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Coûts à vie de la prise en charge du cancer du côlon et du cancer rectal au Canada Résumé Le cancer colorectal est la deuxième cause en importance de décès par cancer parmi la population canadienne. Nous avons calculé les coûts directs en soins de santé associés à la prise en charge à vie des quelque 16 856 patients ayant reçu un diagnostic de cancer du côlon et de cancer rectal au Canada en 2000. Les données relatives aux méthodes diagnostiques, aux algorithmes de traitement, au suivi et aux soins à mesure que la maladie évolue ont été tirées de diverses bases de données et intégrées au Modèle sur la santé de la population (POHEM) de Statistique Canada afin d'estimer les coûts à vie. Le coût moyen à vie (en dollars canadiens) de la prise en charge des patients atteints du cancer colorectal oscillait entre 20 319 $ par cas pour le cancer du côlon de stade TNM I, à 39 182 $ par cas pour le cancer rectal de stade III. Nous avons estimé que le coût total à vie du traitement de la cohorte de patients de 2000 s'élevait à plus de 333 millions de dollars dans le cas du cancer du côlon et à 187 millions de dollars dans le cas du cancer rectal. Les coûts associés à l'hospitalisation représentaient 65 % et 61 % des coûts à vie du cancer du côlon et du cancer rectal, respectivement. Les modèles d'établissement des coûts des maladies peuvent être des outils très précieux dans le domaine des politiques, car ils facilitent l'affectation des ressources. Nos résultats font ressortir l'importance de procéder en milieu de soins ambulatoires aux tests préopératoires et à la détermination du stade, dans la mesure du possible, afin de tirer un parti optimal des sommes investies. De même, les soins en phase terminale pourraient être dispensés de manière plus efficiente à domicile ou dans les unités de soins palliatifs.
Mots clés : cancer colorectal; coûts à vie; coûts directs des soins; micro-simulation; modèle d'établissement des coûts
Introduction À l'aube du XXIe siècle, le système de santé canadien est confronté à de graves restrictions budgétaires. Les percées technologiques coûteuses et le vieillissement de la population mettent à rude épreuve le secteur des soins de santé. Pour obtenir les meilleurs résultats possibles sur le plan de la santé, les responsables des politiques en matière de santé doivent établir les priorités qui guideront l'affectation des ressources. Les études économiques sur le fardeau de la maladie peuvent apporter un concours précieux à l'élaboration des politiques. Ces études permettent d'estimer l'incidence financière actuelle et future des maladies sur la société et peuvent également servir de point de référence pour l'évaluation coût-efficacité des nouveaux traitements médicaux ou programmes de prévention1. En 2002, le cancer colorectal (CCR) était le troisième cancer le plus fréquent chez les hommes et les femmes au Canada, et la deuxième cause en importance de décès par cancer. Le CCR invasif a été diagnostiqué chez environ 17 600 Canadiens en 2002, et l'on prévoyait que plus de 6 600 personnes allaient mourir de cette maladie cette année-là2. Nous avons mis au point un modèle général de la prise en charge du CCR selon le siège (côlon et rectum) et l'avons intégré dans le Modèle sur la santé de la population de Statistique Canada (POHEM)3,4 afin d'estimer le coût direct total à vie du traitement de la cohorte de patients porteurs d'un CCR* en 2000. Méthodologie Pour établir un modèle économique intégrant toutes les phases du CCR et de sa prise en charge, il a fallu utiliser un certain nombre de bases de données (le lecteur trouvera de l'information sur les principales sources de données et leur utilisation aux annexes A et B). C'est un examen rétrospectif de 700 dossiers de patients ayant reçu un diagnostic de CCR en 1991-1992 au sein du réseau hospitalier d'Ottawa (l'examen des dossiers d'Ottawa) qui a constitué la principale source de données sur la prise en charge clinique. Cet examen a permis d'obtenir des données sur les caractéristiques démographiques des patients, les investigations visant à établir le stade de la maladie, le traitement (chirurgie, chimiothérapie et radiothérapie) et l'information sur les résultats. La prise en charge du CCR a été caractérisée en fonction de trois périodes : traitement initial, traitement de la récidive locale et prise en charge des métastases. La période de traitement initial comprenait de l'information sur le diagnostic, l'étape du traitement et celle du suivi des patients bien