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Instruments économiques pour la promotion du développement durable
Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie Document présenté au Le 30 novembre 2003 Mandat de la TRNEELa Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie (TRNEE) a été créée pour jouer un rôle catalyseur dans la définition, l'interprétation et la promotion, pour tous les secteurs de la société canadienne de même que pour toutes les régions du pays, des principes et de la pratique du développement durable. Cet organisme a pour rôle particulier de définir les problèmes qui ont des implications à la fois environnementales et économiques, d'analyser ces implications, et de tenter de définir des mesures qui permettront de trouver un juste équilibre entre la prospérité économique et la protection de l'environnement. Les travaux de la TRNEE visent à améliorer la qualité de l'élaboration de politiques environnementales et économiques en fournissant aux décideurs l'information nécessaire pour faire des choix éclairés qui permettront d'assurer un avenir viable pour le Canada. La TRNEE tente de remplir son mandat comme suit :
La TRNEE a établi un procédé par lequel les intervenants définissent eux-mêmes les facteurs environnementaux et économiques des enjeux, les éléments de consensus et les motifs de désaccord. Combinée à l'impartialité et à la neutralité, l'approche multilatérale caractérise les activités de la TRNEE. Les publications de la TRNEE traitent des questions environnementales et économiques urgentes susceptibles de faire avancer le développement durable. Membres de la Table ronde nationale sur l'environnement et l'économieLa TRNEE se compose d'un président et d'au plus 24 autres Canadiens éminents nommés par le premier ministre pour représenter un vaste éventail de régions et de secteurs, dont les milieux d'affaires, le monde syndical, les universités, les organismes de protection de l'environnement et les Premières nations. Les membres de la TRNEE se réunissent en table ronde quatre fois par an pour faire le point sur les travaux en cours de l'organisme, pour établir des priorités et pour lancer de nouveaux programmes.
ObjectifTransmettre l'expérience de la TRNEE en matière d'utilisation d'instruments économiques pour promouvoir le développement durable. 1. AperçuEn collaboration avec les intervenants des secteurs public et privé, la TRNEE, organisme fédéral indépendant, fournit des recommandations pratiques et objectives visant l'équilibre de la croissance économique et la conservation de l'environnement. L'utilisation d'instruments économiques, plus particulièrement d'instruments fiscaux, pour promouvoir le développement durable constitue l'un des principaux champs de recherche de la TRNEE. Le Programme d'Écologisation de la fiscalité (EF), principal projet de recherche de la TRNEE dans le domaine, vise à améliorer l'intégration stratégique de la politique fiscale aux autres outils politiques et à aborder les problèmes environnementaux en promouvant à la fois l'efficacité économique et les objectifs environnementaux. Le présent document permet de transmettre les constatations de la TRNEE en matière d'utilisation d'instruments économiques pour la promotion du développement durable. La première section contient des renseignements sur l'EF et explique sa pertinence comme outil de mise en oeuvre du développement durable, tandis que la deuxième cerne et étudie plusieurs défis relatifs à la mise en oeuvre de l'EF. Enfin, dans la troisième, on trouve les recommandations clés de la TRNEE pour la concrétisation d'un programme d'EF au Canada. 2. Contexte2.1 Définition de l'EF et liens avec les instruments économiquesLe Programme d'EF de la TRNEE part du principe voulant que les instruments économiques, plus particulièrement ceux de nature fiscale, soient sous-utilisés en politique publique canadienne. Nous avons par ailleurs déterminé que la prise de décisions est surtout verticale et compartimentée, les ministères ou organismes fédéraux prenant leurs décisions individuellement et en fonction de leurs pouvoirs et compétences limités. Ainsi, selon notre évaluation du problème, la politique publique est conçue de façon à traiter de problèmes verticaux, à l'aide d'une gamme restreinte d'outils politiques (ce qui, la plupart du temps, se borne à des mesures de commandes et de contrôle). La situation convient donc mal à beaucoup des défis complexes, interreliés et dynamiques que doit surmonter le gouvernement fédéral. Plus précisément, elle ne favorise pas l'objectif clairement énoncé du gouvernement en matière de promotion du développement durable, une question « horizontale » par définition. La TRNEE définit l'écologisation de la fiscalité de la manière suivante :
