Les dangers de la prévention

Patricia Huston, MD, MPH
Rédactrice en chef associée

Journal de l'Association médicale canadienne 1996; 154 : 1463


La plupart d'entre nous ne remettons pas en question les nombreuses stratégies de prévention adoptées dans la pratique de la médecine au cours de la dernière décennie. Nous devrions peut-être le faire. Dans une série d'articles qui commence dans ce numéro (voir pages 1493 à 1499 [résumé]), le Dr Kenneth G. Marshall affirme que l'on a tendance à exagérer les avantages de certains programmes de prévention et à minimiser les préjudices qu'ils pourraient causer. La façon dont les études cliniques sont conçues et dont leurs résultats sont signalés, diffusés et appliqués agit sur les perceptions que les médecins ont des interventions préventives. Proposées avec de bonnes intentions, les thérapies de prévention peuvent provoquer l'anxiété d'anticipation, des effets secondaires, le stress causé par des résultats faussement positifs et une préoccupation malsaine face à la maladie.

Dans un éditorial qui commence à la page 1510 [résumé], le Dr Andreas Laupacis met en évidence trois aspects de l'argument du Dr Marshall qui révèlent des façons possibles de modérer l'enthousiasme suscité par les thérapies de prévention : accorder beaucoup d'attention à la façon de faire état des résultats, faire participer davantage les patients à la prise des décisions et utiliser judicieusement les guides de pratique clinique fondés sur des données probantes.

Même si nous pouvons comprendre plus clairement les avantages de la prévention, il reste à tenir compte des préjudices qu'elle peut causer, plus précisément du risque de susciter la peur. Il semble que nous devons être à l'affût des messages contradictoires au sujet de la prévention. Par exemple, il est à peine étonnant que certaines femmes, sensibilisées par des années de publicité au sujet de prévention du cancer du sein, refusent une hormonothérapie de remplacement parce qu'on a établi un lien entre cette thérapie et un risque légèrement accru de cancer du sein. De plus, les médecins et les patients semblent avoir une idée différente du concept du risque. Pour les médecins, le risque est en grande partie un concept mathématique. Pour les patients, il représente la possibilité d'une catastrophe. Il faut analyser plus à fond la crainte engendrée par des stratégies de prévention si nous voulons trouver la meilleure façon de la dissiper.


| JAMC : le 15 mai 1996 |