portants (stades I à III). Cette période prenait fin après cinq ans, et les patients étaient jugés guéris s'ils étaient demeurés indemnes de maladie. La période de récidive locale comportait de l'information sur le diagnostic, une étape de traitement initial de trois mois et une étape de soins actifs ne dépassant pas cinq ans, à moins que la présence de métastases soit documentée. La période relative aux métastases (qui inclut les sujets ayant reçu initialement un diagnostic de cancer de stade IV) fournissait de l'information sur ce diagnostic, une étape de traitement initial de six mois et une période de soins actifs ne dépassant pas cinq ans. Le décès pouvait survenir à tout moment au cours de ces périodes, et les trois ans précédant le décès par CCR étaient considérés comme une période de soins en phase terminale. Le stade au moment du traitement chirurgical principal est le plus important facteur déterminant du pronostic. Nous avons procédé à une modélisation de l'évolution de la maladie à partir de l'examen des dossiers d'Ottawa, pour chaque stade et chaque siège au moment du diagnostic, en nous fondant sur la TNM5. Chez les patients atteints d'un cancer de stade I, II ou III, les trois périodes de transition ayant fait l'objet d'une modélisation étaient les suivantes : du diagnostic à la récidive locale, à la récidive à distance (ou métastases) et au décès. Après la survenue d'une récidive locale, les seules périodes de transition modélisées étaient celles conduisant aux métastases ou au décès. Chez les sujets atteints d'une maladie métastatique au moment du diagnostic (y compris les cas de stade IV), la seule période de transition modélisée était celle conduisant au décès. L'examen des dossiers d'Ottawa a également servi à estimer la nature et la fréquence des modalités de traitement selon le stade et le siège de la maladie pour chaque période. Toutefois, vu l'apparition récente de nouveaux médicaments chimiothérapeutiques pour le traitement du CCR, une enquête a été menée en 1998 dans l'ensemble du Canada auprès des oncologues afin de réévaluer la proportion de patients recevant une chimiothérapie (et/ou une radiothérapie) et le type de chimiothérapie choisi6. Ces données d'enquête ont remplacé celles de l'examen des dossiers d'Ottawa pour tout ce qui concerne la chimiothérapie à l'étape du diagnostic initial. Pour estimer la durée de l'hospitalisation liée à la chirurgie à la période du traitement initial (ainsi qu'à celle de l'évolution), nous avons utilisé une base de données nationale de Statistique Canada, la Base de données axées sur la personne relative aux congés des hôpitaux7 pour chaque type de chirurgie recensé à l'aide de l'examen des dossiers d'Ottawa. Toutes les admissions hospitalières pour la période qui s'étend de 30 jours avant la date d'admission pour la chirurgie à 60 jours après cette date ont été utilisées comme variables de substitution pour toute hospitalisation à des fins de tests et d'interventions préopératoires ainsi que pour les réadmissions dues à des complications chirurgicales. Nous avons utilisé le Registre canadien du cancer (RCC)8 et les estimations démographiques de Statistique Canada9 pour estimer les taux d'incidence par âge-sexe du cancer du côlon et du cancer rectal au Canada. Au moment de l'analyse, les seules données fiables disponibles portaient sur l'année 1995, nous avons donc utilisé ces données comme variables de substitution pour représenter la situation canadienne en 2000. Nous avons procédé à une modélisation de la survie à l'aide d'une fonction par morceaux de Weibull4 faisant appel à la procédure Lifetest de SAS10. Évaluation des coûts Sauf indication contraire, tous les coûts ont été établis en dollars canadiens. L'analyse économique a été effectuée dans la perspective d'un gouvernement payeur dans le cadre d'un système universel de soins de santé et ne prenait pas en compte les coûts indirects, tels que la perte de revenu. Le Régime d'assurance-maladie de l'Ontario (RAMO) pour l'année 1998 a été la principale source d'information sur les coûts en ce qui concerne les honoraires des médecins, les procédures, les analyses de laboratoire et les chirurgies liées au CCR11. Les éléments de coûts unitaires pour les principaux volets de la prise en charge sont présentés à l'annexe C. Pour établir le coût de volets particuliers (p. ex., chirurgies) pour lesquels plus d'un type d'intervention pourrait être utilisé, nous avons établi le coût associé à l'intervention en faisant la somme des produits du coût (à partir des données du