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L'HUMANISME,
LES SCIENCES ET LES ARTS*
POSTFACE
DANS notre
postface de la section précédente, nous fondant
sur de nombreux témoignages, nous avons
mentionné, en passant, les difficultés et les
empêchements que l'application de certaines lois
et de certains règlements apportent à de
nombreuses organisations bénévoles, ainsi
qu'aux musées du Canada et à ses galeries
d'art. Nous y avons exprimé l'avis qu'il y
aurait lieu de procéder à un examen sérieux de
ce problème, puisqu'un grand nombre des
organismes qui nous ont soumis des mémoires
semblent croire que, même s'il n'est pas
incliné à les soutenir d'une façon directe
dans leur oeuvre d'intérêt national, le
gouvernement fédéral pourrait du moins éviter
de compliquer leur travail.
2. L'analyse des témoignages
volumineux et autorisés sur lesquels s'appuie la
section longue et diverse que nous venons de
terminer nous porte à conclure que l'humaniste,
l'homme de science, l'artiste, l'écrivain et
l'éditeur pensent que certaines mesures
édictées par le gouvernement fédéral gênent
leurs travaux d'une façon aussi injuste
qu'inutile. La Société des écrivains canadiens
propose que les travailleurs intellectuels soient
autorisés à déduire de leur revenu imposable
les sommes qu'ils dépensent pour les livres, les
documents, les recherches bref, pour tout ce qui
constitue en somme leurs instruments de travail.
On nous a fait remarquer que les médecins et les
hommes de loi peuvent porter, sur leur feuille
d'impôt, à la rubrique des dépenses
essentielles à l'exercice de leur profession,
les sommes qu'ils ont dépensées en livres; ce
privilège est refusé aux maîtres d'écoles,
aux écrivains et, d'une manière générale, à
tous les hommes d'étude. On nous a dit
également que la contradiction et l'équivoque
semblent régner dans l'application du règlement
de l'impôt sur le revenu concernant les fonds
accordés aux érudits et aux hommes de science,
à titre de bourses d'études et de bourses ou de
subventions de recherches. La Société des
sculpteurs conseille qu'on exempte de la taxe de
vente, non seulement les monuments aux morts de
la guerre, mais tous les monuments publics ou
commémoratifs et qu'on exonère de la taxe
somptuaire la frappe des médailles destinées
aux récompenses ou décorations, par opposition
aux médailles de série que vendent les
bijoutiers. La Canadian Handicrafts Guild
souligne que ses membres se trouvent
désavantagés par l'impôt dont l'État frappe
leurs produits et qui est égal à l'impôt
perçu sur les objets fabriqués en grande
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série; elle soutient que, par suite de cette
mesure, l'artiste et l'artisan perdent le désir
de créer des articles de bijouterie ou de métal
ouvré. De leur côté, les musiciens trouvent
excessif d'avoir à acquitter de lourds droits de
douane et d'autres impôts qui frappent les
instruments d'orchestre importés.
3. Mais ce sont les écrivains et
les éditeurs qui se sont étendus le plus
longuement sur ce sujet. La Canadian Authors'
Association propose que les écrivains soient
autorisés à répartir le revenu provenant de
leurs livres sur une période plus longue que ne
prévoit la loi actuelle.
« Si, au cours de son existence, un
romancier canadien réussit à vendre un de
ses manuscrits à un Cercle du livre
américain, il se voit accablé d'un impôt
de millionnaire, bien que, fort probablement,
son revenu annuel ait été ou risque d'être
un revenu de famine » (1).
L'Académie canadienne-française demande que
les dépenses qu'entraîne la préparation d'un
livre soient déductibles aux fins de l'impôt
sur le revenu. Le Canadian Writers' Committee fait
remarquer que les droits d'auteur sont
considérés comme revenu non gagné et
assujettis, en conséquence, à la surtaxe, ce
que le comité juge inéquitable; il voudrait
aussi que la vente des droits cinématographiques
ou afférents à la publication en feuilleton
soient considérés désormais, non plus comme
revenu annuel, mais comme accroissement de
capital, étant donné que ce revenu ne se
présente pas à intervalles réguliers. Nous
avons d'autre part examiné dans le détail les
soucis fiscaux des éditeurs, au Chapitre XV du
présent Rapport.
4. Nous ne nous risquerons pas à
passer jugement sur le bien-fondé de ces
diverses revendications; nous sommes persuadés
que les services gouvernementaux qu'elles
intéressent directement ont eu, à maintes
reprises, l'occasion de les examiner. Si
toutefois, comme la création de notre
Commission royale l'indique, le
gouvernement fédéral se propose de manifester
une sollicitude plus active et plus réelle pour
les travaux des érudits, des écrivains et des
artistes de notre pays, il serait peut-être
utile de soumettre à un nouvel examen les
entraves fiscales qui semblent peser si
lourdement sur un si grand nombre d'entre eux.
Les nombreuses représentations qu'on nous a
faites à propos des taxes et droits sur
l'importation et la vente des livres au Canada
nous ont vivement frappés. À Terre-Neuve par
exemple, nous avons constaté de la surprise et
même un certain ressentiment dû au fait que les
livres qui ne sont pas imprimés au Canada sont
sujets à des droits d'entrée. De plus, au cours
de plusieurs de nos séances, on nous a signalé
que la taxe de vente, pour légitime et
essentielle qu'elle soit, quand elle s'applique
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en général à des articles de consommation,
ne devrait pas, dans une société bien
ordonnée, être imposée sur la vente des livres
qui restent encore, malgré la popularité de la
radio et des films, la plus importante source
d'enrichissement intellectuel. Il existe une
catégorie de manuels scolaires qui entrent au
pays en franchise. Nous souhaitons que cette
pratique intelligente soit étendue à tous les
livres de quelque nature que ce soit, si cela
peut se faire sans nuire à l'édition
canadienne. Nous sommes assurés aussi que le
Gouvernement fédéral rendrait service aux
lettres canadiennes et à la culture et
l'humanisme chez nous en abolissant la taxe de
vente sur les livres de quelque genre que ce
soit.
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