L'EF est une approche élargie, qui a recours à des séries d'instruments qui font partie d'un programme complet, et qui comprend de multiples outils politiques fiscaux outre les impôts et les allégements fiscaux. L'EF implique :
En ayant recours à ce vaste éventail d'outils, l'EF offre plus de chances de concevoir des séries de mesures « bénéfiques à tous ». Ces outils ont tous pour but d'inciter les producteurs et les consommateurs à modifier leurs décisions et leur comportement - soit en internalisant les coûts environnementaux ou en récompensant les pratiques plus durables. L'EF est destinée à être utilisée dans le cadre d'une série de mesures qui comprend aussi des instruments réglementaires, d'information et volontaires. La combinaison idéale de politiques sera établie en fonction de la question traitée. Les critères de détermination de cette panoplie comprennent l'efficacité, l'efficience, les effets distributifs, la souplesse et le caractère acceptable de la série d'instruments sur le plan politique. Il arrive que les approches contraignantes ne suffisent pas à répondre à un enjeu environnemental et que l'EF constitue une approche rentable et flexible. Dans ce cas, l'EF est utilisée de manière isolée. Par exemple, le système « plafond et échange » relatif aux émissions des gaz à effet de serre, l'approvisionnement en énergie écologique gouvernemental conjugué aux incitatifs fiscaux pour le développement d'énergies renouvelables et le changement dans l'affectation des subventions à l'agriculture. Dans ces cas, l'EF fonctionne mieux lorsqu'elle est accompagnée d'initiatives volontaires et de programmes d'information qui en expliquent le bien-fondé et qui fournissent de l'information sur une ligne de conduite durable adoptée en réponse à l'incitatif. L'EF elle-même suppose souvent que la législation définisse un mandat juridique pour sa mise en oeuvre. L'EF, les approches contraignantes et les programmes volontaires peuvent aussi être conçus pour s'appuyer les uns les autres, les mesures d'EF visant particulièrement des niches ignorées par les autres outils politiques. Par exemple, l'EF peut servir à encourager la participation à des programmes volontaires. Elle peut aussi venir appuyer des initiatives réglementaires, comme au début des années 1990, lorsqu'une taxe d'accise sélective sur les carburants avait servi à encourager l'utilisation d'essence sans plomb avant même qu'une réglementation n'ait été adoptée à ce sujet. 2.2 Avantages de l'EF au Canada : Analyse de la TRNEEL'EF est un outil spécialement approprié dans le cadre du développement durable. Ce domaine politique affecte, d'une manière complexe, de nombreux agents dans la société. L'EF est un outil d'intégration, qui s'adapte plus facilement à la complexité du développement durable que les autres outils politiques. Elle est aussi susceptible d'être améliorée en permanence et ouvre la voie au développement durable. L'EF a un rôle à jouer au Canada. Ce rôle va dépendre de l'enjeu précis examiné et des autres outils qui ont aussi été appliqués à cet enjeu. L'EF est une approche plus large que celle des instruments économiques et qu'une réforme fiscale, d'où son caractère original. L'éventail d'instruments disponibles fournit de nombreuses options et occasions de réunir une série d'instruments qui viennent s'appuyer, qui sont favorables à l'environnement et qui augmentent les possibilités d'actions volontaires ou qui viennent compléter les approches réglementaires. L'EF présente certains avantages par rapport à l'approche contraignante. Elle s'adapte mieux à une approche d'amélioration continue. Les signaux du marché qui sont envoyés peuvent être tout de suite adaptés, que ce soit parce que la surveillance de ces signaux identifie le besoin de modifier le signal afin d'atteindre l'objectif visé ou parce que l'objectif lui-même a été modifié avec le temps. Elle permet aussi davantage de souplesse et d'équité parce que les parties peuvent elles-mêmes choisir leur réponse. À la différence de la réglementation, l'EF n'a pas besoin d'être conçue autour du principe du « plus petit dénominateur commun ». L'EF offre aussi de nouvelles possibilités à exploiter, parce qu'elle peut occuper des « créneaux » que les autres outils politiques ne sont pas en mesure