Lignes directrices sur la transfusion de globules rouges et de plasma aux adultes et aux enfants
Transfusion de plasma
On prépare le plasma destiné aux transfusions en centrifugeant le sang total anticoagulé d'un seul donneur et en l'entreposant à une température de -18°C ou moins. On peut recueillir des volumes plus importants de plasma en utilisant des appareils d'aphérèse automatisée et en les entreposant de la même façon. Une unité type de plasma a un volume de 200 à 250 mL si elle provient d'un don de sang total ou de 400 à 600 mL lorsqu'elle est obtenue par plasmaphérèse. Le plasma congelé dans les 8 heures suivant le don contient au moins 0,70 U/mL de facteur VIII:C : c'est ce qu'on appelle le plasma frais congelé (PFC). Dans le plasma congelé entre 8 et 72 heures après le prélèvement, la concentration des facteurs de coagulation V et VIII:C peut diminuer jusqu'à 15 %. C'est ce qu'on appelle habituellement le plasma congelé (PC). Au Canada, la disponibilité des produits du plasma (PC et PFC) varie selon les régions. Cependant, dans la plupart des applications thérapeutiques, il y a peu de raisons de choisir l'un plutôt que l'autre et l'on utilise le terme générique de plasma dans le présent document. Le plasma cryosurnageant, ou pauvre en cryoprotéines, est le liquide surnageant obtenu après la préparation d'un cryoprécipité de facteur VIII:C tiré du plasma. Il contient des concentrations très réduites de facteurs V et VIII:C ainsi que d'autres protéines de poids moléculaire élevé comme le fibrinogène, la fibronectine et le facteur von Willebrand.
Outre certains virus comme le cytomégalovirus (CMV) et le virus T-lymphotrope de type II (HTLV-II), qui ne sont transmis que par des leucocytes infectés contenus dans des produits cellulaires, le plasma risque autant que les globules rouges de transmettre des virus provenant du donneur71. On trouve maintenant sur le marché des concentrés recombinants ou purifiés de plusieurs protéines plasmatiques importantes et dans lesquels les virus ont été inactivés. Il a été prouvé que ces produits sont plus sûrs et plus efficaces que le plasma lorsqu'il s'agit de corriger des carences précises de protéines et de facteurs de coagulation. C'est pourquoi, selon les lignes directrices déjà publiées2,5,7275, il faut éviter une transfusion de plasma lorsqu'on peut utiliser un produit plus sûr et plus efficace pour obtenir le même résultat thérapeutique (Tableau 3). Ce principe s'applique spécifiquement aux conditions suivantes :
- expansion du volume intravasculaire ou remplissage vasculaire pour lesquels on privilégie l'usage des solutions de cristalloïdes, de colloïdes synthétiques ou d'albumine humaine purifiée (y compris la plasmaphérèse thérapeutique où on doit éviter d'utiliser de routine du plasma comme fluide de remplacement);
- correction de l'hypoalbuminémie ou de la malnutrition protéique pour lesquelles on privilégie l'usage des solutions d'albumine humaine purifiée ou d'acides aminés synthétiques;
- correction de l'hypogammaglobulinémie, où l'on préfère l'usage de concentrés d'immunoglobuline purifiée;
- traitement de l'hémophilie et de la maladie de von Willebrand, où l'on préfère utiliser la desmopressine (DDAVP) ou les concentrés disponibles de facteurs sans virus;
- traitement de tout autre déficit congénital isolé de facteurs procoagulants ou anticoagulants, pour lesquels on préfère les concentrés de facteurs recombinants ou ceux dans lesquels les virus ont été inactivés, lorsque ces produits existent.
On utilisait autrefois le plasma pour traiter les complications graves de l'oedème angioneurotique familial dû à une carence héréditaire de l'inhibiteur de la C1-estérase. Il existe maintenant un concentré pasteurisé qui peut servir au traitement de cette affection76.
On a souvent recours à la transfusion de plasma pour prévenir ou arrêter les hémorragies chez les patients porteurs de déficits acquis de multiples facteurs de coagulation, ce qui peut se produire dans les conditions décrites ci-dessous.
