CMAJ/JAMC Special supplement
Supplément spécial

 

Lignes directrices sur la transfusion de globules rouges et de plasma aux adultes et aux enfants

Transfusion de sang autologue

L'expression «transfusion autologue» sert à décrire une intervention au cours de laquelle on transfuse (ou réinfuse) au même donneur ou patient du sang qu'il a donné (ou versé) auparavant. On peut obtenir du sang autologue par les moyens suivants :
  • don (dépôt) préalable de sang;

  • hémodilution normovolémique périopératoire (prélèvement de sang immédiatement avant l'intervention chirurgicale et remplacement du volume par des solutions de cristalloïdes) et réinfusion subséquente du sang prélevé;

  • récupération du sang pendant l'intervention;

  • récupération du sang après l'intervention.

Le GTE a tenu compte du don préalable seulement.

Un pourcentage important de patients qui ont besoin de sang ne sont pas candidats à un don de sang autologue. Par exemple, ceux qui sont atteints d'anémie aiguë ou chronique, qui ont une infection évolutive, qui ont besoin d'une intervention chirurgicale urgente, les jeunes enfants et certains patients atteints de cancer qui ont besoin d'une intervention chirurgicale57,58. L'utilisation de sang autologue réduit la probabilité d'utilisation de sang allogène (Andreas Laupacis et coll.) et l'on s'attendrait donc à ce qu'elle réduise certains risques liés à la transfusion sanguine, comme par exemple, l'exposition à des infections transmissibles comme le VIH et l'hépatite C, l'hémolyse allo-immune, les réactions allergiques, l'immunisation à des antigènes étrangers, la réaction du greffon-contre-l'hôte et, peut-être aussi, l'immunosuppression. Quant à la question de savoir si le don préalable de sang autologue réduit le taux d'infections post-opératoires en évitant l'immunosuppression liée à la transfusion, les données probantes sont contradictoires59,60. En outre, la transfusion de sang autologue ne prévient pas d'autres effets indésirables : septicémie d'origine bactérienne61­64, réactions non hémolytiques (fébriles) par des facteurs plasmatiques produits pendant l'entreposage du sang, erreurs cléricales ou de laboratoire pouvant entraîner la transfusion de la mauvaise unité de sang65 et surcharge circulatoire. Comme ces risques persistent, il ne faudrait pas réinfuser du sang autologue de façon routinière lorsqu'il n'y a pas d'indication à cet effet.

Rares sont les risques posés par le sang allogène qu'il est possible d'éviter en utilisant du sang autologue. Le sang autologue déposé au préalable présente en outre des risques précis : probabilité plus grande de recevoir du sang après l'intervention (Andreas Laupacis et coll.) et événements indésirables liés au don de sang, surtout chez les patients cardiaques66,67. Il peut en outre être nécessaire de déplacer une intervention chirurgicale afin d'éviter de gaspiller du sang déjà collecté.

Il n'y a pas suffisamment de preuves pour indiquer dans l'ensemble si le sang autologue est plus sécuritaire que le sang allogène, s'il l'est autant, ou s'il l'est moins. D'autres facteurs appuient néanmoins l'utilisation de sang autologue pour une transfusion. Tout d'abord, il préviendrait en théorie l'exposition à de nouveaux agents infectieux ou à d'autres agents nocifs qui pourraient contaminer un jour l'approvisionnement en sang. Deuxièmement, les patients et les travailleurs de la santé croient en général que le sang autologue est probablement plus sûr. Troisièmement, dans son rapport provisoire, la Commission d'enquête sur l'approvisionnement en sang au Canada14 a formulé plusieurs recommandations pour appuyer une disponibilité et une utilisation plus grandes du sang autologue. Quatrièmement, l'utilisation de sang autologue réduit la demande de sang allogène stocké dans les banques de sang et aide ainsi à atténuer les pénuries de sang. (Note : Pour le moment, les unités de sang autologue inutilisées ne répondent pas aux critères que la Croix-Rouge canadienne impose aux donneurs de sang et l'on ne peut donc les ajouter à l'approvisionnement général en sang.) Cinquièmement, le don de sang autologue est particulièrement utile chez les patients soumis à une chirurgie élective et qui possèdent un groupe sanguin rare ou des allo-anticorps soit multiples soit dirigés contre des antigènes fréquents.

Il en coûte plus cher pour fournir du sang autologue que du sang allogène68. Pour améliorer la rentabilité du sang autologue, il importe de réduire au minimum le gaspillage d'unités de sang autologue en concentrant les efforts sur les patients qui seront le plus susceptibles d'utiliser du sang69,70.

Une méta-analyse récente donne un aperçu des avantages et des risques éventuels d'un programme de dépôt préalable de sang autologue (Tableau 2). Cette revue de six études contrôlées randomisées et de neuf études non randomisées contrôlées par comparateur a révélé que le dépôt préalable de sang autologue réduit le volume de sang allogène transfusé (les études contrôlées randomisées avaient un coefficient de probabilité [CP] de 0,17 et un intervalle de confiance [IC] à 95 % de 0,08 à 0,32) (Andreas Laupacis et coll.). Il y avait un lien direct entre la proportion de patients du groupe témoin qui ont reçu une transfusion et l'avantage absolu offert par le sang autologue déposé au préalable en ce qui a trait à la réduction de l'exposition au sang allogène (c.-à-d. l'avantage est le plus marqué lorsque l'utilisation prévue de sang est à son maximum). Cette méta-analyse a aussi révélé que les patients qui donnent au préalable du sang autologue étaient beaucoup plus susceptibles de recevoir un produit sanguin (y compris le leur) que les patients témoins (CP, 6,69, IC à 95 %, 3,63 à 12,32), ce qui est intéressant. Les auteurs ont présenté deux raisons pour justifier cette observation : concentration d'hémoglobine [Hb] plus faible avant l'intervention et politique de transfusion plus libérale à l'endroit des patients qui avaient déposé au préalable leur propre sang. Cette analyse indique que les patients qui déposent au préalable du sang autologue peuvent être plus exposés à certaines complications liées aux transfusions (septicémie causée par des unités de sang contaminé, transfusion de la mauvaise unité de sang à cause d'une erreur cléricale ou de laboratoire, p. ex.).

Recommandations sur l'utilisation de sang autologue

  1. On devrait envisager le don préalable de sang autologue comme une option thérapeutique valable chez les adolescents et les adultes avant une chirurgie élective au cours de laquelle la probabilité de transfusion sera importante (c.-à-d. 10 % ou plus).
         Niveau des données probantes : III

  2. Les indications de transfusion du sang autologue devraient être les mêmes que celles qui ont trait à la transfusion de sang allogène.
         Niveau des données probantes : III

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| CMAJ June 1, 1997 (vol 156, no 11) / JAMC le 1er juin 1997 (vol 156, no 11) |
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