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Volume 22, No 3/4
2001

[Table des matières]

 

Office de la santé publique du Canada

Évaluation de la prévalence du syndrome de Raynaud dans une mine métallifère du nord de l’Ontario

Colleen E Hill, Wendy J Langis, John E Petherick, Donna M Campbell, Ted Haines, Joel Andersen, Kevin K Conley, Jason White, Nancy E Lightfoot, Randy J Bissett


Résumé

La présente étude visait à évaluer la prévalence du syndrome de Raynaud (SR) chez 617 travailleurs d’une mine métallifère située au nord de l’Ontario. Un questionnaire a été expédié aux personnes qui avaient travaillé dans la mine entre 1989 et 1994 et qui habitaient encore dans un rayon de 100 km de celle-ci. Le questionnaire devait permettre de repérer les sujets susceptibles de présenter des symptômes attribuables à l’exposition aux vibrations au niveau des membres supérieurs. On a diagnostiqué le syndrome de Raynaud chez 50 % des 162 travailleurs soumis à un examen médical, tandis que d’autres diagnostics ont été posés chez 26 % des travailleurs, parmi lesquels certains présentaient plusieurs affections, par exemple, à la fois le syndrome de Raynaud et le syndrome du canal carpien (SCC). Aucun symptôme d’exposition à des vibrations n’a été signalé chez 35 % des travailleurs jugés normaux à l’examen clinique. L’étude visait en outre à sensibiliser et à conseiller les intéressés sur les moyens de prévenir le syndrome de Raynaud et à formuler des recommandations à ce sujet. Un engagement constant à l’égard de l’amélioration des technologies, de l’instauration de périodes de repos obligatoires et régulières et des séances de sensibilisation continue au syndrome devraient aider à réduire la fréquence de cette maladie.

Mots-clés : équipement de protection individuelle (EPI); esthésiométrie; exploitation minière; facteurs de risque; prévention; syndrome de Raynaud (SR); vibrations


Introduction

En 1862, un médecin français, le Dr Maurice Raynaud, a découvert une maladie que l’on appelle aujourd’hui le phénomène de Raynaud et qui se manifeste par le blanchissement de l’extrémité des doigts par suite d’une exposition au froid1. Puis, en 1911, pour la première fois en Amérique du Nord, une maladie qui présente des symptômes similaires attribuables à l’exposition aux vibrations d’outils mécaniques est étudiée par un médecin du nom d’Alice Hamilton2. Cette maladie est connue sous plusieurs noms : syndrome des vibrations du système main-bras, phénomène de Raynaud d’origine professionnelle, syndrome du doigt mort, trouble vasospastique d’origine traumatique et maladie des mains blanches. Le SR est un syndrome complexe caractérisé par la constriction des vaisseaux sanguins des doigts qui entraîne des troubles circulatoires, sensoriels, moteurs et musculosquelettiques3. Lorsqu’il y a exposition prolongée aux vibrations, les accès de blanchissement des extrémités des doigts augmentent en fréquence et en gravité; une exposition continue peut étendre le phénomène sur toute la longueur des doigts.

Dans les mines, l’exposition aux vibrations peut être causée par l’utilisation d’outils à main, tels que marteaux perforateurs montés sur béquille, perforatrices pour trous profonds, marteaux stoppers, différents types de clés à chocs et outils d’usage courant et quotidien. Le premier, le marteau perforateur monté sur béquille doit son nom au support métallique lourd fixé à son extrémité inférieure, qui aide à le stabiliser pendant que le mineur procède à l’amorçage du trou. Il sert également de levier pour mieux enfoncer le marteau perforateur dans le sol4. Cet outil est utilisé pour forer des trous dans la taille (excavation souterraine en forme de gradins), afin d’en extraire par couches successives, les dépôts verticaux ou fortement inclinés. Le minerai ainsi détaché peut ensuite être évacué par gravité, en vue du dynamitage du roc. Quant à la perforatrice pour trous profonds, elle est utilisée dans les galeries en direction ou passages souterrains horizontaux. Il s’agit de passages qui longent la zone minéralisée, contrairement au travers-banc, qui la coupe, ou au niveau ou à la galerie, qui peut la longer ou la couper5. La perforatrice pour trous profonds a la même utilité que le marteau perforateur monté sur béquille. De son côté, le marteau stopper ressemble au marteau perforateur monté sur béquille, mais il sert à perforer le toit de la zone de dynamitage en vue du boulonnage et de la mise en place des parements destinés à prévenir les éboulements de roc désagrégé et les blessures chez les travailleurs6. Enfin, les clés à chocs et l’outillage à main sont requis pour l’entretien de l’équipement et le remplacement des trépans.

