Présenté par
Gaétan Caron
Membre de l'Office
Office national de l'énergie
Troisième Forum québécois sur l'énergie
Montréal, Québec
Le 20 septembre 2004
Je suis ravi de pouvoir m'associer aux travaux de cette conférence. Je remercie les organisateurs d'y avoir invité l'Office national de l'énergie. Comme le disait si bien le programme préliminaire, l'énergie et la sécurité énergétique sont les questions de l'heure au Québec. Je pense que l'énergie est aussi la question de l'heure au Canada tout entier et en Amérique du nord.
Je vous propose une démarche en cinq étapes. En premier lieu, la situation québécoise en énergie sera comparée au Canada dans son ensemble et en Amérique du nord.
Ensuite, nous parlerons du rôle des principaux joueurs dans l'évolution future du secteur énergétique.
Les principaux enjeux auxquels le Québec, le Canada et l'Amérique du nord toute entière font face, seront identifiés.
Face à ces enjeux, des éléments de solution seront proposés.
Finalement, un modèle décisionnel sera présenté.
Avant d'aborder le sujet lui-même, voici un bref aperçu de qui nous sommes.
L'Office compte actuellement huit membres, oeuvrant tous à temps plein. 300 employés y travaillent. L'organisme est situé à Calgary depuis 1991. Nous sommes un organisme indépendant. Nos rapports annuels sont déposés au Parlement par le ministre des Ressources naturelles.
La Loi sur l'Office national de l'énergie (Loi sur l'ONÉ) énonce les principales fonctions de l'ONÉ. Celles-ci consistent à réglementer, dans l'intérêt public, plusieurs aspects du secteur de l'énergie, notamment la construction et l'exploitation des pipelines, celle des lignes internationales de transport d'électricité, les droits et les tarifs des pipelines, les exportations de pétrole, de gaz et d'électricité, et les activités de mise en valeur du pétrole et du gaz dans les Territoires du nord-ouest et dans certaines zones au large des côtes.
L'Office doit aussi offrir des conseils au ministre des Ressources naturelles concernant la mise en valeur et l'utilisation des ressources énergétiques.
À noter que le secteur énergétique au Canada représente 6 % du Produit Intérieur Brut.
L'Office s'est doté de cinq grands objectifs, énumérés ci-dessus, en vue d'assurer la sécurité de la population, protéger l'environnement, maximiser les avantages économiques, et respecter les droits de ceux qui sont touchés par les installations et les activités énergétiques relevant de sa compétence.
Commençons donc notre démarche en observant quelques données au niveau mondial qui ont des incidences importantes au Québec, au Canada et en Amérique du nord. Quand on parle d'énergie au niveau planétaire, on parle du pétrole comme principal commun dénominateur. Examinons brièvement le prix du pétrole sur les marchés internationaux et la demande mondiale en pétrole, puisque ces dernières données influencent grandement les prix de l'énergie en Amérique du nord.
Le diagramme ci-dessus fait état des prix du pétrole au cours des cinq dernières années. Seulement cinq ans se sont écoulés depuis que les prix tournaient autour de 10 $ le baril et que de nombreux experts nous invitaient à nous préparer à affronter des prix qui descendraient sous la barre des 10 $. Ce fut le cas pendant une courte période, mais les prix du pétrole ont rapidement pris une toute autre direction ces quatre dernières années.
Pendant presque toute l'année 2003 et jusqu'à date cette année, le panier de l'OPEP s'est négocié à un prix supérieur à celui que l'OPEP avait ciblé, soit 25 $ US le baril, au milieu de la fourchette de prix cible de $22 à $28. Plusieurs experts estiment aujourd'hui qu'il faut s'attendre à ce que les prix futurs du baril de pétrole se situent bien au-dessus de cette fourchette. Mais souvenez vous de l'avis des experts en 1999!
Il y a toutefois des raisons fondamentales de croire que les prix du pétrole continueront d'être élevés. La demande de pétrole brut, illustrée ici, continuera de progresser dans le monde malgré le niveau actuel des prix. La reprise de l'économie dans l'hémisphère occidental conjuguée à la forte croissance des marchés asiatiques est fortement responsable de cette situation.
