faire réélire, ils ne pensent pas au bien public »). Pour dautres, le souci de se faire réélire est tout à fait légitime (sils veulent être en mesure de vraiment changer la société pour le mieux). Pour dautres encore, nous avons les politiciens que nous méritons. Certains, par contre, ont fait remarquer quaucun politicien ni aucun haut fonctionnaire ne peut réussir à vraiment assumer les responsabilités multidimensionnelles qui sont leur lot aujourdhui; cest humainement impossible, et à tous les niveaux de gouvernement. Les critiques à lendroit des politiciens nont donc pas manqué, mais on a reconnu quils ne sont pas toujours responsables : cest toujours facile de blâmer quelquun dautre; la capacité dobtenir un poste et celle de bien sacquitter des obligations que ce poste suppose (= gouverner) exigent des qualités totalement différentes. Selon un des participants, enfin, les politiciens sont prisonniers de bureaucraties qui excluent toute forme de changement.
Cela dit, la plupart des participants étaient davis quune plus grande part dhonnêteté de la part des politiciens (nécessité de dire la vérité aux citoyens) suffirait à créer un climat de confiance et à leur donner une plus grande crédibilité. À Moncton, on sest demandé si les politiciens sont prêts à regarder les choses bien en face, « sils savent que ce sont eux qui doivent travailler pour le peuple, et non pas le contraire. » Pour citer un autre participant, « la réalité se trouve à lextérieur des 20 milles carrés quoccupe Ottawa. »
À Victoria, on a souligné que Mike Harcourt est capable dinnover et de faire certaines expériences depuis quil nest plus premier ministre; quant il dirigeait le gouvernement, on lui mettait des bâtons dans les roues. Daucuns, toutefois, étaient davis que les qualités de chef (chez les politiciens aussi bien que chez les fonctionnaires) ont périclité ces dix dernières années; « les gens ne veulent pas travailler pour des imbéciles », ont-ils ajouté. À Winnipeg comme ailleurs, on a réclamé de toute urgence « un leadership clair et courageux. » Parmi les exemples cités, on retrouvait Frank McKenna au Nouveau-Brunswick, et Mike Harris en Ontario (dont les positions, croyait-on, sont très claires et ne tiennent aucun compte de lopposition de certains fonctionnaires).
Plusieurs groupes ont indiqué que le rôle des députés fédéraux et provinciaux/territoriaux devrait consister davantage à assurer un lien entre la population et les gouvernements élus, dans le respect de nos valeurs communes. À Saint John, les participants ont parlé de la nécessité que les politiciens travaillent à resserrer le fossé qui existe entre les grandes décisions stratégiques et les difficultés pratiques (quil sagisse du contenu de la politique ou du calendrier prévu) que suppose leur mise en oeuvre.
À toutes les discussions, peu importe la région, les participants ont évoqué le besoin dun renforcement au niveau du consentement. Bon nombre dentre eux ont parlé de la nécessité pour les citoyens de se sentir en mesure dinfluencer les décisions qui sont prises. « Il faut que les gens aient le sentiment quils sont entendus; autrement dit, ils doivent être consultés, savoir quon est à lécoute de ce quils ont à dire, et les attentes doivent être claires pour tout le monde », a-t-on souligné à Fredericton. À Ottawa, les participants ont parlé aussi de limportance que revêt pour les Canadiens linfluence que le Canada peut exercer sur la scène internationale. Dautres ont noté aussi que les attentes doivent être clarifiées et mieux gérées (« au gouvernement, les crayons nont pas de gomme à effacer »).
Bon nombre de groupes ont mis laccent sur la nécessité dune plus grande responsabilisation, dune transparence accrue, dun souci de poursuivre des objectifs qui comptent pour la population. Il est peut-être temps de faire davantage confiance aux citoyens, dont certains en savent probablement plus que les élus eux-mêmes. À Moncton, on a fait valoir que plus les citoyens sont tenus à lécart du processus décisionnel, plus ils seront difficiles à convaincre du bien-fondé des décisions prises (lesquelles seront peut-être aussi moins axées sur les principes moraux ou sur « le bien commun »). Une approche de type communautaire serait sans doute préférable. À Toronto, les participants saccordaient à penser que « le courant doit passer non pas du sommet vers la base, mais bien des citoyens en montant. »
La question de la responsabilisation est apparue comme importante. Un participant a souligné que le « réseau de mobilisation » (approche conçue par Ron Capelle pour améliorer le cadre organisationnel) permettrait peut-être dassurer un lien entre les élus et les groupes/individus qui ont à coeur le mieux-être de la société, tout en veillant à ce que les critères de légitimité, dautorité et de responsabilité (= pouvoir) restent bien clairs pour tout le monde. Certains se sont demandés aussi dans quelle mesure les citoyens savent vraiment comment demander des comptes aux gouvernements, ou même comment exprimer avec précision leurs propres valeurs.