La prévalence du syndrome de Raynaud préoccupait à ce point les mineurs d’une mine métallifère du nord de l’Ontario que le comité mixte de santé et sécurité a demandé aux Centres de santé des travailleurs(ses) de l’Ontario Inc. (CSTO) de faire enquête. Une équipe multidisciplinaire, formée de membres du personnel des CSTO et de partenaires, a donc conçu et mené une étude sur ce syndrome auprès des travailleurs de la mine, afin de dépister la maladie en procédant à l’examen médical de tous les travailleurs disposés à participer à l’étude. Un rapport de diagnostic personnel a été remis à chaque travailleur participant et adressé, avec le consentement du travailleur, à son médecin de famille. On a également tenu un séminaire de sensibilisation portant sur les sujets suivants à l’intention des mineurs, des autres employés de la mine et des habitants intéressés de la municipalité : l’exposition aux vibrations et ses effets sur la santé, les risques d’exposition ultérieure, le traitement, la réadaptation et les prestations d’invalidité.

Méthodologie

Population cible

L’étude a été menée sur le site d’une mine métallifère du nord de l’Ontario. Les membres de la direction et du syndicat ont accepté de collaborer avec les CSTO à l’évaluation de la prévalence du SR chez les mineurs. L’équipe des Centres de santé regroupait des médecins et des infirmières du travail, un ergonome, un hygiéniste du travail, un technicien de l’information, du personnel de soutien et des directeurs exécutifs.

Phase I

Un questionnaire initial élaboré spécialement pour le projet d’étude a été posté à 617 travailleurs habitant dans un rayon de 100 km de la mine et y ayant travaillé entre 1989 et 1994. Le questionnaire devait permettre de repérer les sujets qui satisfaisaient aux critères établis, c’est-à-dire qui déclaraient les symptômes suivants : engourdissement (p. ex., perte de sensation tactile d’un ou de plusieurs doigts, survenant une ou plusieurs fois par semaine), paresthésies (p. ex., picotements dans un ou plusieurs doigts ressentis une ou plusieurs fois par semaine) et blancheur des doigts. En tout, 402 travailleurs sur 617 (65,2 %) ont rempli et retourné le questionnaire.

Phase II

Deux cent quatre-vingt-huit travailleurs ont déclaré des symptômes similaires à ceux du SR (perte de sensibilité dans les doigts, paresthésies et blancheur des doigts). Ces travailleurs ont ensuite reçu un autre questionnaire plus détaillé. Dans ce second questionnaire, on leur demandait de fournir les renseignements suivants : données démographiques, antécédents professionnels complets, antécédents médicaux, habitudes de vie et loisirs.

Phase III

On a communiqué avec les travailleurs qui avaient rempli le second questionnaire et on a fixé des rendez-vous pour procéder à des tests d’esthésiométrie et à l’examen du second questionnaire par des membres du personnel des CSTO. Sur les 288 travailleurs contactés, 182 (63,2 %) ont accepté de se prêter à l’évaluation.

Phase IV

Les résultats des tests de la force de préhension, de la force de serrage et de la température du coussinet de l’index de chaque travailleur ont été consignés par l’équipe des CSTO. Des infirmières du travail des CSTO ont quant à elles relevé, pour chaque ouvrier, les résultats des mesures et tests suivants : tension artérielle, tests de Phalen et de Tinel, le test de la pince (test de Dellon modifié), extension et flexion du poignet (amplitude du mouvement) et le test doigt-paume. Ces données ont été recueillies avant que les médecins du CSTO ne procèdent à un entretien et à un examen*.

