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Le processus de réglementation : Pour une réglementation intelligente
Dialogue avec les groupes concernés Comité consultatif externe sur la réglementation intelligente 1. IntroductionA. Le Comité consultatif externe sur la réglementation intelligenteLe discours du Trône de 2003 faisait de la réglementation intelligente une priorité du gouvernement fédéral. Le monde se transforme, et dans ce nouvel environnement, le Canada a besoin d'un système de réglementation capable de réagir rapidement aux changements scientifiques et technologiques, aux nouvelles possibilités ainsi qu'aux risques que présentent les marchés mondiaux; par ailleurs, les institutions gouvernementales et les politiques publiques doivent être mieux intéressées et plus transparentes. Le Comité consultatif externe sur la réglementation intelligente a été établi pour donner au gouvernement une perspective externe impartiale ainsi que des conseils spécialisés portant sur des questions de réglementation liées aux grands objectifs sociaux et économiques. Ses membres ont été choisis dans les milieux d'affaires, dans la société civile et dans le milieu de la recherche. Au cours des douze prochains mois, le Comité consultera les politiques, les fonctionnaires, les chefs d'entreprise, les organisations non gouvernementales, nos partenaires internationaux et les autres groupes concernés, afin d'élaborer un système de réglementation apte à promouvoir la santé et la durabilité, à favoriser la croissance économique et à réduire le fardeau réglementaire qui pèse sur les entreprises et autres agents économiques. B. Vision du ComitéLe but du Comité consultatif externe sur la réglementation intelligente est d'encourager les gouvernements, les citoyens et les entreprises à travailler de concert pour créer un système national de réglementation qui permet aux Canadiens de tirer profit du nouveau savoir et qui soutient la participation du Canada dans l'économie internationale. Cette vision comporte trois volets :
Le Comité croit que cette vision peut être concrétisée si le système de réglementation, dans son ensemble, respecte les principes suivants :
Ainsi, nous devons établir une collectivité de la réglementation qui soit souple, avant-gardiste et axée sur l'apprentissage pour pouvoir faire face aux défis d'une économie et d'une société basées sur le savoir. Le gouvernement doit s'assurer d'attirer, de garder en poste et de renforcer en permanence les connaissances des membres hautement qualifiés qui pourraient en faire partie. C. Objet du documentLe présent document se propose d'exposer des enjeux, de soulever des questions et même de définir quelques options pour la prochaine vague de réformes de la réglementation. Il ne renferme aucune réponse définitive, mais il pose des questions et exprime des idées qui stimuleront les échanges de vues et feront progresser le débat sur la réforme de la réglementation et, en particulier, la réforme du processus de gestion des règlements. Après un bref examen du système actuel de réglementation et de la logique à l'origine de sa conception, le document passe en revue les interrogations sur l'évaluation de ce système. Comment savoir si nous avons atteint notre but? Le Comité croit que des indicateurs de rendement doivent être établis pour le système de gestion de la réglementation et qu'ils doivent être utilisés pour que les administrés ainsi que les fonctionnaires sachent si le système conduit à une meilleure réglementation. Le document examine ensuite certains des problèmes du processus de gestion de la réglementation qui ont été recensés et qui donnent le ton des changements et améliorations à venir. Le système lui-même sera ensuite étudié, y compris la politique de réglementation du gouvernement du Canada. L'ensemble du document est émaillé de questions qui stimulent commentaires et débats. Le Comité voudrait entendre les vues des groupes concernés - entreprises, autres administrations, groupes non gouvernementaux, organismes à but non lucratif, consommateurs, fonctionnaires et population en général - sur les problèmes et les solutions possibles. Il voudrait en savoir davantage sur la façon dont le processus s'est déroulé et sur ses faiblesses. Les nouvelles idées sont les bienvenues, y compris celles qui permettront au Comité de mieux discerner la voie à suivre. 2. Où en sommes-nous?A. Système actuel de réglementationLe processus fédéral de réglementation est régi par plusieurs politiques gouvernementales, directives du Cabinet et lois. Ces dernières fixent des exigences à l'intention des organes de réglementation et des décideurs en la matière, surtout dans le domaine du développement et de l'approbation de nouvelles mesures législatives subordonnées (règlements). Dans le système actuel, on n'accorde pas beaucoup d'importance aux lois et aux règles autres que les règlements. Cependant, l'attention du Comité va au-delà des règlements pris sous l'autorité de lois, pour englober les mesures de réglementation adoptées par le gouvernement à la faveur de textes primaires autant que secondaires. Le précurseur du processus actuel de réglementation avait été établi en 1986 afin de favoriser :
Dans la logique de l'intérêt grandissant concernant les mesures législatives subordonnées, les Normes de gestion du processus de réglementation ont servi de lignes directrices pour l'élaboration et l'approbation des règlements. En voici les principaux éléments :