Notes : Sources des données - BP Historical Review 1980-2003; PEL Forecast 2003-2010. La catégorie « Autres » comprend l'Afrique et l'Amérique latine.
Le pétrole représente 43 % de la demande globale en énergie, sa composante de loin la plus importante. Les parts du gaz naturel et de l'électricité sont environ la même, soit approximativement 15 %.
Soulignons que le Canada représente environ 3 % de la demande mondiale en énergie. Le Québec représente u cinquième de la demande au Canada.
Note : Sur ce graphique, la catégorie « Autres » inclut l'énergie éolienne, solaire, géothermique, etc.
Faisons maintenant un survol, en altitude, du paysage des tendances des marchés énergétiques au Québec, au Canada et en Amérique du nord, dans ce contexte mondial que nous avons effleuré.
Comparons d'abord ldes bilans énergétiques du Québec et du Canada dans son ensemble.
Un point commun : l'importance relative du pétrole dans le bilan : 39 % au Québec, 38 % au Canada, presqu'identique.
Les différences ne surprendront pas : le Québec satisfait 36 % de sa demande grâce à l'électricité, en grande partie l'hydro-électricité, alors qu'au Canada la part de l'électricité est de 20 %, à peine plus que la moitié du pourcentage québécois. À souligner à ce chapitre que le % d'électricité dans ce bilan inclut la production d'électricité à partir du nucléaire, notamment en Ontario, et à partir du charbon, notamment en Alberta où près de 70 % de l'électricité provient de cette source.
Autre différence non surprenante : au Canada dans son ensemble, le gaz naturel occupe 27 %, alors qu'au Québec la proportion est à peu près la moitié, soit 13 %.
À l'heure actuelle, le Canada produit environ deux millions et demi de barils par jour. On s'attend à ce que sa production passe à trois millions et demi de barils par jour d'ici 2025.
La production à partir des sables bitumineux est en croissance rapide et elle deviendra très bientôt la source principale de pétrole au Canada.
Le Québec, pour sa part, ne produit pas de pétrole, donc sa dépendance des marchés extérieurs en termes de brut est complète. Notons cependant qu'avec la capacité de raffinage de ses trois raffineries, le Québec est plus qu'autosuffisant en termes de produits raffinés.
Les exportations aux États-Unis représentent maintenant 63 % de la production totale. Nous sommes devenus le fournisseur de pétrole et produits pétroliers le plus important pour les Américains, plus importants encore que l'Arabie Saoudite.
Passons maintenant au gaz naturel qui représente, rappelons le, 13 % du bilan énergétique québécois et 27 % du bilan canadien.
Dans le cas du gaz naturel, il convient de montrer l'évolution des prix au niveau continental, car le marché du gaz naturel est mieux défini à ce niveau, quoique de plus en plus les influences mondiales se font sentir.
Les prix du gaz naturel ont beaucoup augmenté depuis 1990. Depuis l'hiver 2000, du fait de la croissance prononcée de la demande, du passage à maturité de nombreux bassins d'approvisionnement et des prix élevés du pétrole, les prix ont atteint une moyenne de 5,60 $CAN/106 Btu et ont montré une grande volatilité. La direction que les prix emprunteront dépendra du cadre des politiques énergétiques en Amérique du nord, et de la façon dont l'offre et la demande réagiront aux prix et de certaines décisions que nous, les organismes de réglementation en Amérique du nord, prendrons au niveau notamment des nouvelles infrastructures.
Source : Rapport de l'Association canadienne des producteurs pétroliers intitulé « CAPP Natural Gas Report: weighted average of all deals completed in previous month for month of delivery ».
Cette illustration fait état de la demande de gaz naturel passée et future en Amérique du nord. On prévoit une forte demande d'un bout à l'autre du continent en raison de la propreté du gaz relativement au pétrole et au charbon, et de son haut rendement énergétique pour le chauffage des locaux et la production d'électricité.
