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Instruments économiques pour la protection et la conservation de l'environnement : Leçons pour le Canada
Préparé par : Stratos Inc. Pour Le 4 décembre 2003
SommaireLe présent document entend faire mieux comprendre les possibilités d'utilisation des instruments économiques au Canada. Il s'appuie sur les leçons tirées dans d'autres pays et au Canada concernant le temps opportun pour utiliser ces mesures, la façon de les lancer et de les concevoir. Synthèse des instruments économiquesLes instruments économiques utilisent des signaux fondés sur le marché pour motiver le genre de prise de décisions voulu. Soit, ils donnent lieu à des gratifications financières suite au comportement recherché, soit, ils imposent des coûts pour un comportement indésirable. Même si nous utilisons des instruments économiques, comme percevoir des droits d'utilisation, des incitatifs fiscaux et des « saintes » taxes pour promouvoir une gamme de politiques sociales et économiques, le Canada a fait peu de progrès par rapport à la majorité des pays de l'OCDE quand il s'agit d'instruments économiques à l'appui du développement écologiquement durable.
Parmi les instruments économiques on retrouve les droits de propriété, les mesures à base de redevances, les régimes de responsabilité et d'assurance et les permis échangeables (voir l'encadré E1). Ces mesures sont très polyvalentes. On peut en combiner plusieurs et, dans bien des cas, elles sont utilisées dans le cadre d'une composition d'instruments comprenant des règlements et des programmes d'information. En outre, les instruments économiques constituent un élément important de l'écologisation de la fiscalité (ÉF). L'écologisation de la fiscalité comprend non seulement l'imposition des comportements nocifs à l'environnement, mais aussi i) la réduction de subventions ayant des effets pernicieux sur l'environnement, et ii) l'utilisation de revenus d'écotaxes pour réduire l'imposition des activités souhaitables sur le plan social (p. ex. main-d'oeuvre, économie) ou pour encourager les technologies écologiques (p. ex. énergie renouvelable). Pour ces raisons, l'ÉF est souvent décrite comme une répercussion de l'impôt. Comme ils exploitent la force du marché, les instruments économiques fonctionnent de façon très différente et présentent d'importants avantages par rapport à d'autres formes de gestion de risques environnementaux. Ils peuvent être plus efficients – atteignant un objectif écologique à coût moindre que d'autres mesures. Selon des études, l'utilisation plus répandue d'instruments économiques pourrait réduire de près de un quart les coûts de conformité annuels, s'élevant actuellement à environ 200 milliards de dollars, pour le contrôle de la pollution aux États-Unis (Anderson, 1999). Les instruments économiques peuvent également récompenser l'amélioration continue et peuvent stimuler le développement de nouvelles technologies, tandis que la plupart des démarches réglementaires incitent peu à aller au-delà du niveau de rendement stipulé. Ils peuvent aussi régler des questions pour lesquelles les démarches réglementaires s'avéreraient inefficaces. Par exemple, des frais de consommation, des programmes de consignation et des droits variables pour l'élimination des déchets peuvent agir sur le comportement de nombreux intervenants, à des coûts relativement faibles. Enfin, en rectifiant les signaux du marché par l'imposition de redevances ou la création d'un droit de propriété, les instruments économiques envoient d'importants signaux normatifs sur la valeur sociale du patrimoine naturel en plus d'un signal financier qui influence les comportements. Les instruments économiques et l'expérience en Europe et au JaponL'Europe utilise beaucoup plus que le Canada des instruments économiques pour des objectifs environnementaux. Plus particulièrement, l'expérience européenne illustre le potentiel considérable de la politique fiscale comme moyen de promouvoir une attitude écologique durable. Les Européens ont recours au prélèvement de taxes et de droits pour faire face à une vaste gamme d'enjeux, dont les émissions atmosphériques, l'emballage, la gestion des déchets, les effluents d'eau et la pollution diffuse de l'eau. L'utilisation de l'énergie est imposée lourdement dans la plupart des pays de l'OCDE, où les taxes sur le carburant sont de trois à cinq fois plus élevées en Europe qu'au Canada. Au moins sept pays européens ont dernièrement instauré des taxes sur les combustibles fossiles, soit les hydrocarbures, visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre causées par la consommation de ces combustibles. Dernièrement, le Japon a proposé un ensemble de taxes similaires sur les combustibles fossiles pour 2005. En Europe, un nombre croissant de mesures à base de redevances prennent la forme de taxes avec remise sans incidence sur les recettes qui combinent la perception de droits fondés sur les niveaux d'émission ou certaines autres mesures de risque environnemental avec une remise pour les installations démontrant des