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Souvenirs d'aujourd'hui
Chaque année, le jour du Souvenir, les anciens combattants qui se réunissent pour déposer des gerbes de fleurs aux monuments aux morts d'un bout à l'autre du pays sont un peu plus âgés et un peu moins nombreux. On se demande si les larmes qui leur montent aux yeux sont causées par le vent froid de novembre ou par des souvenirs qui ont maintenant plus de 50 ans. Pour les jeunes générations de Canadiens, ces souvenirs semblent lointains. Notre expérience nationale de la guerre s'estompe graduellement chaque année. Les gens de la génération du baby-boom présents dans la foule disent à leurs enfants comment nous sommes chanceux de vivre dans un pays qui n'a pas été touché par la guerre depuis si longtemps. Voici ce qu'on oublie chaque jour du Souvenir. Dans un texte qui remonte à 1995, John Ralston Saul cite les «statistiques généralement reconnues... selon lesquelles quelque 1000 soldats et 5000 civils meurent tous les jours, ce qui représente au total plus de deux millions de morts par année et plus de 75 millions depuis 35 ans». Or, pour citer une autre estimation, «la guerre a tué 50 millions de personnes depuis l'avènement de la paix en 1945».1 Le vécu de la guerre n'est pas tellement lointain pour les milliers de personnes qui sont arrivées au Canada depuis 5 décennies : 37 500 Hongrois en 19561957, 11 000 Tchèques en 19681969, 6000 Chiliens en 1973, 9000 Indochinois de 1975 à 1978 et 60 000 autres en 19791980.2 En 1999, les réfugiés accueillis au Canada provenaient principalement des 10 pays suivants : Bosnie-Herzégovine, Sri Lanka, Afghanistan, Iran, Somalie, Croatie, Pakistan, Irak, Algérie et Inde.3 En 2000, le Canada s'était engagé à accepter jusqu'à 29 300 personnes déplacées et réfugiées au sens des Conventions de Genève (personnes qui risquent d'être persécutées dans leur propre pays à cause de leur race, de leur religion, de leur nationalité ou de leur affiliation politique ou sociale). En 1998, 22 644 réfugiés sont devenus résidents permanents4. Le visage du Canada change ainsi à mesure que les conflits internationaux et, de plus de plus, intranationaux, surgissent autour de la planète. Les ravages causés par les inventions horribles de la guerre moderne pénètrent dans la mémoire collective de notre société par l'entremise des immigrants et des réfugiés. Ou est-ce vraiment le cas? Ces expériences sont douloureuses à communiquer et difficiles à partager. Les médecins qui travaillent avec des victimes de torture ou qui ont de récents réfugiés comme clients savent combien le gouffre est douloureux entre les souvenirs terribles de la guerre et la culture, relativement innocente, de recherche du plaisir où ils ont trouvé refuge. Voilà en partie pourquoi nous nous préoccupons de la guerre dans ce numéro. Jennifer Leaning analyse ses effets sur l'environnement (page 1157), Leslie Shanks et Michael Schull examinent la tactique du viol comme l'un des actes de violence les plus démoralisants de la guerre (page 1152) et Pauline Alakija raconte son expérience de pathologiste judiciaire enquêtant sur des crimes de guerre au Kosovo (page 1148). Nous pensons qu'il ne suffit pas pour un journal médical général de se confiner aux préoccupations «canadiennes» de la médecine. Le monde est devenu d'une petitesse déconcertante et il est non seulement approprié, mais nécessaire, pour les médecins du Canada d'être au courant des enjeux internationaux et de leurs répercussions pratiques et éthiques sur les contacts avec les patients et sur la position de la profession dans l'ensemble. En regardant vers l'extérieur, nous nous tournons aussi vers l'intérieur. JAMC Références
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