Les ministères sont également tenus de donner un préavis relativement aux nouveaux projets de loi dans le Rapport sur les plans et les priorités qu'ils publient chaque printemps. De plus, les Rapports ministériels sur le rendement publiés chaque automne font état des indicateurs de rendement et des résultats mesurés. B. La logique du systèmeLes idées inhérentes à l'actuelle Politique de réglementation fédérale et aux exigences du processus de gestion de la réglementation ont été conçues et mises en oeuvre au moment où les règlements proliféraient (au début et au milieu des années 80), et ce, à tous les niveaux. Dans les domaines de compétence partagée, la coopération fédérale-provinciale était plutôt rare. Dans divers secteurs de l'économie (transports, télécommunications, services financiers, etc.), d'importants règlements de nature économique protégeaient certaines entreprises de la concurrence, au détriment des consommateurs. Dans des domaines sociaux - protection du consommateur, santé et sécurité, normes du travail et environnement -, les nouveaux règlements se multipliaient rapidement. Il n'existait aucune politique générale officielle régissant le recours aux règlements. Chaque décision en la matière était évaluée uniquement en fonction de son cadre stratégique (contrôle des prix des médicaments, protection de l'environnement, sécurité des travailleurs, etc.). Il était rare qu'on s'intéresse à l'ensemble des incidences des projets de règlement. La réglementation se voulait en quelque sorte une panacée aux problèmes (« il faut faire adopter une loi! »). Par rapport aux normes d'aujourd'hui, la consultation était limitée et très « focalisée ». On ne disposait d'aucun mécanisme pour s'assurer que la population puisse prendre connaissance des règlements projetés avant leur adoption. La logique sous-tendant le nouveau système de gestion de la réglementation voulait que l'on soit à même de remédier à ces déficiences en améliorant la réflexion relative à la réglementation et en s'assurant que les décideurs comprennent les répercussions et les incidences de leurs décisions. En règle générale, l'idée de base était la suivante : une meilleure analyse et de meilleurs éléments d'information bonifieraient le résultat final, réduiraient le fardeau réglementaire, permettraient d'atteindre de manière plus efficace et efficiente les objectifs visés et, enfin, renforceraient la crédibilité du gouvernement au chapitre de la réglementation. L'interaction avec les intervenants, par le truchement des consultations et de l'échange de renseignements, améliorerait la qualité des décisions et favoriserait la conformité. Enfin, les règlements ne constitueraient plus nécessairement la première réaction à un problème donné : ils n'interviendraient que lorsqu'il serait prouvé qu'il n'y avait pas de meilleure solution. On estimait également que l'information, l'analyse et les méthodes analytiques concernant l'impact de la réglementation feraient l'objet d'une surveillance et d'un examen critique de la part du public; partant, on y gagnerait en savoir-faire et le nouveau système finirait par s'intégrer à la culture décisionnelle du gouvernement. Les éléments qui le constituaient, notamment une transparence supérieure et une responsabilisation accrue au regard des décisions d'ordre réglementaire, seraient gages d'une amélioration continue du système. À certains égards, le système de gestion de la réglementation s'est révélé fructueux, mais il n'a pas complètement rempli ses promesses. Son champ a été réduit, et on a accentué l'importance des mesures législatives subordonnées (règlements), aux dépens des autres instruments gouvernementaux. De par sa conception même, l'actuel régime devait également fonctionner comme un système. Les divers intervenants ne pouvaient être pleinement efficaces que s'ils comprenaient la raison d'être de chacune des parties du système; ce que chaque partie était censée faire; les liens entre les diverses parties. Il semble qu'on ait perdu cette vision du comment et du pourquoi du concept sous-tendant le mécanisme... à moins qu'on ne l'ait jamais communiqué? On énumère ci-dessous certains des problèmes indissociables du système. Dans la prochaine section, on étudiera comment on peut déterminer si le système a atteint les objectifs qu'on lui avait fixés. Il s'agira d'une étape clé, garante, elle aussi, d'une bonification permanente. C. Comment savoir si nous sommes dans la bonne voie?En fait, le système de gestion de la réglementation se veut un système réglementaire. Il fixe les normes et les exigences que doivent respecter les autorités de réglementation et les artisans des politiques lorsqu'ils ont à élaborer, à évaluer et à recommander des règlements. Il circonscrit le type de données sur lesquels les décideurs devraient s'appuyer et il établit un cadre d'interaction gouvernement-intervenants (préavis, publication des projets de règlement, consultation, etc.). Tout comme leurs pendants de l'industrie, les fonctionnaires doivent mettre au point et appliquer des critères et des indicateurs de rendement permettant de mesurer le degré de réussite de leurs programmes; de même, les fonctionnaires (ainsi que leurs superviseurs au Parlement et le public) devraient être en mesure de quantifier le succès du système de gestion de la réglementation. Il nous faut un moyen efficace de déterminer si, au bout du compte, le processus réglementaire atteint ses propres objectifs (décideurs davantage informés qui prennent des décisions pertinentes) ainsi que l'objectif ultime, c'est-à-dire aboutir à des règlements de meilleure qualité ou, si l'on veut, à une réglementation efficace qui atteint ses propres objectifs tout en imposant un fardeau réglementaire minimal. Théoriquement, un tel processus devrait produire une réglementation plus efficiente, mieux ciblée, plus souple et plus crédible, une réglementation suscitant davantage le respect et l'adhésion du public. En fin de compte, l'évaluation du rendement de la réglementation fournira des informations qui permettront de mesurer l'efficacité du système de gestion de la réglementation. Il existe de nombreux critères possibles pour juger de l'efficacité du système. Voici ceux qui, selon le Comité, revêtent une importance particulière.