Carence en vitamine K et effet de la warfarine
En cas d'hémorragie grave chez des patients dont les résultats de laboratoire indiquent une carence d'un facteur dépendant de la vitamine K (habituellement, prolongement du temps de prothrombine ou élévation du RIN [rapport international normalisé]) ou lorsqu'on prévoit un saignement grave à la suite d'une intervention chirurgicale d'urgence ou d'une intervention effractive, il est possible de corriger l'hémostase en administrant du plasma. Des données probantes indiquent que des concentrés de complexe prothrombinique peuvent inverser plus rapidement ou complètement l'anticoagulation orale que le plasma seul77. C'est pourquoi certains médecins préconisent d'utiliser de tels concentrés comme premier traitement chez les patients dont les complications hémorragiques associées à l'usage de la warfarine menacent la vie ou l'intégrité d'un membre. Dans de telles circonstances, on recommande en outre d'administrer de la vitamine K par voie parentérale. Lorsque la situation n'est pas urgente, on recommande habituellement d'administrer par voie parentérale de la vitamine K synthétique seulement, mais l'obtention d'une correction significative de l'hémostase peut requérir jusqu'à six heures78.
Maladies hépatiques graves
L'allongement du RIN ou du temps de céphaline chez les patients qui ont une maladie du foie sont toujours préoccupants lorsqu'il faut procéder à une intervention chirurgicale ou à une biopsie percutanée du foie. Des études79,80 dans le cadre desquelles on a essayé de démontrer l'efficacité du plasma ont révélé que sa capacité de corriger des anomalies de la coagulation chez ces patients est souvent médiocre ou très variable. Même si l'on reconnaît en général que les gens qui ne saignent pas ou ne doivent pas subir une intervention effractive ne devraient pas recevoir de plasma simplement pour corriger des résultats anormaux de tests de coagulation, on a recommandé dans d'autres lignes directrices d'utiliser du plasma pour traiter les patients qui saignent et qui sont atteints d'une maladie du foie2,73. On a démontré que l'apport de concentrés de complexe prothrombinique partiellement purifiés est plus efficace que l'apport de plasma seul80, mais on ne recommande habituellement pas d'utiliser ces produits comme traitement de premier recours à cause du risque de thrombose et de coagulation intravasculaire disséminée (CID) qu'ils entraînent, surtout en cas de maladie du foie. Même si l'on a suggéré dans d'autres lignes directrices, pour le temps de prothrombine ou le temps de céphaline, des seuils équivalant à 1,5 fois la valeur normale pour indiquer qu'il faut administrer du plasma avant une provocation de l'hémostase, on n'a pas établi de lien clair entre le saignement et les résultats de tests de coagulation obtenus avant une intervention chirurgicale ou une biopsie du foie81,82.
Trois études rétrospectives81,83,84 ont révélé que des patients atteints d'une maladie du foie et d'une coagulopathie légère n'ont pas saigné excessivement lorsqu'ils ont subi une intervention effractive (biopsie du foie, paracentèse, thoracentèse). Ces études ont fait état de valeurs du temps de prothrombine et non du RIN. La relation entre le TP et le RIN est exprimée comme suit :
RIN = (Tppatient/TPmoyen)ISI
où TPpatient représente le temps de prothrombine du patient, TPmoyen représente la moyenne de la plage normale du temps de prothrombine (mesurée en laboratoire) et ISI (indice de sensibilité international) représente la mesure de sensibilité de la thromboplastine utilisée pour mesurer le temps de prothrombine en présence d'une réduction des facteurs dépendants de la vitamine K. Plus l'ISI est élevé, moins la thromboplastine réagit et plus l'augmentation du temps de prothrombine est faible lorsqu'on analyse du plasma provenant de patients qui prennent des anticoagulants oraux. Dans le cadre de ces études au cours desquelles on a utilisé des thromboplastines de lapin relativement insensibles (ISI d'environ 2,081,83 et 2,584), on n'a signalé aucune augmentation du saignement chez les patients dont le temps de prothrombine atteignait jusqu'à 1,5 fois la moyenne de la plage normale, ce qui correspond à des RIN d'environ 2,2 et 2,7 respectivement (c.-à-d. 1,52,0 et 1,52,5).
