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Volume 21, No 2- 2000

[Table des matières]
  Agence de santé publique du Canada

Évaluation pratique de la forme abrégée pour la dépression majeure du Composite International Diagnostic Interview auprès d'un échantillon de sujets choisis dans la collectivité

Scott B. Patten, Jennifer Brandon-Christie, Jennifer Devji et Brandy Sedmak


Volume 21, No 2 - 2000  


Résumé

Des questionnaires abrégés d'entrevues dirigées conçues pour déceler les troubles mentaux ont été mis au point récemment aux fins de la recherche épidémiologique et des enquêtes. Ces questionnaires abrégés peuvent contribuer à réduire les coûts de la recherche dans le cadre d'études à grande échelle; toutefois, ils sont peut-être moins exacts que les versions intégrales de l'entretien diagnostique. Nous avons évalué les valeurs prédictives positives et négatives d'un questionnaire abrégé tiré du Composite International Diagnostic Interview (CIDI). Les sujets ayant affiché des résultats positifs (n = 277) et ceux ayant obtenu des résultats négatifs (n = 136) en réponse à la forme abrégée pour la dépression majeure du CIDI (CIDI-SFMD) ont été invités à répondre à toutes les questions de la section du CIDI portant sur les troubles dépressifs. Presque tous les sujets qui avaient obtenu des résultats négatifs en réponse à la forme abrégée ont également été considérés comme ne souffrant pas de dépression majeure à la lumière du CIDI. Dans environ 25 % des cas, les résultats étaient faussement positifs; ces sujets étaient généralement plus âgés et moins scolarisés que les cas vraiment positifs. Près de 75 % des sujets ayant obtenu un score de cinq ou plus en réponse au CIDI-SFMD souffraient de dépression majeure selon la version intégrale du CIDI, et une proportion du reste présentaient des symptômes dépressifs moins sévères. Il est possible que certains sujets jugés positifs selon le CIDI-SFMD manifestaient des symptômes dépressifs consécutifs à des troubles d'origine organique ou à d'autres facteurs qui ne relevaient pas de la définition de la dépression majeure.

Mots clés : données statistiques et numériques; instruments de mesure; troubles dépressifs; troubles mentaux



Introduction

Le Composite International Diagnostic Interview (CIDI) est un questionnaire d'entretien diagnostique dirigé conçu pour être utilisé par des non-cliniciens. La dernière version de cet instrument (version 2.1) permet de poser des diagnostics psychiatriques conformes aux définitions de la quatrième édition du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-IV) de l'American Psychiatric Association ou de la dixième révision de la Classification internationale des maladies (CIM-10) de l'Organisation mondiale de la santé. Diverses formes abrégées du CIDI ont été mises au point récemment. L'une d'entre elles, la forme abrégée pour la dépression majeure du CIDI (CIDI-SFMD), a été utilisée dans le cadre d'enquêtes comme indicateur de la dépression majeure1,2. La présente étude visait à comparer les résultats de l'utilisation du CIDI-SFMD auprès d'un échantillon choisi dans une collectivité à ceux de l'utilisation subséquente de la section sur les troubles dépressifs de la version intégrale du CIDI.

Le deuxième objectif de l'étude consistait à décrire les caractéristiques des sujets ayant obtenu des résultats divergents en réponse au CIDI-SFMD et à la version intégrale du CIDI. Une des caractéristiques qui pourrait jouer un rôle important est la scolarisation, puisqu'il est possible que les sujets plus scolarisés fournissent des descriptions plus exactes de leurs symptômes dépressifs. Parmi les autres caractéristiques qui pourraient être pertinentes figurent la maladie physique et la consommation d'alcool ou de drogues. La version intégrale du CIDI comprend des questions fondées sur l'attribution, et exclut les symptômes associés à la maladie physique ou à la consommation d'alcool ou de drogues aux fins de l'établissement d'un diagnostic de dépression majeure. Cette caractéristique ne se retrouve pas dans la forme abrégée. Autrement dit, on peut s'attendre à un plus grand nombre de résultats faussement positifs chez les sujets qui souffraient d'une maladie physique ou avaient consommé de l'alcool ou des drogues.