RAMO) de chaque type d'intervention multiplié par la proportion de son utilisation en fonction de l'algorithme de traitement établi à partir de l'examen des dossiers d'Ottawa. De façon similaire, nous avons déterminé le coût global d'un volet particulier en multipliant le coût pondéré moyen de ce volet par la proportion de la population qui utilise cette ressource. Ainsi, pour établir le coût pondéré de la chimiothérapie pour un cancer du côlon de stade III (4 120 $), nous avons multiplié le coût pondéré moyen de la chimiothérapie dans cette population (4 709 $) par la proportion estimative de sujets recevant ce traitement (87,5 %). Le modèle sur la santé de la population (POHEM) Le POHEM est un cadre d'organisation de l'information sur la santé ainsi qu'un modèle de micro-simulation qui permet d'estimer l'évolution des maladies, les répercussions des traitements et le coût à vie dans une vaste population. Bien qu'il soit possible d'estimer grossièrement le coût à vie au moyen de modèles matriciels de macro-simulation, une macro-modélisation plus détaillée nécessite généralement un nombre très considérable de cellules, ce qui rend cette approche inapplicable. En revanche, les modèles de micro-simulation utilisent des processus aléatoires relativement simples pour établir des cheminements de vie synthétiques complexes à partir de distributions de données empiriques. Le modèle n'est pas intrinsèquement limité quant au niveau de détail qu'il peut comprendre - mais plutôt, uniquement, par la disponibilité de descriptions pertinentes sur le plan clinique des processus morbides et des données nécessaires à la modélisation de ces derniers. Concrètement, le POHEM simule et synthétise un échantillon de cycles de vie individuels sous l'angle de la santé et des conditions socio-économiques, afin de recréer la distribution par âge-sexe et par stade tumoral de la cohorte de 2000 de nouveaux patients atteints de CCR au Canada. Chaque individu synthétique se voit attribué un âge et est soumis de manière probabiliste à des événements démographiques, à l'apparition et à l'évolution de maladies, et à l'utilisation des ressources de soins de santé, en fonction des données sur l'incidence, le traitement et l'évolution de la maladie intégrées dans POHEM. L'apparition ou non, chez un individu simulé, d'un cancer du côlon ou d'un cancer rectal est déterminée par un mécanisme de génération de nombres aléatoires, en tant que fonction de la probabilité estimative de la survenue. En fonction de la distribution des stades par siège, chaque sujet ayant reçu un diagnostic de CCR dans la population simulée se voit attribuer de manière aléatoire un stade au moment du diagnostic. Le stade détermine les modalités thérapeutiques, conformément aux algorithmes de traitement initial obtenus aussi bien pour le cancer du côlon que pour le cancer rectal. Pour déterminer l'évolution et l'issue de la maladie, nous comparons les nombres aléatoires avec la fonction de survie calculée. La distribution de la récidive et celle du traitement sont également intégrées afin d'estimer les coûts au fil du temps. En raison de la taille de l'échantillon de simulation (32 millions d'individus), l'erreur de Monte Carlo est réduite comparativement aux données de sortie du modèle présentant un intérêt. Analyse de la sensibilité L'«actualisation» prend en considération le fait que les coûts et avantages futurs doivent être réduits ou actualisés, étant donné que la valeur actualisée des dollars d'aujourd'hui est supérieure à la valeur actualisée des dollars futurs. Des analyses de la sensibilité fondées sur des taux d'actualisation annuels de 0 %, 3 % et 5 % ont été effectuées. Résultats Incidence et stade de la maladie et survie Le tableau 1 est un sommaire, fondé sur le POHEM, de l'évolution de la maladie chez les patients atteints de cancer du côlon et de cancer rectal. Le nombre global prévu d'années de vie était de 7,6 ans dans le cas du cancer du côlon et de 7,4 ans dans le cas du cancer rectal. Il n'y avait pas d'augmentation du risque de récidive locale en fonction du stade de la maladie au moment du diagnostic. On observait toutefois une forte relation positive entre le stade et le risque de maladie métastatique ainsi que le risque de décès par maladie, de même qu'une relation inverse entre le stade et la durée de la survie. Dans l'ensemble, 52 % et 57 %, respectivement, des patients atteints de cancer du côlon et de cancer rectal décèdent de cette maladie au fil du temps, et la majorité des décès surviennent dans un délai de cinq ans.