En formulant notre recommandation, nous avons choisi la valeur inférieure (2,2) comme point de départ préliminaire. Il convient toutefois de signaler que même si les valeurs du RIN sont comparables pour les différentes thromboplastines utilisées dans les tests effectués chez des patients anticoagulés, elles ne sont pas nécessairement comparables chez les patients atteints d'une maladie du foie85. De plus, au Canada, la plupart des laboratoires utilisent des thromboplastines relativement sensibles (ISI faible). Afin de recommander un RIN approprié pour les patients atteints d'une maladie du foie, nous avons tenu compte d'une étude canadienne85 au cours de laquelle on a comparé les valeurs du RIN pour différentes thromboplastines chez des patients atteints d'une maladie du foie. Les auteurs de cette étude indiquent que dans ce cas, un RIN de 2,2 dérivé d'une thromboplastine de lapin correspond à un RIN de 2,0 dérivé d'une thromboplastine placentaire humaine (Thromborel S [Behring Diagnostics, Kanata (Ont.); ISI d'environ 1,09], très répandue au Canada) et à un RIN de 1,8 dérivé d'une thromboplastine humaine recombinante (Innovin [Dade Diagnostic, Mississauga (Ont.); ISI d'environ 0,86]). C'est pourquoi nous avons adopté une valeur de 2,0 comme RIN seuil dans la version finale de notre recommandation se rapportant aux patients atteints d'une maladie du foie face à certaines interventions effractives (voir recommandation 13b).
Dans l'ensemble, les données actuelles ne prouvent ni n'infirment l'efficacité de la transfusion de plasma pour prévenir le saignement au cours d'une intervention chirurgicale ou d'une biopsie hépatique chez les patients qui ont une maladie du foie. Il faut enfin reconnaître que la coagulopathie liée à une maladie du foie est souvent complexe et peut comporter d'autres déficits que ceux indiqués par le RIN seul (thrombopénie ou dysfibrinogénémie concomitantes, par exemple).
Coagulation intravasculaire disséminée
La coagulation intravasculaire disséminée aiguë est caractérisée par une consommation anormale des facteurs de coagulation et des plaquettes et peut provoquer une thrombopénie, une hypofibrinogénémie, un allongement du temps de prothrombine, du RIN ou du temps de céphaline, et provoquer un saignement incontrôlable de plaies ou de sites de ponction. Des données rétrospectives et non contrôlées suggèrent que la transfusion de plasma et d'autres composants sanguins peut aider à limiter l'hémorragie à condition que l'on prenne en même temps des mesures agressives pour enrayer la maladie déclenchante85,86. En général, on ne recommande pas la transfusion de plasma lorsque le patient ne saigne pas ou dans les cas de CID chronique, où la transfusion est jugée inefficace5.
Transfusion massive
On entend par transfusion massive la transfusion de plus de 10 unités de concentré de globules rouges ou le remplacement de plus d'un volume de sang en 24 heures. La gravité et la rapidité de la perte sanguine qui nécessite une transfusion massive peuvent varier considérablement. Plus la perte de sang est grave et rapide, plus le besoin de composants sanguins et les complications découlant d'une transfusion massive sont importants. On peut établir un lien entre la transfusion massive et certaines complications habituellement reliées aux problèmes sous-jacents, ainsi qu'au volume important de cristalloïdes et de composants sanguins administrés. Il est possible d'atténuer certains des effets indésirables d'une transfusion massive en chauffant et en filtrant le sang et en surveillant de près le patient par des examens cliniques, hémodynamiques et de laboratoire43,44,46,87.