Méthodes

La collecte de données a eu lieu entre le 1er février 1998 et le 1er juillet 1999. L'échantillon a été choisi au moyen d'un système d'appel aléatoire. La population cible comprenait des adultes âgés de 18 ans ou plus, vivant à Calgary et abonnés au téléphone. Les numéros de téléphone ont été obtenus au hasard à l'aide d'une version de la méthode de Mitofsky-Waksberg3 modifiée par Waksberg (décrite dans une analyse critique de Potthoff4).

Pour commencer, un seul préfixe à trois chiffres a été choisi au hasard parmi ceux qui étaient utilisés à Calgary pendant la durée de l'étude. Un suffixe à quatre chiffres a ensuite été sélectionné de manière aléatoire. Ces numéros de téléphone à sept chiffres ont été composés, et lorsqu'on a réussi à joindre un ménage, on a signalé une série de dix autres numéros dans la grappe de 100 numéros ayant en commun les cinq premiers chiffres du numéro à sept chiffres. On a tenté à plusieurs reprises de contacter chaque ménage : au moins six fois pour chaque numéro obtenu, notamment deux fois pendant la journée, deux fois pendant la soirée et deux fois au cours de la fin de semaine. Lorsqu'on est parvenu à joindre un ménage, on a choisi comme répondant le membre dont l'anniversaire était le plus récent.

Les sujets choisis ont répondu à un questionnaire téléphonique (CIDI-SFMD). Les éléments de ce questionnaire proviennent du CIDI5,6, mais bon nombre des questions ont été modifiées au cours de l'élaboration de la version abrégée7. Des données démographiques ont aussi été recueillies. La formulation des entretiens était rigoureuse, et comprenait des énoncés préliminaires uniformisés, des transitions et une série d'options en réponse aux questions posées par les sujets.

L'échantillon comprenait 2 542 sujets, parmi lesquels on a prélevé un sous-échantillon aux fins de l'étude de validation présentée ici. Les sujets ayant obtenu un score positif (>=5) au CIDI-SFMD et un échantillon aléatoire (au départ la proportion devait s'élever à 5 %, mais ce chiffre a été porté à 10 %) de sujets ayant obtenu des résultats négatifs (score <5) ont été sélectionnés pour participer à l'étude de validation. Comme la proportion de l'ensemble de l'échantillon qui, selon les prévisions, devait obtenir des résultats positifs au CIDI-SFMD était d'environ 5 %, on s'attendait à obtenir deux groupes de taille relativement égale en sélectionnant tous les sujets positifs selon le CIDI-SFMD et 5 % des sujets négatifs. Or, la proportion de résultats positifs s'est avérée plus élevée que prévu, et même si on a augmenté à 10 % la proportion de sujets devant faire partie de l'échantillon aléatoire lors de la collecte de données, les sujets positifs prédominaient dans l'échantillon. Comme l'étude de validation avait pour objectif de comparer les résultats du CIDI-SFMD à ceux de la section intégrale sur les troubles dépressifs du CIDI, et non pas d'obtenir des estimations applicables à l'ensemble de la population, les données n'ont pas été pondérées en fonction de la population générale.

Chaque sujet choisi qui a consenti à être recontacté a reçu un appel à un moment qu'il a jugé opportun dans les quelques semaines qui ont suivi le premier contact et a été invité à répondre à toutes les questions de la section du CIDI traitant des troubles dépressifs, soit la version 2.1. On a eu recours à la version informatisée de l'instrument (CIDI-Auto). La proportion de sujets positifs selon le CIDI-SFMD qui souffraient de dépression majeure d'après la version intégrale du CIDI a été retenue comme estimation de la valeur prédictive positive de l'instrument, et la proportion de sujets négatifs selon le CIDI-SFMD qui ne souffraient pas de dépression majeure d'après le CIDI a fourni une estimation de la valeur prédictive négative.

Les intervalles de confiance applicables aux valeurs prédictives positives et négatives du CIDI-SFMD ont été calculés à l'aide de méthodes exactes fondées sur la distribution binomiale. Afin d'évaluer l'effet d'autres variables sur le degré d'association entre les deux tests, on a évalué la probabilité que les sujets jugés positifs d'après le CIDI-SFMD soient faussement positifs par rapport à d'autres variables à l'aide de la méthode exacte de Fisher (MEF), dans le cas des variables nominales à deux catégories, des tests RxC x2, dans le cas de variables nominales comprenant plus de deux catégories ou de tests de Kruskal-Wallis permettant de comparer les valeurs médianes de variables ordinales continues, à distribution non normale, mais approximativement symétrique.