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TABLEAU 1
a Estimations pour l'ensemble de la vie des patients atteints
de CCR |
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Coûts estimatifs de la période de traitement initial Tous les patients ayant reçu un diagnostic de cancer de stades I à III ont reçu un traitement chirurgical. Une chimiothérapie adjuvante a été administrée à 19 % et à 88 % des patients présentant un cancer du côlon de stades II et III, respectivement. Seuls les patients porteurs d'un cancer rectal avaient reçu une radiothérapie. Un traitement associant chimiothérapie et radiothérapie a été administré à 60 % et à 81 % des patients ayant un cancer rectal de stades II et III, respectivement. Des soins actifs ont été administrés, à 70 % et à 83 %, respectivement, des patients ayant un cancer du côlon et un cancer rectal de stade IV. Le tableau 2 révèle que les coûts moyens associés aux étapes du diagnostic et du traitement de la période de traitement initial pour le cancer du côlon et le cancer rectal de stades I à IV oscillaient entre 11 598 $ et 19 742 $; entre 53 % et 86 % de ces coûts étaient attribuables à l'hospitalisation. Dans les cas de stade IV, entre 30 % et 33 % du coût était attribuable à la chimiothérapie de première et de deuxième intentions. Comparativement, le coût du diagnostic et de la stadification était minime, s'établissant entre 375 $ et 568 $. Le suivi des patients bien portants dépend du stade. Le coût annuel total du suivi par personne diminuait avec le temps, passant d'environ 400 $ au cours de la première année à 150 $, la cinquième année; la moyenne globale à vie se situait entre 615 $ et 908 $ pour les stades I à III (les résultats sont en partie exposés au tableau 3).
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TABLEAU 2
*C = côlon; R = rectum TABLEAU 2 (suite)
*C = côlon; R = rectum TABLEAU 3
a Dans le cas du coût total du traitement initial, le résultat
obtenu par simulation avec le POHEM est légèrement différent du coût total
indiqué au tableau 2, en raison de la nature probabiliste
de la simulation.
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Coûts estimatifs des périodes de récidive locale et de métastases Le tableau 2 montre le coût estimatif de la prise en charge de la maladie dans les cas de récidive locale et de maladie métastatique selon le POHEM. Le coût moyen du diagnostic et du traitement de la récidive locale était de 6 611 $ chez les patients porteurs d'un cancer du côlon et de 6 708 $ chez ceux porteurs d'un cancer rectal. L'hospitalisation représentait 69 % et 56 % de ces coûts pour le cancer du côlon et le cancer rectal, respectivement. En fait, une proportion appréciable des patients ayant une récidive locale (56 % chez les sujets atteints du cancer du côlon et 68 % chez ceux atteints du cancer rectal) ne subissaient pas de résection chirurgicale au moment de la récidive et, par conséquent, le coût de l'hospitalisation était moindre qu'à la période du traitement initial des cancers de stades I à IV. Moins de 20 % des patients présentant un cancer du côlon recevaient une radiothérapie ou une chimiothérapie au moment de la récidive. Toutefois, 53 % des patients porteurs d'un cancer rectal avaient reçu une radiothérapie, et 12 %, une chimiothérapie. Encore une fois, les coûts associés au diagnostic et à la détermination du stade dans les cas de récidive locale étaient comparativement minimes, oscillant entre 407 $ et 477 $ par patient. Les coûts estimatifs correspondants associés à une maladie métastatique étaient plus élevés (environ 8 200 $), et l'hospitalisation représentait environ 45 % de ces coûts. La majorité des patients n'avaient pas subi de chirurgie (65 %) et seulement 9 % avaient reçu une radiothérapie. Le traitement le plus courant des métastases était la chimiothérapie. Selon l'examen des dossiers d'Ottawa, 46 % des patients avaient reçu une chimiothérapie de première intention, et moins de 20 % d'entre eux ont par la suite reçu une chimiothérapie de deuxième intention. Le coût de la chimiothérapie comme traitement de deuxième intention s'élevait à 19 314 $ par personne, mais seulement 8 % des patients avaient reçu ce traitement, aussi le coût pondéré s'élevait-il à environ 1 550 $. L'enquête sur le recours à la chimiothérapie a révélé que les schémas thérapeutiques nouveaux et/ou