Le bassin sédimentaire de l'Ouest canadien (BSOC) représente un élément important dans l'établissement des perspectives d'avenir concernant le gaz naturel. Il est la principale source de gaz naturel au Canada et il assure plus de 20 % de l'approvisionnement en Amérique du nord. Il y a aussi le bassin au large des côtes de la Nouvelle-Écosse. La production de gaz a progressé rapidement depuis le milieu des années '80. Cette progression a été en grande partie entraînée par la croissance des exportations aux États-Unis. Plusieurs estiment que la production du BSOC semble maintenant plafonner. Toutefois, le Canada possède de vastes ressources en gaz naturel, notamment le méthane des gisements houillers et le gaz des régions pionnières. De plus, on examine actuellement plusieurs endroits au Mexique, aux États-Unis et au Canada pour la construction éventuelle de terminaux d'importation de gaz naturel liquéfié (GNL).
Il est clair que d'importants investissements devront être effectués afin de se doter d'approvisionnements à la hauteur de la demande.
Rappelons en quelques mots ce qu'est le gaz naturel liquéfié. Il s'agit de gaz naturel, comme on le connaît bien, mais refroidi à une température de moins 160 oC et maintenu à une pression un peu supérieure à la pression atmosphérique. À ces conditions, le mélange de méthane et d'autres hydrocarbures qui constituent le gaz naturel devient liquide, donc transportable sous des conditions beaucoup plus économiques, puisqu'il prend 600 fois moins de place en termes de volume qu'en phase gazeuse. Cet avantage économique permet de le transporter par voie maritime sur de longues distances, ce qui serait impossible sous forme gazeuse donc par gazoduc, étant donné les coûts prohibitifs. Il s'agit de prévoir des installations de liquéfaction au point de départ du transport maritime (pensez simplement à un immense congélateur), et des installations de regazéification au point d'arrivée (pensez ici à un échangeur de chaleur accompagné de compresseurs) permettant de convertir le liquide sous forme gazeuse et de le comprimer de telle sorte qu'il puisse être transporté par pipeline.
Cette image montre le genre de méthanier utilisé pour transporter le GNL.
Je suis sur que vous avez entendu parler de projets de terminaux méthaniers. Cette carte montre ce qui a été discuté jusqu'à ce jour dans les média en termes de projets en Amérique du Nord.
On parle au total d'une cinquantaine de projets dont presque une dizaine au Canada. Les observateurs s'entendent pour dire que seulement quelques uns de ces projets verront le jour.
J'ai identifié il y a quelques minutes une source future potentielle de gaz naturel : le méthane des gisements houillers. Il y a une vingtaine de projets pilotes au Canada. Plusieurs observateurs croient que le potentiel est énorme. Selon certaines estimations, il pourrait y avoir sous cette forme jusqu'à neuf fois le montant de gaz naturel conventionnel encore disponible dans le bassin sédimentaire de l'ouest canadien.
Cette illustration montre une installation typique. Un simple puits, creusé dans un gisement de charbon, produisant une quantité de gaz naturel plus petite qu'un puits conventionnel mais capable de produire à un taux stable pendant une période de temps considérablement plus longue - on parle de 20 à 30 années dans certains cas.
Quant à la destination de la production canadienne de gaz naturel, la situation ressemble à celle du pétrole. 60 % des 16 à 17 milliards de pieds cubes de gaz naturel produit quotidiennement au Canada est acheminé vers les marchés américains. 94 % du gaz naturel importé par les États-Unis provient du Canada. Notre production contribue à 17 % de la demande en gaz naturel des États-Unis.
Tout comme dans le cas du pétrole, on peut parler d'intégration des marchés du gaz naturel en Amérique du nord.
Passons maintenant à l'électricité qui représente, rappelons le, 36 % du bilan énergétique québécois et 20 % du bilan canadien.
On constate que les prix sont souvent inférieurs au Canada, relativement aux villes américaines adjacentes. Dans le cas de l'électricité, le prix est formé en termes régionaux, comparé au gaz qui a un prix continental, et le pétrole qui a un prix formé au niveau mondial. De plus, l'électricité est dans la grande majorité des cas établi par décision réglementaire, alors que les prix du gaz et du pétrole sont établis en grande partie par les marchés.
À l'échelle canadienne, en utilisant le tarif résidentiel comme barème, le Québec est en avant dernière position. Le Manitoba, qui lui aussi est riche en ressources hydrauliques, affiche un tarif légèrement inférieur. Les prix les plus élevés étaient à Edmonton et à Charlottetown.