d'occuper. Par exemple, l'EF peut favoriser l'atteinte de cibles établies par une réglementation. L'EF peut aussi augmenter l'efficacité des programmes volontaires en offrant des incitatifs à la participation ou en envoyant de nouveaux « renseignements » aux décideurs sous forme de signaux de prix. 2.3 La TRNEE : Contexte et processusLa TRNEE est un organisme fédéral indépendant, financé par le secteur public. La TRNEE a pour mission de « jouer un rôle de catalyseur dans la définition, l'interprétation et la promotion, pour tous les secteurs de la société canadienne de même que pour toutes les régions du pays, des principes et de la pratique du développement durable ». Le développement durable étant une notion très vaste, la TRNEE le divise en plusieurs éléments qu'il est possible de mener à bien individuellement, en se concentrant sur les secteurs cruciaux et pourtant encore peu explorés qui se situent à la croisée de l'environnement et de l'économie. À titre d'organisme indépendant du gouvernement, la TRNEE est en mesure d'offrir une tribune neutre où tous les principaux intervenants (décideurs et grands leaders d'opinion du secteur public et privé, entre autres) peuvent débattre ouvertement et librement de questions cruciales et tenter ensemble de trouver des solutions. Grâce à ces travaux, la TRNEE contribue grandement à la recherche d'un meilleur équilibre entre l'environnement et l'économie, qui favorise la prospérité économique pour l'ensemble des Canadiens, tout en préservant l'environnement au profit des générations d'aujourd'hui et de demain. La TRNEE, qui compte parmi ses membres des Canadiens et Canadiennes émérites, est dotée d'un secrétariat. Les membres de la TRNEE, nommés par le premier ministre du Canada, représentent un vaste éventail de secteurs, dont les milieux d'affaires, le monde syndical, les universités, les organismes de protection de l'environnement et les Premières nations, ainsi que diverses régions du pays. Le secrétariat, dirigé par le président-directeur général, assure la gestion des programmes, ainsi que les services d'analyse, de communications et d'administration pour les membres de la TRNEE et leurs groupes de travail et comités. On trouvera de l'information générale sur la TRNEE et sur ses membres sur le site Web suivant : www.nrtee-TRNEE.ca. Les activités de la TRNEE sont concentrées en divers programmes relevant chacun d'un groupe de travail composé de membres de la TRNEE et de représentants du monde des affaires, du milieu gouvernemental et d'organismes sans but lucratif. Il incombe aux groupes de travail de commander des recherches, de mener des consultations nationales, de faire rapport sur les domaines d'entente et de dissension et de formuler des recommandations éclairées qui favorisent la viabilité. La TRNEE examine ensuite ces rapports et recommandations avant de les approuver et de les communiquer au public. Les membres de la TRNEE se réunissent quatre fois par an pour faire le point sur les progrès accomplis, pour établir des priorités d'avenir et pour lancer de nouveaux programmes. 2.4 L'EF à la TRNEEL'un des principaux outils par lequel la Table ronde remplit son mandat est la présentation annuelle sur l'écologisation du budget - un ensemble de recommandations annuelles présentant les avenues qui s'offrent au gouvernement fédéral pour mieux intégrer les considérations économiques, sociales et environnementales dans son budget annuel. Bon nombre de ces propositions ont porté fruit, entre autres, l'efficacité énergétique, l'énergie renouvelable, la donation de terres écosensibles ainsi que les indicateurs de développement durable. Le Comité des instruments économiques de la TRNEE, formé en 1994, était chargé de ces travaux. En 2000, la TRNEE a divisé ses travaux sur les instruments économiques en deux volets. Un volet de recherche maintenant appelé Écologisation du budget fédéral qui vise strictement à définir les initiatives budgétaires discrètes découlant des recommandations d'autres programmes de la TRNEE, par exemple, le développement des ressources non renouvelables dans le Nord, les sites urbains contaminés, la santé de l'environnement. Le second volet de recherche est devenu l'un des programmes les plus importants de la TRNEE, soit le Programme d'EF. Le Programme d'EF de la TRNEE a été mis en place afin de mieux saisir les principaux défis et les possibilités que présente l'EF et d'étudier sous tous les aspects les perspectives qu'elle offre pour le Canada. La première phase du Programme a porté sur