améliorations environnementales prescrites. Les taxes avec remise peuvent aider à atteindre des objectifs environnementaux au pays tout en réduisant au minimum les incidences nuisibles sur la compétitivité et en créant des incitatifs pour l'innovation technologique et une hausse de l'efficacité de la production. De nombreux pays de l'OCDE sont aussi passés au-delà de mesures fiscales à une réforme fiscale plus systématique pour traiter d'enjeux ponctuels. Certaines de ces initiatives de réforme se sont concentrées sur les possibilités d'atteindre les objectifs environnementaux de façon plus efficace, conduisant à l'application de taxes à une plus vaste gamme d'enjeux. Un nombre croissant lance des politiques de répercussion de l'impôt pour utiliser les revenus provenant de nouvelles redevances sur la pollution ou de l'extraction de ressources afin de réduire les taxes sur la main-d'oeuvre ou le capital. Tous les pays de l'OCDE utilisent toutes sortes de subventions pour promouvoir des objectifs, comme l'énergie renouvelable, l'efficacité énergétique, la protection de la nature, le traitement des eaux, les modes de transport de remplacement et la recherche et développement dans l'écotechnologie. L'échange de droits d'émission devient de plus en plus fréquent, surtout comme moyen de réduire les émissions des GES. Comme au Canada, l'Europe a eu recours à des systèmes de consignation surtout pour encourager le retour des contenants de boissons au point de vente. Dernièrement, l'Europe a utilisé ces mesures pour régler des questions de plus en plus complexes, notamment le programme de reprise des véhicules et la gestion écologiquement rationnelle de gros appareils et dispositifs électroniques. Des pays d'Europe et d'Asie explorent également des possibilités de dépasser les simples programmes de reprise par la mise en oeuvre de formules de dépôt-remboursement. L'objectif est d'utiliser des combinaisons d'instruments économiques pour créer des incitatifs afin que les producteurs repensent la conception de leurs produits dans le but d'éliminer la source du problème écologique. Les instruments économiques et l'expérience américaineLes États-Unis utilisent les instruments économiques pour régler des questions ponctuelles de protection et de conservation de l'environnement et de gestion des ressources, plutôt que dans le cadre d'une stratégie globale qui insiste sur la répercussion de l'impôt et la correction des échecs du marché. Toutefois, les États-Unis ont beaucoup plus utilisé les instruments économiques pour la protection de l'environnement que le Canada. Ils sont les principaux tenants des permis échangeables et d'autres programmes d'échange, avec des initiatives au niveau fédéral, des États et des municipalités liées à divers polluants, l'affectation des terres et la conservation des ressources. Bien que moins qu'en Europe, les administrations fédérales, d'État et locales ont toutes recours à des droits, des redevances et des taxes pour diverses questions. Les formules de dépôt-remboursement favorisent le recyclage des contenants de boissons et d'autres produits de consommation. Les cautionnements d'exécution, la loi sur la responsabilité et la présentation d'informations constituent également des éléments importants de la boîte à outils globale en gestion de l'environnement dans la plupart des régions américaines. Des incitatifs et des subventions pour réduire la pollution et améliorer l'environnement comprennent des avantages fiscaux, des prêts, des obligations exemptes d'impôts, des subventions, des incitatifs fiscaux et des programmes d'approvisionnement préférentiels. Les instruments économiques et l'expérience canadienneLe gouvernement fédéral utilise peu les instruments économiques. Il se sert de permis échangeables pour gérer certaines pêches et les substances appauvrissant la couche d'ozone et a appuyé des projets pilotes d'échange d'émissions de gaz à effet de serre. Il utilise des incitatifs fiscaux pour promouvoir l'éthanol, l'énergie renouvelable et le don de terres écosensibles. Les subventions fédérales appuient divers objectifs de gestion de l'environnement et de ressources naturelles. Le Canada retire seulement environ 5 % de ses recettes fiscales à partir de taxes liées à l'environnement. Plus des trois-quarts de ces revenus proviennent de la taxe d'accise sur l'essence qui, si l'on peut dire, est conçue pour produire des revenus plutôt que réduire la consommation de carburant. En comparaison, c'est plus de 8 % pour le R.