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Maladies chroniques au Canada


Volume 23
Numéro 2
2002

[Table des matières]

Agence de santé publique du Canada

Incidence du cancer chez les jeunes adultes au Canada : Résultats préliminaires d'un projet de surveillance du cancer


Loraine D Marrett, Jennifer Frood, Diane Nishri, Anne-Marie Ugnat et le Groupe de travail sur le cancer chez les jeunes adultes au Canada (CJAC)

Résumé

La surveillance du cancer chez les jeunes adultes n'a pas reçu l'attention qu'elle méritait, même Sir Richard Doll en a souligné l'importance il y a une dizaine d'années. Le présent rapport décrit les profils, les tendances temporelles et les variations régionales de l'incidence du cancer chez les jeunes adultes au Canada. Entre 1987 et 1996, 97 469 cancers ont été diagnostiqués chez des Canadiens de 20 à 44 ans, près des deux tiers des cas étant des femmes. Dix types de cancer étaient à l'origine de 83 % des cas diagnostiqués chez les femmes et de 74 % des cas chez les hommes. Les cancers les plus répandus chez les jeunes femmes étaient le cancer du sein, du col utérin, le mélanome malin, le cancer de la thyroïde et de l'ovaire; chez les jeunes hommes, le cancer du testicule, le lymphome non hodgkinien, le mélanome malin, le cancer colorectal et le cancer du poumon étaient les sièges les plus fréquents. Bien que l'incidence n'a progressé que légèrement pour l'ensemble des cancers entre 1969 et 1996, l'augmentation a été abrupte pour plusieurs types particuliers de cancer : poumon (femmes), mélanome malin, testicule, thyroïde et lymphome non hodgkinien. L'incidence a diminué dans le cas de quelques cancers : colorectal, poumon (hommes), col utérin et ovaire. L'incidence du cancer du poumon était beaucoup plus faible que la moyenne canadienne chez les femmes des Prairies et le taux était élevé mais de façon non significative au Québec (les deux sexes), alors que le taux de mélanome était beaucoup plus bas au Québec (les deux sexes) et élevé chez les femmes de la région du Pacifique.

Mots clés : incidence; surveillance; tendances temporelles; tumeurs


Introduction

Bien qu'il soit relativement rare qu'un cancer soit diagnostiqué chez les jeunes adultes (de 20 à 44 ans), les conséquences d'un tel diagnostic sont immenses : au moment du diagnostic de cancer, il reste à ces personnes une bonne partie de leur vie à vivre et elles peuvent ainsi devoir composer pendant des décennies avec les répercussions physiques, génétiques, sociales, affectives et spirituelles du diagnostic et du traitement du cancer, ou encore leur vie peut être considérablement raccourcie, avec toutes les répercussions que cela peut avoir sur leur famille et sur la société en général.

La surveillance des profils et tendances du cancer chez les jeunes adultes n'a pas reçu l'attention qu'elle méritait, même si une importante surveillance est exercée chez les enfants et la population en général. Dans le discours qu'il a prononcé lors de la plénière de la Society for Epidemiologic Research à Buffalo, New York, en 1991, Sir Richard Doll a souligné l'importance de la surveillance dans ce groupe d'âge :

Les tendances chez les jeunes adultes sont, à mon avis, l'aspect de loin le plus important à considérer lorsqu'on évalue les efforts de lutte contre le cancer et ce, pour deux raisons : tout d'abord, parce que les tendances ne peuvent refléter que les changements relativement récents dans la prévalence des agents cancérigènes et ne sont pas influencés par les effets des changements survenus longtemps dans le passé et, deuxièmement, parce que les jeunes gens adoptent le plus souvent de nouvelles habitudes avant les personnes plus âgées1. (Traduction)

Le rapport qui suit présente des données préliminaires d'un projet entrepris par le Groupe de travail sur le cancer chez les jeunes adultes au Canada (CJAC) (voir la liste des membres à l'annexe). Le projet a principalement pour but de décrire les profils du cancer chez les Canadiens de 20 à 44 ans, notamment d'identifier les formes les plus fréquentes de cancer et de décrire les tendances dans le temps et les variations régionales de l'incidence de ces cancers.

