J. Nowatzki, M. Sc. (1); B. Moller, Ph. D. (2); A. Demers, Ph. D. (1,3)
Rattachement :
Correspondance : Janet Nowatzki, Epidemiology and Cancer Registry, Action cancer Manitoba, bureau OG008, 409, avenue Taché, Winnipeg (Manitoba) R2H 2A6; tél. : 204-235-3431;
téléc. : 204-231-8188; courriel : janet.nowatzki@cancercare.mb.ca
Introduction : Projeter le fardeau du cancer est important pour l’évaluation des stratégies de prévention et la gestion prévisionnelle aux centres d’oncologie.
Méthodologie : Nous avons projeté le taux d’incidence du cancer et le nombre de cas de cancer pour la population du Manitoba à l’aide de projections démographiques provenant du Bureau des statistiques du Manitoba pour la période 2006-2025 et de données sur l’incidence du cancer issues du Registre du cancer du Manitoba pour la période 1976-2005. Les données ont été analysées au moyen d’une version modifiée du modèle âge-période-cohorte élaborée et évaluée dans les pays nordiques.
Résultats : Selon les projections, l’incidence globale du cancer au Manitoba ne devrait pas varier considérablement entre 2006 et 2025. L’incidence du cancer du poumon normalisée selon l’âge devrait diminuer, en particulier chez les hommes, ce qui met en évidence l’importance de la prévention en matière de tabagisme. Le nombre total de nouveaux cas de cancer par année devrait augmenter de 36 % pendant la période visée par les projections, une augmentation attribuable principalement aux changements démographiques.
Conclusion : La planification des ressources et des infrastructures devra tenir compte de l’augmentation prévue des cas de cancer, en lien avec l’accroissement de la population du Manitoba.
Mots-clés : cancer, projections, incidence, fardeau de la maladie, Manitoba
Les estimations du fardeau du cancer au moyen de projections ont d’importantes implications. En effet, la gestion prévisionnelle aux centres d’oncologie en dépend, notamment pour l’établissement de futures politiques et l’élaboration de plans en matière de recherche. Les projections ont également des conséquences sur le plan scientifique : par le fait qu’on peut comparer le nombre de cas de cancer projetés au nombre de cas de cancer réels, on peut se servir des projections comme point de référence pour l’évaluation des stratégies de prévention1a. Dans le cas présent, les taux normalisés selon l’âge permettent de comparer l’incidence du cancer par habitant d’une population à l’autre.
Projeter le taux de cancer est une tâche ardue parce qu’il existe encore bien des facteurs de risque inconnus; de plus, il est difficile de mesurer directement l’exposition aux facteurs de risque connus et l’impact de ces derniers. Les changements dans la prévention du cancer et les soins contre le cancer susceptibles d’avoir une influence significative sur l’incidence ou la mortalité ne sont pas non plus prévisibles. Diverses méthodes statistiques ont été utilisées pour projeter l’incidence du cancer dans d’autres pays2-7. Les modèles de projection du cancer les plus courants font intervenir les tendances selon trois variables temporelles, soit l’âge, la période et la cohorte de naissance, comme mesures de remplacement des risques associés à l’incidence du cancer et à la mortalité1b,4b,5b. Les taux futurs sont obtenus par extrapolation des tendances antérieures selon les variables substitutives que sont l’âge, la période et la cohorte. Les variations linéaires de l’incidence du cancer entre certains groupes d’âge, périodes ou générations (cohortes) vont se maintenir probablement encore quelque temps; il s’agit de la principale hypothèse considérée dans le modèle âge-période-cohorte. Comme seules les variations linéaires dans les variables substitutives peuvent être prolongées dans le futur en vue de servir aux prévisions, les projections relatives au cancer sont vraiment incertaines.