Préalablement à l’évaluation de chaque travailleur, les infirmières et le médecin du travail ont examiné les antécédents professionnels, la tension artérielle et les résultats des tests décrits aux phases III et IV. Un diagnostic fondé sur ces résultats a ensuite été posé et on en a informé le travailleur. Une note sur la consultation individuelle a été expédiée à l’ouvrier et à son médecin de famille avec le consentement écrit de cet ouvrier. Si le médecin du travail le jugeait nécessaire, il informait le médecin de famille des autres tests de diagnostic qu’il recommandait dans le but de déterminer la gravité de la maladie, de préciser le traitement et la réadaptation, et de permettre au patient d’obtenir des prestations d’invalidité.

* Le signe de Tinel est dit positif lorsqu’une sensation de picotement est ressentie au niveau de la main quand le nerf médian est frappé à la hauteur du poignet7. Chez certains patients, une flexion exagérée du poignet pendant 60 secondes (test de Phalen) ou des mouvements non naturels de la main aggravent les paresthésies8. Le test de la pince (test de Dellon modifié) requiert une discrimination de plus en plus fine pour la reconnaissance d’objets9. Le test de la pince de Moberg consiste à demander au sujet de ramasser une série de 10 à 12 objets de dimensions variées et déposés sur la surface d’une table, puis de les placer dans de petits contenants10. L’extension et la flexion du poignet ou amplitude du mouvement, se mesure en degrés à l’aide d’un goniomètre, un instrument servant à mesurer les angles11. Le test doigt-palme évalue l’aptitude du patient à toucher la paume de sa main avec l’index de cette même main.

Phase V

Un grand nombre de personnes ont assisté à un séminaire de sensibilisation tenu au centre local des services communautaires à l’intention des travailleurs intéressés, des membres de leur famille et du grand public. Au cours de ce séminaire, on a donné des explications détaillées sur le SR, de même que sur d’autres questions, telles que les causes, le diagnostic, le traitement et la prévention de cette maladie. Une discussion plus poussée à propos des effets connus du tabagisme sur l’organisme a mené à une recommandation faisant valoir que l’abandon de la cigarette peut réduire la gravité du SR et améliorer l’état de santé général d’une personne. Le séminaire a été suivi d’une période de questions et de réponses.

Phase VI

Les données ont été versées dans une base de données FoxPro®12. Le logiciel SPSS®13 (Statistical Package for the Social Sciences), un programme d’analyse de données exhaustif utilisé dans les domaines de la recherche et des affaires, a permis de mettre en tableaux les données sur la fréquence, les pourcentages et les statistiques descriptives.

Résultats

Des symptômes évocateurs du SR ont été signalés par 288 (72 %) des 402 personnes qui ont répondu au premier questionnaire. Au total, 182 (63 %) participants ont été évalués. Vingt (11 %) se sont retirés de l’étude avant la fin de la dernière phase, principalement parce qu’ils avaient déménagé ou changé d’employeur. Les résultats décrits ici portent sur les 162 participants qui ont terminé les quatre phases de l’étude.

Les caractéristiques démographiques des participants à l’étude sont présentées au tableau 1. L’âge moyen du groupe était de 44,8 ans (écart type : 10,8), le nombre d’années de service d’environ 22 ans et la durée de l’utilisation d’outils vibrants, de 15 ans. Quatorze (8,6 %) des participants ont déclaré ne pas avoir utilisé d’outils vibrants. Dans ces derniers cas, l’âge actuel des participants a été substitué, l’«Âge au moment de la première utilisation (années)» et les catégories «Temps écoulé depuis la première utilisation (années)» et «Utilisation d’outils vibrants (années)» ont été considérés comme sans objet.

Au sujet des diagnostics (tableau 2), 81 participants (50 %) ont reçu un diagnostic de SR et 27 répondants (16,7 %), un diagnostic de syndrome du canal carpien (SCC). Trois participants (1,9 %) ont reçu un diagnostic de SR non attribuable à une exposition aux vibrations du système main-bras. Certains participants présentaient plusieurs affections, ce qui explique que la somme des pourcentages dépasse 100 %.

Les données pour les emplois passés et actuels à la mine sont présentées au tableau 3. La plupart des participants (136, 84,0 %) y travaillaient à la production ou à l’entretien, soit à la surface, soit à l’intérieur de la mine. Seize des participants (9,9 %) occupaient un poste de gestion, de supervision ou de salarié. Le reste des participants étaient affectés à diverses fonctions, entre autres, à des postes de commis et de conducteurs d’équipement de surface.