Matériel et méthodologie

Matériel

Les données sur l'incidence du cancer pour la période 1969-1996 proviennent de Santé Canada. Ces données sont tirées des registres provinciaux et territoriaux du cancer, mais ont été communiquées à Statistique Canada pour être versées dans le Système national de déclaration des cas de cancer (1969-1991) et le Registre canadien du cancer (1992-1996)2. Des couplages internes des données dans le Registre canadien du cancer sont effectués à Statistique Canada afin de s'assurer que les patients ne sont comptabilisés qu'une seule fois. Santé Canada reçoit une copie de ce fichier sans information nominative.

Santé Canada a communiqué les taux selon l'année de diagnostic, le sexe, le groupe d'âge par tranches de cinq ans au moment du diagnostic, la région et le type de cancer chez les patients âgés de 20 à 44 ans au moment du diagnostic. Le type de cancer est codé d'après la 9e révision de la Classification internationale des maladies (CIM-9)3. (Il convient de noter que les cancers de la peau autres que les mélanomes, code 173 de la CIM-9, ne sont pas inclus.) Le Canada a été divisé en six régions : Pacifique (Colombie-Britannique), Prairies (Alberta, Saskatchewan, Manitoba); Ontario; Québec; Atlantique (Nouvelle-Écosse, Nouveau-Brunswick, Île-du-Prince-Édouard, Terre-Neuve) et Nord (Territoires du Nord-Ouest et Nunavut, Yukon). Santé Canada a également fourni les données démographiques correspondantes4.

Méthodologie

Les types de cancer selon le sexe ont été classés en fonction du nombre de cas diagnostiqués au cours de la période de 10 ans la plus récente, 1987-1996. Les cancers qui étaient les plus fréquents ont fait l'objet d'analyses plus détaillées.

Les taux d'incidence ont été standardisés pour l'âge en utilisant des groupes d'âge de cinq ans (20-24, 25-29, 30-34, 35-39 et 40-44) et en fonction de la structure d'âge de la population canadienne de 19915. Les tendances de l'incidence sur la période de 28 ans (1969-1996) ont été examinées pour l'ensemble du Canada sous plusieurs angles : sexe pour l'ensemble des cancers, tous les types de cancer qui frappent les deux sexes (total des cancers moins les cancers de l'appareil reproducteur et le cancer du sein chez les hommes et les femmes) et chacun des types de cancer les plus fréquents. Afin d'estimer la variation annuelle moyenne en pourcentage (VAMP), le logarithme du taux annuel standardisé pour l'âge a été calculé en fonction de l'année de diagnostic au moyen d'une régression linéaire et des composantes PROCs REG et GLM du SASÒ6. Les termes linéaires et les termes quadratiques ont été intégrés dans le modèle initial. Lorsque le terme quadratique était non significatif (p > 0,05), nous présumions que le modèle linéaire était adéquat et la VAMP a alors été estimée à l'aide de la formule suivante : VAMP = (exp(bêta)-1) * 100; les limites de confiance à 95 % ont été de même calculées en transformant les limites de confiance pour la courbe estimée. Lorsqu'un terme quadratique significatif semblait indiquer que la tendance dans le temps n'était pas linéaire, nous n'avons pas estimé la VAMP. Pour illustrer les tendances, nous avons utilisé les moyennes mobiles des taux sur trois ans.

Nous avons examiné les variations régionales de l'incidence en calculant les taux standardisés pour l'âge selon le sexe, le type de cancer et la région pour la période 1987-1996. Un taux régional était considéré significativement différent de celui de toutes les provinces et des territoires combinés si l'intervalle de confiance à 95 % (calculé au moyen d'une approximation binomiale) n'incluait pas le taux pour l'ensemble du Canada. Sauf pour l'ensemble des cancers, le Nord a été exclu de l'analyse régionale à cause du petit nombre de cas pour bien des types de cancer; seulement 270 cancers ont été en effet diagnostiqués chez les jeunes adultes du Nord au cours de la présente décennie.

Résultats

Cancers courants

Entre 1987 et 1996, 97 469 cancers ont été diagnostiqués chez les jeunes adultes. Le cancer était environ deux fois plus fréquent chez les femmes que chez les hommes de 20 à 44 ans : 60 803 cancers ont été diagnostiqués chez les jeunes adultes de sexe féminin et 36 666 chez les jeunes adultes de sexe masculin (figure 1). Si on se limite aux cancers qui surviennent dans la population des deux sexes (c.-à-d. si on exclut les cancers de l'appareil reproducteur et le cancer du sein chez la femme), les chiffres étaient assez voisins, le nombre de cancers étant légèrement supérieur chez les hommes (28 426 chez les femmes; 31 165 chez les hommes).