Une transfusion massive peut entraîner des anomalies de l'hémostase8890. La numération plaquettaire peut diminuer après une transfusion, proportionnellement au nombre d'unités de sang transfusées. La thrombopénie est un facteur important relié au saignement microvasculaire dans un tel cas. En outre, les facteurs de coagulation du sujet transfusé peuvent être à la fois consommés et dilués par la maladie sous-jacente et suite aux manoeuvres de réanimation, et il peut en découler une coagulopathie91. Les tests de coagulation donnent souvent des résultats anormaux dans ce contexte, mais s'ils ne dépassent pas la normale dans une proportion de plus de 1,5, il est peu probable qu'ils soient associés à un saignement microvasculaire92. La plupart des auteurs ont toutefois noté que plus les résultats de tests de coagulation deviennent anormaux, plus la probabilité de saignement microvasculaire augmente92,93.
Dans les recommandations antérieures, on préconisait de transfuser de façon routinière du plasma (c.-à-d. d'administrer deux unités de plasma par tranche de cinq unités de globules rouges transfusées) afin de réduire le risque de saignement anormal causé par l'épuisement de facteurs au cours d'une transfusion massive94. Il n'y a toutefois aucune donnée probante pour appuyer l'administration de routine ou prophylactique de plasma dans un tel scénario88,94. Plusieurs groupes90,94 ont constaté que l'administration prophylactique de plasma ne réduisait pas l'incidence de troubles de l'hémostase après une transfusion massive.
Circulation extracorporelle
Le saignement postopératoire vient souvent compliquer une chirurgie à coeur ouvert au cours de laquelle on a utilisé la circulation extracorporelle95,96. De 3 % à 5 % environ des patients subissent une deuxième intervention à cause d'un saignement excessif qui, dans au moins la moitié des cas, est causé par une hémostase chirurgicale insuffisante. On suppose que les autres cas sont causés par un défaut mal défini de l'hémostase95. On a toujours considéré la dysfonction plaquettaire acquise comme le principal défaut de l'hémostase après une circulation extracorporelle96. On reconnaît aussi maintenant que malgré l'utilisation de fortes doses d'héparine, les voies de la coagulation sont activées progressivement au cours d'une circulation extracorporelle, comme le démontrent les marqueurs de la production de thrombine et l'activation simultanée du système fibrinolytique9799. Plusieurs études cliniques randomisées à double insu ont démontré que l'utilisation prophylactique d'agents antifibrinolytiques comme l'aprotinine100102, l'acide epsilon-aminocaproïque103 ou l'acide tranexamique104 peut réduire considérablement les hémorragies chez les adultes qui subissent une chirurgie cardiaque. Il semble que ces agents peuvent aussi être efficaces chez les patients qui saignent au cours de la période postopératoire105,106.
Malgré l'annulation suffisante de l'effet de l'héparine par la protamine après une intervention chirurgicale au cours de laquelle on a utilisé une circulation extracorporelle, les tests de coagulation de routine (RIN, temps de céphaline, temps de thrombine) donnent habituellement des valeurs supérieures à la normale, surtout à cause de l'hémodilution. On se sert habituellement de ces valeurs anormales pour justifier l'administration de plasma à des patients qui saignent après une chirurgie cardiaque. Il n'y a malheureusement aucun lien entre les valeurs anormales et le saignement clinique106. De plus, on pense en général que la concentration des facteurs de coagulation est suffisante pour assurer l'hémostase95,106,107 et que la transfusion de plasma ne l'améliore pas de façon significative106. (Ces tests de coagulation de routine ne reflètent pas l'activation du système fibrinolytique dont l'importance varie chez les patients soumis à une circulation extracorporelle108.) Aucune étude n'indique que l'administration prophylactique ou thérapeutique de plasma améliore l'hémostase après une circulation extracorporelle. Martinowitz et ses collaborateurs109 ont choisi au hasard 40 patients qui avaient été soumis à une circulation extracorporelle et qui ont reçu soit du plasma, soit la fraction cellulaire du sang total. La fraction cellulaire a fait augmenter la numération plaquettaire et diminuer le temps de saignement, tandis que la fraction plasmatique n'a entraîné aucune amélioration. Selon des données110 dont la validité n'a pas été établie dans le cadre d'études cliniques comparatives, des agents antifibrinolytiques comme l'acide epsilon-aminocaproïque plutôt que le plasma constituent une thérapie de premier recours raisonnable contre le saignement non chirurgical après une circulation extracorporelle.