expérimentaux, comme l'irinotécan, sont souvent utilisés et sont coûteux. En plus, grâce aux nouvelles associations efficaces une plus grande proportion de patients reçoivent maintenant un traitement. Coûts estimatifs à vie des soins aux patients atteints de CCR au Canada Le tableau 3 montre les résultats obtenus à l'aide du POHEM pour les divers éléments des coûts à vie des soins dispensés aux 16 856 patients présentant un CCR en 2000. Il révèle également que le coût total à vie du traitement de tous les patients ayant un cancer du côlon et un cancer rectal (stades I à IV) dépassait, respectivement, 333 millions de dollars et 187 millions de dollars. Selon l'étape de la maladie, près de 80 % de ces coûts étaient consacrés au traitement initial ou étaient engagés au cours des soins en phase terminale. Le traitement initial représentait 49 % du coût total du cancer du côlon, et celui des soins en phase terminale, 28 %; cette situation s'explique principalement par le recours important à l'hospitalisation au cours de ces deux étapes. Les chiffres relatifs au cancer rectal étaient semblables. Le coût moyen par cas pour tous les stades du cancer du côlon et du cancer rectal s'élevait à 29 110 $ et 34 475 $, respectivement, et s'échelonnait entre 20 319 $ chez les patients atteints d'un cancer du côlon de stade I et 39 182 $ chez ceux atteints d'un cancer rectal de stade III. La figure 1 expose les éléments de coût pour tous les stades du cancer du côlon et du cancer rectal par intervention et révèle que, comme prévu, l'hospitalisation représentait une forte proportion du coût total, soit 65 % et 61 %, respectivement, du coût à vie de la prestation des soins pour le cancer du côlon et le cancer rectal. Étant donné que la majeure partie du coût du traitement était engagée au cours des cinq années suivant l'année de base de 2000, l'actualisation n'avait guère d'incidence sur le coût total à vie du traitement du cancer colorectal au Canada. Le coût total correspondant du traitement du cancer du côlon et du cancer rectal s'élevait, respectivement, à 325 millions de dollars et 182 millions de dollars, selon un taux d'actualisation de 3 %, et à 319 millions de dollars et 178 millions de dollars, selon un taux d'actualisation de 5 %. FIGURE 1
Analyse Le présent article fait état du coût à vie des soins dispensés aux patients canadiens ayant reçu un diagnostic de CCR. Il est le fruit d'une collaboration entre Statistique Canada, le Centre régional de cancérologie d'Ottawa, l'Université Queen's et Action Cancer Ontario. Les coûts à vie du cancer du poumon et du cancer du sein avaient déjà été établis dans le passé12-15. Pour mener une étude sur le fardeau de la maladie, il importe de disposer de données pertinentes. Le modèle relatif au CCR a été mis au point à l'aide d'un certain nombre de bases de données nationales, telles que la Base de données axées sur la personne relative aux congés des hôpitaux de Statistique Canada et le Registre canadien du cancer. En l'absence de données nationales, nous avons utilisé des données provinciales et régionales. La base de données du Manitoba16, par exemple, a permis d'établir les profils de suivi après le traitement du CCR, et l'examen des dossiers d'Ottawa a fourni de l'information sur l'évolution de la maladie et les algorithmes de traitement. Nous avons tenté d'obtenir les données les plus à jour possible. Ainsi, lorsque la disponibilité de nouveaux médicaments a rendu obsolètes les données existantes sur la chimiothérapie, les résultats d'une enquête menée auprès des oncologues ont permis d'obtenir de l'information sur les traitements chimiothérapeutiques les plus récents. Des initiatives nationales visant à intégrer les données sur les patients atteints de cancer et à élaborer des définitions de données devraient, fort heureusement, faciliter la collecte de données dans l'avenir. Nos résultats étaient analogues à ceux obtenus à l'aide des modèles du cancer du poumon et du cancer du sein. L'hospitalisation représentait 65 % et 61 %, respectivement, du coût à vie des soins dispensés aux patients atteints de cancer du côlon et de cancer rectal, alors que cette proportion était de 76 % et 63 %, respectivement, dans le cas du cancer du poumon et du cancer du sein. De même, 49 % des coûts étaient attribuables au traitement initial au moment du diagnostic, aussi