Moller et coll. ont proposé une méthode de projection à long terme de l’incidence du cancer au moyen du modèle âge-période-cohorte, après avoir comparé les résultats de plusieurs versions du modèle avec des données provenant des pays nordiques8a. Les chercheurs ont évalué 15 modèles au total, en comparant les taux observés aux prédictions fondées sur des données antérieures, et ont recommandé les modèles qui ont produit les prédictions les plus exactes. Ces modèles mis à l’essai et recommandés ont déjà été utilisés pour les projections relatives au cancer dans les pays nordiques4c et au Royaume-Uni5c, mais ils n’ont pas été très utilisés au Canada9. Les projections pour tous les types de cancer confondus dans les pays nordiques (de 1998-2002 à 2018-2022) semblent indiquer que les taux se sont stabilisés chez les hommes et qu’ils se stabiliseront chez les femmes environ dix ans après le début de la période visée par les projections4d. Selon les résultats des projections effectuées au Royaume-Uni (2004-2020), l’incidence de tous les types de cancer confondus chez les hommes pourrait commencer à diminuer, après plusieurs dernières décennies d’augmentation; chez les femmes, l’incidence de tous les types de cancer confondus devrait commencer à diminuer en 20155d.
Cet article a pour but de présenter les résultats de l’application des méthodes de projection recommandées à la population du Manitoba (Canada) pour la période 2006-2025. Les estimations obtenues par les projections du nombre de nouveaux patients atteints de cancer au Manitoba pendant la période visée contribueront à la planification des besoins à venir en soins de santé relatifs au cancer. De plus, les résultats indiqueront comment les tendances actuelles peuvent jouer sur l’incidence future, et les taux projetés serviront de point de référence pour les initiatives à venir de lutte contre le cancer au Manitoba.
Les données sur le nombre de nouveaux cas de cancer pour la période 1976-2005 proviennent du Registre du cancer du Manitoba. Elles ont été regroupées par sexe ainsi que par périodes de 5 ans (1976-1980 à 2001-2005) et par tranches d’âge de 5 ans (0-4 à 80-84 et 85 et plus). Nous avons utilisé les codes CIM-910 et CIM-1011 pour classer les données par siège de cancer. Les cancers de la peau autres que le mélanome, les tumeurs bénignes, les tumeurs in situ, les néoplasmes au comportement incertain et les néoplasmes de nature non spécifiée ont été exclus des projections. Afin de disposer d’un nombre suffisant de nouveaux cas pour le calcul de projections fiables, la condition étant de réunir au moins 20 cas par période et par tranche d’âge, nous avons utilisé trois tranches d’âge. Les sièges ou types de cancer pour lesquels il a été impossible de remplir cette condition ont été regroupés dans la catégorie « Autres ». Chez les femmes, cette catégorie comprenait les cancers de la cavité buccale, du pharynx, de l’œsophage, de la peau (mélanomes), du rein, du bassinet, du cerveau et des autres parties du système nerveux central ainsi que de la thyroïde, la maladie de Hodgkin (lymphome de Hodgkin), les cancers classés dans la catégorie « autres cancers invasifs » et les cancers non spécifiés. Chez les hommes, la catégorie « Autres » comprenait les cancers de l’œsophage, de la peau (mélanomes), des testicules, du cerveau et des autres parties du système nerveux central ainsi que de la thyroïde, la maladie de Hodgkin, les cancers classés dans la catégorie « autres cancers invasifs » et les autres cancers non spécifiés.
Nous avons utilisé les projections démographiques du Manitoba pour la période 2006-202612a et nous avons agrégé les données démographiques projetées à partir du principal scénario de projection pour la période 2006-2025 et les données démographiques réelles pour la période 1976-2005, afin d’obtenir les mêmes classifications par périodes de 5 ans, par tranches d’âge de 5 ans et par sexe que pour les données sur l’incidence du cancer.