l'expérience internationale en matière d'EF; on y a entrepris trois études de cas : sur les paysages agricoles, l'assainissement du transport et les substances chimiques préoccupantes. Cette phase s'est terminée par la publication d'un document de la TRNEE, intitulé Vers un programme canadien d'écologisation de la fiscalité : les premiers pas. En avril 2003, on a lancé la deuxième phase du Programme, axée sur la réduction des émissions de carbone causées par la production d'énergie. Le programme a actuellement pour objectif d'élaborer et de promouvoir une politique fiscale de réduction constante et systématique des émissions de carbone causées par la production canadienne d'énergie, tant d'un point de vue absolu que de proportion du PIB, sans accroître celles d'autres polluants. Dans le cadre du Programme, on soumettra des recommandations budgétaires visant à atteindre cet objectif d'ici le dépôt, en 2005, du document Écologisation du budget par la TRNEE, puis on produira, au début de 2005, un rapport sur l'État du débat, fournissant un examen du rôle de la politique fiscale dans les changements climatiques et la politique sur la production d'énergie. Les travaux de la TRNEE montrent que l'EF est un outil spécialement approprié dans le cadre du développement durable. Ainsi, on a fait des recommandations en matière d'EF dans le cadre d'autres programmes de la TRNEE, dont La qualité de l'environnement dans les villes canadiennes : le rôle du gouvernement fédéral et Réhabiliter le passé, Construire l'avenir : une stratégie nationale des sites urbains contaminés réhabilitables pour le Canada. 3. Défis relatifs à la mise en oeuvre de l'EFLa TRNEE s'est fondée sur son expérience pour cerner plusieurs des défis relatifs à la mise en oeuvre et à l'opérationalisation de l'EF au Canada.
Alors que les instruments économiques ont fait l'objet de multiples discussions et sont appliqués depuis de nombreuses années, l'EF demeure une nouvelle approche. Pour qu'elle soit mise en oeuvre avec succès, il faut une ouverture d'esprit au changement, l'engagement de nouveaux acteurs ayant des connaissances nouvelles et des acteurs existants qui eux-mêmes acquièrent de nouvelles connaissances. La mise en place de l'EF exigera l'engagement de hauts fonctionnaires et de dirigeants du secteur privé et des organisations non gouvernementales qui possèdent suffisamment d'autorité pour prendre des risques, éliminer les obstacles et mandater l'adoption d'approches innovatrices. L'EF nous force à penser « en dehors des sentiers battus » - au-delà du contexte familier et confortable de la réglementation actuelle, de la mentalité axée sur l'idée de conformité et des instruments fiscaux. Tout changement est appelé à être contesté et certaines parties seront hostiles. Par conséquent, la mise en place d'une EF doit être envisagée sous l'angle d'un processus conscient de gestion du changement. Pour faire accepter l'EF, il faut prendre le temps d'instaurer une confiance en cette approche et d'en améliorer la compréhension. Pour ce faire, des forums comme la TRNEE où l'on peut discuter de l'EF dans un « environnement tranquille » et identifier les intérêts et les perspectives partagées par les participants constituent une aide précieuse. La compréhension des possibilités offertes par une EF est nouvelle au Canada. Les décideurs, les intervenants et le public manquent de connaissances précises sur l'éventail d'instruments d'EF et leur fonctionnement. On s'inquiète à propos de la faisabilité de l'EF, de ses incidences sur le plan des recettes gouvernementales, des coûts supplémentaires pour les producteurs et les fabricants, des fardeaux administratifs et d'autres facteurs reliés. Par conséquent, des changements seront nécessaires parmi les acteurs engagés dans le processus d'élaboration politique - il faut une nouvelle combinaison composée d'experts spécialisés dans certains enjeux, d'experts politiques traditionnels, d'économistes et d'experts en instruments économiques, qui puissent se réunir et étudier ensemble de nouvelles solutions et approches créatives. La simple communication entre les nouveaux groupes d'experts et l'établissement d'un langage commun créeront certaines difficultés. Par exemple, il est difficile de discuter de l'utilisation d'un nouvel instrument fiscal à une époque où le credo répandu est « nous refusons tout nouvel impôt ». La communication et la sensibilisation sont essentielles. Le temps est venu d'améliorer la compréhension des incitatifs d'EF et de les mettre en place.