3. Repenser la manière dont nous réglementonsA. Pourquoi faut-il améliorer le processus de réglementation?Divers éléments du système de réglementation fonctionnent « assez bien ». On a constaté un changement réel dans la culture de la réglementation au cours des 20 dernières années et on a réalisé des progrès importants à ce chapitre. La consultation fait maintenant partie intégrante du processus. On examine plus attentivement l'impact de la réglementation. Les questions d'observation et de mise en oeuvre sont plus souvent considérées. Il y a cependant encore certaines faiblesses et des domaines qu'il convient d'améliorer :
Le projet de réglementation intelligente nous donne l'occasion de prendre du recul pour bien cerner ce que les Canadiens attendent vraiment de leur appareil réglementaire. Quel type de règlements veut-on? Quelles valeurs veut-on exprimer? Comment peut-on s'assurer que la réglementation contribue à la performance du Canada dans l'économie mondiale au lieu de l'entraver? Le système actuel a besoin d'être amélioré et raffiné, mais le Comité estime que la réglementation intelligente ne doit pas se limiter à cela. Il pense en effet que le Canada doit se doter d'un système pouvant être continuellement amélioré, en veillant à ce que le critère de ce qu'est une réglementation intelligente devienne progressivement plus exigeant, à mesure que les politiques seront mieux intégrées au système et que l'on acquerra plus d'expérience et d'expertise. B. Trouver la bonne politique de réglementationAu cours des 20 dernières années, le gouvernement a fait plusieurs déclarations sur les politiques et les valeurs que doit respecter la nouvelle législation réglementaire. La plus importante est la Politique de réglementation qui a été dévoilée en 1986, en même temps que le Code d'équité en matière de réglementation du citoyen. Son thème fondamental était qu'il fallait réglementer de manière plus intelligente. La dernière version (1999) de la Politique de réglementation du Canada dit ceci : Au moment d'établir des règlements, les organismes de réglementation doivent démontrer :
Le Code d'équité en matière de réglementation du citoyen énonce les engagements du gouvernement envers les citoyens. Par exemple, les Canadiens ont le droit de s'attendre à ce que la réglementation fédérale entrave le moins possible la liberté individuelle dans la mesure où le permet la protection des intérêts collectifs. Les fonctionnaires doivent rendre compte de leurs avis et de leurs actions touchant l'élaboration, la mise en oeuvre ou l'application des règlements. Toutes les règles, sanctions, procédures et actions des instances réglementaires doivent être solidement fondées sur la loi. En outre, le gouvernement doit encourager le public à exercer son devoir de critiquer les initiatives de réglementation inefficaces ou inefficientes et d'offrir des suggestions pour trouver des solutions meilleures ou « plus intelligentes » aux problèmes et pour atteindre les objectifs sociaux et économiques du gouvernement. Il faut des mois et des années pour formuler des textes réglementaires et l'un des objectifs cruciaux du système de gestion de la réglementation doit être de veiller à ce que la nouvelle réglementation soit compatible avec la Politique de réglementation. Le système devrait inciter les responsables à assurer cette compatibilité dès le début du processus et continuellement ensuite. L'objectif essentiel est de veiller à ce que ce principe soit respecté et à ce que les décideurs publics « fassent ce qu'il faut ».