Nous avons calculé l’incidence projetée du cancer au moyen du programme NORDPRED4e du logiciel d’analyse statistique R (version 2.5.0)*. NORDPRED est un progiciel conçu pour prédire l’incidence du cancer et la mortalité élaboré par le Norwegian Cancer Registry. L’analyse a utilisé une régression de Poisson ordinaire appliquée à un modèle âge-période-cohorte13, dont la formule est la suivante :
Rap= exp(Aa + D . p + Pp + Cc)
où Rap est l’incidence dans le groupe d’âge a et à la période p, Aa, la composante âge pour le groupe d’âge a, D, le paramètre de dérive courant tenant compte de la composante linéaire de la tendance pour la période et la cohorte (ne peut se réduire à un effet de période seulement ou de cohorte seulement)14, Pp, la composante non linéaire de la période p, et Cc, la composante non linéaire de la cohorte c.
Suivant en cela les recommandations de Moller et coll., nous avons modifié le modèle pour la plupart des sièges et des types de cancer8b. Lorsque les données du Registre du cancer sont disponibles sur une période de plusieurs décennies, il est recommandé que les projections relatives au cancer soient calculées au moyen du modèle exponentiel1. Afin de modifier le modèle classique âge-période-cohorte, nous avons choisi la fonction de lien exponentielle plutôt que la fonction de lien logarithmique. Cette modification sert à atténuer toute augmentation exponentielle des taux au fil du temps. Le modèle s’écrit comme suit :
Rap = (Aa + D . p + Pp + Cc)5e
De fait, la modification entraîne une réduction de respectiement 0 %, 25 %, 50 % et 75 % du paramètre de dérive pour la première, la deuxième, la troisième et la quatrième période de 5 ans, ce qui a pour but d’atténuer graduellement l’effet des tendances actuelles, puisqu’il est peu probable que ces tendances se poursuivent au même rythme.
De manière générale, s’il y avait des changements marqués significatifs dans les taux antérieurs, les projections fondées sur l’ensemble complet de ces taux seraient inexactes. Le test de déviation par rapport à la tendance linéaire a consisté à examiner la signification de S dans l’équation suivante :
Rap = (Aa + D . p + S . p2 + Cc)5f
Dans les cas où S était significatif, nous n’avons utilisé que la tendance des 10 dernières années pour projeter la composante dérive. Cette modification a été apportée pour les cancers du poumon (chez les hommes), de la cavité buccale et du pharynx (chez les hommes) et du sein (chez les femmes).
Nous avons choisi la limite d’âge inférieure de manière à nous assurer que le nombre de cas soit supérieur à 20 dans toutes les périodes d’observation pour chaque siège ou type de cancer. Les projections pour les tranches d’âge dont le nombre de cas n’atteignait pas ce seuil ont été fondées sur les taux moyens des 10 dernières années.
Les modèles pour les taux observés de cas par siège ou type de cancer ont été ajustés à l’aide de la base temporelle de prédiction la plus longue (de quatre à six périodes de 5 ans) satisfaisant au test de validité de l’ajustement. Pour les taux projetés, les paramètres du modèle ont été dérivés comme pour les pays nordiques4f : la composante âge A a été projetée directement; la dérive linéaire D a été projetée au moyen des deux modifications décrites plus tôt; la composante non linéaire cohorte C a été projetée directement pour les cohortes connues et a été considérée comme égale au dernier effet estimé dans le modèle pour les nouvelles cohortes; enfin la composante non linéaire période P a été considérée comme égale au dernier effet estimé dans le modèle pour toutes les périodes à venir. L’incidence projetée a ensuite été calculée à partir des modèles engendrés.