La demande totale en électricité au Canada en 2003 était de 563 TW.h. Au cours des derniers dix ans, la demande a augmenté en moyenne de 2 % par année.
Cette illustration montre la demande par province. Le Québec a la plus grande part de la demande canadienne, soit 35 %, pour une raison qui nous est évidente, soit la richesse hydro-électrique du Québec. Au deuxième rang, nous avons l'Ontario, avec 28 %, et la Colombie-Britannique en troisième place avec 12 % de la demande canadienne.
Côté production, le Canada a une puissance installée totale de 118 gigawatts (GW). Environ 60 % de cette puissance est hydraulique. Le reste est en grande partie nucléaire ou thermique, dans ce dernier cas alimenté au charbon ou au gaz naturel.
Le Québec contribue à 31 % de la production électrique au pays, l'Ontario 27 %.
Au Canada, la production n'a pas suivi la croissance de la demande au cours des deux dernières décennies de sorte que les marges de réserve n'ont cessé de décliner. La demande d'électricité devrait continuer de croître environ au même rythme que l'économie, ce qui nécessitera d'importants investissements dans de nouvelles installations de production, ou une augmentation des importations. À ce rythme, il sera nécessaire d'augmenter la capacité de production de quelque 40 gigawatts au cours des deux prochaines décennies.
On parle généralement moins du nucléaire que des autres sources d'énergie. Cependant, il faut souligner que cette source d'énergie a contribué de façon importante à l'équilibre de l'offre et la demande. Le nucléaire représente environ 13 % de la production canadienne d'électricité. Le tableau ci-dessus énumère les unités en production. On parle de prolonger la vie utile des installations existantes. En Ontario, l'option nucléaire fait partie de la stratégie d'approvisionnements énergétiques à long terme de la province.
Nous savons que nous aurons besoin de combustibles fossiles au moins jusqu'en 2025. Cependant, nous savons qu'il y beaucoup de place pour des ajustements dans le secteur industriel, notamment grâce à l'utilisation efficiente de l'énergie, et que ces ajustements sont pour la plupart dictés par le marché, en partie en réponse au prix de l'énergie. On peut dire la même chose du côté résidentiel : de plus en plus, les citoyens parlent de conservation et des énergies nouvelles, s'en informent et s'y intéressent.
L'utilisation efficiente de l'énergie est un des buts ultimes visés par le développement technologique et une condition de base dans les scénarios de développement durable. La technologie a également une incidence sur les énergies nouvelles, sur l'énergie solaire passive, par exemple.
Selon les estimations de l'ONÉ, les énergies émergentes (incluant l'éolien, la biomasse, les mini-centrales hydrauliques et le solaire) représentent actuellement environ 1.5 % de la production d'électricité au Canada. Selon nos analyses, cette proportion pourrait quintupler et aller jusqu'à 8 % d'ici 2025. Autrement dit, les énergies nouvelles pourraient quintupler leur part dans la production d'électricité au Canada d'ici l'an 2025.
La plus grande partie de la production canadienne en électricité est destinée au marché intérieur. Les exportations ont généralement varié entre 7 et 9 % de la production canadienne. Au cours des trois dernières années, les exportations ont chuté significativement, en raison principalement des conditions d'hydraulicité défavorables. En conséquence, le Canada est devenu un importateur net d'électricité au quatrième trimestre de l'année dernière. Cependant, sur la base des plus récentes données disponibles, nous estimons que les exportations nettes se sont redressées au cours des deux derniers trimestres.
Le degré d'intégration des marchés de l'électricité n'est pas aussi élevé que celui des secteurs du pétrole et du gaz naturel. Cependant, comme cette illustration le montre, tant les exportations que les importations ont séparément montré une claire tendance en hausse à long terme, donc les marchés sont quand même bien intégrés.
La situation au Québec est comparable. Le Québec est devenu un importateur net d'électricité au cours du quatrième trimestre de 2003.
