Volume 29 numéro 10 - 1er juin 1997

Cinq dossiers à la Cour supême, dont un du Québec

Au menu pour la prochaine année

Sylvie Roussel, avocate


Le 24 avril dernier, la Cour suprême du Canada a accordé l'autorisation de pourvoi dans cinq dossiers, dont un en provenance du Québec. Nous nous proposons de décrire sommairement les questions dont sera saisi notre plus haut tribunal d'ici la fin de la prochaine année.



Succession Clément Guillemette et al c. J.M. Asbestos Inc. -et entre- Commission d'appel en matière de lésions professionnelles et al c. J.M. Asbestos Inc. et al (Québec) (No C.S.C. 25617)

À l'emploi de l'intimée, une entreprise spécialisée dans l'extraction et préparation de fibres d'amiante, le travailleur, M. Clément Guillemette, est décédé en août 1986 d'un cancer pulmonaire. Bien qu'il avait été exposé à des fibres d'amiante dans le cadre de son travail, il avait fumé plus d'un paquet par jour pendant plusieurs années.

Alors qu'il était toujours vivant, il avait demandé à la CSST de reconnaître qu'il était atteint d'une maladie professionnelle pulmonaire mais sa demande lui a été refusée.

Après le décès de son époux, Mme Guillemette a déposé une demande d'indemnisation à la CSST visant à faire reconnaître le lien causal entre le travail de son époux et son décès. Sa demande a été accueillie le 5 juin 1987.

Statuant en appel tant sur la première décision de la CSST que sur la deuxième, la CALP a déclaré qu'il y avait ouverture en faveur du travailleur à l'application de la présomption édictée à l'article 29 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (ci-après, la Loi) et il était donc présumé atteint d'une maladie professionnelle.

Considérant que M. Guillemette était atteint d'une maladie visée par la section V de l'annexe I et considérant que l'employeur n'avait pas réussi à repousser la présomption, la CALP a donné gain de cause à la succession et la veuve.

Saisie d'une requête en contrôle judiciaire, la Cour supérieure a annulé la décision de la CALP et a déclaré que M. Guillemette n'avait pas été victime d'une maladie professionnelle. Selon elle, la CALP avait changé les règles de preuve en appliquant la présomption prévue à l'article 29 au travailleur atteint d'une maladie non visée par l'annexe I de la Loi.

La Cour d'appel, à la majorité, a rejeté les appels de la veuve et de la succession. De l'avis du juge Beauregard, la CALP avait interprété l'article 29 ainsi que la section V de l'annexe I de la Loi de façon incorrecte et contraire à l'intention du législateur, violant ainsi la Loi. Il a considéré ces dispositions de droit public et a statué que la CALP se devait de les interpréter correctement, à défaut de quoi, les tribunaux supérieurs seraient justifiés d'intervenir.

La Cour suprême sera donc appelée à décider quelle est la norme de contrôle judiciaire applicable à l'examen par la Cour supérieure de l'interprétation par la CALP de la portée de la présomption légale établie en faveur des travailleurs par l'article 29 et la section V de l'annexe I de la Loi.



Sa Majesté la Reine c. Al Klippert Ltd. (Alberta) (No C.S.C. 25670)

Enjoint de cesser toutes ses activités minières par ordonnance de l'officier responsable du zonage (Chief Development Control Officer),
l'intimée ne se pourvoit pas en appel de cette décision, malgré son droit d'appel prévu à la loi. Malgré qu'elle obtempère à l'ordonnance, elle fait défaut de remettre les lieux en état. Se voyant accusée en vertu du paragraphe 154 b) du Planning Act de l'Alberta, elle conteste la validité de l'ordonnance devant la Cour provinciale. Dans cette affaire, la Cour suprême devra déterminer si l'intimée peut soulever l'invalidité de l'ordonnance devant un autre forum judiciaire que celui prévu par la Loi.



Batchewana Indian Band et al c. John Corbière et al (Ontario) (No 25708)

La Cour sera appelée à décider si la qualité de résident exigée pour voter au poste de chef de bande indienne tel que le prévoit le paragraphe 77(1) de la Loi sur les indiens viole le droit à l'égalité prévu à la Charte canadienne des droits et libertés.



Le Procureur général de l'Ontario c. M. et H. (Ontario) (No 25828)

La Cour sera appelée à décider si un conjoint du même sexe peut, en vertu de la Loi ontarienne sur le droit de la famille réclamer de son concubin une pension alimentaire?



Sa Majesté la Reine c. Henry Gerard Cuerrier (Colombie-Britannique) (No C.S.C. 25738)

Finalement, la Cour suprême se prononcera sur la validité du consentement d'une personne à avoir une relation sexuelle non protégée avec une autre personne atteinte du virus VIH sans que cette information ne lui soit communiquée. La personne atteinte du virus se rend-t-elle coupable de voies de fait graves?

Également d'intérêt, l'affaire Erichs Tobiass c. Le ministère de l'Emploi et de l'Immigration -et entre- Helmut Oberlander c. Le ministère de l'Emploi et de l'Immigration -et entre- Johann Dueck c. Le ministère de l'Emploi et de l'Immigration (C.A.F. - Ontario) (No C.S.C. 25811), dont la permission a été accordée le 3 avril dernier, sera entendue le 26 juin prochain. Dans cette affaire, la cour sera appelée à se prononcer sur l'impact d'une conversation entre le juge en chef d'une Cour et le sous-ministre adjoint au bureau du Procureur général et portant sur des dossiers devant sa cour. Elle devra déterminer si cet entretien soulève une crainte raisonnable de partialité.

Sauf pour l'affaire Tobiass, ces appels devraient tous être entendus soit en fin de cette année ou au courant de la session d'hiver, l'année prochaine.

Sylvie Roussel est avocate chez Noël, Berthiaume (Hull, Québec)