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LES RUSSES DANS LE NORD PACIFIQUEVitus Jonassen Bering (1681-1741)
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Pierre le Grand Droit d'auteur/Source |
Pendant que les Européens cherchent un passage vers l'Asie par l'océan Arctique ou par l'intérieur du continent nord-américain, les Russes essaient de savoir si la Sibérie est reliée à l'Amérique du Nord. En 1648, le cosaque Semyon Ivanovich Dezhnev dirige une première expédition qui contourne la pointe de la Sibérie et prouve que les deux continents sont séparés. Mais son rapport est enfoui dans les archives et, lorsque le tsar Pierre le Grand commande à Vitus Jonassen Bering et à Aleksey Ilyich Chirikov d'explorer cette région pour savoir si les deux continents sont liés, c'est un nouveau début et, par conséquent, on parle de la « première expédition kamtchatkale ».
Vitus Jonassen Bering naît à Horsens, au Danemark, en 1681. Il a déjà visité l'Inde lorsqu'il devient officier naval au service de la Russie impériale, en 1724. Promu premier capitaine, il est chargé de diriger la « première » expédition kamtchatkale, en 1728. Avant d'atteindre le Kamtchatka, il doit franchir plus de 7200 kilomètres par voie de terre avec 33 hommes, dont le lieutenant Aleksey Ilyich Chirikov. Le voyage prend trois ans. Arrivé à Kamtchatka, Bering fait construire le Saint-Gabriel, navire avec lequel il longe la côte en direction nord et découvre une grande île qu'il nomme « Saint-Laurent ». Le 15 août 1728, il a déjà pénétré très avant dans la mer polaire. Connaissant les résultats des expéditions antérieures au nord de la Russie, il sait qu'à la latitude qu'il vient d'atteindre les deux continents ne se joignent pas. Il rebrousse chemin sans avoir vu le continent nord-américain en raison de la brume et des nuages. À Saint-Pétersbourg, plusieurs ne sont pas convaincus de l'absence de lien entre les continents et demandent une recherche plus approfondie.
En 1732, la Russie organise donc une grande expédition qui se déploiera dans trois directions : la première longera la côte de l'océan polaire de la Sibérie, la deuxième explorera les côtes de la mer d'Okhotsk et du Japon, et la dernière, sous le commandement de Bering, sillonnera les côtes de l'Amérique jusqu'au Mexique. Bering devra revendiquer la côte nord-ouest de l'Amérique du Nord pour la Russie.
Bering et Chirikov quittent le Kamtchatka en juin 1741, chacun sur son navire. Le 16 juillet, Bering voit le mont St-Élias, en Alaska, et accoste sur l'île Kayak, tandis que Chirikov atteint aussi la côte de l'Alaska, mais plus au sud. Bering explore l'île Kodiak, arpente la péninsule Kenai et les îles Aléoutiennes, et prend possession de la côte au nom de la Russie. Sur le chemin du retour, en novembre, presque rendu au Kamtchatka, son navire s'échoue sur une des îles du Commandeur. Bering et 18 membres de l'équipage meurent du scorbut au cours de l'hiver. Les autres parviennent à construire une barque et à survivre.
De leur côté, Chirikov et Spanberg rapportent à Saint-Pétersbourg, en 1743, des renseignements précis sur le détroit qui sépare la Sibérie de l'Amérique du Nord, qu'on nomme depuis le détroit de Béring. Ils rapportent aussi des fourrures qui attirent l'attention des marchands russes et les amènent vers la côte nord-américaine. Les endroits où ont accosté Bering et ses lieutenants ont été établis, par la suite, comme les frontières de l'Alaska actuel.
De 1785 à 1794, N. I. Billings et G. A. Sarychev voyagent dans le nord-est asiatique, le détroit de Béring, la côte nord-ouest américaine et les îles Aléoutiennes. Ils en ramènent beaucoup d'artefacts produits par les populations de ces régions. Mais, au début du siècle suivant, Catherine de Russie commande un voyage d'exploration autour de la terre pour juger de la pertinence d'approvisionner l'Alaska entièrement par une route maritime, plutôt que par la route terrestre utilisée par Billings et Sarychev, qui traversait la Russie et se rendait jusqu'à la mer d'Okhotsk et le Kamtchatka.
