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Évaluation de la fortification en acide folique des produits alimentaires pour la prévention primaire des anomalies du tube neural

Résultats de l'étude et interprétation

Connaissance et consommation des suppléments d'acide folique

De la première à la seconde étape de l'étude, on a pu remarquer une augmentation importante de la proportion de femmes âgées de 19 à 44 ans connaissant l'importance de l'acide folique à Terre-Neuve (de 33 % à 46 %, p<0,001) et à Kingston, en Ontario (de 36 % à 51 %, p<0,001). La proportion de femmes prenant un supplément vitaminique contenant de l'acide folique a augmenté considérablement entre les deux périodes d'étude à Terre-Neuve (de 17 % à 28 %, p<0,003), mais pas de façon significative à Kingston (de 33 % à 39 %, p>0,05) (TABLEAU 2). En Ontario, la proportion de femmes qui ont dit prendre des suppléments contenant au moins 400 mg d'acide folique par dose a augmenté entre la première et la seconde étape (de 17 % à 26 %, p<0,005) (données disponibles dans le rapport intégral). Les renseignements sur les doses d'acide folique n'ont pas été recueillis à Terre-Neuve.

Durant la seconde étape de l'étude à Terre-Neuve, les femmes essayant de concevoir ou étant sexuellement actives et n'utilisant pas de moyens de contraception avaient davantage tendance à prendre des suppléments contenant de l'acide folique que celles qui utilisaient des moyens de contraception ou qui avaient pris des mesures permanentes afin d'empêcher une grossesse (voir le rapport intégral). On a pu voir une augmentation de 37 points de pourcentage pour la consommation de suppléments contenant de l'acide folique parmi les femmes ayant des chances de grossesse durant la seconde étape de l'étude à Terre-Neuve (p=0,02). Bien qu'il y ait également eu une augmentation en Ontario, les résultats n'étaient pas significatifs sur le plan statistique (TABLEAU 3).

Cette étude suggère que le message sur l'importance de l'acide folique ne rejoint pas assez de femmes en âge de procréer, malgré un ensemble d'incitatifs éducatifs nationaux et locaux, y compris la création et la diffusion de directives canadiennes en matière de pratiques cliniques (Groupe d'étude canadien sur l'examen médical périodique, 1994), des conférences nationales annoncées ainsi que des campagnes locales sur la santé publique. Bien que nous ayons pu montrer une augmentation de la consommation des suppléments d'acide folique en trois ans, beaucoup de chemin reste à faire.

Évaluation nutritionnelle

Il n'y a pas eu de changement important dans l'apport quotidien en folate de source naturelle armi les femmes âgées de 19 à 44 ans et parmi les personnes âgées, entre la première et la seconde étape de l'étude (respectivement p=0,19 et p=0,18). Les personnes âgées avaient généralement un apport alimentaire en folate légèrement supérieur à celui des femmes en âge de procréer. Durant la seconde étape de l'étude, l'apport quotidien moyen en folate de source naturelle était de 290 mg par jour pour les personnes âgées et de 260 mg par jour pour les femmes âgées de 19 à 44 ans (données disponibles dans le rapport intégral).

Grâce à la fortification obligatoire, l'apport alimentaire moyen en acide folique est de 70 mg par jour pour les femmes âgées de 19 à 44 ans et de 74 mg par jour pour les personnes âgées. Il importe de souligner que l'apport quotidien en acide folique pour les femmes résultant de la fortification des aliments est inférieur aux 100 mg prévus pour les femmes en âge de procréer (Food and Drug Administration, 1996; Turner et McCourt, 1998). L'apport alimentaire maximal en acide folique découlant de la fortification était de 235 mg par jour pour une femme du groupe des 19 à 44 ans et de 219 mg par jour pour une personne âgée (données disponibles dans le rapport intégral).

Le revenu s'est avéré une variable indicative de l'apport en folate. Les femmes en âge de procréer et les personnes âgées vivant dans des ménages sous le seuil de faible revenu (SFR) avaient un apport moindre en folate. Un examen détaillé des sources alimentaires de folate pour les femmes en âge de procréer a démontré que la différence de consommation remarquée chez ceux vivant sous le SFR résultait d'une consommation plus faible de folate de source naturelle et non d'une moins grande consommation de produits céréaliers visés par la fortification à l'acide folique.

L'apport alimentaire en acide folique résultant de la fortification ne dépassait pas l'apport maximal tolérable (AMT) de 1 000 mg d'acide folique par jour (Institute of Medicine, 1998) pour aucun des participants. Il est à noter que les personnes consommant des suppléments vitaminiques contenant de l'acide folique étaient exclues de cette partie de l'étude. Bien qu'il n'ait pas été possible d'estimer la proportion de la population générale de Terre-Neuve consommant plus de 1 000 mg d'acide folique provenant de la combinaison de la fortification et des suppléments, il est probable que cette proportion soit faible. L'apport alimentaire moyen et l'apport maximal en acide folique résultant de la fortification étaient respectivement de 70 mg par jour et de 235 mg par jour pour les femmes âgées de 19 à 44 ans, et respectivement de 74 mg par jour et de 219 mg par jour pour les personnes âgées. La dose moyenne d'acide folique contenue dans les suppléments vitaminiques en vente libre au Canada est d'environ 350 mg par jour (Santé Canada, renseignements non publiés).