Les cancers les plus fréquents dans la population masculine et féminine sont également indiqués à la figure 1. Dix types sont responsables de 83 % des cancers chez les jeunes femmes et de 74 % de ceux chez les jeunes hommes. Le sein chez la femme étant de loin le siège de cancer le plus fréquent (n = 20 680), étant à l'origine de 21 % des cancers diagnostiqués dans la population des deux sexes et de 34 % des cancers chez les femmes.

Plusieurs des principaux cancers se sont développés aux dépens de l'appareil reproducteur : col utérin et ovaire (2e et 5e rangs, respectivement) chez les femmes et testicule (1er rang) chez les hommes. Bien que le classement par rang différait selon le sexe, certains cancers étaient répandus tant chez les hommes que chez les femmes : lymphome non hodgkinien, mélanome malin, maladie de Hodgkin et cancers du côlon et du rectum, du poumon et de l'encéphale. Le cancer de la thyroïde était beaucoup plus fréquent chez les femmes (n = 4 562) que chez les hommes (n = 1 206, non illustré).


FIGURE 1
Fréquence des dix principaux cancers chez les jeunes adultes (de 20 à 44 ans), selon le sexe, Canada, 1987-1996a

Figure 1

a

Les cancers de la peau autres que le mélanome ne sont pas inclus. Les surfaces des cercles sont proportionnelles au nombre de cancers.

b

Os et tissu conjonctif.




Tendances dans le temps

L'incidence du cancer a progressé légèrement entre 1969 et 1996 chez les jeunes hommes (0,66 % par année) et chez les jeunes femmes (tendance non linéaire) (figure 2 et tableau 1). La figure 2 illustre la surincidence constante et importante du cancer en général chez les femmes. Lorsqu'on se limite cependant aux cancers qui peuvent survenir chez les deux sexes, les taux étaient similaires pour les hommes et les femmes ou étaient légèrement supérieurs chez les hommes. Les taux ont augmenté de façon significative dans ce sous-groupe de types de cancer (0,56 % par année chez les hommes et 1,23 % chez les femmes).

La figure 3 présente les tendances pour les cancers les plus répandus, alors que le tableau 1 illustre les résultats de l'analyse de régression. La tendance peut-être la plus frappante est la forte augmentation observable pour un certain nombre de cancers. La hausse était linéaire et dépassait 2 % par année pour le cancer du testicule (2,73 % par année), le cancer de la thyroïde chez les hommes (2,83 % par année) et le lymphome non hodgkinien chez les deux sexes (3,69 % chez les hommes et 2,68 % chez les femmes, par année). Pour certains autres types de cancer, des augmentations importantes ont été enregistrées au cours de la période visée (figure 3 : poumon chez les femmes; mélanome malin chez les deux sexes; thyroïde chez les femmes), mais comme le taux de variation n'était pas constant dans le temps, une seule VAMP ne pouvait résumer adéquatement la tendance. Il est encourageant de voir que les tendances récentes en ce qui concerne le mélanome malin montre qu'il y a une faible stabilisation des taux ou un mouvement à la baisse et que l'incidence du cancer du poumon chez les femmes a augmenté à un rythme moins rapide ces dernières années. On a observé des diminutions linéaires significatives dans le cas du cancer colorectal (les deux sexes), du cancer du poumon (hommes seulement) et du cancer de l'ovaire, encore qu'une tendance à la baisse soit également manifeste dans le cas du cancer du col utérin (non linéaire à cause d'un ralentissement récent de la baisse de l'incidence). Bien que la tendance pour le cancer du sein soit aussi non linéaire, l'incidence est demeurée relativement stable au cours de la dernière décennie.

La figure 3 permet également de décrire les rapports de taux hommes/femmes. S'il est vrai que l'incidence a toujours été plus élevée chez les hommes dans le cas du lymphome non hodgkinien, les femmes présentaient des taux supérieurs de mélanome malin et des taux beaucoup plus élevés de cancer de la thyroïde. Avec le temps, les taux d'incidence chez les hommes et les femmes ont convergé dans le cas des cancers du poumon et colorectal et se sont écartés quelque peu dans le cas du lymphome non hodgkinien et du cancer de la thyroïde.


