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Une cure pour les miracles
Dans ce numéro, nous publions, dans la chronique tolérante De l'oreille gauche, quelques réflexions sur les miracles (page 382). Un de ces miracles, soit un compte rendu anecdotique portant sur une rémission spontanée d'une maladie de la valvule mitrale, a été accueilli assez froidement dans nos bureaux de rédaction, où nous avons tendance à douter de toute cure attribuée à une intervention divine. Or, le mot «miracle» est très répandu dans la terminologie médicale courante. Nous l'utilisons au sujet de percées scientifiques, de nouveaux traitements impressionnants et d'observations inattendues. Lorsqu'il y a guérison véritable, c'est le résultat semble-t-il miraculeux qui propulse la science avec le plus d'enthousiasme. La réputation instable de la vitamine C est un exemple concret. La vitamine C a certainement été une des premières thérapies parallèles adoptées en Europe : les marins hollandais savaient au XVIe siècle que les agrumes prévenaient le scorbut, même si ce n'est qu'au cours des années 1920 qu'on en a identifié le principe actif.1 Une fois la dose quotidienne recommandée établie (soit la quantité nécessaire pour produire un effet antiscorbutique), la vitamine C est ensuite tombée dans l'oubli jusqu'à ce que Linus Pauling développe, en fin de carrière, une passion (qui a peut-être été terminale) au sujet des effets de cette petite molécule sur la santé.2 Il a convaincu le chirurgien général de l'Écosse, Ewan Cameron, et ses collègues d'essayer d'administrer de fortes doses de vitamine C par voie intraveineuse à des patients atteints de tumeurs malignes inopérables. Cameron a produit des comptes rendus sur 50 patients, mais dans un journal peu connu,3 et il a montré que dans nombre de cas, les tumeurs avaient semblé régresser. À cause de la controverse suscitée par ces résultats, on a réalisé des études cliniques sur la vitamine C, qui n'ont révélé aucun avantage. Pauling ne fut cependant pas satisfait, surtout que les études avaient utilisé des doses beaucoup plus faibles de vitamine C administrée par voie orale. Il a demandé au National Cancer Institute des États-Unis de revoir 25 cas qui, selon lui, présentaient des signes de rémission complète du cancer à la suite d'une thérapie à forte dose de vitamine C administrée par voie intraveineuse. Après une étude attentive, le groupe d'examen a conclu en 1991 que dans chaque cas, la rémission observée pouvait s'expliquer autrement. Il pouvait par exemple y avoir eu rémission spontanée; il n'y avait en outre aucun sujet témoin. Le plus important, c'est que la vitamine C ne pouvait agir comme agent chimiothérapeutique. On ne connaissait pas de voie biochimique qui aurait permis à la vitamine C de tuer des cellules cancéreuses. La passion de Pauling s'est éteinte avec le rapport et, finalement, avec sa mort en 1994. Au cours de la dernière décennie, toutefois, une nouvelle compréhension de sa biochimie a ravivé l'intérêt suscité par la vitamine C. On sait maintenant que l'acide ascorbique, un antioxydant, est un donneur spécifique d'électrons pour 8 enzymes et que, sur le plan biologique, il peut faire plus que simplement prévenir le scorbut. Dans ce numéro, Sebastian J. Padayatty et Mark Levine passent en revue ces événements et soutiennent qu'une carence subclinique en vitamine C peut être plus courante qu'on le pense (page 353). À la page 351, L. John Hoffer soutient que c'est le moment de réévaluer l'utilité possible de la vitamine C dans le traitement du cancer. Signalant des erreurs de conception des études randomisées portant sur la thérapie à la vitamine C publiées au cours des années 1970, Hoffer soutient que même si d'autres explications sont possibles, nous ne pouvons exclure la vitamine C administrée à forte dose par voie intraveineuse comme cause des rémissions constatées chez les patients de Cameron. Un tel résultat n'est plus impossible. Les progrès scientifiques accroissent les possibilités de miracle. JAMC Références
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