CMAJ/JAMC Special supplement
Supplément spécial

 

Questions et réponses sur le cancer du sein

GUIDE 5. CARCINOME CALANAIRE IN SITU (CCIS)


Qu'est-ce que le CCIS?

CCIS veut dire «carcinome calanaire in situ». Dans un cas de CCIS, le cancer est limité aux canaux de lactation du sein. On parle aussi de cancer «non envahissant». Le pronostic du CCIS est bien meilleur que celui des cancers envahissants. Un CCIS non traité peut toutefois devenir envahissant, traverser la paroi du canal pour se propager dans le tissu voisin et même ailleurs dans le corps. Le cancer n'est alors plus un CCIS et il faut le traiter comme un cancer envahissant. Le traitement décrit dans ce guide s'applique aux patientes qui ont seulement un CCIS.

Habituellement, lorsqu'une femme a un CCIS, il n'y a pas de signes avertisseurs comme la présence d'une masse au sein. Le plus souvent, le CCIS est révélé par une mammographie réalisée à une clinique de dépistage avant l'apparition de tout symptôme. Comme les programmes de dépistage sont relativement nouveaux, les médecins ont moins d'expérience du CCIS que des cancers envahissants.

Le CCIS est-il répandu?

Comme il existe de plus en plus de programmes de dépistage mammographique, on diagnostique de plus en plus de cas de CCIS au Canada. Ce type de cancer représente maintenant de 20 à 25 % du total des cancers du sein découverts chez les femmes qui se soumettent à un examen de dépistage.

Comment saurai-je avec certitude que j'ai un CCIS?

Tout d'abord, vous franchirez les étapes décrites au guide 2, soient celles de l'investigation de toute anomalie découverte par mammographie. Si une biopsie à l'aiguille («par forage») démontre la présence d'un CCIS ou si l'on en soupçonne très fortement la présence dès le début, il est essentiel de procéder à une biopsie chirurgicale pour déterminer si le cancer a envahi les tissus voisins. Il s'agit là d'une étape cruciale, car toute propagation en dehors des canaux de lactation signifie que le cancer n'est plus simplement un CCIS : c'est maintenant un cancer «envahissant». Le traitement recommandé dans ce cas sera alors différent. Lorsqu'on procède à une biopsie chirurgicale, l'anomalie est enlevée d'une seule pièce et radiographiée. On examine ensuite des spécimens de tissu au microscope.

Si la radiographie des tissus enlevés indique que le cancer n'a pas été enlevé au complet, on procède à une deuxième mammographie après la guérison des tissus mammaires. Il peut être nécessaire de procéder à une autre intervention pour enlever les cellules cancéreuses qui restent.

La biopsie chirurgicale que j'ai subie a révélé que j'ai un CCIS. Quel est le meilleur traitement pour moi?

Il ne faut prendre une décision finale au sujet du traitement que lorsque toutes les étapes ci-dessus sont terminées et que vous avez été informée de tous les résultats. Le CCIS n'est pas un cancer à évolution rapide et c'est pourquoi il est donc tout à fait sûr de reporter votre décision finale de quelques semaines. Prenez le temps nécessaire pour consulter vos médecins, votre famille, vos amis ou d'autres femmes qui ont eu un cancer du sein.

Il faut d'abord se demander si la biopsie chirurgicale a enlevé tout le cancer. S'il reste des cellules cancéreuses, la plupart des femmes choisissent l'ablation chirurgicale des tissus atteints. D'autres facteurs importants comprennent le type de CCIS découvert et le pourcentage du sein qui est atteint.

Il y a un peu de marge de manœuvre dans le choix du type d'intervention chirurgicale. Auparavant, lorsqu'on diagnostiquait un CCIS, cela signifiait toujours une mastectomie (ablation du sein au complet), et cette intervention peut quand même demeurer la meilleure solution pour certaines femmes. L'autre choix principal, c'est la tumorectomie (aussi appelée chirurgie mammaire conservatrice) suivie d'une radiothérapie. C'est maintenant la tumorectomie suivie d'une radiothérapie que l'on recommande généralement dans les cas de cancer du sein envahissant primaire, ainsi que dans les cas de CCIS.

Que vous choisissiez la mastectomie ou la tumorectomie suivie d'une radiothérapie, les taux de survie sont très élevés : entre 95 % et 100 % dix ans après l'intervention chirurgicale.

Comme la survie n'est pas un problème, de quels autres facteurs dois-je tenir compte lorsqu'il faut choisir la mastectomie ou la tumorectomie?

Il faut tenir compte des facteurs ci-dessous. Le guide 3 de la présente série traite plus en détail d'un grand nombre d'entre eux.