FIGURE 2
Moyenne mobile sur trois ans du taux d'incidence standardisé pour l'âgea pour l'ensemble des cancersb et pour tous les cancers sauf les types particuliers à un sexe, chez les jeunes adultes (de 20 à 44 ans), selon le sexe, Canada, 1969-1996

Figure 2

a Standardisé en fonction de la structure d'âge de la population canadienne de 1991.

b Cancers de la peau autres que le mélanome non inclus.


TABLEAU 1
Estimation de la variation annuelle moyenne en pourcentage
(limites de confiance à 95 %) du taux d'incidence chez les jeunes adultes
(de 20 à 44 ans), selon le sexe et le type de cancer, Canada, 1969-1996

Hommes

Femmes

Ensemble des cancersa

0,66 (0,55, 0,78)

NLb

Ensemble des cancers, à l'exclusion des types particuliers à un sexe

0,56 (0,37, 0,75)

1,23 (1,05, 1,41)

Côlon et rectum

-0,43 (-0,77,
-0,08)

-1,39 (-1,69,
-1,08)

Poumon

-0,94 (-1,32,
-0,55)

NLpositif

Mélanome malin

NLpositif

NLpositif

Sein

NL

Col utérin

NLnegatif

Ovaire

-0,82 (-1,16,
-0,47)

Testicule

2,73 (2,36, 3,10)

Thyroïde

2,83 (2,05, 3,61)

NLpositif

Lymphome non hodgkinien

3,69 (3,30, 4,08)

2,68 (2,16, 3,20)

a

Cancers de la peau autres que le mélanome non inclus.

b

L'abréviation NL indique que la ligne de meilleur ajustement est non linéaire. La flèche à la suite de NL indique la direction de la tendance dominante, lorsqu'une seule est manifeste.



FIGURE 3
Moyenne mobile sur trois ans du taux d'incidence standardisé pour l'âgea pour les cancers courants
chez les jeunes adultes (de 20 à 44 ans), selon le sexe, Canada, 1969-1996

Figure 3

a Standardisé en fonction de la structure d'âge de la population canadienne de 1991.

Veuillez noter que l'échelle est différente de celle du graphique sur le cancer du sein, du col utérin et de l'ovaire.



Variations régionales

On n'a observé pratiquement aucune variation de l'incidence de l'ensemble des cancers d'une région à l'autre du pays, même si les taux étaient légèrement inférieurs dans le Nord et supérieurs en Ontario (figure 4). Quelques différences régionales dans l'incidence selon le siège étaient frappantes. Le Québec affichait des taux plus élevés de cancer du poumon (non significatifs) et une plus faible incidence de mélanome malin (significative) chez les hommes comme chez les femmes. Les Prairies ont enregistré des taux plus faibles de cancer du poumon, plus particulièrement chez les femmes, alors que la région du Pacifique a signalé des taux élevés de mélanome malin (significatifs chez les femmes). Les taux de cancer de la thyroïde étaient beaucoup plus élevés chez les Ontariennes que chez les femmes d'autres régions (non significatifs); on notait également une légère surincidence chez les hommes de l'Ontario.

Un gradient d'ouest en est était apparent pour l'incidence du cancer colorectal et du cancer de l'ovaire et l'inverse était vrai pour le cancer du testicule et le mélanome malin (abstraction faite des taux très faibles au Québec).


FIGURE 4
Taux d'incidence standardisé pour l'âgea pour les cancers courants chez les jeunes adultes
(de 20 à 44 ans), selon la région et le sexe, Canada, 1987-1996

Figure 4

a Standardisé en fonction de la structure d'âge de la population canadienne de 1991.

b Cancers de la peau autres que le mélanome non inclus.

* Significativement différents par rapport au taux canadien (p < 0,05).

Veuillez noter que les échelles sont différentes pour l'ensemble des cancers et pour le cancer du sein.


Analyse

Dans l'ensemble, les cancers sont relativement peu fréquents chez les jeunes adultes : seulement 8,7 % (10 331/118 631) de tous les nouveaux cancers au Canada en 1996 ont été diagnostiqués dans ce groupe d'âge7. En revanche, environ 1 % des cas de cancer sont survenus chez les 0 à 19 ans et 90 % chez les 45 ans et plus.

Les types de cancer les plus fréquents et leur fréquence relative diffèrent chez les jeunes adultes et chez les adultes plus âgés et les enfants. On retrouve dans cette tranche d'âge un mélange de cancers courants chez les enfants et les adolescents (cancer de l'encéphale, maladie de Hodgkin, lymphome non hodgkinien), ainsi que des cancers très répandus chez les adultes plus âgés (sein, colorectal et poumon) et d'autres qui ne sont pas particulièrement fréquents dans l'un ou l'autre groupe (mélanome malin, testicule, thyroïde).