3.1 Appui institutionnelUne utilisation répandue de l'EF entraînera une véritable métamorphose. Elle constituera un défi pour tout le monde, parce qu'elle suppose l'intégration de la science, de l'économie et de la conception politique. De nouvelles formes de collaboration horizontale entre les ministères, dans les différents secteurs de l'industrie et parmi les divers intervenants seront nécessaires, tout comme l'évolution de nouveaux champs de compétences et de nouveaux profils de postes au sein de tous les intervenants. Le gouvernement sera confronté à un défi particulier. La responsabilité politique et la surveillance des instruments d'EF axés sur des taxes sont partagées entre les ministères responsables et le ministère des Finances, ce qui suppose une collaboration interministérielle et l'assurance parmi tous les acteurs que cette collaboration existera. Il s'agit d'une différence importante par rapport aux outils traditionnels de réglementation ou de programmes volontaires, qui habituellement relèvent du ministère responsable concerné. Les ministères responsables ont normalement compétence en matière d'instruments, comme les frais de permis, les amendes et les programmes de dépenses, dont l'utilisation est rarement contestée. Leur utilisation dans un contexte intégré d'EF suppose éventuellement une coordination entre deux ou trois paliers de gouvernement et entre les ministères d'un même gouvernement. Une EF réussie exige un degré de collaboration sans précédent, d'où l'importance de l'appui et de la compétence institutionnels qui permettent de véhiculer l'information sur l'activité de développement durable entre tous les ministères et de donner le feu vert à des activités de développement durable. 3.2 ÉchéancierL'EF ne devrait pas être la raison d'être de la mise en place d'objectifs et de buts environnementaux - elle ne doit pas devenir une « solution en quête d'un problème ». Avant même d'envisager une option précise de gestion ou une série d'instruments, y compris l'EF, il convient d'établir un besoin scientifique et des objectifs en matière de politiques bien définis. Il est évident que de nombreux enjeux donnent lieu à des objectifs concurrents entre les ministères fédéraux et entre les différents paliers de gouvernement. L'EF devrait faire partie de la panoplie d'outils politiques examinée au tout début des discussions sur les options de gestion. On devrait se concentrer sur le fait de savoir comment rendre l'ensemble de la série de mesures plus efficace tant sur le plan des coûts que de l'environnement. L'EF peut avoir un rôle à jouer, de manière isolée ou en combinaison avec d'autres moyens d'action et la panoplie de mesures qui sera finalement adoptée peut ne pas inclure d'instruments d'EF. Plus le cadre stratégique a été défini, plus restreint sera le rôle éventuel joué par l'EF.