À cet effet, en 1803, le lieutenant de la marine russe Urey Fyodorovich Lisiansky accompagne le commandant Adam Ivan Ritter von Krusenstern. Les deux hommes partent de la mer Baltique et contournent le cap Horn jusqu'à Hawaï. De là, en 1804, Krusenstern se dirige vers la côte de la Sibérie et le Japon, tandis que Lisiansky vogue vers les établissements de la Russian-American Company, dans le golfe de l'Alaska. À Sitka, il aide à rétablir le poste de traite détruit par les Tlingit deux ans plus tôt. Il poursuit ensuite son voyage vers l'ouest pour rentrer en Russie en 1806. L'objectif du voyage est atteint : les postes de traite de l'Alaska peuvent plus facilement être ravitaillés par mer que par la Sibérie, ce qui améliore aussi leur position dans la compétition pour le commerce des fourrures avec la Chine.
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Page de titre du récit qu'a écrit Lisiansky de son voyage de 1803-1806 Droit d'auteur/Source |
Page tirée du récit qu'a écrit Lisiansky de son voyage de 1803-1806 Droit d'auteur/Source |
« Though this part of the coast of America has been known to us since the period of Captain Cheericoff's voyage, in the year 1741, we still were not sure whether it formed part of the continent or belonged to an island, till captain Vancouver's expedition, when Chatham's Strait was discovered, [...] By our survey it appears, that amongst the group of islands, which in my chart I have denominated the Sitca Islands, from the inhabitants, who call themselves Sitca-hans, [...] » (Lisiansky 1814, 235) |
Pour la santé de son équipage : « [...] I laid in, while at New Archangel, a large stock of sorrel, two casks of which were prepared in the manner of sour crout, as well as an ample supply both of the juice of the hurtle-berry, and of the berry itself, which being put into small casks, and the casks filled with water, will keep a long time. There had hitherto been no appearance of scurvy on board, and with these antiscorbutics I had little fear of the disease. » (Lisiansky 1814, 246) |
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Page tirée du récit qu'a écrit Lisiansky de son voyage de 1803-1806 Droit d'auteur/Source |
En Russie comme ailleurs, l'intérêt grandissant pour l'histoire naturelle et l'ethnologie amène de nouvelles expéditions de recherche dans les pays explorés au siècle précédent. Ainsi, en 1839, l'Académie des sciences de la Russie envoie l'ethnologue I. G. Voznesenskii étudier et collectionner des artefacts sur les populations « primitives » de l'Alaska. Ce chercheur, considéré comme le plus important scientifique de la Russie, passe presque dix ans en Amérique et le résultat de ses recherches dépasse toutes les espérances. Il rapporte plus de mille articles provenant des Inuits et des Amérindiens depuis l'Alaska jusqu'en Californie. Ses méthodes de travail rigoureuses et les notes qui accompagnent cette collection en font une source de renseignements incomparable pour ceux qui font des études ethnologiques de la côte ouest de l'Amérique du Nord.
De 1842 à 1844, Lavrentii Alekseevich Zagoskin, lieutenant de la marine russe, dirige une expédition en Alaska pour le compte de la Russian American Company. Il explore les fleuves Yukon et Kuskokwim afin de découvrir des sites favorables à l'établissement de postes de traite. Influencé par Voznesenskii, Zagoskin rapporte aussi de précieux artefacts et des descriptions des populations inuite et athabaskane. La publication de son récit de voyage, en 1847, lui a valu d'être considéré comme le plus important ethnographe de son temps.
À la suite de sa défaite lors de la guerre de Crimée, la Russie ne veut pas céder ses territoires d'Alaska à la Grande-Bretagne; elle les transfère donc aux États-Unis en 1867. Ce geste marque la fin de la présence russe en Amérique du Nord. Les explorateurs russes ont contribué à faire connaître la côte ouest et ses peuples, de l'Alaska à la Californie, en passant par la côte de la Colombie-Britannique actuelle.