Résultats

Au total, 521 sujets ont été invités à prendre part à l'étude de validation : 361 ayant obtenu des résultats positifs et 160 ayant obtenu des résultats négatifs au CIDI-SFMD. Parmi les sujets positifs, 277 (76,7 %) ont convenu de participer à l'étude de validation, tout comme 136 sujets négatifs (85,0 %). Les caractéristiques démographiques de ces sujets sont indiquées au tableau 1. Les femmes étaient sur-représentées dans l'échantillon, même dans le groupe des sujets négatifs, ce qui tient sans doute au choix du critère de l'anniversaire le plus récent8, mais la prépondérance féminine était la plus marquée dans le groupe des sujets positifs, comme on pouvait le prévoir, puisque la prévalence de la dépression majeure est plus élevée chez les femmes.

Dans l'ensemble, 208 des 277 sujets positifs d'après le CIDI-SFMD, qui ont répondu à la version intégrale du CIDI, ont été considérés comme souffrant de dépression majeure selon cet instrument, ce qui donne une valeur prédictive positive de 75,1 % (IC à 95 % = 69,7-79,8 %). Chez les 136 sujets négatifs, 133 ont été reconnus comme ne souffrant pas de dépression majeure, ce qui donne une valeur prédictive négative de 97,8 % (IC à 95 % = 94,1-99,3 %).

La proportion de résultats faussement positifs ne différait pas selon le sexe du sujet (MEF, = 1,0) ni selon l'état civil (x2 = 4,38, d.l. = 4, p = 0,36). Comme un examen de l'incidence du niveau de scolarité à l'aide d'un test général du chi-carré a révélé une tendance à la signification statistique (x2 = 9,98, d.l. = 5, p = 0.08), on a poussé plus loin l'analyse. Lorsque les sujets n'ayant pas poursuivi leurs études au-delà du secondaire ou détenant un certificat de compétence professionnelle ont été comparés à des sujets ayant fait ne serait-ce qu'une année d'études postsecondaires (études universitaires partielles, grade ou diplôme universitaire, ou diplôme d'études supérieures), on a observé un taux de résultats faussement positifs de 29,1 % chez les premiers sujets contre 12,7 % chez les derniers sujets (MEF, p = 0,0064). Dans l'ensemble de l'échantillon, les sujets faussement positifs avaient un âge médian de 41 ans, ce qui est sensiblement plus élevé que l'âge médian (35 ans) des sujets vraiment positifs (Kruskal-Wallis H = 6,168, d.l. = 1, p = 0,01).

La proportion de faux positifs au CIDI-SFMD n'était pas significativement plus élevée chez les sujets qui avaient déclaré avoir au moins un problème de santé de longue durée : 27,4 % contre 22,5 % chez les sujets ne souffrant pas de ce genre d'affection (MEF, p = 0,41). La plupart des sujets (82,6 %) ont fait état d'une certaine consommation d'alcool dans l'année précédant l'enquête. On s'attendait à observer un taux plus élevé de résultats faussement positifs chez ces sujets en raison des symptômes dépressifs provoqués par l'alcool qui ne sont pas toujours assimilés à des symptômes d'une dépression majeure selon le CIDI. Or, contrairement aux attentes, le taux de faux positifs était plus faible chez les sujets ayant fait état d'une certaine consommation d'alcool (21,7 %) que chez ceux qui ont déclaré n'avoir pas consommé d'alcool dans l'année précédant l'enquête (39,2 %), différence qui est significative sur le plan statistique (MEF, p = 0,01). La proportion de faux positifs n'était guère plus élevée chez les sujets positifs selon le CIDI-SFMD ayant déclaré avoir consommé de l'alcool plus d'une fois par semaine (24,1 %) que chez ceux ayant déclaré en avoir consommé moins d'une fois par semaine (25,1 %). De même, la proportion de faux positifs n'était pas plus importante chez les sujets qui ont dit avoir pris cinq verres ou plus lors de leur épisode de consommation maximale au cours de la dernière année que chez les autres sujets (22,7 % et 26,8 % respectivement, MEF, p = 0,49). Parmi les 277 sujets ayant obtenu des résultats positifs au CIDI-SFMD, 10,8 % ont affirmé avoir consommé des drogues illicites dans le mois précédant l'enquête. Ces sujets ont pour la plupart déclaré avoir consommé du cannabis (23/30), les autres ayant fait état de consommation d'hallucinogènes ou de cocaïne. Le taux de faux positifs chez les consommateurs de drogues s'élevait à 23,3 %, ce qui se rapproche des taux observés chez les non-consommateurs de drogues, 25,1 %.