  • Probabilité que la biopsie chirurgicale ait réussi à enlever la région atteinte au complet. Si l'examen microscopique des tissus enlevés révèle la présence de cellules cancéreuses sur les bords de la pièce, vous devrez peut-être subir une deuxième ou même une troisième intervention pour qu'on puisse enlever plus de tissu. La mastectomie permet d'éviter cette possibilité. En outre, vous voudrez peut-être envisager la mastectomie si vous vivez loin d'un centre de traitement, puisqu'après une tumorectomie, il faut se soumettre à des séances quotidiennes de radiothérapie pendant plusieurs semaines.

  • Probabilité de réapparition (ou récidive) du cancer dans le même sein. Il y a un peu plus de chance que le cancer réapparaisse si le CCIS est traité par tumorectomie et radiothérapie plutôt que par mastectomie, mais les preuves ne sont pas absolument concluantes. S'il n'y a pas de cellules cancéreuses au bord du tissu enlevé, on estime que le cancer pourra réapparaître au cours des cinq premières années suivant le traitement chez de 3 à 7 % des femmes dont le CCIS a été traité par tumorectomie et radiothérapie. La mastectomie est peut-être le meilleur choix si votre tumeur est grosse ou comporte d'autres caractéristiques qui indiquent une récidive probable du cancer.

  • Le volume de tissu à enlever. S'il y a plus d'une tumeur ou si la tumeur est grosse, la tumorectomie peut obliger à enlever beaucoup de tissu, ce qui défigurera le sein. Souvent, la mastectomie suivie d'une reconstruction du sein est alors préférable.

  • Les complications que peut entraîner chaque intervention. Tous les traitements peuvent avoir des effets secondaires indésirables. La tumorectomie comme la mastectomie peuvent causer une douleur persistante et de l'enflure et prendre du temps à guérir. Ces problèmes sont toutefois plus fréquents à la suite d'une mastectomie. La radiothérapie qui suit la tumorectomie peut cependant avoir elle aussi des effets secondaires indésirables, comme la fatigue, la douleur, la sensibilité et les cicatrices au sein. Le guide 6 de la présente série contient plus de détails sur la radiothérapie.

  • Votre capacité de suivre une radiothérapie. On recommande normalement une radiothérapie après une tumorectomie puisqu'elle réduit le risque de récidive du cancer dans le même sein. Si vous ne pouvez suivre une radiothérapie pour quelque raison que ce soit, si c'est très difficile pour vous à cause de votre travail ou parce que vous vivez loin d'un centre de traitement, la mastectomie peut alors représenter le meilleur choix. Dans un nombre restreint de cas, si la tumeur est très petite et si elle ne comporte aucune caractéristique qui indique qu'elle est particulièrement susceptible de réapparaître et s'il est certain qu'on a enlevé tous les tissus atteints, on peut envisager une tumorectomie sans radiothérapie. Il ne faut toutefois pas faire ce choix sans analyser les enjeux à fond avec votre médecin.

  • Vos préoccupations personnelles au sujet de votre apparence et vos sentiments de mieux-être. La tumorectomie préserve plus de tissu mammaire que la mastectomie et laisse donc une apparence et une «sensation» plus naturelles. L'apparence dépend toutefois en grande partie du volume de tissu enlevé. Vous pouvez attacher plus d'importance au risque réduit de récidive après la mastectomie qu'à l'apparence. Vos sentiments personnels à cet égard sont des facteurs importants dans le choix du bon traitement.

Vous vivrez peut-être de l'anxiété et de la dépression, peu importe le traitement que vous choisissez. Des études démontrent que ces problèmes sont moins fréquents chez les femmes qui sont parfaitement informées au sujet de leur diagnostic et de leur traitement. L'appui des membres de la famille et des amis, le counselling et la participation à un groupe d'entraide constitué de survivantes du cancer du sein aident aussi énormément les femmes à faire face à la situation.

Si je subis une mastectomie à cause d'un CCIS, peut-on préserver la peau et le mamelon en vue d'une chirurgie esthétique ultérieure?

On a déjà utilisé cette intervention (appelée «mastectomie sous-cutanée») chez des patientes atteintes d'un CCIS parce qu'elle donnait de bons résultats sur le plan esthétique. Or, comme cette technique laisse de 10 % à 15 % du tissu mammaire, elle élimine en partie seulement le risque de récidive du cancer et n'est pas aussi sûre que la mastectomie. Si l'on choisit la mastectomie pour réduire au minimum le risque de récidive du cancer, on ne recommande pas une mastectomie sous-cutanée.

Et les autres traitements, comme le tamoxifène et la chimiothérapie?

Rien ne prouve que l'un ou l'autre de ces traitements offre le moindre avantage aux femmes atteintes de CCIS.

Faudrait-il enlever aussi les ganglions lymphatiques de l'aisselle?

On procède souvent à l'ablation des ganglions lymphatiques (parfois appelés «glandes») dans des cas de cancer du sein envahissant mais non pour un CCIS, parce qu'il est très rare que le cancer se propage aux ganglions et que les complications possibles de l'intervention annulent tout avantage qui peut en découler.

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| CMAJ February 10, 1998 (vol 158, no 3) / JAMC le 10 février 1998 (vol 158, no 3) |