C. Comprendre le problème et la nécessité de l'action gouvernementaleLa réglementation gouvernementale est destinée à résoudre des problèmes. Par exemple, elle vise à protéger la sécurité et la santé des Canadiens par le truchement de normes sur les aliments et les drogues ou de normes sur la sécurité des automobiles et des avions. Elle protège le consommateur par la réglementation des établissements bancaires. Elle protège l'environnement et la santé des citoyens par le contrôle des substances toxiques dans l'environnement. Toutefois, la manière dont les problèmes sont définis influe profondément sur la recherche de solutions. Or, les problèmes sont trop souvent définis de manière à ce que la réglementation devienne la solution unique ou privilégiée. La relation qui existe entre l'identification ou la définition du problème et le choix de la solution est souvent directe (voir ci-après). Les décideurs (et les parties prenantes) ne devraient pas seulement essayer de comprendre le problème, mais aussi se demander : « Le gouvernement peut-il résoudre efficacement ce problème? Appelle-t-il une forme quelconque d'intervention gouvernementale? » La participation des parties prenantes à cette étape précoce du processus peut être précieuse pour bien cerner la nature et la portée du problème. Les parties prenantes peuvent aussi avoir un rôle important à jouer en portant des problèmes existants ou potentiels à l'attention du gouvernement. Dans certains cas, une coopération et une intervention précoces peuvent éviter une intervention plus lourde ensuite.
En faisant ces choix, l'État est appelé à évaluer des risques. La gestion du risque est un outil fondamental de l'État moderne. Le gouvernement s'intéresse à un large éventail de risques, dont certains émanent même de sa propre activité (voir, par exemple, la Politique de gestion du risque énoncée par le Conseil du Trésor du Canada), et certains peuvent être réduits par son intervention. Lorsque le gouvernement se penche sur des questions aussi diverses que la santé, la sécurité, l'environnement et la gouvernance des entreprises, le défi qui se pose à lui est de parvenir à identifier et évaluer le risque. Il veut savoir en outre comment il peut améliorer la communication du risque aux parties prenantes et aux citoyens. Les gens pèsent souvent assez mal les risques naturels; on peut réduire leur demande de règlements inutiles en leur donnant de meilleures informations, ou attirer leur attention sur les règlements qui offrent le plus de bénéfices potentiels du point de vue de la réduction du risque. Pour ce qui est de la réduction du risque, le gouvernement doit aussi être capable d'identifier ses priorités parmi tous les problèmes et sujets qui peuvent être portés à son attention. À une époque où les ressources sont limitées et où l'un des objectifs importants est d'alléger le fardeau réglementaire imposé au secteur privé et aux gouvernements eux-mêmes, il faut que l'État soit en mesure de bien déterminer quand son intervention est requise et justifiée tout en protégeant la santé et la sécurité des Canadiens et de l'environnement canadien.
D. Choisir la méthode la plus efficace pour résoudre le problèmeQuand le gouvernement conclut, avec l'aide et sur les conseils des parties prenantes, qu'un problème exige son intervention, plusieurs méthodes s'offrent à lui. Les gouvernements ont toujours eu le choix entre une foule d'instruments pour atteindre leurs buts. La réglementation ou l'adoption de règles appuyées par des sanctions est une méthode courante, et le débat que suscite la réforme réglementaire depuis au moins 25 ans porte largement sur la tendance de l'État moderne à considérer la réglementation comme son principal outil d'intervention. Les autres outils sont les dépenses (subventions et subsides), l'impôt, l'information, la persuasion morale et la propriété publique. On sait depuis longtemps que l'on peut utiliser les dépenses ou l'impôt pour modifier les comportements en changeant leur coût. Toutes choses étant égales par ailleurs, les gens ont tendance à choisir le comportement qui leur coûte le moins ou qui leur apporte le plus. Des gens informés peuvent aussi être persuadés d'adopter un nouveau comportement. Dans bien des cas, l'État utilise tous ces instruments, ensemble ou en combinaison, pour atteindre ses objectifs. On a, par exemple, réussi à faire du Canada une société de non-fumeurs, dans une large mesure, en combinant des taxes pour rendre les cigarettes plus chères, des campagnes vigoureuses contre le tabac, et la réglementation des produits du tabac et de leur publicité. Des règlements municipaux sont venus s'ajouter aux règlements fédéraux. De même, les gens sont beaucoup plus susceptibles aujourd'hui de refuser de conduire un véhicule après avoir bu de l'alcool grâce à un ensemble de politiques publiques : alourdissement des sanctions pénales, publicité, promotion (y compris d'organismes privés) et renforcement de l'action policière. Les habitudes reliées à la boisson et au tabagisme ont changé, tout comme l'opinion de la société à cet égard. On ne peut cependant pas appliquer tous les instruments à tous les problèmes et le choix du meilleur dépend de plusieurs facteurs : compétence constitutionnelle, coût, probabilité relative d'efficacité, besoin de montrer publiquement que l'on agit, complexité