Le ratio des sexes est également très différent de celui obtenu pour les autres groupes d'âge. Bien qu'on note une surincidence du cancer chez les hommes durant l'enfance et l'adolescence et après l'âge de 60 ans4, les taux de cancer chez les jeunes adultes de sexe féminin étaient remarquablement plus élevés, le ratio femmes/hommes étant d'environ deux. Cette surincidence est due presque exclusivement à la fréquence beaucoup plus grande du cancer du sein et des cancers de l'appareil reproducteur chez les femmes comparativement aux hommes.

Plusieurs des cancers qui sont courants dans ce groupe d'âge ont vu leur incidence croître au cours des quelque 30 ans visés par ces données, certains de façon spectaculaire (mélanome malin, cancer de la thyroïde et lymphome non hodgkinien chez les deux sexes, cancer du poumon chez les femmes et cancer du testicule chez les hommes). Les raisons sous-tendant certaines de ces hausses ont été établies (p. ex., augmentation de l'exposition au soleil dans le cas du mélanome malin et de l'usage du tabac dans le cas du cancer du poumon chez la femme), mais dans le cas de certains autres types de cancer (p. ex., cancer du testicule), les raisons demeurent encore obscures.

Bien que quelques profils régionaux marqués ressortent, il faut user de prudence dans l'interprétation des différences régionales parce que le Registre canadien du cancer est en fait un amalgame de registres provinciaux distincts, chacun ayant ses propres modes de fonctionnement, lois applicables et règles d'enregistrement.

Comme l'a souligné Sir Richard Doll1, la surveillance du cancer chez les jeunes adultes peut constituer une source particulièrement utile d'information. Les cancers dans ce groupe d'âge peuvent représenter des «événements sentinelles», nous avertissant des effets des expositions/comportements nouveaux ou changeants, notamment de l'adoption précoce de comportements préventifs. Ainsi, l'examen des tendances et des profils de cancer dans ce groupe d'âge peut signaler au chercheur la nécessité d'obtenir de l'information sur des expositions/comportements qui pourraient en être à l'origine et peut même indiquer de quels expositions/comportements il s'agit. C'est sur quoi porteront les travaux futurs du Groupe de travail sur le CJAC.

En outre, les tendances relatives aux cancers également fréquents dans les groupes plus âgés peuvent augurer des tendances futures chez les adultes âgés. Par exemple, une des interprétations possibles du déclin/stabilisation de l'incidence du mélanome malin dans ce groupe d'âge au cours de la dernière décennie est l'adoption par les jeunes d'un comportement préventif à l'égard du soleil qui s'est traduit par un plafonnement de l'incidence du mélanome malin. On pourrait avancer l'hypothèse qu'à mesure que la génération actuelle de jeunes adultes avance en âge, les taux de mélanome malin peuvent se stabiliser et même diminuer dans les décennies à venir chez les groupes plus âgés, au sein desquels l'incidence n'a cessé de croître jusqu'à présent.

Conclusions et orientations futures

Malgré la recommandation formulée par Sir Richard Doll il y a une dizaine d'années, pratiquement aucune surveillance systématique des profils et des tendances du cancer n'a été effectuée chez les jeunes adultes. Le Groupe de travail sur le CJAC a été chargé de corriger la situation, à tout le moins pour le Canada. Lors d'un atelier organisé à Toronto en octobre 2000, le Groupe de travail a adopté un protocole d'étude pour décrire le cancer chez les jeunes adultes au Canada au cours des trois dernières décennies. Le projet visait trois principaux objectifs : décrire les principales formes actuelles de cancer chez les jeunes hommes et les jeunes femmes du Canada; documenter les tendances de l'incidence et de la mortalité associées à ces cancers et à certains sous-types histologiques importants, s'il y a lieu; et interpréter les tendances en fonction des facteurs de risque/expositions responsables probables. Le présent article ne fournit des données préliminaires que pour le premier objectif et une partie du deuxième. À l'avenir, le Groupe de travail sur le CJAC s'attaquera principalement aux objectifs restants. Plus particulièrement, ses membres effectueront des survols de la littérature et rechercheront des sources de données pour aider à vérifier les hypothèses avancées à la lumière des profils d'incidence et des études publiées, le but ultime étant de recommander des mesures de santé publique et des priorités en matière de recherche.