TABLEAU 1
Caractéristiques démographiques de l'échantillon de l'étude de validation du CIDI-SFMD

Variables démographiques

CIDI-SFMD
positif
(
= 277)

CIDI-SFMD
négatif
(
= 136)

Refusa
(
= 108)

n

%

n

%

n

%

Sexe :

Hommes

 76

27,4

51

37,5

31

28,7

Femmes

201

72,6

85

62,5

77

71,3

Âge :

18-29

 86

31,0

28

20,6

40

37,4

30-39

 73

26,4

33

24,3

27

25,2

40-49

 66

23,8

36

26,5

23

21,5

50-59

 34

12,3

20

14,7

 9

 8,4

60+

 18

 6,5

19

14,0

 8

 7,5

État civil :

Marié(e)

 92

33,2

73

53,7

41

38,0

Jamais marié(e)

 99

35,7

39

28,7

48

44,4

Séparé(e)

 16

 5,8

 4

 2,9

 4

 3,7

Divorcé(e)

 53

19,1

14

10,3

13

12,0

Veuf(veuve)

 17

 6,1

 6

 4,4

 2

 1,9

Niveau de scolarité :

Études secondaires non terminées

 36

13,0

 8

 5,9

13

12,0

Études secondaires achevées

 77

27,8

33

24,3

25

23,1

Certificat ou diplôme d'études secondaires

118

42,6

52

38,2

41

38,0

Grade/diplôme universitaire

 40

14,4

31

22,8

28

25,9

Diplôme d'études supérieures (> le baccalauréat)

  6

 2,2

12

 8,8

 1

 0,9

a Sujets invités à participer à l'étude de validation, mais qui ont décliné l'invitation. Les données sur l'âge d'un sujet font défaut.


 

Afin de mieux expliquer les résultats faussement positifs observés chez les 69 sujets concernés, deux autres analyses ont été réalisées. D'abord, les réponses individuelles à chaque question de la section sur les troubles dépressifs de la version intégrale du CIDI ont été passées en revue. Ensuite, chaque entretien réalisé à l'aide du CIDI a de nouveau été noté à la lumière des critères diagnostiques de la CIM-10 plutôt que des critères du DSM-IV.

Onze (15,9 %) des sujets faux positifs ont répondu différemment aux questions portant sur les deux symptômes initiaux : l'humeur dépressive et la perte d'intérêt. L'établissement d'un diagnostic de dépression majeure suppose la présence d'au moins un de ces symptômes. La formulation des questions pertinentes étant similaire dans les deux instruments, ces différences semblent s'expliquer par le manque de fiabilité des réponses données par les sujets. Neuf autres sujets (13,0 %) ont répondu par l'affirmative à au moins une des questions prévues par les deux instruments, mais dans le cas du CIDI, la présence de ces deux symptômes importants a été attribuée à un facteur organique, de sorte que les deux symptômes ont été jugés absents et que l'on n'a pas poursuivi plus loin l'entretien à l'aide du CIDI. Des questions visant à déterminer de possibles causes organiques ne figurent pas dans la forme abrégée du questionnaire.

Douze sujets classés dans la catégorie des faux positifs (17,4 %) se sont vu attribuer par le CIDI un autre syndrome dépressif (soit la dysthymie ou un épisode dépressif conforme à la définition de la CIM-10 ou les deux), ce qui donne à penser que la forme abrégée rendait compte d'un plus large éventail de troubles dépressifs que celui qui est englobé dans la catégorie de la dépression majeure. Enfin, 37 sujets (53,6 %) ont répondu par l'affirmative aux premières questions de chaque instrument concernant l'humeur dépressive et la perte d'intérêt, mais ne satisfaisaient pas aux critères de gravité ni de signification clinique des symptômes prévus dans le CIDI. Le CIDI comprend de nombreuses questions qui évaluent la gravité et la signification clinique des symptômes, à savoir, par exemple, si des symptômes tels que l'agitation psychomotrice ont été observés par l'entourage, si les symptômes sont apparus par suite du décès d'un être cher ou s'ils ont eu un retentissement important sur les activités de la personne. Aucun de ces indicateurs ne figurait dans la version abrégée.