du système (p. ex., les taxes peuvent être un outil attrayant du point de vue de l'efficience, mais complexe du point de vue conceptuel), et climat public général (p. ex., la propriété publique est politiquement moins souhaitable aujourd'hui). Il faut donc encourager les instances de réglementation à se pencher sur une diversité d'instruments et, si l'adoption d'un règlement est justifiée, concevoir des règles flexibles et propices à l'innovation. La réglementation continue d'attirer le gouvernement pour diverses raisons, notamment les attentes des parties prenantes (surtout dans le secteur de la santé et de la sécurité). Gérer les attentes est un facteur important pour choisir l'instrument voulu. En outre, la réglementation est un outil familier aux décideurs qui n'ont encore que peu d'expérience avec la conception d'instruments plus compliqués, comme des instruments économiques pour protéger l'environnement. Il convient donc d'encourager et de former les instances de réglementation à utiliser différents instruments. En pratique, toutefois, la plupart des dispositifs de réglementation continueront d'intégrer un éventail d'instruments différents. L'objectif est d'encourager le recours à un éventail d'instruments et, si possible, de réduire le recours à la réglementation. Il y a aussi des options à la réglementation que l'on devrait envisager pour introduire la souplesse voulue dans le système et alléger le fardeau réglementaire. Il s'agit, par exemple, de dates d'application différentes; de méthodes d'exécution différentes; de degrés de rigueur différents, dépendant entre autres choses de la taille ou de l'emplacement de la firme; d'exigences différentes pour des firmes de taille différente; de normes de rendement ou de résultats; de méthodes axées sur le marché, comme les systèmes de vente de permis de pollution. On devrait aussi encourager les firmes à trouver des méthodes d'exécution novatrices. Dans certains cas, l'État peut analyser la capacité d'autoréglementation d'une industrie pour compléter ou remplacer sa propre réglementation ou réduire le caractère intrusif d'un mécanisme réglementaire.
E. Maximiser les bienfaits pour la sociétéLe système actuel de gestion de la réglementation assujettit pratiquement tous les textes réglementaires (législation secondaire) à une forme ou une autre d'analyse d'impact. On indique dans la Politique de réglementation que les bienfaits doivent être supérieurs aux coûts pour les Canadiens, ce qui suppose que l'on appliquera une forme d'analyse coûts-bénéfices aux propositions de réglementation. En pratique, toutefois, on a plus souvent recours à une analyse coût-efficacité. Dans une analyse coûts-bénéfices, les coûts et les bénéfices sont exprimés en termes monétaires, ce qui permet aux décideurs de juger différentes options de réglementation ayant des caractéristiques différentes d'après un critère commun. Cette méthode est également utile pour mesurer des degrés différents de rigueur ou d'autres variables d'une réglementation particulière (voir ci-dessus) en mesurant les coûts et les bénéfices marginaux. Ceci peut être particulièrement important, car, pour certains règlements, un peu plus de rigueur peut produire un peu plus de bénéfices, mais à des coûts beaucoup plus élevés. Dans la plupart des analyses d'impact effectuées au Canada, on peut utiliser des mesures qualitatives, notamment pour les bénéfices. Dans certains cas, cela s'explique par la difficulté bien réelle d'exprimer les bénéfices en termes financiers ou par certaines incertitudes méthodologiques, bien que les méthodes s'améliorent. Cela peut aussi s'expliquer par une tendance naturelle à éviter d'exprimer certains coûts en termes financiers, par exemple, combien il en coûterait d'éviter une mort supplémentaire. L'analyse coût-efficacité offre une méthode rigoureuse d'identification des options qui assure l'usage le plus efficace possible des ressources disponibles sans attribuer de valeur financière à tous les coûts ou bénéfices pertinents. Cela dit, l'analyse coûts-bénéfices a tout aussi tendance que l'analyse coût-efficacité à être axée sur l'efficience économique. Les décideurs peuvent vouloir tenir compte (ou y être obligés) d'autres facteurs comme l'équité et l'impact sur diverses régions ou divers segments de la population (p. ex., les personnes âgées, les femmes, les consommateurs, les enfants). Dans une analyse d'impact réglementaire, on devrait aussi décrire les effets de distribution (qu'il ne faut pas confondre avec les coûts et bénéfices), par exemple comment les coûts et bénéfices seront répartis entre les différentes populations ou régions. Des analyses d'impact exhaustives et complètes peuvent coûter cher en temps et en argent. Elles exigent non seulement beaucoup d'expertise, mais aussi des données fiables. Le système doit pouvoir mieux identifier les problèmes qui appellent une analyse exhaustive et apparier l'effort analytique à l'importance de la réglementation. En outre, il peut être souhaitable de mettre en place des critères d'analyse minimum pour certains types d'action gouvernementale qui ne sont pas liés à la réglementation; en ce qui concerne les mesures fiscales, par exemple, on devrait clairement examiner leurs effets sur la productivité et la compétitivité, en plus des coûts d'exécution et des recettes nettes engendrées.