Le tableau 4 montre les différences entre les participants qui ont reçu un diagnostic de SR (n = 81) et ceux chez qui la maladie n’a pas été diagnostiquée (n = 81), en fonction des antécédents médicaux déclarés par chacun. Dans l’ensemble, les sujets atteints du SR ont déclaré plus de problèmes de santé que ceux non atteints. Trente-deux (35,9 %) des participants atteints du SR souffraient également d’une perte auditive due au bruit contre 23 participants (28,4 %) non atteints. Les cas d’hypertension, de diabète, de migraine et d’infarctus du myocarde étaient également plus fréquents chez les sujets souffrant du SR.


TABLEAU 1
Caractéristiques démographiques des participants (n = 162*)

 

Atteints du SR
(n = 81) (ET)

Non atteints du SR
(n = 81) (ET)

Âge moyen (années)

46,2 (10,5)

43,4 (10,9)

Taille moyenne (cm)

175,0 (6,8)

176,0 (6,9)

Poids moyen (kg)

87,3 (13,1)

86,5 (13,9)

IMC moyen (kg/m2)

 28,5 (3,6)

 27,9 (3,9)

Durée de l’emploi à la mine (années)

 18,1 (8,1)

 16,5 (8,8)

Durée totale de travail (années)

 23,7 (9,5)

 19,7 (9,7)

Utilisation d’outils vibrants (années)

 18,3 (9,1)

 11,6 (9,1)

Âge au moment de la première utilisation (années)

 23,1 (4,7)

28,5 (12,3)

Temps écoulé depuis la première utilisation (années)

23,1 (10,4)

14,8 (10,8)

* Vingt (20) participants, qui se sont retirés de l’étude avant qu’un médecin ait pu
procéder à un examen et poser un diagnostic, ont été exclus de l’analyse.

TABLEAU 2
Diagnostics fondés sur la
Classification internationale des maladies (CIM-9) – n = 182*

CIM-919

Total des cas diagnostiqués (%)

Syndrome de Raynaud
443,0

81 (44,5)

Syndrome du canal carpien
354,0

27 (14,8)

Phénomène de Raynaud (secondaire)
443,0

3 (1,6)

Autres – 722,6, 493,9, 726,3

 12 (6,6)

Personnes inquiètes de leur état de santé 
(sans diagnostic) – V65,5

56 (30,8)

Actes médicaux non réalisés pour d’autres raisons V64,3

20 (11,0)

* Vingt (20) participants, qui se sont retirés de l’étude avant qu’un médecin ait pu
procéder à un examen et poser un diagnostic, ont été exclus de l’analyse.

Nota : Certains participants peuvent être répertoriés sous plus d’un diagnostic, par exemple, dans le cas d’un diagnostic principal de SR et d’un diagnostic secondaire de SCC.

TABLEAU 3
Emplois passés et actuels à la mine (n = 162) selon la
Classification type des professions

Professions

Atteints du SR (%)
(n = 81)

Non atteints du SR (%)
(n = 81)

Total (%)

Postes de salarié, de contre-maîtres et de surveillants (11–, 211–, 215–, 7710, 8110, 8580)

7 (8,6)

 9 (11,1)

16 (19,7)

Postes de manœuvre et autres emplois pour travailleurs non qualifiés, personnel d’exploitation des mines et carrières (7718, 7719)

45 (55,6)

29 (35,8)

74 (91,4)

Professions liées à l’enrichissement du minerai (8111, 8113, 8116, 8118)

3 (3,7)

10 (12,3)

13 (16,0)

Personnel d’entretien (83–, 85–, 873–, 878–, 879–)

22 (27,2)

27 (33,3)

49 (60,5)

Autres (commis de travail général de bureau ou conducteur d’équipement de surface, etc.)