Seuls trois sujets étaient faussement négatifs; chacun d'entre eux présentait quatre des cinq symptômes requis par le CIDI-SFMD. Autrement dit, ils se seraient classés dans la catégorie des sujets positifs selon cette étude s'ils avaient fait état d'un autre symptôme. Dans ces cas, l'obtention de résultats faux négatifs s'expliquait aisément, la version intégrale du CIDI explorant plusieurs symptômes de manière beaucoup plus détaillée que la version abrégée. Ainsi, la version intégrale comprend des questions sur l'insomnie et l'hypersomnie, alors qu'une seule question sur le sommeil dans la version abrégée traite spécifiquement de l'insomnie d'endormissement. De plus, la version intégrale rend compte de symptômes tels que l'agitation et la libido qui sont exclus de la forme abrégée.


Conclusions

Dans cette étude, la forme abrégée pour la dépression majeure du CIDI a été évaluée par rapport à la section intégrale sur les troubles dépressifs du CIDI. On a noté la forme abrégée par catégorie en utilisant une valeur-seuil de cinq symptômes, laquelle dans les études antérieures a été associée à une valeur prédictive positive de 90 %7. Il s'agit aussi d'une valeur-seuil logique pour cet instrument, qui est associée à une validité apparente puisque selon le DSM-IV, un diagnostic de dépression majeure suppose nécessairement la présence de cinq symptômes.

L'étude présente une faiblesse méthodologique, à savoir que l'ordre dans lequel les instruments ont été utilisés n'a pas été choisi au hasard, de sorte qu'il existe peut-être un lien entre les résultats du second entretien (section sur les troubles dépressifs de la version intégrale du CIDI) et ceux du premier. Il est possible que les répondants soient tentés de faire en sorte que leurs réponses soient compatibles les unes avec les autres, si bien que les sujets ayant obtenu des résultats positifs au CIDI-SFMD seraient incités à fournir plus de réponses affirmatives à l'entretien du CIDI qui a suivi. Un tel phénomène aurait pour effet d'amplifier la valeur prédictive tant positive que négative du CIDI-SFMD. Par ailleurs, la fatigue engendrée par l'entretien pourrait entraîner une sous-déclaration des symptômes lors du second entretien9, ce qui augmenterait le nombre de faux positifs. Il est toutefois impossible de mesurer l'ampleur de ces effets à l'aide des données recueillies lors de cette étude.

Une autre question méthodologique importante est celle de la puissance statistique. Par exemple, même si des indices de la consommation d'alcool (fréquence de la consommation et consommation maximale à une occasion quelconque) n'ont pas été associés à des résultats faussement positifs, les sujets classés dans la catégorie des buveurs habituels et des gros buveurs étaient peu nombreux, de sorte que certains résultats négatifs sont peut-être des erreurs de type II. Un autre problème méthodologique concerne le biais lié à la méthode de travail. Comme l'utilisation de la version intégrale du CIDI était tributaire des résultats obtenus au CIDI-SFMD, cette forme de biais excluait le calcul direct de la sensibilité et de la spécificité à partir des données recueillies ici, même si ce biais n'aurait pas pour effet de fausser systématiquement les estimations de la valeur prédictive positive et négative10. Théoriquement, il est possible d'estimer la sensibilité et la spécificité à la lumière des valeurs prédictives et de la prévalence10. Dans la présente étude, toutefois, le niveau de précision obtenu dans l'estimation de la valeur prédictive négative écartait la possibilité de réaliser une estimation fiable fondée sur ces méthodes.

La valeur prédictive positive plus élevée (90 %) signalée à l'égard de la valeur-seuil de cinq symptômes par les concepteurs7 de la forme abrégée de l'entretien représente peut-être une surestimation. Puisque la valeur prédictive de la forme abrégée semble avoir été estimée à partir de l'ensemble de données qui a servi à mettre au point l'instrument, on aurait pu s'attendre à ce que les valeurs prédictives applicables aux échantillons indépendants soient moins élevées, surtout lorsqu'on tient compte du fait que les questions prévues dans la forme abrégée ont spécifiquement été choisies pour maximiser les valeurs prédictives relatives à cet échantillon. Il faudrait utiliser cette forme abrégée auprès d'autres échantillons indépendants afin d'obtenir des données plus précises concernant sa validité. L'inclusion de questions traitant directement de sujets d'intérêt clinique et l'élargissement de l'éventail de symptômes importants pris en compte pourraient améliorer la concordance du CIDI-SFMD et du CIDI.