En règle générale, on considère que l'analyse d'impact qui est exigée aujourd'hui s'applique à la réglementation et non pas aux autres instruments juridiques, notamment les lois. En pratique, toutefois, d'autres instruments peuvent avoir une incidence importante sur le secteur public et le secteur privé. Les lois « grises » ou les quasi-règlements ne sont pas des lois ou des règlements, mais plutôt des politiques, des bulletins d'interprétation ou des directives qui ont pour effet d'imposer des exigences aux parties assujetties, bien que ce ne soient pas des lois au sens strict du mot. Cela dit, elles ne sont pas non plus assujetties à une analyse d'impact obligatoire. En outre, l'action gouvernementale est de plus en plus tributaire de traités internationaux qui obligent l'État à réglementer. Or, il n'existe pour l'heure aucune obligation d'analyser l'impact potentiel des positions de négociation afin d'assurer la maximisation des bénéfices pour la société. Problème grave et largement répandu, l'étude d'impact, loin d'être intégrée au processus d'élaboration de politique, est plutôt effectuée après coup lors de la préparation du Résumé de l'étude d'impact de la réglementation (REIR), décrit dans la prochaine section. Dans ces cas, l'examen des solutions de rechange et des répercussions ne se fait qu'après l'adoption de la démarche réglementaire, voire après l'élaboration du projet de règlement.
F. Veiller à la qualité de l'information à l'intention des décideurs et des intervenantsLe Résumé de l'étude d'impact de la réglementation (REIR) est un moyen important pour communiquer aux décideurs et aux intervenants les objectifs, le fondement juridique et l'impact des règlements. La qualité des REIR, de même que celle des études d'impact sur lesquelles ils reposent, varie au sein même des ministères réglementants et parmi ces derniers. Actuellement, l'obligation de préparer un REIR, ainsi que les exigences analytiques sous-jacentes précitées, ne touche que les mesures législatives subordonnées. Elle ne s'applique pas à une proposition de nouvelle loi. Cependant, la plupart des enjeux présentés dans un REIR sont inclus dans les mémoires au Cabinet sur les initiatives stratégiques et les poursuites judiciaires. De même, la préparation d'un REIR n'est pas nécessaire dans le cas de règlements « gris » ou de « quasi-règlements », c'est-à-dire des documents qui pourraient ne pas avoir entièrement force de loi, mais qui influeraient sur les attentes du gouvernement quant au comportement des citoyens. Ce dernier aspect acquiert de plus en plus d'importance, car l'usage de normes internationales est encouragé afin de réduire les obstacles au commerce et de renforcer les marchés libres. Le REIR peut être affiché à l'intention des intervenants sur un site Web ministériel, par exemple. Il est publié dans la Gazette du Canada avant l'entrée en vigueur du règlement ainsi que dans l'avis concernant son adoption. Les intervenants et les autres personnes désireuses de consulter l'étude présentée dans le REIR pourraient vouloir davantage de renseignements sur les analyses sous-jacentes (p. ex. documents ou études). Ces documents sont parfois accessibles sur Internet, mais leur publication sur les sites Web ministériels demeure rare. Aujourd'hui, l'attention dont fait l'objet l'étude d'impact de la réglementation se concentre principalement sur le REIR. Cela révèle la faible intégration des études à l'élaboration de politiques. Dans bien trop de cas, on se préoccupe de la façon de préparer l'information nécessaire pour remplir un formulaire et de la présentation du REIR au lieu de se soucier de l'élaboration de l'information qui alimenterait le processus d'élaboration de politique et de prise de décision. Deux défis se présentent donc : améliorer et employer l'analyse comme cela a été discuté précédemment, et s'assurer que les résultats de l'analyse sont communiqués de façon claire et uniforme aux décideurs et aux intervenants.