En résumé, les situations énergétiques au Québec, au Canada dans son ensemble, et en Amérique du nord toute entière ont beaucoup de points en commun. Les prix de l'énergie demeureront vraisemblablement élevés et volatils jusqu'à la fin de la décennie. Quoique que l'on continuera d'améliorer l'efficacité énergétique, la croissance économique déterminera la croissance de la demande d'énergie. La demande en énergie sera en hausse, malgré les prix élevés. Pour satisfaire à la demande, l'industrie intensifiera ses activités dans les secteurs de la production d'énergie conventionnelle et de la mise en valeur des sources d'énergie non conventionnelles telles que le méthane des gisements houillers et les gisements gaziers au large des côtes dans les régions pionnières, les sables bitumineux, et l 'importation de GNL. Outre les capitaux requis pour mettre en valeur de nouveaux approvisionnements en pétrole, en gaz et en électricité, il faudra investir dans les sources d'énergie nouvelles ainsi que dans la conservation.
Au total, les dépenses actuelles de 30 à 40 milliards de dollars par année dans le secteur énergétique au Canada devront passer à 50 milliards de dollars environ au cours des 10 prochaines années.
Dans une économie de marché comme la nôtre, les forces du marché et les gestes des agents économiques définissent l'état et l'évolution du secteur énergétique. Ces forces du marché sont en interaction constante avec d'autres facteurs externes aux marchés. De plus, ces marchés opèrent dans un cadre politique et réglementaire.
L'incidence des facteurs externes au marché se fait de plus en plus sentir. D'abord, le désir de la population de vivre dans des milieux sains et diversifiés représente un aspect fondamental de l'intérêt public.
La participation croissante des citoyens aux processus de réglementation est un autre facteur. L'Office a récemment établi de nouveaux records en ce qui concerne le nombre de participants à ses audiences. En plus d'être soucieuses de l'environnement et de la santé, de nombreuses collectivités posent de plus en plus de questions sur les propositions d'aménagements industriels.
Les populations autochtones s'intéressent de plus en plus à l'exploitation des ressources sur leurs terres traditionnelles. Les effets sur l'environnement, les retombées économiques des activités d'exploitation, les conséquences de ces activités sur leurs droits ancestraux ou issus de traités sont autant de questions qui les préoccupent. De plus, l'obligation de l'État de consulter les peuples autochtones lorsque la mise en valeur des ressources risque de porter atteinte à leurs droits ancestraux ou issus de traités pose d'autres défis.
Rappelons que le Canada continue de souscrire pleinement aux principes des mécanismes de marché. Toutefois, pour la première fois en 20 ans, certains intervenants de l'industrie demandent aux gouvernements de revoir les politiques de l'énergie. Tandis que certains ne souhaitent que des ajustements, d'autres sollicitent un cadre politique plus explicite et plus précis.
Parlons maintenant du rôle des organismes de réglementation. Deux termes résumeront leur rôle dans les marchés émergents : « protéger » et « faciliter ».
Nous sommes probablement plus familiers avec le rôle de protection qui incombe aux organismes de réglementation. En effet, la plupart des questions que nous examinons lors de nos audiences publiques portent sur la protection des biens, la protection des droits, la protection des revenus, la protection de la sécurité, la protection des consommateurs, la protection de l'environnement, la protection de la faune, et ainsi de suite. Ainsi, la notion de « protection » est bien comprise.
Pour assumer toutes nos responsabilités, nous devons aussi viser l'autre objectif complémentaire : faciliter. On ne peut en favoriser un objectif au détriment de l'autre. Nous utilisons le mot « faciliter » parce qu'il implique la notion de « rendre possible ». Il faut investir dans les infrastructures énergétiques pour transporter l'énergie là où les consommateurs en font la demande - chauffer nos maisons, alimenter nos appareils, assurer notre transport et fabriquer les produits. Pour faciliter les investissements requis, il faut des processus et des politiques de réglementation efficients.
Par faciliter, nous entendons fournir un cadre efficient et efficace pour la divulgation de l'information et les négociations entre les intéressés afin de réduire l'incertitude et les délais. Faciliter implique aussi l'établissement de règles précises qui protègent tout autant les investisseurs que les consommateurs.
Enfin, faciliter signifie que nous avons aussi la responsabilité d'assurer que les projets jugés dans l'intérêt public vont de l'avant.