4 (4,9)

6 (7,4)

10 (12,3)


TABLEAU 4
Antécédents médicaux déclarés par les participants (n = 162*)

 

Atteints du SR
(n = 81) (%)

Non atteints du SR (n = 81) (%)

Total (%)

Hypertension

17 (21,0)

12 (14,8)

29 (35,8)

Migraine

8 (9,9)

4 (4,9)

12 (13,5)

Syndrome du canal carpien (SCC)

13 (16,0)

11 (13,6)

24 (29,6)

Diabète

5 (6,2)

3 (3,7)

8 (9,9)

Angine de poitrine

6 (7,4)

1 (1,2)

7 (8,6)

Infarctus du myocarde

4 (4,9)

2 (2,5)

6 (7,4)

Perte auditive due au bruit

32 (39,5)

23 (28,4)

55 (67,9)

* Vingt (20) participants, qui se sont retirés de l’étude avant qu’un médecin ait pu
procéder à un examen et poser un diagnostic, ont été exclus de l’analyse.

Nota : Certains participants peuvent être répertoriés sous plus d’un diagnostic, par exemple, dans le cas d’un diagnostic principal de SR et d’un diagnostic secondaire de SCC.

   

Les résultats des tests de diagnostic, y compris les tests de la température du coussinet de l’index, de la force de serrage et de la force de préhension n’ont pas indiqué d’écart statistiquement significatif entre les participants atteints du SR et les autres. En raison de la méthodologie de l’étude, les écarts entre les deux groupes étaient non significatifs.

Les données relatives aux antécédents de tabagisme sont présentées au tableau 6. Étonnamment, plus de 80 % des participants ont déclaré avoir déjà fumé. Parmi ceux ayant reçu un diagnostic du SR, 74 (91,4 %) ont signalé qu’ils étaient des ex-fumeurs et 41 (50,6 %), qu’ils fumaient. L’effet vasoconstricteur de la cigarette sur le système vasculaire périphérique étant bien connu, on estime qu’il est possible que le tabagisme contribue à l’apparition de la maladie des mains blanches14.

Les données sur l’utilisation d’outils vibrants sont montrées au tableau 7. Plus de 60 % des participants atteints du SR ont déclaré avoir utilisé un marteau perforateur monté sur béquille; seulement 25 % de ceux qui n’avaient pas reçu un tel diagnostic ont déclaré avoir déjà utilisé cette pièce d’équipement. Les participants atteints du SR étaient environ deux fois et demie plus nombreux que les autres à avoir fait usage d’un marteau stopper.


TABLEAU 5
Activités de loisir déclarées par les participants

Loisir

Atteints
du SR
(n = 81) (%)

Non atteints du SR
(n = 81) (%)

Total (%)

Motoneige

26 (32,1)

29 (35,8)

55 (67,9)

Coupe de bois de chauffage à l’aide d’une scie à chaîne

17 (21,0)

10 (12,3)

27 (33,3)

Pêche

15 (18,5)

12 (14,8)

27 (33,3)

Entretien des pelouses

12 (14,8)

13 (16,0)

25 (30,8)

VTT

 9 (11,1)

5 (6,2)

14 (17,3)

Chasse

6 (7,4)

6 (7,4)

12 (14,8)

Motocyclisme

6 (7,4)

10 (12,3)

16 (19,8)


TABLEAU 6
Antécédents de tabagisme (n = 162*)

 

Atteints du SR (n = 81) (%)

Non atteints du SR (n = 81) (%)

Total (%)

Ex-fumeur

74 (91,4)

61 (75,3)

135 (83,3)

Fumeur

41 (50,6)

24 (29,6)

 65 (40,1)

Non fumeur

33 (49,4)

37 (70,4)

 70 (59,9)

* Vingt (20) participants, qui se sont retirés de l’étude avant qu’un médecin ait pu procéder à un examen et poser un diagnostic, ont été exclus de l’analyse.

Nota : La catégorie «Ex-fumeur» regroupe les travailleurs qui sont peut-être toujours fumeurs et ceux qui ont déjà fumé, par conséquent le total des trois catégories est supérieur à 162 (n = 162).


TABLEAU 7
Utilisation d’outils vibrants (n = 162*)

 

Atteints du SR (n = 81) (%)

Non atteints du SR (n = 81) (%)

Total (n = 162) (%)

Marteau perforateur monté sur béquille

49 (60,5)

21 (25,9)

70 (43,2)

Marteau stopper

40 (49,4)

16 (19,8)

56 (34,6)

Clé à chocs

22 (27,2)

20 (24,7)

42 (25,9)

Outils à main

12 (14,8)

12 (14,8)

24 (19,1)

Perforatrice pour trous profonds

7 (8,6)

3 (3,7)

 10 (6,2)

* Vingt (20) participants, qui se sont retirés de l’étude avant qu’un médecin ait pu
procéder à un examen et poser un diagnostic, ont été exclus de l’analyse.