Il ressort de l'étude que la forme abrégée avait une excellente valeur prédictive négative et une valeur prédictive positive d'environ 75 %. Les résultats faussement positifs étaient facilement explicables étant donné la nature des instruments évalués. Comme chaque instrument met l'accent sur deux symptômes essentiels, l'humeur dépressive et la perte d'intérêt, les différences sont en partie imputables au manque de cohérence des réponses. D'autres écarts pourraient être attribués aux secteurs non explorés par la forme abrégée : la signification clinique des symptômes et leur lien avec des facteurs organiques. Le CIDI a indiqué que certains sujets faussement positifs souffraient d'autres troubles dépressifs, ce qui laisse supposer que la forme abrégée rend compte d'un éventail plus vaste de troubles dépressifs que ne le prévoient les critères de la dépression majeure appliqués par le CIDI. Il ne faut pas perdre de vue ces constats lorsqu'on interprète les données tirées de la forme abrégée du CIDI. Les sujets ayant obtenu un score élevé en réponse à ce questionnaire sur la dépression majeure ne souffrent pas tous de dépression majeure; certains présentent peut-être des symptômes imputables à une maladie physique et d'autres sont peut-être atteints d'une forme plus atténuée d'un trouble dépressif ou vivent un deuil.

Si l'on se fie à l'absence de lien entre un résultat faussement positif, d'une part, et une maladie physique autodéclarée et des indices bruts de la consommation d'alcool, d'autre part, observée dans cette étude, il semblerait impossible de corriger la prévalence pour tenir compte de variables telles que la maladie physique et la consommation d'alcool dans les enquêtes qui ont fait appel au CIDI-SFMD. Il faudrait étudier la gravité de chaque symptôme, ses répercussions sur le fonctionnement de l'individu et ses causes éventuelles afin d'écarter ces facteurs comme responsables du manque de cohérence, ce qui équivaudrait à repenser l'intégralité de l'entretien diagnostique.

Pour bien interpréter les résultats du CIDI-SFMD, il faut se rappeler que cet instrument permet de déceler un syndrome dépressif très apparenté à la dépression majeure définie par le DSM-IV, mais pas identique à celle-ci. Comme les besoins en matière de traitement et les répercussions de la dépression sur la santé publique ne dépendent pas exclusivement de la prévalence d'un syndrome dépressif spécifique mais de facteurs tels que la durée des épisodes et l'ampleur de l'incapacité et de la détresse, il est important de tenir compte de ces autres variables lors de l'interprétation des estimations de la prévalence. Au Canada, l'inclusion du CIDI-SFMD dans l'Enquête nationale sur la santé de la population se prête parfaitement à une interprétation pertinente des résultats de cet instrument.


Références

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5. Wittchen HU. Reliability and validity studies of the WHO-Composite International Diagnostic Interview (CIDI): a critical review. J Psychiatr Res 1994;28(1):57S84.

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8. Watson EK, Firman DW, Heywood A, Hauquitz AC, Ring I. Conducting regional health surveys using a computer-assisted telephone interviewing method. Austr J Public Health 1995;19:508S11.

9. Wittchen H-U, Ustun TB, Kessler RC. Diagnosing mental disorders in the community. A difference that matters? Psychol Med 1999;29:1021S7.

10. Choi BCK. Sensitivity and specificity of a single diagnostic test in the presence of work-up bias. J Clin Epidemiol 1992;45:581S6.



Références des auteurs

Scott B. Patten, professeur adjoint, Departments of Psychiatry and Community Health Sciences, University of Calgary, 3330 Hospital Drive NW, Calgary (Alberta)  T2N 4N1; Courriel : patten@ucalgary.ca; <http://www.ucalgary.ca/~patten>

Jennifer Brandon-Christie, Jennifer Devji et Brandy Sedmak, assistantes de recherche, Departments of Psychiatry and Community Health Sciences, University of Calgary, Calgary (Alberta)

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Dernière mise à jour : 2002-10-02 début