3.3 ÉquitéL'élaboration d'instruments d'EF bien conçus et efficaces suit les mêmes exigences que n'importe quel autre instrument politique : un appui large de la société pour l'action en question, un objectif clair, un délai suffisant et des ressources analytiques appropriées ainsi que des consultations ouvertes avec les groupes d'intérêt. Le processus d'analyse et d'élaboration de l'EF devrait ressembler à celui utilisé en matière de réglementation ou de programmes volontaires. L'obstacle à surmonter ne devrait être ni plus grand, ni plus petit. Lorsqu'on travaille à des mesures politiques dont la mise en place dépend du budget fédéral, il est très tentant de viser une soumission au prochain budget. Cette propension à travailler dans le cadre du cycle du Budget mène à des échéances de 12 mois au maximum. Il s'agit d'une différence importante comparé aux délais en vigueur pour l'élaboration d'options de réglementation (un délai de 36 mois en vertu de la LCPE) et la plupart des programmes volontaires. Pour élaborer des instruments d'EF avec un niveau d'étude, de consultation et d'efficacité qui soit équivalent à ceux de l'élaboration d'outils de réglementation ou de gestion de programmes volontaires, et afin d'atteindre un processus similaire de définition d'objectif, d'analyse des mesures et de peaufinage de la conception, des délais plus longs que le cycle budgétaire traditionnel s'avèrent nécessaires. Parce qu'elle est nouvelle et mal connue, l'EF peut rencontrer plus d'obstacles que les autres moyens d'action. On peut exiger à son sujet davantage d'analyses, la nécessité de démontrer l'existence d'un consensus des intervenants, ou encore un niveau d'efficacité sur le plan de l'environnement et par rapport aux coûts plus sévère que ce qui est demandé pour les autres moyens d'action. Toutefois nous acceptons déjà fréquemment la nécessité d'adopter une action réglementaire même en l'absence d'une information parfaite ou d'un véritable consensus. Par conséquent, l'EF peut être mise en oeuvre en suivant le modèle de l'amélioration continue, au moyen de projets pilotes comportant des mécanismes clairs de contrôle périodique, d'évaluation et d'amendement. Cette approche « d'apprentissage par la pratique » peut conduire à surmonter les obstacles auxquels doit faire face un nouvel instrument. 3.4 CompétencesLa situation du Canada peut être un obstacle à l'EF ou même source de perspectives uniques. Un défi soulevé est la nécessité d'une coordination et d'une entente entre les différents paliers de gouvernement, en particulier pour les enjeux de compétence partagée. Les responsabilités liées à la gestion d'un enjeu peuvent être divisées en fonction de la compétence budgétaire, créant ainsi un obstacle à l'utilisation de l'EF. Les différences d'opinion entre le fédéral et les provinces à propos de la conception de programmes et des exigences liées au financement peuvent rendre l'entente sur l'ensemble des mesures d'EF difficile. La diversité du contexte canadien rend laborieuse la conception d'approches d'EF qui s'appliquent à toutes les situations. Le Canada est constitué de nombreuses régions, provinces/territoires qui comportent des différences substantielles en termes d'écosystèmes, de contextes politiques, de philosophies et d'approches réglementaires et fiscales, et de cultures politiques. Ce contexte constitue un défi unique aux initiatives nationales d'EF. Il se peut qu'il soit nécessaire d'offrir les programmes d'EF dans un cadre général tout en conservant un objectif spécifique, et qu'il faille négocier leur mise en oeuvre, région par région, d'une manière particularisée. Un autre défi réside dans la taille et la structure de certains marchés canadiens. Pour certaines marchandises, le Canada ne représente qu'une petite partie du marché continental et, par conséquent, il se trouve dans une situation où il doit davantage subir les politiques que les concevoir. Dans des situations où il n'existe que peu d'acteurs sur le marché canadien et où il existe seulement quelques sources régionales d'impacts sur l'environnement, les instruments qui ont été largement utilisés aux États-Unis, comme l'échange de droits, s'avèrent plus difficiles à utiliser. Enfin, le gouvernement fédéral est très préoccupé par le précédent établi par une nouvelle mesure fiscale, qu'il soit écologique ou autre; cela peut constituer un obstacle à l'innovation dans le cadre d'une EF.