Les pics de l’incidence du cancer de la prostate à la fin des années 1980 et dans les années 1990 ont coïncidé avec l’introduction du test de dépistage de l’antigène prostatique spécifique (APS), et rendent compte de l’effet du dépistage. L’utilisation de l’ensemble standard d’hypothèses pour effectuer une projection du cancer de la prostate aurait comme effet un bond important, et peu probable, de l’incidence. En ce qui concerne le cancer de la vessie, l’incidence antérieure a connu une diminution marquée au cours de la dernière décennie, parce que certains néoplasmes anciennement considérés comme des cancers invasifs de la vessie sont maintenant classés parmi les tumeurs in situ; dans cette situation, le recours aux taux antérieurs donnerait comme prédiction une diminution marquée continue, ce qui est également peu probable. Suivant en cela les méthodes utilisées en Norvège et au Royaume-Uni5g,15, nous avons employé un modèle à taux constant pour projeter tant l’incidence du cancer de la prostate que celle du cancer de la vessie. Nous avons supposé que les taux moyens calculés pour la période la plus récente (2001-2005) demeureraient constants tout au long de la période visée par les projections. Par conséquent, toutes les augmentations projetées en termes de nombre de cas de cancer pour ces sièges sont dues à des changements dans la population.
Nous avons calculé les taux projetés pour tous les types de cancer confondus chez les hommes et chez les femmes en faisant la somme des taux projetés qui avaient été calculés pour chacun des sièges et types de cancer, y compris ceux de la catégorie « Autres ». L’incidence normalisée selon l’âge a été calculée à l’aide des chiffres de la population canadienne en 1991.
Nous avons effectué une projection du nombre de nouveaux cas en multipliant les taux projetés par la taille de la population projetée dans les périodes correspondantes. La variation du pourcentage du nombre de nouveaux cas de cancer pendant la période visée par les projections a été répartie entre la contribution des variations du risque de cancer et la contribution des changements d’ordre démographique (taille et âge de la population). La partie de la variation attribuable à la variation du risque a été calculée en soustrayant du nombre estimé des futurs cas le nombre de cas que nous obtiendrions en multipliant l’incidence actuelle par les estimations de la population future. De même, la partie de la variation attribuable aux changements dans la population a été calculée en soustrayant le nombre de cas actuels du nombre de cas que nous obtiendrions en multipliant l’incidence actuelle par les estimations de la population future4g.
Le tableau 1 présente les codes de la CIM-10 † utilisés pour définir les sièges et les types de cancer, la limite inférieure de la tranche d’âge la plus basse incluse dans les projections, le nombre de périodes de 5 ans utilisées dans la base temporelle de prédiction, et le type de tendance choisi dans la projection (tendance récente correspondant aux 10 dernières années ou tendance pour toute la base de prédiction).
Globalement, l’incidence normalisée selon l’âge au Manitoba pour tous les types de cancer confondus devrait diminuer légèrement pendant la période visée par les projections 2006-2023 (figure 1). La figure 2 présente les taux d’incidence réels (1976-2005) et projetés (2006-2025) normalisés selon l’âge, par siège de cancer. Pour la plupart des sièges de cancer, les taux devraient demeurer stables pendant la période visée par les projections. Les plus grandes variations de l’incidence prévues au cours des 20 ans visés par les projections sont des diminutions des cas de cancer de la cavité buccale et du pharynx (- 25 %) et de cancer du poumon (- 32 %) chez les hommes. Chez les femmes, l’incidence du cancer du poumon devrait continuer à augmenter pendant encore 5 à 10 ans avant de commencer à diminuer.