Il est évident que, comme société, nous envisageons une croissance économique continue. On peut être d'avis divers quant au rythme de croissance, mais personne ne prévoit une contraction économique à court ou à long terme. De cette constatation dérive une autre : une économie en croissance requiert davantage d'énergie pour la supporter. Même en supposant des hypothèses très vigoureuses en termes d'efficacité énergétique, la demande en énergie est en croissance. Il en découle que les approvisionnements en énergie devront répondre à la demande. Les lois du marché s'en occuperont.
Les enjeux environnementaux, définis au sens large, représentent un défi de taille. Il est relativement aisé de s'entendre sur les questions philosophiques. Devrait-on se soucier de l'environnement? Devrait-on souscrire aux principes fondamentaux du développement durable? La très grande majorité des citoyens répondent par un « oui ». Le défi apparaît lorsque nous devons faire des choix, prendre des décisions. C'est à ce moment que les différends se manifestent, sur le « comment » et sur le « quand ».
On parle moins des choix sociaux, mais ils se manifestent. Par exemple, les prix plus élevés de l'énergie ont une incidence sur la pauvreté et sur les programmes sociaux. De quelle façon une société doit-elle répondre à cette réalité? La même chose avec les décisions quant à la vocation du territoire : sous quelles conditions permettrons-nous le développement industriel? Peut-on se permettre de ne pas laisser les industries mobiliser des terres, quand nous exigeons de notre économie qu'elle continue sa croissance? Ces questions représentent des choix que nous devons aborder dans le cadre d'une définition de la qualité de vie, définie de façon très large, et elles impliquent tous les citoyens.
Enfin, le cadre réglementaire représente aussi un des enjeux principaux auxquels nous faisons face. Plusieurs des intervenants du milieu de l'énergie exigent de leurs organismes de réglementation des améliorations quant au processus et à la portée de leurs gestes.
On a beaucoup parlé dernièrement de la façon dont la réglementation peut constituer une entrave aux investissements souhaitables. J'ai parlé plus tôt de l'intégration accrue des marchés de l'énergie. Toutefois, la réglementation n'a pas suivi la tendance. Tandis que les marchés des produits sont devenus plus intégrés et moins réglementés, la réglementation des infrastructures au Canada s'est engagée vers le cloisonnement des compétences et des régions.
Il en résulte une tension entre les deux mondes, celui des marchés de produits et celui des infrastructures, où il est maintenant plus difficile de mettre en marche de nouveaux projets énergétiques.
Ayant énoncé ce que sont, à mon avis, les enjeux stratégiques principaux en énergie au Québec et au Canada, et aussi en Amérique du nord, passons maintenant à l'identification de certains éléments de solution.
Les marchés eux-mêmes ont évidemment leur part à faire. Les marchés devront investir, dans les infrastructures et dans la recherche. Étant donné leur expertise et l'incidence de leur choix, les participants au marché devront continuer à contribuer aux débats publics, tant au niveau des grandes politiques que les débats réglementaires plus spécifiques.
Les gouvernements vont évidemment continuer à mettre en place des politiques qui auront un impact direct ou indirect sur l'avenir des questions énergétiques. Ils ont aussi un rôle primordial dans l'identification des domaines de recherche dont la société toute entière pourrait bénéficier, puisqu'ils oeuvrent au-dessus des intérêts spécifiques à une entreprise ou un secteur. Enfin, puisque ce sont les gouvernements qui créent les organismes de réglementation, ces gouvernement peuvent ajuster le tir et aider ces organismes à se moderniser et s'adapter quand une loi ou un règlement est nécessaire à cette fin.
Enfin, nous les organismes de réglementation avons un rôle à jouer dans l'évolution des enjeux énergétiques et leur solution. Nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir afin de conserver notre impartialité. « Si nous ne sommes pas justes, nous ne sommes rien ». Nous devons aussi être constamment à l'affût des améliorations possibles à nos processus. La modernisation de la réglementation est un projet qui n'est jamais achevé. Elle implique la recherche de partenariats avec d'autres organismes, la simplification des processus, une réglementation axée sur les résultats, la publication d'information impartiale, et un engagement efficace des citoyens dans les processus d'audiences.