Purpura thrombocytopénique thrombotique
Le pronostic du purpura thrombocytopénique thrombotique (PTT) a changé de façon spectaculaire suite à la parution du premier compte rendu sur l'utilisation empirique du plasma chez un groupe limité de patients en 1977111. D'autres études non contrôlées ont confirmé l'avantage thérapeutique du plasma dans les cas de PTT et de syndrome hémolytique urémique de l'adulte, une affection fort semblable. Deux études randomisées prospectives bien conçues112,113 ont démontré que l'échange de plasma est plus efficace que la simple transfusion de plasma pour traiter le PTT. On ne sait pas encore pourquoi le plasma est efficace contre le PTT, mais on sait toutefois que les multimères les plus lourds du facteur von Willebrand contribuent à la pathogenèse de cette maladie114,115. Contrairement au plasma, le cryosurnageant ne contient pas de multimères du facteur von Willebrand et il s'est révélé un traitement efficace chez des patients qui n'avaient pas bien réagi à un traitement au plasma ordinaire116,117.
Questions particulières à la transfusion de plasma chez les enfants
Même si très peu d'études portent sur l'utilisation du plasma chez les enfants, les experts recommandent en général de se fonder sur les mêmes principes que chez l'adulte lorsqu'il s'agit de décider d'administrer une transfusion à des enfants. Cette démarche semble raisonnable chez les enfants de six mois ou plus parce qu'à six mois, la concentration des facteurs de coagulation et des inhibiteurs naturels de la coagulation atteint en général presque celle des adultes118. Les bébés de moins de six mois ont des concentrations relativement plus faibles des facteurs de coagulation dont la synthèse dépend de la vitamine K (FII, FVII, FIX, FX), des quatre facteurs de contact et des inhibiteurs de la coagulation dont la synthèse dépend de la vitamine K118. (Les valeurs du temps de prothrombine et du temps de céphaline sont proportionnellement plus élevées118.) C'est pourquoi il est probable que ces facteurs soient épuisés plus rapidement dans des situations comme une hémorragie aiguë ou une CID et il peut être raisonnable d'administrer du plasma à des bébés de moins de six mois relativement plus précocement qu'à des enfants plus âgés ou à des adultes. Dans la mesure du possible, les décisions relatives à l'administration d'une transfusion doivent être fondées à la fois sur la situation clinique et sur des résultats de laboratoire appropriés, même si les résultats des tests de coagulation peuvent être plus difficiles à interpréter chez les jeunes bébés.
Il y a longtemps qu'on utilise le plasma pour traiter les déficits congénitaux de l'hémostase ou des protéines anticoagulantes. Or, il existe maintenant d'autres solutions qui conviennent mieux pour la plupart des problèmes et, comme de nouveaux traitements deviennent rapidement disponibles, les recommandations relatives au traitement évoluent. Des médecins spécialistes des thromboses ou de l'hémostase pédiatriques devraient superviser le soin des enfants qui ont de tels problèmes. Les produits de substitution du plasma qui sont disponibles comprennent les suivants :
- concentrés de facteurs spécifiques, recombinants ou dérivés du plasma humain;
- concentrés contenant plusieurs facteurs de la coagulation (p. ex., concentrés du complexe prothrombinique pour le traitement des déficits des facteurs II ou X);
- autres traitements médicaux comme la desmopressine synthétique (DDAVP) dans le cas des formes les plus répandues de la maladie de von Willebrand (Tableau 3).
Il peut être nécessaire à l'occasion d'utiliser du plasma pour les déficits pour lesquels il n'existe pas de solution de rechange. On a aussi utilisé dans le passé du plasma pour traiter des complications thrombotiques graves chez des patients qui avaient des déficits congénitaux en protéines anticoagulantes, comme l'antithrombine III et la protéine C, mais on utilise maintenant des concentrés de protéines à cet effet.