Figure 1
Taux d’incidence normalisés selon l’âge, réels et projetés
(jusqu’en 2025, au Manitoba), de l’ensemble des sièges et types de cancer
Figure 2
Taux d’incidence normalisés selon l’âge, réels et projetés (jusqu’en 2025), par siège ou type de cancer, au Manitoba
Le tableau 2 résume les changements prévus dans le nombre de cas de cancer par siège ou type et par sexe, entre le milieu de la dernière période de données de 5 ans (2003) et le milieu de la dernière période de 5 ans visée par les projections (2023). Pour chaque siège de cancer, le tableau présente le pourcentage de variation totale attribuable à des variations du risque et le pourcentage de variation totale attribuable à des changements relatifs à la taille et à l’âge de la population. Nous prévoyons des diminutions considérables du risque d’incidence pour les cancers de la cavité buccale et du pharynx (chez les hommes), le cancer de l’estomac (chez les femmes), le cancer colorectal (chez les femmes), le cancer du pancréas (chez les hommes et chez les femmes) et le cancer du poumon (chez les hommes). Nous nous attendons aussi à des augmentations considérables du risque pour le lymphome non hodgkinien tant chez les hommes que chez les femmes. Les augmentations attendues des cas de cancer pour la plupart des sièges de cancer sont en grande partie attribuables à des changements démographiques : la population du Manitoba devrait s’accroître d’environ 22 % (passant de 1 178 460 habitants en 2006 à 1 439 150 habitants en 2025), une hausse due principalement à l’immigration internationale, laquelle devrait représenter plus de 80 % de l’accroissement de la population pendant la période visée par les projections12b. Pendant la même période, cette population devrait « vieillir », de sorte que l’âge médian augmentera de 1,3 an12c. La figure 3 présente les variations prévues dans la population du Manitoba par âge et par sexe.
Figure 3
Population réelle (en 2003a) et population projetée (en 2023b)
au Manitoba, par tranche d’âge et par sexe
Globalement, le nombre total de nouveaux cas de cancer par année devrait augmenter de 36 %, passant d’environ 5 500 en 2003 à environ 7 500 en 2023. Quoique les nombres de cas de cancer chez les hommes et chez les femmes aient été similaires au cours des dernières années, nous nous attendons à une augmentation plus importante des cas de cancer chez les hommes (40 %) que chez les femmes (30 %) pendant la période visée par les projections, de sorte que vers 2023, il y aura 7 % de cas de cancer de plus chez les hommes que chez les femmes.
Au Manitoba, l’incidence de tous les sièges et types de cancer confondus devrait diminuer légèrement de 2006 à 2025, comme au Royaume-Uni où, selon les projections, l’incidence globale devrait se stabiliser, commencer dès maintenant à décliner chez les hommes, et d’ici 2015 chez les femmes5h. Les taux prévus pour tous les cancers confondus et pour chaque siège de cancer fourniront un point de référence permettant de mesurer l’effet des stratégies de prévention au Manitoba. Par exemple, cibler des facteurs de risque tels que l’obésité, la sédentarité et le tabagisme peut déboucher sur des taux plus faibles que prévu.
À l’image du Royaume-Uni, une grande partie de la stabilisation de l’incidence de l’ensemble des cancers au Manitoba est vraisemblablement due à une diminution du tabagisme5i; la baisse de l’incidence du cancer du poumon au Canada16a en est un exemple. Les cancers de la cavité buccale et du pharynx et les cancers du poumon ont diminué, surtout chez les hommes, au cours des deux dernières décennies et ils devraient continuer à baisser pendant la période visée par les projections (figure 2).
Les femmes ont eu longtemps des taux de tabagisme plus faibles que ceux des hommes, mais depuis la fin des années 1980 la différence de prévalence est très faible entre les deux sexes. De ce fait, les taux de cancer du poumon sont en augmentation chez les femmes et sont en train de rattraper les taux masculins. Chez les femmes, les effets de la diminution du tabagisme ne devraient donc pas se matérialiser avant environ dix ans, lorsque les taux de cancer du poumon devraient, selon les prédictions, commencer à baisser. Le cancer du poumon représente actuellement environ 14 % de tous les cancers au Manitoba, sans compter qu’une grande partie des autres cancers au Manitoba pourraient aussi être attribuables au tabagisme16b-18. Puisque l’incidence du cancer, tous types confondus, a augmenté pendant les dernières décennies, une variation de cette tendance serait le signe d’un effet possible de la prévention primaire.
