Le livre, cet arrangement de pages dont nous avons exploré le pouvoir, nest pas quelque chose qui arrive tout simplement, il va sans dire. Cest quelque chose qui est fabriqué. Le temps venu, comme on la déjà mentionné, le livre a besoin d'un éditeur pour déterminer son format, organiser son impression; et l'éditeur a besoin d'un réseau de distribution, de librairies pour faire en sorte qu'il se vende (s'il nest pas mis en vente, comment arrivera-t-il entre les mains de son lecteur, comment fera-t-il son travail?) Cependant, la fabrication commence bien avant tout cela, tranquillement, dans lesprit, le coeur et lâme de quelqu'un qui est prêt à former des images, à écrire des mots.
Mais qui sont ces « quelqu'uns » -- nos écrivains et nos illustrateurs, nos magiciens du livre? Quelle sorte de personne prendra un journal, comme Monica Hughes l'a fait, s'émerveillera au sujet d'un garçon dont parle un article et fera naître de son émerveillement une planète appelée Isis sur laquelle vivra une fillette? Qui inventera l'histoire d'un désastre à partir d'une aversion pour un habit de neige, comme la fait Robert Munsch? Qui d'autre que Daniel Sernine, auteur de Ludovic, fera naître des personnages, des événements et des lieux, dans des aventures totalement nouvelles à partir de quelque lecture complètement différente? Doù viennent-ils, ces rêveurs et ces façonneurs qui centreront leur attention non pas sur les adultes, mais sur les enfants?
D'une certaine façon, les réponses à ces questions sont aussi nombreuses et diverses que les noms de nos auteurs et de nos illustrateurs (et la liste en est longue maintenant). Ginette Anfousse, auteure de Mon ami Pichou, a donné à penser qu'il y a en chaque lecteur un écrivain qui sommeille. Assurément, il est vrai que de nombreux auteurs pour enfants se décriront comme d'avides dévoreurs de livres depuis leur prime jeunesse. Mais il y en a d'autres, comme Ann Blades, qui disait dans une lettre adressée aux chercheurs de l'exposition : « J'étais un garçon manqué et j'adorais être dehors. Je crois que mes parents ont trouvé difficile de me faire asseoir tranquille assez longtemps pour lire. » (Trad.)
On a souvent affirmé que les auteurs et les artistes sont des auteurs et des artistes « nés ». L'histoire de Suzanne Martel et de Monique Corriveau, qui, enfants, s'installaient dans leur lit et inventaient leur « famille sur le mur », remplissant des cahiers lun après lautre, ou celle de Suzanne Duranceau, qui s'emparait de nimporte quoi (même des cartons qu'on trouve dans les chemises pour leur assurer une certaine rigidité) pour dessiner, pourraient servir à appuyer cette théorie. Il en est de même du miracle du devoir de rédaction de Gordon Korman en septième année. Sauf ... que nous pouvons chercher parmi les photos et trouver Tony German, auteur de la collection Tom Penny, et constater qu'il était près de la retraite et que cest à la suggestion de ses enfants qu'il a commencé à écrire ses histoires.
Pourtant, il y a des dénominateurs communs, mais ils sont plus profonds. Le premier est peut-être le plus clairement démontré par cette histoire d'article de journal et de planète Isis. Il se trouve également dans la conception de Ludovic et de L'Habit de neige, ainsi que dans laffirmation de Cécile Gagnon, qui dit qu'un écrivain pour enfants doit vouloir s'étendre par terre et observer les fourmis. Ce dénominateur commun suppose une certaine prise de conscience de tout ce qui est possible, une attention aux détails de ce qui arrive, une intensité d'intérêt très particulière envers la vie qui nous entoure.
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