Politique rédactionnelle

JAMC appuie la déclaration CONSORT

Patricia Huston, MD, MPH; John Hoey, MD

Journal de l'Association médicale canadienne 1996; 155 : 1280-1282


Le Dr Huston est rédactrice en chef associée et le Dr Hoey est rédacteur en chef du JAMC.

Demandes de tirés à part : Dr Patricia Huston, JAMC, CP 8650, Ottawa ON K1G 0G8; fax 613 523-0937; pubs@cma.ca

© 1996 Association médicale canadienne


La science est plus que jamais une entreprise collective. Comme on a tendance à résumer des résultats de recherche par des lignes directrices, des examens systématiques et des méta-analyses, on est de plus en plus conscient qu'il faut améliorer la qualité des recherches et normaliser la production des rapports de recherche.

Parmi les constatations tirées de recherches où l'on résume et analyse des travaux de tiers, il en a une qui donne le plus à réfléchir : beaucoup de recherches ont des lacunes, et les rapports à leur sujet sont médiocres. Quiconque a essayé de revoir des écrits médicaux sait que l'on compare souvent des pommes et des oranges. Il est très difficile de combiner des résultats de recherche lorsque les rapports sont incomplets et comportent des éléments non comparables. Même le concept de recherche le plus puissant, soit l'étude randomisée et contrôlée, a des problèmes de conception et de rapport[1].

Les chercheurs peuvent contrer cette critique en signalant que l'on n'a pas dégagé beaucoup de consensus sur la meilleure façon de produire un rapport d'études et que des recommandations existantes sont fondées sur des opinions et non sur des données probantes. C'était vrai jusqu'à tout récemment. Des recommandations fondées sur des données probantes portent maintenant sur la production de rapports sur des études randomisées et contrôlées. L'énoncé qui porte sur le Regroupement des normes relatives aux rapports d'études (CONSORT)[2] est le fruit d'années de recherche et de consensualisation par des épidémiologistes, des biostatisticiens, des chercheurs et des rédacteurs médicaux. Au début, deux groupes de travail indépendants se sont penchés sur la tâche[3,4]. C'est en grande partie grâce aux membres des deux groupes et à l'animateur du groupe fusionné, David Moher, du Civic Ottawa Institut de recherche Loeb, que ces deux initiatives distinctes ont été fusionnées.

Un ordinogramme (fig. 1) et une liste de contrôle (tableau 1) constituent l'essentiel de l'énoncé CONSORT. L'ordinogramme permet aux examinateurs et aux lecteurs de saisir rapidement combien de participants admissibles ont été répartis au hasard à chaque volet de l'étude, combien se sont retirés ou ont été perdus au suivi et combien ont terminé en fait l'étude. Ces renseignements sont souvent difficiles ou impossibles à extraire des rapports d'étude dans leur forme actuelle. La liste de contrôle contient 21 aspects que l'on devrait trouver dans le titre, le résumé, l'introduction, la méthodologie, les résultats ou la conclusion de toute étude randomisée et contrôlée.

L'énoncé CONSORT vise à améliorer la validité interne des études randomisées et contrôlées. Le groupe CONSORT est d'avis qu'un mécanisme normalisé de production de rapports, dont les normes sont fondées sur des données probantes, peut révéler la qualité des études et l'améliorer éventuellement. C'est pourquoi le groupe a procédé à une revue des «recherches sur la recherche» afin d'en dégager des facteurs qui jouent sur les résultats d'études. Ainsi, presque 75 % (15/21) des points contenus sur la liste CONSORT sont fondés sur des données empiriques. Par exemple, Schulz et ses collègues ont démontré que les études au cours desquelles la façon de dissimuler la répartition des traitements était lacunaire ou floue ont exagéré les effets des traitements comparativement aux études où la méthode de dissimulation était suffisante et décrite clairement[15]. La façon précise de dissimuler la répartition n'était souvent pas signalée dans le passé, mais elle le sera désormais -- et l'on accordera certainement plus d'attention à cet élément de dissimulation au cours de la réalisation d'études randomisées et contrôlées.

Le choix des aspects inclus dans la liste de contrôle CONSORT et sur lesquels on ne disposait d'aucune donnée empirique a été fondé sur le bon sens et l'on a utilisé un processus Delphi modifié pour dégager un consensus. On recommande notamment d'indiquer chaque fois que ce sera possible des chiffres absolus plutôt que des pourcentages : c'est là un exemple des éléments compris dans cette catégorie, et cette pratique est déjà généralement reconnue.

Les rédacteurs du JAMC louent et appuient l'énoncé CONSORT. Comme beaucoup d'autres journaux, y compris The Lancet et le Journal of the American Medical Association, nous adopterons ces recommandations comme politique rédactionnelle. La liste de contrôle et l'ordinogramme ne visent pas simplement à obtenir l'approbation des rédacteurs : ces documents s'adressent avant tout aux auteurs. Tout rapport d'étude randomisée et contrôlée présenté pour publication doit comporter un ordinogramme et une liste de contrôle remplie où l'on indique la page du manuscrit où se trouve chaque point.

L'énoncé CONSORT n'est pas une panacée à tous les problèmes de production de rapports d'études randomisées et contrôlées. Même s'il s'agit d'un énorme pas en avant dans la voie de l'amélioration et de la validité interne des études uniques, la déclaration ne traite pas de problèmes importants causés par la publication multiple de résultats d'études multicentriques. C'est pourquoi nous recommandons aussi que tous les auteurs qui font état des résultats d'une étude contrôlée randomisée signalent si leur étude est liée à une autre étude multicentrique de plus grande envergure et si leur étude (ou un volet de celle-ci) a fait l'objet d'un rapport ailleurs. C'est par la production de rapports normalisés et transparents que l'on pourra tirer des recherches en cours l'approximation la plus juste de la vérité.

Nous avons commencé à collaborer avec des auteurs d'études terminées pour les aider à suivre les normes CONSORT dans la mesure du possible. Le rapport que Nickel et collaborateurs publient au sujet des résultats de leur étude (voir pages 1251 à 1259 dans ce numéro [résumé]) représente le premier effort de cette nature. Il faudra du temps pour se conformer à toutes les exigences de la liste de contrôle de l'énoncé CONSORT, car il faudra modifier les protocoles d'étude et la gestion des données. Nous le reconnaissons et l'acceptons. Nous prévoyons néanmoins que les efforts que les chercheurs déploieront pour appliquer les normes CONSORT seront bien récompensés. À mesure que les grands journaux médicaux adopteront ces normes, la qualité des études et des rapports d'études randomisées et contrôlées s'améliorera inévitablement et l'élaboration de guides et l'exécution de méta-analyses et d'examens systématiques seront facilitées aussi. L'initiative exemplaire du groupe CONSORT mérite non seulement un appui généralisé, mais aussi un suivi et une évaluation rigoureux.

Références

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  2. Begg C, Cho M, Eastwood S, Horton R, Moher D, Olkin I, et al. Improving the quality of reporting of randomized controlled trials: the CONSORT Statement. JAMA 1996; 276: 637-9.
  3. The Standards of Reporting Trials Group. A proposal for structured reporting of randomized controlled trials [correction dans JAMA 1995; 273: 776]. JAMA 1994; 272: 1926-31.
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| JAMC le 1er novembre 1996 (vol 155, no 9) | Centre de rédaction médicale |