Comme nous l’avons vu, le nombre de cas de cancer au Manitoba devrait augmenter, passant d’environ 5 500 cas à 7 500 cas pendant la période visée par les projections. Pour la plupart des sièges et types de cancer, la majeure partie de cette variation projetée est attribuable aux changements dans la population. Au fur et à mesure de l’accroissement et du lent vieillissement de la population du Manitoba, il faudra donc élargir les services liés au cancer afin de faire face à cette augmentation prévisible des cas de cancer. La contribution relative de chacun des quatre principaux sièges de cancer (colorectal, poumon, sein et prostate) au nombre total de cas de cancer ne devrait pas varier significativement au cours de la période visée par les projections. Ces renseignements sont utiles pour la planification des services liés au cancer au Manitoba.
La méthode utilisée pour calculer les prédictions actuelles s’est révélée relativement exacte8c. Les écarts entre les résultats réels et les nombres projetés dans l’analyse des taux dans les pays nordiques variaient généralement de 10 % à 20 %. Cependant, les taux et les nombres de cas projetés pour tous les sièges et types de cancer confondus sont probablement plus exacts que ceux projetés pour chacun des sièges et types de cancer, car la variation due aux sièges et types de cancer pris individuellement devrait s’annuler ou s’équilibrer lorsque tous les sièges ou types de cancer sont regroupés dans une catégorie.
Le modèle à taux constant choisi pour prédire l’incidence du cancer de la prostate et de la vessie a mieux tenu compte des variations de taux sur de courtes périodes et s’écartant de la tendance générale. Pour ce qui est du cancer de la prostate, il faut noter que les tendances sont incertaines et qu’elles peuvent dépendre en partie du recours futur au test de dépistage de l’APS.
Bien que la méthode élaborée dans les pays nordiques soit recommandée pour les projections relatives au cancer, elle comporte certaines limites. Tout d’abord, les taux projetés sont fondés sur l’hypothèse selon laquelle les tendances antérieures vont se poursuivre. Toute variation dans ces tendances signifie que les projections ne se réaliseront pas. C’est toujours le cas lorsqu’on tente de prédire des phénomènes évoluant de manière incertaine. De plus, les projections sont généralement plus exactes à brève échéance que dans un avenir lointain, car les tendances sont plus susceptibles de se modifier sur une période de temps plus longue. La fiabilité déclinante des prédictions relatives au cancer au fil du temps est également liée à la fiabilité déclinante des prédictions démographiques. Les variations dans la population étant cumulatives, cela conduit au fil du temps à une diminution de la fiabilité des prédictions.
Une autre limite des projections relève de la petite taille de la population du Manitoba. Les projections étant limitées aux sièges pour lesquels on disposait d’un nombre de cas suffisant pour remplir les conditions du modèle de prédiction (un minimum de trois regroupements par âge comportant au moins 20 cas par période et par tranche d’âge), tous les autres sièges ou types de cancer ont été regroupés dans une catégorie appelée « Autres ». De ce fait, les tendances individuelles pour ces sièges ou types de cancer n’ont pas été projetées. Pour les cancers dont le nombre de cas était insuffisant, les profils des taux projetés normalisés selon l’âge concordent néanmoins en général avec d’autres prédictions publiées5j.
Cette étude démontre que les projections relatives au cancer peuvent servir de point de référence pour estimer l’effet des initiatives de prévention du cancer. L’incidence totale du cancer au Manitoba, normalisée selon l’âge, devrait fléchir légèrement au cours des 20 prochaines années, la diminution du tabagisme étant probablement le facteur qui contribue le plus à cette baisse. Afin de renforcer cette tendance à la baisse, il pourrait être nécessaire d’introduire des mesures de prévention nouvelles et efficaces. Cette étude fournit aussi des renseignements utiles pour la planification de la prestation des services liés au cancer au Manitoba, sachant que le nombre de personnes qui recevront un diagnostic de cancer va augmenter au fur et à mesure de la croissance de la population de la province.
* www.r-project.org/ (disponible en anglais seulement)
† La CIM-10 est utilisée depuis 2002. La codification de la CIM-10 recoupant facilement celle de la CIM-9, c’est elle que nous utilisons dans le tableau 1.
Pour partager cette page, veuillez cliquez sur le réseau sociale de votre choix.