-U., plus de 10 % en Norvège et plus de 12 % dans le cas des Pays-Bas et de la Corée. Les provinces utilisent aussi certains instruments économiques. L'Ontario a lancé un programme d'échange pour réduire les émissions de grosses génératrices à charbon et au mazout. Plusieurs provinces exigent une assurance ou des dépôts pour l'assainissement des lieux comme condition d'obtention de permis pour exploiter des installations, comme des décharges et des mines. Certaines provinces imposent des taxes d'accise pour aider à financer la remise en état des sites abandonnés. La plupart ont des programmes de consignation et des droits d'élimination à l'avance afin de promouvoir l'intendance de produits et la gestion écologique de divers déchets solides. Diverses provinces perçoivent également des taxes d'accise liées aux batteries, aux solvants, aux pneus, à l'utilisation de l'eau, aux droits d'immatriculation de véhicules et à la protection des ressources forestières. La « Nouvelle donne » proposée par Winnipeg fournit un exemple de la façon dont une réforme fiscale municipale pourrait inclure des objectifs environnementaux, sociaux et économiques. L'ensemble proposé de taxes à la consommation inclurait une taxe de vente, une taxe sur le carburant (pour financer les transports en commun) ainsi que des taxes sur l'essence, l'électricité et l'élimination de déchets. Bien que d'autres municipalités aient lancé un programme utilisateur-payeur, Winnipeg est la première ville au Canada à recommander un régime fiscal foncièrement nouveau. Le gouvernement du Canada et Environnement Canada ont sans cesse demandé une plus grande utilisation des instruments économiques pour traiter les questions environnementales. Malgré ces énoncés de politique et les exemples résumés ci-dessus, l'expérience canadienne en matière d'instruments économiques est très limitée et se classe loin derrière de nombreux pays en Europe et ailleurs. Nous utilisons très peu de mesures fondées sur la perception de taxes et de droits visant à modifier les comportements. Nous avons peu d'expérience des permis échangeables, utilisons peu d'instruments économiques axés sur le changement des schémas de consommation et ne disposons de presque aucun instrument économique pour encourager des améliorations à la conception de produits complexes. À propos de cette situation, l'Étude économique du Canada, 2000 de l'OCDE concluait qu'« il faut donc développer l'utilisation des instruments économiques (notamment les redevances pour les émissions et déchets toxiques et les redevances d'élimination pour les produits contenant des substances toxiques) afin de renforcer le principe pollueur/payeur. » Surmonter les obstacles aux instruments économiquesComme tout outil de gestion du risque, chaque type d'instrument économique a ses limites. Il peut parfois être difficile de les élaborer et ils peuvent faire l'objet d'opposition politique de la part d'intervenants contrariés par la tarification de ressources écologiques jusque-là gratuites ou, dans une autre optique, par l'établissement d'un « permis de polluer ». Sans fondements réglementaires, certains types d'instruments économiques ne produiront pas une réponse suffisamment prévisible pour être acceptables comme principal mécanisme de gestion de certains risques. Cependant, dans de nombreux cas, les obstacles ne sont pas tellement différents de ceux que pose l'utilisation d'autres instruments politiques. Ainsi, le manque de sensibilisation et l'inertie institutionnelle contribuent grandement à limiter l'application actuelle de ces outils précieux. Le Canada peut dégager, des expériences de l'étranger, des moyens de surmonter ces obstacles.
Principes directeursTrois considérations principales permettent de comprendre quand utiliser les instruments économiques :
Enfin, chaque instrument économique devrait être élaboré selon une perspective pragmatique qui traduit tant les objectifs de l'instrument, que le cadre déterminant du programme. Les considérations de conception pertinentes comprennent :
ConclusionsLes instruments économiques peuvent comporter de nombreux avantages par rapport aux autres mesures de gestion du risque. Dans certains cas, ils représentent les mécanismes les plus efficaces pour traiter un problème, et dans d'autres, ils peuvent fournir des incitatifs précieux et à faible coût pour l'amélioration continue. Plus essentiellement, en tant que société fondée sur les marchés, le Canada doit recourir plus souvent à des instruments économiques afin de promouvoir le développement durable. Les instruments économiques fournissent un des outils de politique publique les plus efficaces pour traiter les défis de production et de consommation sous-jacents que nous rencontrons, de manière à stimuler l'innovation et la dynamique de développement économique sur le marché et à en tirer parti. Comparé à de nombreux pays de l'OCDE, le Canada tarde à utiliser des instruments économiques. En cherchant à combler ce retard, le Canada ferait bien de s'inspirer de l'expérience internationale croissante. Même si des considérations juridiques, géographiques et autres peuvent limiter l'applicablité directe de certaines formules étrangères, des exemples notables d'instruments économiques ont été efficaces pour traiter une question d'importance pour les Canadiens et pourraient être mis en oeuvre au Canada sans réforme marquée des lois ou des institutions. En outre, l'expérience internationale fournit de nombreuses leçons précieuses sur les processus et la conception dont le Canada pourrait s'inspirer dans l'instauration d'instruments économiques. |
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