Le consentement, selon certains, se définit comme suit : « Les Canadiens veulent être sûrs que quiconque soccupe de telle ou telle activité mérite vraiment leur confiance, et quils pourront obtenir sur demande linformation qui les intéresse. » Si les résultats correspondent au sentiment populaire, leur crédibilité dépend, selon certains, de la transparence du processus.
À Regina, on a parlé de la Saskatchewan comme dune excellente « serre dexpérimentation » en raison de son histoire et aussi de la diversité qui la caractérise. On a en outre souligné limportance de linnovation au niveau des relations intergouvernementales et de la gouvernance.
Plusieurs groupes ont également fait remarquer combien il est important que tous ceux et celles qui sont directement intéressés puissent faire entendre leur voix. À Halifax, par exemple, on a fait valoir que « les enjeux doivent être formulés de manière à être bien compris par tout le monde. Le consensus social, cest laffaire de la Nouvelle-Écosse aussi bien que du Canada. » Les jeunes et les Autochtones ne doivent pas non plus être laissés de côté, de souligner certains participants.
Deux groupes en particulier devraient faire lobjet dune plus grande attention : les jeunes et les Autochtones. En ce qui a trait aux jeunes, les participants ont avancé quils ont la tête (compétences) coupée du coeur (sentiments), quils reconnaissent effectivement un rôle aux gouvernements, mais que ceux-ci doivent trouver le moyen de se remanifester dans leur vie. Quant aux Autochtones, certains ont indiqué quil devenait de plus en plus urgent de traiter dune façon constructive leurs attentes aussi bien que leurs aspirations. Il simpose que nous reconnaissions enfin nos différences plutôt que de continuer à les ignorer dans lespoir que les problèmes disparaissent ou se règlent deux-mêmes.
Les spécialistes des questions autochtones ont souligné que ces différences sétendent aussi à nos sytèmes de gouvernement (celui du Canada et celui des Premières nations) et quil faut en tenir compte avec tout le respect requis.
À la lumière de certaines suggestions qui ont été faites, compte tenu aussi de la nature des échanges qui ont eu lieu partout au pays, les prochaines étapes à franchir nous apparaissent comme suit :
Conversation sur la réforme réinventée
Quatorze rencontres de deux heures chacune ont été organisées. Toutes se déroulaient sensiblement de la même façon : exposé de 25 minutes sur le modèle proposé, suivi dune discussion de plus dune heure à partir dun document de travail qui avait été envoyé à lavance aux participants. Ces rencontres ont eu lieu à Saint John, Halifax, Moncton, Fredericton, Charlottetown, Toronto, Winnipeg, Regina, Calgary, Edmonton, Vancouver, Victoria et Ottawa (deux séances, lune en anglais et lautre, en français).
Au terme de ces échanges, auxquelles prenaient part de 5 à 15 personnes, celles-ci étaient appelées à remplir un bref formulaire servant à évaluer lintérêt du sujet, lintérêt de la discussion et lutilité dy consacrer autant de temps et dénergie. Les notes allouées allaient de 1 (bas de léchelle) à 5 (sommet). Au total, 126 questionnaires ont été remis. Les notes se répartissent comme suit :
Le même questionnaire a été utilisé après le déjeuner organisé expressément pour donner la parole aux jeunes ainsi quau groupe détudes autochtones à luniversité Trent, entendre leurs points de vue, connaître leurs attentes. Les résultats obtenus sont extrêmement satisfaisants.
Chaque fois aussi, un sommaire des propos tenus a été préparé et soumis à lapprobation des participants.
Un certain nombre de rencontres bilatérales ont également été organisées au cours de la même période. Y ont participé, notamment, des sous-ministres fédéraux, des universitaires, des responsables de groupes de réflexion ainsi que le président du conseil dadministration dune société dÉtat.
Toutes ces conversations se sont échelonnées sur les trois mois qui ont suivi lexposé que jai donné en février 2000 dans le cadre de la conférence John-Carson, à Ottawa. Au cours de cette période, mon modèle de réforme réinventée a été modifié (grandement simplifié, entre autres choses) au fil des idées entendues, mais aussi grâce à deux importantes initiatives touchant la question de la gouvernance. La première a été la séance de discussion et dintégration (en vue de nouveaux échanges) qua organisée le Forum des politiques publiques. La seconde a été le projet lancé par Steve Rosell, du Meridian Institute, à San Francisco, sous le thème « Renewing Governance Project ». Ce projet, qui prévoyait la tenue dun certain nombre de rencontres étalées sur une période de 18 mois, devait sachever par une conférence de recherche qui a eu lieu tout juste après notre deuxième série de tables rondes.
Lexposé de 25 minutes na pas vraiment changé pour lessentiel, mais certains changements contextuels importants ont été apportés. Vous trouverez ci-joint la version la plus récente du document de présentation et du diagramme.