   

Analyse

Cette étude visait à servir d’outil de dépistage du SR chez les mineurs. Aussi, lorsque les résultats des tests indiquaient la possibilité d’un tel diagnostic, les travailleurs concernés étaient dirigés vers leur médecin pour des tests plus poussés en laboratoire d’exploration vasculaire. En raison de la méthodologie utilisée, les travailleurs qui n’ont déclaré aucun symptôme ont été exclus des phases IV et V. Par conséquent, l’étude n’a pu que montrer la fréquence du SR chez les travailleurs qui avaient rempli le questionnaire initial sur les symptômes potentiels du syndrome.

Sur le site de la mine à l’étude, les mineurs se sont vus régulièrement demander d’utiliser des outils à main vibrants, dont un marteau perforateur monté sur béquille, une perforatrice pour trous profonds, des marteaux stoppers, différentes clés à chocs et divers outils à main. Avec les années, l’utilisation de ces outils peut altérer les fonctions circulatoires et neurologiques. Le froid et l’humidité des mines souterraines entrent aussi en ligne de compte15. En comparant la fréquence d’utilisation de l’équipement vibrant, on a découvert que les travailleurs atteints du syndrome manœuvraient de l’équipement comme des scies à chaîne et des véhicules tout-terrain (VTT) plus souvent que les autres. Même si les résultats obtenus présentaient beaucoup d’intérêt, la méthodologie utilisée n’a pas permis de tirer des conclusions décisives de ces résultats.

La fréquence du SR parmi les travailleurs exposés à l’équipement vibrant fait ressortir que des améliorations techniques sont nécessaires de même qu’une sensibilisation accrue au phénomène afin d’en prévenir l’apparition dans l’industrie minière. Des dispositifs antivibrations tels que des poignées de caoutchouc et des gants antivibrations, ainsi que des outils mieux conçus et entretenus devraient réduire les vibrations, tout comme le port de gants résistants à l’eau peut aider en gardant les mains au chaud et au sec, de même que le maintien de la température corporelle centrale. C’est un fait connu qu’une exposition continue aux vibrations, une période d’exposition prolongée et des antécédents de tabagisme augmentent le risque de SR. On recommande donc l’instauration de pauses régulières sans vibration (10 minutes par heure); les ouvriers pourraient, par exemple, faire en alternance les tâches nécessitant l’utilisation d’outils vibrants et celles qui ne requièrent pas ce genre d’outils. Les travailleurs devraient aussi être avisés d’appliquer une force de préhension minimale lorsqu’ils manipulent un outil, laissant ainsi cet outil accomplir l’essentiel du travail.

L’éloignement de la source de vibration semble être la façon la plus efficace d’arrêter la progression de la maladie et, dans certains cas, de la faire régresser. Cesser de fumer compte également pour beaucoup puisque le tabagisme est reconnu comme étant un facteur aggravant et qu’il accroît la gravité des symptômes de SR. L’adoption et le respect de seuils de tolérance16 élaborés en tant que lignes directrices pour aider à réduire les dangers pour la santé de même que de normes et de codes relatifs aux vibrations a été recommandée afin de réduire et de prévenir le SR17.

Des séances de sensibilisation qui souligneront l’importance d’utiliser un équipement antivibrations pour diminuer l’exposition sont recommandées aux travailleurs à risque. Les séances devraient renseigner les ouvriers sur la façon de prévenir le SR, et dans le cas d’un diagnostic positif, d’en prévenir l’aggravation. Il faudrait également y discuter d’autres facteurs prédisposants tels que le tabagisme (vasoconstriction), certains loisirs (outils manuels, véhicules récréatifs) et certains problèmes de santé (hypertension, diabète).

Le National Institute for Occupational Safety and Health (NIOSH) recommande aux professionnels en santé du travail, aux travailleurs et aux employeurs de prendre conscience de la gravité du SR. Le NIOSH suggère que l’on fasse appel aux mesures d’ingénierie, à la surveillance médicale, aux pratiques de travail appropriées et à l’équipement de protection individuelle pour réduire l’exposition aux vibrations des outils à main vibrants et pour aider à déceler la maladie dès ses premiers stades, chez les travailleurs à risque18.