G. Assurer la transparence des règles et de la prise de décision : communication et ouvertureLa transparence des règlements et la qualité des communications contribuent grandement au maintien d'un régime de réglementation légitime permettant la reddition des comptes. La transparence est essentielle de bien des points de vue : responsabilisation, crédibilité, ouverture du marché à l'investissement étranger, conformité réelle et renforcement d'une société civile. Les règles sont claires, compréhensibles et facilement accessibles. Les personnes assujetties aux règlements comprennent leurs obligations et le mode d'application des règles qui sera utilisé. Lorsque la prise de décision et la réglementation sont transparentes, les intervenants savent de quelle façon les décisions sont prises, par qui et à partir de quelle information.
La communication et la consultation avec les intervenants (y compris les autres ordres de gouvernement) sont des processus itératifs qui devraient débuter au moment de la détermination initiale des problèmes et se poursuivre jusqu'à l'évaluation et l'ajustement des programmes de réglementation. Leur efficacité et leur crédibilité auront des effets profonds de longue durée dans les domaines suivants : choix des instruments; conception de la législation, des institutions et des programmes, conformité et efficacité des programmes d'application; en fin de compte, crédibilité du programme de réglementation (ainsi que de l'ensemble du gouvernement). Même si la consultation s'est considérablement améliorée au cours des vingt dernières années, les intervenants expriment toujours des préoccupations et des réserves dans ce domaine. La communication est utile, mais elle a aussi un coût; cela peut se traduire par une certaine « lassitude » des intervenants à l'égard des consultations, en particulier chez les petites entreprises, les groupes de consommateurs et d'autres interlocuteurs aux ressources limitées. Une autre préoccupation concerne le fait que la consultation se produit trop tard dans le processus, une fois les décisions prises. Dans ces cas, il ne s'agit pas d'une véritable consultation ni d'un échange de points de vue, mais plutôt d'une séance d'information où les représentants gouvernementaux indiquent aux intervenants ce qui va se passer. Même lorsque la consultation se produit à un moment où elle peut influer sur l'élaboration de la politique, il arrive que les intervenants ne sachent pas pourquoi leurs points de vue ne sont pas reflétés dans la politique définitive. Est-ce parce que l'on n'a pas tenu compte de ces points de vue? Les choix gouvernementaux reposent-ils sur un fondement raisonnable? Des explications et l'obligation de formuler et de communiquer clairement les motifs des décisions améliorent la transparence et la crédibilité.
H. Comment pouvons-nous assurer une administration juste et efficace de la réglementation?Lorsque le gouvernement approuve un règlement, il édicte une loi. Respecter une loi n'est pas facultatif, c'est obligatoire. Nous croyons que la menace des sanctions et leur réalité sont essentielles pour assurer son respect. Pourtant, les mesures visant à assurer le respect ne sont pas le seul, ni même le plus important, facteur permettant d'atteindre le respect total. C'est toujours une question d'équilibre. Le manque de ressources et la recherche de l'efficacité ont conduit le gouvernement à perfectionner l'application des règlements. Les programmes de réglementation fédéraux utilisent de plus en plus diverses techniques pour favoriser l'observation des prescriptions juridiques et les ministères essaient véritablement de se concentrer sur l'efficacité de leurs méthodes pour obtenir le respect maximum. Nous pensons également que la loi devrait être égale pour tous et qu'on devrait faire respecter les règlements de façon équitable. Nous faisons aussi une distinction importante entre la loi de nature réglementaire et les autres formes de loi, surtout la loi criminelle. Les procédés juridictionnels, les normes de preuve, la défense et les sanctions sont souvent bien différents dans les lois de nature réglementaire. Pour beaucoup d'entreprises et de gens, l'expérience directe qu'ils peuvent avoir de la réglementation vient surtout de son administration ou de son application. Nous estimons que l'approche du gouvernement en ce sens pourrait être améliorée. Peut-être que si les autorités de réglementation adoptaient des concepts qui sont habituellement liés au secteur privé comme le service à la clientèle, les normes de rendement, la résolution de conflits et les règlements négociés, elles obtiendraient de meilleurs résultats. Une fois que la réglementation est édictée, comment la faisons-nous fonctionner?