Le Groupe de travail raffinera et mettra à jour également les résultats présentés dans cet article en utilisant les données fournies directement par les registres provinciaux du cancer. On obtiendra ainsi des données plus à jour et plus comparables et on pourra mieux étudier et comprendre les anomalies dans les données ou les artefacts qui peuvent fausser l'interprétation des tendances et des variations régionales. Par exemple, les critères relatifs à ce qui constitue un second cancer primitif diffèrent d'un registre à l'autre; à moins que ces critères ne soient standardisés, ces écarts pourraient entraîner des différences régionales artéfactuelles dans le cas de certains cancers, en particulier pour les cancers du sein, de la peau (mélanome malin) et du côlon lorsque de multiples cancers du même organe sont relativement fréquents. De plus, la qualité et l'exhaustivité des données sur le cancer varient d'un registre à l'autre ainsi que dans le temps. Les registres sont le mieux à même d'aider le Groupe de travail à comprendre les variations et les limites de leurs données, dans la mesure où elles influent sur l'interprétation des tendances et des profils régionaux.

Remerciements

Le Centre de prévention et de contrôle des maladies chroniques de Santé Canada a financé l'atelier organisé à Toronto en octobre 2000, lors duquel le Groupe de travail sur le CJAC a élaboré le protocole de ce projet. Nous tenons à remercier Mme Gini Hunter et Mme Sheila Wing qui ont contribué au succès de l'atelier.

Références

  1. Doll R. Progress against cancer: An epidemiologic assessment. The 1991 John C. Cassel Memorial Lecture. Am J Epidemiol 1991;134; 675-688.

  2. Band PR, Gaudette LA, Hill GB, et coll. Développement du Registre canadien du cancer : L'incidence du cancer au Canada et dans ses régions, 1969 à 1988, Ottawa, Ministre d'Approvisionnements et Services Canada, 1993, no au catalogue C52-42/1992.

  3. Organisation mondiale de la Santé, Classification internationale des maladies - Neuvième révision, Genève, OMS, 1997.

  4. Statistique Canada, Statistiques démographiques annuelles, Ottawa, 1999; no au catalogue 91-213-XPB.

  5. Institut national du cancer du Canada, Statistiques canadiennes du cancer 2001, Toronto, 2001.

  6. SAS Institute Inc. The SAS system for Windows V.8. Cary (NC): SAS Institute Inc, 1999.

  7. Santé Canada, Direction générale de la santé de la population et de la santé publique, Surveillance du cancer en direct, site Web : http://www.dsol-smed.hc-sc.gc.ca/dsol/cancer/index_f.html. Consulté en juin 2001.


Annexe

Voici la liste des membres du Groupe de travail sur le cancer chez les jeunes adultes au Canada (CJAC) :

Sharon Buehler, Memorial University of Newfoundland

Ron Dewar, Nova Scotia Cancer Registry

Dagny Dryer, Prince Edward Island Cancer Registry

Juanita Hatcher, Alberta Cancer Board

Eric Holowaty, Action Cancer Ontario

Claire Infante-Rivard, Université McGill

Yang Mao, Santé Canada

Loraine D Marrett, Action Cancer Ontario

Mary McBride, British Columbia Cancer Agency

Nazeem Muhajarine, University of Saskatchewan

Diane Nishri, Action Cancer Ontario

Beth Theis, Action Cancer Ontario

Donna Turner, Cancer Care Manitoba

Anne-Marie Ugnat, Santé Canada

Hannah Weir, Centers for Disease Control and Prevention, É.-U.




Coordonnées des auteurs

Loraine D Marrett, Jennifer Frood, Diane Nishri, Division d'oncologie préventive, Action Cancer Ontario, Toronto, Ontario

Anne-Marie Ugnat, Division de la surveillance et de l'évaluation des risques, Centre de prévention et de contrôle des maladies chroniques, Santé Canada, Ottawa, Ontario et le Groupe de travail sur le cancer chez les jeunes adultes au Canada (CJAC)

Correspondance : Loraine D Marrett, Division d'oncologie préventive, Action Cancer Ontario, 620 University Ave., Toronto (Ontario) M5G 2L7; Télécopieur : (416) 971-6888; Courriel : loraine.marrett@cancercare.on.ca

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Dernière mise à jour : 2002-06-20 début