3.5 AnalysesL'erreur commise par les pays européens de ne pas mener assez d'examens a posteriori des programmes d'EF ne devrait pas être répétée au Canada. Les initiatives d'EF doivent être appuyées d'un investissement stratégique dans les domaines scientifique, économique et d'examen de programme. Actuellement, il existe peu de données de référence touchant la plupart des enjeux environnementaux, l'information de nature économique est insuffisante, et les résultats et débouchés sont peu surveillés. La possibilité d'entreprendre une analyse économique est souvent restreinte en raison du manque des données nécessaires et de la difficulté d'accéder aux données existantes. Cependant, le manque de données ne doit pas être aveuglément utilisé comme excuse à l'inaction. Il faut davantage de recherches sur le type et la quantité de données pour mener à bien une bonne analyse. À cet égard, il peut être utile de savoir quelles données sont utilisées aux États-Unis. Il est vital que les aspects scientifiques et économiques soient intégrés à l'analyse et à l'examen d'une initiative d'EF. Surveillance, évaluation et examen sont tous des éléments essentiels à la mise en oeuvre d'une EF fondée sur un modèle d'amélioration continue, où les programmes pourraient être mis en place avec l'intention claire dès le départ d'évaluer leur efficacité. La surveillance doit viser les résultats présents sur l'environnement ainsi que les aspects économiques. Ces enquêtes pourraient ensuite être utilisées pour rectifier ou ajuster avec précision les programmes afin qu'ils soient plus efficaces et efficients pour atteindre les cibles visées (p. ex. la qualité de l'eau). Les incidences sur les plans économique et écologique qui n'auraient pas été prévues, qu'elles soient positives ou négatives, seraient aussi saisies. Ce qui peut s'avérer difficile si l'EF n'est qu'un outil parmi d'autres dans une série de mesures, y compris des approches contraignantes et volontaires. L'analyse devrait alors porter sur la série complète des instruments. 3.6 Compréhension de l'incidence économiqueDans les autres juridictions, le Programme d'EF a souvent été mis en oeuvre selon un modèle sans incidence sur les recettes. Une telle approche a été rendue nécessaire en raison de la réaction souvent hostile aux instruments fiscaux, en particulier dans le contexte nord-américain où les nouveaux impôts ne sont pas les bienvenus et où l'on souhaite même des réductions d'impôts, ce qui s'est reflété dans le Programme d'EF de la TRNEE qui a, parfois, éprouvé des difficultés lorsqu'il a fallu s'entendre sur de nouvelles redevances et de nouveaux impôts. Les programmes fondés sur les dépenses publiques sont plus séduisants pour le public et les intervenants, mais plus difficiles à vendre aux pouvoirs publics. Quelles sont les conséquences pour la neutralité fiscale des initiatives canadiennes d'EF? Est-elle réalisable? La neutralité fiscale peut être mise en oeuvre au moyen de plusieurs approches, prises isolément ou combinées. Elle peut être réalisée par l'entremise de :
Les travaux de la TRNEE ont révélé que la neutralité fiscale qui est fondée exclusivement sur un modèle de redéploiement fiscal risque de devenir une échappatoire. Les nouvelles taxes ont un rôle à jouer dans le cadre d'une EF, lorsqu'elles sont destinées à modifier le comportement, mais une nouvelle recette fiscale devrait être recyclée et la nouvelle taxe devrait être clairement liée à l'objectif environnemental désiré. Cependant, l'EF a un domaine d'application plus large que la réforme fiscale, et les programmes financés à même les dépenses publiques ont un rôle à jouer, en particulier lorsqu'ils n'ont pas d'incidence sur les besoins du gouvernement en recettes ou permettent de réduire ceux-ci. Il est essentiel que les aspects liés au financement et aux recettes d'une initiative d'EF soient pris en compte et communiqués au public et aux intervenants. 4. Recommandations pour la mise en oeuvre de l'EFLa TRNEE s'est fondée sur son expérience pour formuler des recommandations clés pour mettre en oeuvre un programme d'EF au Canada. 