I. Que faudrait-il faire de la réglementation existante?Les règlements existants n'attirent pas l'attention qu'ils méritent. Le Canada devra éliminer les règlements désuets, rigides et inefficaces tout en continuant de protéger la santé et la sécurité des Canadiens et de l'environnement. Le maintien d'un système de réglementation moderne et flexible a été défini comme un élément important pour favoriser l'innovation dans la Stratégie d'innovation du Canada. Le rythme accéléré des découvertes scientifiques et technologiques, par exemple, accentue les pressions pour que le gouvernement fasse en matière de politique des choix favorisant l'innovation et établissant un climat favorable à l'investissement dans des recherches et technologies nouvelles. Un des objectifs de l'initiative de réglementation intelligente, ainsi que de la Stratégie d'innovation du Canada, est de veiller à ce que les règlements soient bien sûr pertinents, mais aussi modernes dans leur conception et leur application. Les examens devraient avoir pour but de vérifier si le règlement atteint au mieux ses objectifs. Par exemple, l'efficacité et la modernité des règlements dépendent fortement des attributs des lois, comme les pouvoirs, les sanctions, l'éventail des réponses possibles en matière de conformité, la souplesse quant à l'élaboration de nouveaux instruments, etc. Par ailleurs, la réussite du système de gestion de la réglementation est en grande partie mesurée par la qualité des résultats obtenus. L'évaluation des programmes de réglementation peut fournir des renseignements essentiels concernant la qualité du système de gestion de la réglementation.
J. Responsabilisation du gouvernementL'un des principaux objectifs du Comité consultatif externe sur la réglementation intelligente est de veiller à ce que le gouvernement fédéral rende compte de ses mesures et de ses lois de réglementation. L'étude d'impact de la réglementation et l'examen du rendement de la réglementation ont pour objectif de contribuer fortement à la responsabilisation. L'amélioration des indicateurs de rendement applicables aux programmes de réglementation et au système de gestion de cette réglementation amélioreront également la reddition des comptes. Des méthodes sont en place pour que le gouvernement soit tenu responsable de ses actes. La vérificatrice générale et le commissaire à l'environnement et au développement durable, par exemple, jouent des rôles importants à cet égard. Le Projet d'amélioration des rapports au Parlement, un élément de la fonction de contrôleur moderne, vise à renforcer la responsabilisation en assurant que les représentants des citoyens (les députés) demeurent informés des mesures prises par le gouvernement. Ces systèmes de reddition des comptes pourraient toutefois être renforcés. On pourrait, par exemple, améliorer la « contestabilité » des mesures gouvernementales. L'élaboration des politiques dans le cadre de la réglementation est fondée sur diverses considérations et hypothèses qui devraient toutes faire l'objet d'un examen et d'un débat. Les hypothèses, les données et les méthodes sur lesquelles reposent les examens de programmes existants pourraient elles aussi être débattues. Selon la logique initiale du système actuel de gestion de la réglementation, les analyses et les examens du gouvernement devaient être remis en question par des tiers favorables à une réglementation plus efficace. Cette attente ne s'est pas concrétisée, mais il serait peut-être possible de mettre en place des mesures incitatives pour promouvoir la « contestabilité ». À l'instar des marchés concurrentiels, qui sont plus efficients et efficaces pour fournir des choix aux consommateurs, la concurrence sur le plan des idées liées à la réglementation et des solutions aux problèmes peut mener à une efficience et à une efficacité accrues dans le domaine de la réglementation et des choix en matière de politique.
4. Prendre du recul et étudier le système dans son ensembleLors de la conception initiale des divers éléments du régime existant, il était entendu qu'il ne s'agissait pas d'exigences relatives au processus et de mesures institutionnelles sans rapport les unes avec les autres. Ces éléments étaient reconnus comme des parties d'un système de gouvernance intégré dont le rendement à long terme dépendait non seulement du fonctionnement de chaque composante, mais aussi de la qualité de leur fonctionnement collectif. Les choix en matière de conception étaient faits dans la perspective de la durabilité et de l'amélioration continue du système de gestion de la réglementation dans son ensemble. Cette démarche stratégique appliquée à la conception du processus réglementaire est fondamentalement viable, et le Comité estime qu'une « logique axée sur les systèmes » devrait être employée pour la formulation de toute proposition ultérieure de réformes du régime de gestion de la réglementation.
5. ConclusionLe Comité consultatif externe sur la réglementation intelligente recherche de l'information et des conseils sur la façon d'améliorer le système de réglementation du Canada. Il estime que la participation des citoyens et la transparence sont essentielles à la création d'un système de réglementation qui reflète les valeurs des Canadiens et qui ait la capacité et la souplesse nécessaires pour s'adapter aux changements rapides qui caractérisent le monde moderne. Les intervenants ont ainsi la possibilité de contribuer à la création d'un système souple et réellement moderne et le Comité compte sur leurs commentaires, le récit de leurs expériences et leurs recommandations. |
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