Voici un exemple de partenariat auquel l'Office a beaucoup contribué. L'examen d'un projet de construction de gazoduc à partir du Delta du fleuve Mackenzie jusqu'au réseau pipelinier existant implique au moins une douzaine d'organismes réglementaires et d'agences chargées de faire l'évaluation environnementale d'au moins un aspect du projet. Nous avons réussi à nous entendre, par l'intermédiaire d'un plan de coopération, à ce qu'il n'y ait qu'un seul processus de consultation auprès du public, bien que chaque organisme participant conserve ses pouvoirs. Nous sommes très fiers de cette réalisation.
Une demande devrait être soumise incessamment et le processus réglementaire devrait être terminé à l'intérieur d'un délai de deux ans.
Finalement, il faut bien faire des choix. Je ne vous offre pas de réponse particulière, bien sur, mais j'ai pensé vous offrir un modèle décisionnel très simple, probablement bien évident.
Je suis d'avis que nos choix doivent être basés sur une information objective et la plus complète possible, et sur un éventail de solutions de rechange bien étoffées avec une énumération impartiale des pour et des contre. C'est élémentaire. Mais il est tout aussi important que nos choix tiennent compte des interactions inévitables entre toutes les formes d'énergie. Aussi, nos choix doivent tenir compte des interactions avec les choix des autres, que ce soient nos voisins, nos partenaires, ou nos concurrents. Toute décision que nous prenons a des effets ricochets, réels, et qui peuvent avoir une incidence sur nous-mêmes.
Les questions soulevées par les grands débats actuels relèvent de la société dans son ensemble. Les forces du marché opèrent au centre de toute question énergétique. Puisqu'il y a débat, l'apport des intervenants est essentiel. Le rôle d'encadrement des gouvernements, par l'intermédiaire des lois qu'ils passent, est évident. Mais permettez-moi de souligner le rôle des organismes de réglementation comme l'Office. Ces organismes disposent d'outils et de connaissances capables de fournir une analyse tout à fait impartiale pour nourrir le débat de faits, de données, et de solutions de rechange.
Comme participants au débat, nous avons tous intérêt à assimiler et intégrer l'information disponible, et il y en a beaucoup. Une solide connaissance de la dimension nord-américaine est essentielle. Une grande maîtrise des interactions entre régions, entre formes d'énergie, et entre les propositions de solutions à nos enjeux de société est aussi tout à fait essentielle.
Le modèle présenté dans cette illustration résume mes propos.
Il est essentiel de bien comprendre les effets ricochets d'une solution en apparence optimale. L'exemple qui peut vous venir à l'esprit à ce sujet est l'incidence d'un choix de produire ou non d'avantage d'électricité à partir d'hydrocarbures. Si nous répondons par la négative, il se peut que l'effet ricochet soit l'importation davantage d'électricité des États-Unis. Or, il est possible que la production américaine qui leur est surplus aie des incidences environnementales plus négatives qu'une production canadienne basée sur la toute dernière technologie. Soulignons à cet effet qu'environ 50 % de la production d'électricité aux États-Unis provient de la combustion du charbon. À tout le moins, une analyse rigoureuse de la question exige que l'on se penche objectivement sur la possibilité d'un effet ricochet, direct ou indirect, lequel peut être pire que le problème original.
J'aimerais en conclusion vous rappeler que l'Office national de l'énergie est un organisme qui vous appartient, à titre de sociétaires. Il s'agit d'une institution de portée nationale. Notre site Internet contient une grande quantité de documents sur l'état et l'évolution des marchés au Canada et dans les provinces. Dans la mesure où des choix éclairés en matière d'enjeux de sociétés nécessitent une base solide en termes de faits, de données et d'analyses objectives et impartiales, je vous encourage à nous consulter. C'est un de nos buts d'être près des citoyens. Je vous exhorte à utiliser cet outil de travail. C'est le vôtre, n'ayez aucune hésitation à ce sujet. Et pour vous appuyer dans cette démarche, je vous fournis sur cette page plusieurs points d'entrée à l'Office, y compris la liste du personnel et leurs responsabilités, ma propre adresse de courriel, et notre numéro 800 qui peut vous aiguiller n'importe où dans l'organisation.
Merci de votre intérêt, bon forum, et je serai ravi de répondre à vos questions.