bien pour le cancer du côlon que pour le cancer rectal, contre 53 % et 34 %, respectivement, dans le cas du cancer du poumon et du cancer du sein. De façon similaire, 29 % et 26 % des soins en phase terminale pour le cancer de côlon et le cancer rectal, respectivement, comparativement à 39 % et 27 % pour les deux autres sièges. Ces résultats font ressortir l'importance de procéder en milieu de soins ambulatoires aux tests préopératoires et à la détermination du stade, dans la mesure du possible, afin de tirer un parti optimal des sommes investies. De même, les soins en phase terminale pourraient être dispensés de manière plus efficiente à domicile ou dans les unités de soins palliatifs. Les coûts associés à la chimiothérapie ont été évalués avec plus de précision afin d'inclure les effets toxiques et les frais généraux. À l'avenir, une analyse complète du coût de la prestation de la chimiothérapie devrait comprendre les dépenses personnelles et autres frais engagés par les patients et les dispensateurs de soins. Enfin, il y a fort à parier que les coûts associés à la chimiothérapie constituent une sous-estimation, vu la mise au point récente d'agents efficaces, comme l'irinotécan et l'oxaliplatine17. Cependant, comme le coût de la chimiothérapie ne représente qu'environ 12 % du coût total du traitement du CCR, la difficulté de prendre en compte les modalités actuelles de chimiothérapie n'aura guère d'impact sur le coût à vie. Il est impossible d'établir une comparaison directe entre les données obtenues à l'aide de notre modèle et celles d'autres pays. La variation des coûts pourrait en effet être attribuable aux différences sur le plan de la survie, des méthodes thérapeutiques, de la nature du système de soins de santé et des populations de patients intégrées aux analyses§. Nous avons comparé nos résultats à ceux de deux études menées aux États-Unis par Taplin18 et par Brown19, et nos coûts hospitaliers avec les résultats d'une étude réalisée en Nouvelle-Écosse20. Bien que la possibilité de répartir la prise en charge du CCR en fonction des périodes «traitement initial», «soins continus» et «soins en phase terminale» fasse l'unanimité, il est difficile d'établir des comparaisons en raison des différences de définition de ces trois périodes. Dans notre modèle, par exemple, le traitement initial comprenait les trois premiers mois après le diagnostic, alors que Taplin et Brown ont tous deux utilisé plutôt les six premiers mois. De façon similaire, la période des soins en phase terminale correspondait, selon notre définition, aux trois derniers mois de la vie, alors que, chez Taplin et Brown, elle correspondait, respectivement, aux six et 12 derniers mois. En se fondant sur l'information relative au règlement des réclamations tirée de la base de données de SEER-Medicare aux États-Unis, Brown a estimé que le coût de la prise en charge du CCR au cours des périodes du traitement initial, des soins continus et des soins en phase terminale (en dollars américains) s'élevait, respectivement, à 18 100 $ (52,0 %), 1 500 $ (4,3 %) et 15 200 (43,7 %). Tapli s'est fondé pour sa part sur les patients inscrits dans le Group Health Cooperative de l'État de Washington en 1990 et 1991. Il a estimé que, dans le cancer du côlon seulement, le traitement initial, les soins continus et les soins en phase terminale représentaient, respectivement, 52,7 %, 4,6 % et 42,6 % du coût total. Près de la moitié des coûts étaient attribuables au traitement initial dans les trois études. Toutefois, les proportions que nous avons obtenues en ce qui a trait aux soins continus (24 %) et aux soins en phase terminale (27 %) différaient considérablement des chiffres signalés par Brown et Taplin, probablement en raison des différences de définition. Les auteurs de l'étude de la Nouvelle-Écosse ont utilisé des données administratives pour estimer les coûts hospitaliers associés à une cohorte en population de cas de CCR dans les trois ans suivant le diagnostic. Ils ont utilisé la durée du séjour et les taux journaliers par hôpital comme indicateurs de l'utilisation des ressources. Dans notre étude, nous avons utilisé la Base de données axées sur la personne de Statistique Canada, la pondération du volume des ressources de l'ICIS21 et un projet provincial intensif d'établissement des coûts22 pour estimer, respectivement, la durée du