Analyse sanguine - folate

Pour l'ensemble des sites, la moyenne de folate sérique et de folate érythrocytaire a considérablement augmenté de la première à la seconde étape, tant pour les femmes en âge de procréer que pour les personnes âgées (p<0,001). Pour les deux groupes d'âge, on a identifié une diminution correspondante des taux moyens d'homocystéine plasmique après la fortification (TABLEAUX 4 et 5).

Les résultats de cette étude fournissent des preuves solides de l'amélioration de la teneur de folate dans le sang pour les femmes âgées de 19 à 44 ans à la suite de la fortification obligatoire de produits alimentaires avec de l'acide folique. Parmi les personnes âgées, les résultats démontrent une augmentation de l'indice de folate ainsi qu'une diminution modérée du taux moyen d'homocystéine plasmique, ce qui est positif, particulièrement en ce qui a trait aux risques de maladies cardiovasculaires.

Analyse sanguine - vitamine B12

On a pu constater une augmentation significative des taux moyens de vitamine B12 chez les femmes en âges de procréer et les personnes âgées entre la première et la seconde étape de l'étude (respectivement p=0,020 et p<0,001) (TABLEAUX 4 et 5). Avant l'entrée en vigueur de la fortification obligatoire, la proportion de personnes âgées de cette étude souffrant de taux insuffisants de vitamine B12 (<133 pmol/L) était de 18,8 %. Suite à la fortification, cette proportion a diminué à 11,8 % (p=0,032) (données disponibles dans le rapport intégral).

Lorsqu'il y a carence en vitamine B12, le taux d'acide méthylmalonique plasmique est habituellement élevé. On considère que l'acide méthylmalonique plasmique est un meilleur indicateur du taux de vitamine B12 dans les tissus que les taux sériques de B12. Lors de cette étude, pour l'ensemble des sites, on n'a pas constaté de changement significatif des taux moyens d'acide méthylmalonique plasmique chez les femmes en âge de procréer et chez les personnes âgées entre la première et la seconde étape (TABLEAUX 4 et 5). Toutefois, on a identifié une augmentation de la proportion de femmes en âge de procréer dont les taux d'acide méthylmalonique plasmique étaient plus élevés que la valeur de référencesupérieure de 0,37 mmol/L. Aussi, parmi les femmes de l'échantillon de Terre-Neuve, on a pu constater une augmentation signicative des taux moyens d'acide méthylmalonique plasmique. On n'a identifié aucun changement significatif dans la proportion de personnes âgées présentant des valeurs d'acide méthylmalonique plasmique anormales (données disponibles dans le rapport intégral).

Parmi les personnes âgées, les résultats n'ont démontré aucune différence significative dans les concentrations moyennes d'hémoglobine, le volume globulaire moyen (VGM), ni de proportions de personnes avec un VGM anormalement élevé (>99 fL) ou des concentrations d'hémoglobine faibles (<120 g/L) (données disponibles dans le rapport intégral).

Ces résultats n'apportent aucune preuve de détérioration de l'état de la vitamine B12 chez les personnes âgées. De plus, il n'y a aucune preuve que l'accroissement de la quantité de folate masque les manifestations hématologiques des carences en vitamine B12 chez les personnes âgées en tant que groupe. Il n'y a aucune preuve de détérioration de l'état de la vitamine B12 chez les jeunes femmes participant à l'étude, si l'on se fie aux relevés effectués pour la vitamine B12. L'évaluation de la tendance à la hausse des taux d'acide méthylmalonique plasmique et de la proportion plus élevée de valeurs anormales chez les jeunes femmes se poursuit. Il est peu probable que cette situation soit un effet direct de la fortification des produits alimentaires avec de l'acide folique, et cette observation ne correspond à aucun des effets connus de l'acide folique sur l'état de la vitamine B12.

Incidence d'ATN

Avant 1998, le taux d'incidence annuelle des ATN à Terre-Neuve a subi beaucoup de variations au fil du temps, le taux le plus bas se situant à 2,72 pour 1 000 naissances en 1978 et le taux le plus élevé à 5,02 pour 1 000 naissances en 1995. Le taux moyen d'incidence des ATN entre 1976 et 1997 était de 3,40 pour 1 000 naissances. On constate une baisse de ce taux en 1998, qui se situe à 1,60 pour 1 000 naissances par rapport à 3,06 pour 1 000 naissances l'année précédente. La tendance à la baisse s'est poursuivie après 1998 (SCHÉMA 1).