Limites de l’étude

L’étude comportait plusieurs limites qu’il importe de souligner. D’abord, les questionnaires étant fondés sur l’autodéclaration, il a été difficile d’obtenir des renseignements précis et complets concernant les expositions professionnelles, l’équipement de protection individuelle ou les activités personnelles et de loisirs. Ensuite, la méthodologie utilisée faisait obstacle à la précision des déclarations car les questionnaires incitaient les travailleurs à ajouter des commentaires qui n’ont pu être analysés.

La mine où l’on a mené l’étude était située dans une région éloignée du nord-est de l’Ontario, en voie d’être fermée et la main-d’œuvre y avait donc été considérablement réduite. La communication avec les travailleurs a été difficile, surtout avec ceux qui avaient trouvé un autre emploi et qui avaient déménagé. Les travailleurs possédaient un niveau d’instruction varié et il est possible que certains d’entre eux aient mal compris les questions et que leurs réponses aient ainsi été faussées. Le premier dépistage était fondé sur les symptômes déclarés par les travailleurs, lesquels ne s’étaient peut-être pas encore manifestés ou bien, n’étaient pas suffisamment graves pour être décelés. On n’a pas demandé à l’entreprise de fournir des renseignements sur l’état ou l’entretien de l’équipement vibrant utilisé dans la mine, ni sur la surveillance de l’exposition à celui-ci. Ni l’entreprise, ni le syndicat n’ont été invités à donner de l’information sur l’obligation de diligence raisonnable ou sur la surveillance des cas de SR. Ces facteurs ont empêché l’enregistrement de données précises et ont donc influé sur les résultats extraits de la base de données.

Remerciements

Nous tenons à remercier le Dr P. L. Pelmear pour ses judicieux conseils.

Références

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10. Pelmear, PL; Taylor, W, Wasserman, DE., p. 86.

11. Miller, BF, M.D., et coll. Encyclopedia and Dictionary of Medicine, Nursing, and Allied Health, Pennsylvania; W. B. Saunders and Company; 1978; p. 426.

12. Microsoft Inc. FoxPro; http://msdn.microsoft.com/vfoxpro/. Contacté le 26 octobre 2001.

13. SPSS Inc. SPSS 60606SPSS; Version 8.

14. Pelmear, PL,Taylor, W, Wasserman, DE. p. 56.

15. Ashe, W.F., Occupational Raynaud’s II. Archives of Environmental Health.1964; p. 425.

16. American Conference of Governmental Industrial Hygienists (ACGIH). Threshold Limit Values for Chemical Substances and Physical Agents. Cincinnati (Ohio): American Conference of Governmental Industrial Hygienists; 2000; Énoncé de politique

17. Andersen, JE, p. 21.

18. National Institute for Occupational Safety and Health (NIOSH). Criteria for a Recommended Standard: Occupational Exposure to Hand-Arm Vibration. Cincinnati (Ohio); U.S. Department of Health and Human Services; September 1989; p. 104.

19. ICD-9-CM; International Classification of Diseases, 9th Revision, 4th Edition. Clinical Modification, Volumes 1, 2 & 3, 1992. Practice Management Information Corporation. Los Angeles (Californie); p. 247.


Coordonnées des auteurs

Joel Andersen, Donna M Campbell, Colleen E Hill, Wendy J Langis, John E Petherick, Centres de santé des travailleurs(ses) de l’Ontario Inc., Sudbury (Ontario)

Ted Haines, Centres de santé des travailleurs(ses) de l’Ontario Inc., Hamilton (Ontario)

Kevin K Conley, Métallurgistes unis d’Amérique, Bureau 6500, Sudbury (Ontario)

Randy J Bissett, Nancy E Lightfoot, Jason White, Centre régional de cancérologie du Nord-Est de l’Ontario, Sudbury (Ontario)

Correspondance : Colleen Hill, Centres de santé des travailleurs(ses) de l’Ontario Inc. (Sudbury), 1780 Regent Street South, Sudbury (Ontario) P3E 3Z8; télécopieur : (705) 523-2606; courriel : CHill@ohcow.on.ca

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Dernière mise à jour : 2002-09-30 début