séjour à l'hôpital et le taux journalier. Les résultats de l'étude de la Nouvelle-Écosse présentent des similitudes avec les nôtres; ainsi, le coût de la prise en charge du CCR était jugé «nettement moindre en présence d'une dissémination locale, plus élevé au cours des six mois suivant le diagnostic ainsi qu'au cours des six derniers mois de vie». Nous considérons cependant que nos estimations sont plus réalistes, car l'étude de la Nouvelle-Écosse ne prend pas en compte l'intensité des soins dispensés pendant le séjour hospitalier. Dans l'ensemble, notre étude révèle que le coût total à vie du traitement dispensé aux patients atteints de cancer du côlon et de cancer rectal au Canada dépasse, respectivement, 333 millions de dollars et 187 millions de dollars. Nous aurions pu effectuer une analyse de la sensibilité afin de déterminer si les résultats ont été influencés par les estimations ou les hypothèses utilisées. Cependant, étant donné que le coût total de l'hospitalisation, principal facteur contributif du coût de la prise en charge du CCR, a été calculé à partir des données d'une base de données nationale (Base de données axées sur la personne) et d'un projet intensif d'établissement des coûts, tel qu'indiqué précédemment, nous jugions que les données étaient suffisamment valides et robustes. Nous avons eu recours, dans notre étude, à la distribution par stade du cancer du côlon et du cancer rectal au moment du diagnostic, selon l'examen des dossiers d'Ottawa, estimant qu'elle reflétait la situation dans l'ensemble du Canada. En tentant de vérifier cette hypothèse, nous avons découvert que la distribution selon l'examen des dossiers d'Ottawa était comparable à celle fondée sur la base de données du Manitoba pour les stades I et II. Toutefois, comme des données étaient manquantes pour un plus grand nombre de cas dans la base de données du Manitoba, nous avons décidé d'utiliser plutôt la distribution fondée sur l'examen des dossiers d'Ottawa. En ce qui concerne l'analyse de la survie, certains spécialistes médicaux peuvent juger que notre taux de survie à cinq ans de 65 % dans le cas du cancer du côlon de stade III est trop élevé. Ce résultat pourrait s'expliquer par la petite taille de l'échantillon et par les caractéristiques particulières des patients visés par l'examen des dossiers d'Ottawa. Nous ne croyons pas que ce résultat a une influence importante sur l'estimation globale du coût à vie. Dans une analyse de la sensibilité, nous avons utilisé le stade III du cancer rectal à la place du stade III du cancer du côlon pour arriver à un taux de survie plus acceptable. L'incidence globale de ce changement sur le coût est un faible écart de 3 % dans le coût à vie du traitement du CCR. Les coûts moyens pondérés associés au diagnostic, à la détermination du stade et au traitement initial du CCR font ressortir un gradient croissant des coûts aux stades I, II et III, ainsi que des coûts plus élevés dans le cas du cancer rectal. Ces observations s'expliquent par le recours accru à des chimiothérapies nouvelles et coûteuses dans les stades les plus avancés ainsi que par l'utilisation de la radiothérapie aux stades II et III du cancer rectal. Bien qu'ils contribuent dans une large mesure au coût total, les coûts d'hospitalisation étaient analogues pour presque tous les stades. En ce qui a trait au cancer rectal, les coûts associés au stade IV étaient plus faibles que ceux associés au stade III, en raison du plus faible taux de chirurgie et du recours moins fréquent à la radiothérapie. Enfin, l'étude a été menée dans la perspective du système de santé et, par conséquent, elle intègre uniquement les coûts directs associés à la prise en charge du CCR. Elle ne prend pas en compte les coûts liés aux états comorbides ni les coûts additionnels, comme la baisse de productivité ou la perte de salaire, le coût des soins à domicile, les prothèses, les frais de déplacement et de logement ou les coûts des soignants à domicile. En conclusion, les modèles d'établissement des coûts des maladies, comme celui relatif au CCR du POHEM, peuvent être des outils très précieux dans le domaine des politiques, car ils facilitent l'affectation des ressources. Ce modèle peut guider l'analyse des initiatives visant à tirer un parti optimal des coûts engagés pour les soins des patients atteints de CCR et à faciliter l'évaluation