4.1 Défis institutionnels et de gouvernanceDans le cadre de ses travaux, la TRNEE constate sans cesse que des structures de base pour l'élaboration des politiques au Canada ne se prêtent pas à la prise de décision et à la réflexion horizontales nécessaires dans les dossiers touchant la durabilité de l'environnement. Il faut une structure décisionnelle de gouvernance coordonnée. 4.2 À quels types d'enjeu s'applique l'EFL'EF peut être appliquée à une série d'enjeux environnementaux et peut jouer des rôles divers dans le cadre d'une panoplie de moyens d'action. Si elle est conçue de manière créative, l'EF peut répondre à presque tous les enjeux sur le plan politique. Cependant, l'EF semble particulièrement bien adaptée aux enjeux environnementaux pour lesquels :
4.3 Les éléments essentiels d'une conception valable d'EFUne bonne conception d'EF dépend de la présence d'un certain nombre d'éléments essentiels. La recherche effectuée dans le cadre des études de cas de la TRNEE suggère que ces éléments comprennent (sans y être limités) une connaissance exhaustive de l'état de la technologie et des possibilités réelles disponibles pour atténuer ou empêcher une incidence écologique, ainsi que de l'organisation du marché et du contexte politique dans lesquels les instruments d'EF seraient implantés. La recherche mentionne aussi les stratégies de transition, la capacité d'exécution, la construction de partenariats et l'utilisation de programmes de communication et de sensibilisation du public. Il ne faut pas perdre de vue la simplicité de conception et d'administration. Il peut arriver que les programmes soient conçus en fonction des contextes politiques régionaux et des philosophies, qui peuvent varier beaucoup à travers le pays. Le succès peut aussi dépendre de l'engagement des intervenants concernés et de la capacité à s'occuper de leurs préoccupations pratiques. Des groupes d'intérêt peuvent être formés en démontrant comment les approches d'EF peuvent être plus avantageuses qu'avec les approches contraignantes traditionnelles. 4.4 Développement de la capacitéIl n'y a actuellement aucune capacité au Canada, soit par le biais d'un organisme gouvernemental ou d'un autre organisme, de mener une recherche appliquée en économie durable et d'élaborer des outils pour mesurer et gérer les multiples thèmes du bien-être économique, écologique et social d'une manière globale. La TRNEE recommande au gouvernement du Canada, pour développer cette capacité, de charger la TRNEE de l'administration d'un programme visant à entreprendre de nouvelles recherches et à concevoir des outils pratiques afin d'accroître les connaissances canadiennes à cet effet. Les recherches devraient être axées sur l'amélioration de l'évaluation des services environnementaux, des ressources utilisées et des pertes, les données d'inventaire sur tout le cycle de vie, les indicateurs de profils économiques et d'écoefficacité, de même que les nouveaux outils de politique budgétaire qui soutiennent à la fois la qualité de vie et la concurrence économique. On élaborerait de nouveaux outils et méthodes pratiques qui pourraient être utilisés à tous les échelons des gouvernements, des institutions d'éducation, des entreprises et des collectivités, pour intégrer les mesures du bien-être économique, écologique et sociétal à la planification, à l'évaluation, et aux activités et procédures de rapport. 1 Par exemple, une réglementation qui obligerait les consommateurs à retourner les contenants de boissons ne pourrait sans doute pas être appliquée et serait inefficace. Si la source de la menace à l'environnement est si envahissante et générale qu'il est impossible de concevoir une approche contraignante, par exemple dans le cas des émissions de dioxyde de carbone provenant de la combustion de carburants fossiles, la réglementation s'avérerait inefficace. Il arrive aussi que l'approche soit peu pratique sur les plans politique et social, par exemple si le fardeau économique de la conformité est supporté par des groupes à faibles revenus ou par un groupe politiquement puissant comme le secteur agricole |
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