Les données sur l'incidence des ATN de 1991 à 2001 sont présentées en trois périodes au TABLEAU 6. Le taux d'incidence annuelle moyen était de 4,35 pour 1 000 naissances de 1991 à 1993, de 5,02 pour 1 000 naissances de 1994 à 1996 (1994-1996 vs 1991-1993, risque relatif [RR] 1,15; intervalle de confiance de 95 % 0,86-1,54; p=0,95) et de 4,37 pour 1 000 naissances de 1994 à 1997 (1994-1997 vs 1991-1993, RR 1,01; intervalle de confiance de 95 % 0,76-1,34; p=0,54). L'incidence annuelle totale d'ATN a diminué de 78 % après la mise en vigueur de la fortification à l'acide folique, d'une moyenne de 4,36 pour 1 000 naissances de 1991 à 1997 à 0,96 pour 1 000 naissances de 1998 à 2001 (RR 0,22; intervalle de confiance de 95 % 0,14-0,35; p<0,0001). Il est important de souligner qu'il n'y a pas eu d'augmentation d'ATN provenant de grossesses interrompues depuis 1994.

L'augmentation de 65 % de la proportion de femmes de l'échantillon de Terre-Neuve consommant des suppléments vitaminiques contenant de l'acide folique, de 17 % lors de la première étape à 28 % lors de la seconde étape, suggère qu'une tendance à la hausse de consommation de suppléments d'acide folique ait pu jouer un rôle dans la diminution du taux d'ATN à Terre-Neuve. Il n'a pas été possible dans le cadre de cette étude d'établir la contribution individuelle de la fortification et des suppléments à la tendance des ATN.

Limites

Il y a plusieurs limites à cette étude. Nous avons documenté l'incidence des ATN parmi les naissances vivantes, les mortinaissances et les grossesses inter-rompues identifiées comme présentant une ATN. Il n'était pas possible d'y inclure le nombre d'ATN ayant pu affecter des grossesses interrompues par des fausses couches ou pour des raisons autres qu'une anomalie congénitale.

Cette étude, tout comme d'autres études portant sur la fortification des produits alimentaires au Canada, s'est trouvée confrontée à l'absence d'une date précise laquelle l'exposition aux produits alimentaires fortifiés l'acide folique a débuté. À partir de décembre 1996, on a permis l'ajout d'acide folique à la farine blanche ainsi qu'à la semoule de maïs et aux pâtes alimentaires enrichies. Bien que cet ajout n'ait pas été obligatoire au Canada jusqu'à la fin de 1998, il est possible que les sujets de la première étape de notre étude (de novembre 1997 à mars 1998) aient consommé des aliments fortifiés à l'acide folique. Cette situation entraînerait une sous-estimation de l'amélioration de l'état du folate dans le sang suscitée par la fortification, et pourrait nous empêcher d'identifier des effets négatifs sur l'état de la vitamine B12. Par contre, le fait que nous ayons observé des améliorations aussi importantes de l'état du folate dans le sang nous porte à conclure que la fortification des produits alimentaire a vraiment permis d'accroître l'exposition à l'acide folique durant la période touchée par cette étude.

Une autre limite de cette étude est la possibilité de sous-estimation de l'apport en acide folique découlant de la fortification. Nous avons tenu pour acquis, lors de nos calculs, que les fabricants fortifiaient la farine au niveau requis. Il a été suggéré qu'une marge de tolérance pour des excédents pouvait créer des quantités plus élevées dans les produits touchés (Choumenkovitch et al., 2002). De plus, le niveau requis pour les pâtes alimentaires enrichies va d'un minimum de 0,20 mg pour 100 g à un maximum de 0,27 mg pour 100 g de pâtes alimentaires. Nous avons effectué nos calculs en tenant compte du niveau minimum de fortification.

La méthode d'échantillonnage a démontré un taux de réponse de 60 % pour la première étape et de 65 % pour la seconde au questionnaire nutritionnel et à l'échantillonnage sanguin pour les femmes âgées de 19 à 44 ans à Terre-Neuve, sans différence entre les taux de réponse en milieu urbain et rural. À l'opposé, les taux de réponse en Ontario étaient de 28 % pour la première étape et de 37 % pour la seconde (données disponibles dans le rapport intégral). Ainsi, les résultats obtenus à Terre-Neuve sont probablement plus représentatifs des femmes en âge de procréer que ceux obtenus en Ontario. Ces conclusions peuvent ne pas être représentatives du reste du Canada, à cause de différences dans la population causées par des facteurs tels que le fond génétique et le comportement alimentaire. Ces différences pourraient également affecter la généralisabilité des résultats quant à l'incidence d'ATN.

Le taux de réponse au questionnaire nutritionnel et à l'échantillonnage sanguin était de 45 % chez les personnes âgées lors de la première et de la seconde étape de l'étude (voir le rapport intégral). Plusieurs refus découlaient d'une maladie chez la personne admissible. De plus, on a exclu les personnes âgées résidant dans des milieux de soins de longue durée. Ainsi, notre échantillon de population de personnes âgées pourrait être en meilleure santé que la population générale âgée de 65 ans et plus à Terre-Neuve.