de nouvelles stratégies de prise en charge du cancer du côlon et du cancer rectal. Il a récemment servi à évaluer le rapport coût-efficacité d'un programme potentiel de dépistage en population au Canada (voir, à ce sujet, l'article de Flanagan, Le Petit, Berthelot et coll., dans le présent numéro). Remerciements La mise au point d'un modèle de maladie est un long processus qui nécessite la coopération d'un grand nombre de personnes et d'organisations. Nous tenons à remercier le Dr Michael Wolfson, Christian Houle, Phyllis Will, la Division des statistiques sur la santé de Statistique Canada et la Fondation manitobaine de traitement du cancer et de recherche en cancérologie (maintenant Action Cancer Manitoba). Nous remercions également les chirurgiens oncologues, les radio-oncologues et les médecins oncologues d'un bout à l'autre du Canada qui ont bien voulu prendre le temps et la peine de répondre (sans rémunération) à un questionnaire préparé avec l'appui du Centre régional de cancérologie d'Ottawa (CRCO). Les analyses de coût préparées par l'Institut canadien d'information sur la santé (ICIS), le CRCO, l'Hôpital d'Ottawa, campus général, et l'Ontario Case Cost Project nous ont été fort utiles. Toute notre reconnaissance va également au Dr Robin Fairfull-Smith, au Dr Laval Grimard et à la Dre Eva Grunfeld, dont l'expertise médicale à été précieuse, ainsi qu'à Louise Fawcett, Louise Pigeon et Rolande Bélanger, qui ont collaboré aux recherches et apporté un appui administratif. En terminant, nous voulons dédier la présente étude à Louise Fawcett, qui est décédée d'un cancer au cours du projet. Références
ANNEXE A
a La plupart des sources de données indiquées dans l'article
figurent déjà dans les références. ANNEXE B
a En ce qui concerne la fréquence et la nature de l'utilisation
des actes diagnostiques pour chaque période, nous avons utilisé la moyenne
des résultats de l'examen des dossiers d'Ottawa et de la base de données du
Manitoba. ANNEXE C
Coordonnées des auteurs Jean Maroun, Centre régional de cancérologie d'Ottawa, Ottawa (Ontario) Canada Edward Ng, Jean-Marie Berthelot et Christel Le Petit, Groupe d'analyse et de mesure de la santé, Statistique Canada, Ottawa (Ontario) Canada Simone Dahrouge, Centre régional de cancérologie d'Ottawa, Ottawa (Ontario) Canada William M Flanagan, Groupe d'analyse et de mesure de la santé, Statistique Canada, Ottawa (Ontario) Canada Hugh Walker, Université Queen's, Kingston (Ontario) Canada William K Evans, Action cancer Ontario, Toronto (Ontario) Canada Correspondance : Dr Jean Maroun, a/s Centre régional de cancérologie d'Ottawa, 503, chemin Smyth, Ottawa (Ontario) Canada K1H 1C4; fax : (613) 247-3511; courriel : jean.maroun@orcc.on.ca Désaveu de responsabilité : Les points de vue exprimés dans cet article sont ceux de leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement ceux de l'organisme qu'ils représentent. * Étant donné que la prise en charge du cancer de l'anus diffère de celle du cancer du côlon et du cancer rectal, les données sur le cancer de l'anus ont été exclues du POHEM. † Une étude effectuée à la demande de l'Institut canadien d'information sur la santé a conclu que les remboursements effectués par le RAMO se rapprochaient beaucoup des coûts provinciaux moyens au Canada. Cette étude portait sur les coûts associés au traitement du cancer du sein, mais il y a lieu de croire que les coûts ontariens se rapprocheraient également de la moyenne provinciale dans le cas du cancer colorectal. ‡ Les algorithmes de traitement sont fournis à la demande. § Malgré notre recommandation de prudence à l'égard des comparaisons avec d'autres pays, nous avons observé que les coûts au Canada étaient inférieurs à ceux des États-Unis. Ainsi, alors que le coût moyen du traitement des patients atteints de cancer du côlon s'élevait à 28 396 $ américains selon l'estimation de Taplin18, selon notre estimation, le coût au Canada était de 29 110 $ canadiens. Nous avons comparé la mortalité par cancer colorectal selon le stade au moyen de l'examen des dossiers d'Ottawa et de l'ensemble de données de SEER des États-Unis afin de valider, au moyen de sources externes, nos données sur la survie, et le résultat figurera dans un autre article en cours de rédaction.
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Dernière mise à jour : 2004-01-09 | ![]() |