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Novembre/Décembre
2002
Vol. 34, no 6

Le monde dans une image

Daniel St-Hilaire, Services de recherche et d’information

Le texte qui suit est un entretien avec Marie-Louise Gay, l’illustratrice qui a conçu les dessins pour Lire me sourit.

Marie-Louise Gay, vous avez étudié à l’Institut des arts graphiques de Montréal et à l’Academy of Art College de San Francisco. Avec un tel parcours, pourquoi avez-vous choisi d’illustrer le monde de l’enfance ?

Au départ, je ne me destinais pas vraiment à l’illustration pour enfants. Cette idée m’est venue un peu plus tard. J’ai commencé à créer des bandes dessinées et des illustrations éditoriales pour différents magazines lorsque j'étais encore étudiante. Le déclic s’est produit lors de mon retour de San Francisco, lorsqu’on m’a proposé, tout à fait par hasard, d’illustrer un livre pour enfants. Ce fut pour moi une révélation. Mais ce n’est qu’après plusieurs années que j’ai finalement décidé de me consacrer entièrement à cette nouvelle passion qui fait partie aujourd’hui de ma démarche créatrice.

J’ai été très étonné d’apprendre que vous n’avez commencé à dessiner de façon sérieuse qu’à l’adolescence. Comment expliquez-vous que ce désir de dessiner se soit manifesté aussi tardivement ?

Lorsque j’étais enfant, c’est la lecture qui m’intéressait surtout. Je n’avais aucun don particulier et aucun intérêt pour le dessin. D’ailleurs, mon manque de talent était évident dans les cours d'arts plastiques et j'étais constamment obligée de refaire mes dessins.

Vers l’âge de 16 ans, j’ai commencé à gribouiller dans les marges de mes cahiers durant les cours. L’ennui aidant, mes gribouillis se sont transformés en dessins fantaisistes qui, petit à petit, ont envahi des pages entières. C’est alors que, à la suite des conseils de ma mère, j’ai décidé de poursuivre mes études à l’Institut des arts graphiques.

Vous avez aussi écrit et conçu des pièces de théâtre. Quelle place l’illustration occupe-t-elle dans votre travail de création théâtrale ? Est-ce que vous dessinez aussi les personnages, les décors, un peu comme dans vos livres ?

Ce n’est pas du tout pareil. L’illustration devient ici un complément à mon travail théâtral. C’est le texte qui prend une place plus importante. Je me sers de l'illustration pour m’aider à créer mes personnages et leur environnement, pour les imaginer en mouvement, comme des acteurs en trois dimensions. L'illustration donne une dimension physique à mon texte. Je dessine tous les décors, les costumes et les marionnettes. Ce sont des artisans qui les fabriquent par la suite.

Vous avez très aimablement accepté de dessiner l’affiche de Lire me sourit : Forum international de littérature canadienne pour la jeunesse, qui aura lieu en juin 2003 à Ottawa. Parlez-nous un peu de cette très belle illustration.

J'ai voulu créer une image joyeuse, contemporaine et vibrante. Puisque cette affiche s'adressait surtout à un public d'adultes qui travaille avec des enfants, elle devait évoquer le plaisir de lire pour ces deux publics. Il fallait y retrouver la fantaisie, l'humour et des personnages bien campés, dans une atmosphère onirique et magique qui ouvre les portes à l'imaginaire.

Chaque illustration porte sa signature. Celle du Forum international de littérature canadienne pour la jeunesse avec ses personnages d’enfants liseurs, assis au pied d’un château construit de livres empilés savamment les uns sur les autres, ressemble, il est vrai, aux personnages de mes livres. Pour le Forum, j’ai voulu faire une illustration qui s’adresse à tout le monde et non seulement aux enfants. Je n’ai pas cherché à raconter une histoire, comme je le fais lorsque j’illustre un livre, mais à reproduire une atmosphère particulière, propice à laisser notre imagination voyager.

Dessiner une affiche, est-ce que cela exige une approche différente de celle de concevoir l’illustration d’un livre ?

Lorsque je crée une illustration pour une affiche, je travaille avec une seule image. Je n’ai pas à faire évoluer des personnages à travers une histoire et donc à assurer une continuité dans le style, l'évolution des personnages ou la technique. Mon défi est tout autre, celui d'amorcer une histoire et de laisser libre cours à l’imaginaire de celui ou celle qui regarde l'affiche. J’aime alors m’attarder aux détails, semer des pistes, évoquer des possibilités jusqu’à ce que l’illustration prenne une dimension nouvelle, une force poétique imprévue. La liberté de créer tout un monde dans une seule image.

Lorsqu’on regarde vos illustrations, je pense à celle du Forum en particulier, on se dit que pour vous, l’essentiel tient aux détails. On est étonné et ravi à la fois de découvrir des détails précis qui nous avaient d’abord échappé. À quel moment décidez-vous que l’illustration est terminée ?

C’est une question très intéressante. Je dois avouer que j’ai gâché plusieurs illustrations au cours des années, justement parce que je n’ai pas su m’arrêter à temps. C’est difficile d’évaluer le moment décisif où l’on se dit qu’il faut s'arrêter. Chaque illustration est différente et mon travail consiste à trouver cet équilibre délicat entre l’élément central et les détails que j’y rajoute.

Parfois, avant de rajouter des éléments nouveaux, je dessine des détails : un lapin, un escargot, une chaussette rayée, sur des bouts de papier, puis je les déplace sur l'illustration, comme dans un jeu. Si j’aime le résultat, alors je l’intègre.

On ne le remarque pas nécessairement, mais il y a beaucoup de travail dans mes dessins. J’utilise divers médiums tels que l'aquarelle, les pastels, les crayons de bois, l'encre, et dernièrement, du collage. Mes collages, faits de papier japonais, ajoutent une autre dimension à mon illustration.

Lors du Forum, vous allez participer à une table ronde sur la place et l'originalité de l'illustration canadienne dans le monde. Pourquoi avez-vous envie de parler de ce thème en particulier ?

Ce qui m'intrigue, c'est comment nous pouvons définir la nationalité d'un style d'illustration. Pourtant, nous reconnaissons facilement la différence entre une illustration japonaise et une illustration polonaise, entre une image africaine et une œuvre inuite. Chaque pays produit des artistes qui ont été évidemment influencés et inspirés par l'histoire, la géographie, la tradition artisanale, les courants artistiques, culturels et socio-économiques de leurs pays respectifs et aussi un amalgame des courants artistiques universels. Comment définir l'originalité, le caractère unique de l'illustration canadienne ? Et de fait, comment expliquer la différence marquante entre l'illustration créée au Québec à celle du reste du Canada ?