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Une autre proposition modeste
On ne peut s'empêcher d'admirer un gouvernement qui non seulement reconnaît la générosité des électeurs, mais a aussi la prudence de l'exploiter. En Ontario, à 200 $ par contribuable, la satisfaction politique de la population a été une véritable aubaine et personne ne s'est plaint que cette somme suffit à peine pour compenser le coût et les inconvénients qu'entraîne la collecte de preuves contre des concitoyens dénoncés à l'aide de la Ligne antifraude (1 800 394-7867 si vous avez des renseignements). Il est vrai que ce milliard de dollars de remboursements d'impôt aurait pu être gaspillé dans les hôpitaux ou les écoles, mais la tâche de démêler les besoins en lits d'hôpital et en places sur les bancs d'école serait si fastidieuse qu'il demeure préférable de concentrer nos efforts sur des questions qui suscitent l'unanimité. Comme le besoin pressant d'éliminer les pauvres. D'éliminer la pauvreté, nous voulons dire. Les gens tombent comme des mouches des listes des bénéficiaires de l'aide sociale de l'Ontario, à raison de 12 à l'heure.1 La question de savoir si le phénomène est le fruit de la réussite des programmes de création d'emplois, des retombées de l'économie américaine ou de l'insensibilité croissance du système est insignifiante sur le plan du doute moral. On peut évaluer la justice de toute réforme par son efficacité : la dégringolade des prestations d'aide sociale est vraiment renversante2 et il ne faut pas nous laisser berner par la flambée des taux d'itinérance ou la crise du coût des loyers.3 Heureusement, le gouvernement est sensible à l'embarras des 450 000 personnes de la province qui s'accrochent encore à leurs prestations d'aide sociale et il a proposé des tests de dépistage des drogues et des traitements obligatoires pour affaiblir leur poigne. En vérité, il faudrait être atteint de faiblesse morale pour se laisser distraire par les arguments selon lesquels au moins 70 % des personnes toxicomanes ne sont pas du tout des bénéficiaires d'aide sociale, mais des gens qui occupent un emploi, que les tests de dépistage des drogues ne permettent en rien de s'attaquer réellement aux problèmes de toxicomanie ou que le traitement obligatoire s'enlisera dans la réalité clinique des taux de rechute.4 Seuls ceux qui sont doués pour l'illogisme remettront en question l'application des programmes de dépistage des toxicomanies aux personnes qui touchent des prestations d'invalidité et dont la toxicomanie constitue la seule incapacité. Quoi qu'en dise le commissaire aux droits de la personne, nous ne pouvons priver personne de la chance d'être sauvé, comme le dit si bien le ministre des Services communautaires et sociaux. Dans une société progressiste, il ne suffit pas de promouvoir la santé et la prospérité. Il faut appliquer ces valeurs. Le diagnostic et le traitement sont des questions sérieuses qu'il ne faut pas laisser à la profession médicale, avec ses scrupules au sujet de l'autonomie des patients, de leur vie privée, de leur dignité et de leur consentement. Les pauvres doivent reconnaître qu'ils ne sont pas en mesure d'ergoter au sujet de leurs droits. Or, pourquoi personne ne s'est rendu compte qu'une solution proposée pour la première fois en 1729 allégerait encore davantage le fardeau du bien-être social en Ontario? Nous devons persuader les pauvres d'acquitter leur dette envers la société en vendant leurs enfants comme nourriture. Nous prévoyons des nausées chez les faibles de cur, mais il n'y a certainement aucun autre expédient qui sera aussi efficace, dont le moindre de tous n'est pas celui «d'être un peu prudent et de ne pas vendre notre ... âme pour rien.5» JAMC Références
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