Des comptes rendus d'observation et deux études randomisées119,120 ont porté sur le rôle du plasma dans le traitement du syndrome hémolytique urémique (SHU) chez les enfants. Des experts ont dégagé un consensus en affirmant que le plasma n'est pas indiqué dans le cas du SHU classique de l'enfant, c'est-à-dire lorsque le syndrome est caractérisé par une anémie hémolytique microangiopathique, une thrombopénie et une insuffisance rénale aiguë suite à une diarrhée secondaire à l'infection par l'E. coli entérohémorragique. Le SHU et le PTT peuvent être impossibles à distinguer sur le plan pathologique, et les manifestations cliniques du SHU ressemblent à l'occasion à celles du PTT. Comme il n'existe pas d'étude définitive et compte tenu des études effectuées sur le PTT de l'adulte112,113, l'échange de plasma semble un moyen raisonnable à envisager pour traiter des enfants qui ont un SHU inhabituellement compliqué, surtout en présence de complications neurologiques.
Recommandations sur la transfusion de plasma
- On doit envisager de transfuser du plasma aux patients qui ont des déficits acquis de plusieurs facteurs de la coagulation dans les circonstances suivantes :
- On recommande de transfuser du plasma en cas d'hémorragie grave ou en vue d'une intervention chirurgicale urgente ou d'une intervention effractive chez des patients avec déficience de vitamine K ou traités à la warfarine et dont le temps de prothrombine, le RIN ou le temps de céphaline sont allongés de façon importante.
Niveau des données probantes : III
- On recommande l'usage du plasma en cas de saignement actif chez les patients qui ont une maladie du foie et dont le temps de prothrombine, le RIN ou le temps de céphaline sont allongés. On peut administrer du plasma à un patient en préparation d'une intervention chirurgicale ou d'une biopsie du foie lorsque le temps de prothrombine, le RIN et le temps de céphaline, ou les résultats d'autres tests de coagulation sont jugés suffisamment anormaux. La transfusion préalable de plasma n'est pas recommandée dans le cas d'interventions comme la biopsie percutanée du foie, la paracentèse ou la thoracentèse chez les patients avec maladie du foie lorsque le RIN est de 2,0 ou moins.
Niveau des données probantes : II
- On recommande d'administrer du plasma aux patients atteints de coagulation intravasculaire disséminée aiguë et chez lesquels un saignement actif est associé à une augmentation du temps de prothrombine, du RIN ou du temps de céphaline, à condition que l'on puisse traiter aussi efficacement la condition déclenchante.
Niveau des données probantes : II
- On recommande d'administrer du plasma dans le contexte d'une transfusion massive (plus d'un volume de sang) en cas de saignement microvasculaire associé à une augmentation importante du temps de prothrombine, du RIN ou du temps de céphaline. Si l'on ne peut obtenir rapidement des mesures du temps de prothrombine, du RIN ou du temps de céphaline, on peut transfuser du plasma de manière empirique afin d'enrayer le saignement non chirurgical diffus.
Niveau des données probantes : II
- On devrait utiliser du plasma comme traitement initial du PTT ou du SHU de l'adulte quitte à passer ensuite le plus rapidement possible à la plasmaphérèse quotidienne en utilisant du cryosurnageant ou du plasma comme fluide de remplacement. On ne recommande pas la transfusion ni l'échange de plasma dans les cas de SHU classique de l'enfant.
Niveau des données probantes : I
- On devrait utiliser du plasma chez les patients porteurs de déficits acquis d'un seul facteur de coagulation seulement lorsque le DDAVP ou les concentrés de facteurs spécifiques sont inefficaces ou ne sont pas disponibles. Il faut administrer du plasma à ces patients seulement lorsqu'il y a eu saignement ou qu'il est raisonnable de s'attendre à ce que le patient saigne à la suite d'une intervention chirurgicale ou d'une autre intervention effractive. On peut utiliser du PC ou du PFC selon le facteur qui est en cause.
Niveau des données probantes : III
| CMAJ June 1, 1997 (vol 156, no 11)
/ JAMC le 1er juin 1997 (vol 156, no 11) |
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