Nouvelles de la Bibliothèque nationale |
par Josiane Polidori,
Service des lettres et de l'édition,
Conseil des arts du Canada
La cérémonie de remise des Prix littéraires du Gouverneur général aura lieu le 18 novembre à la résidence du Gouverneur général à Ottawa et la grande soirée de lecture des lauréats se déroulera à la Bibliothèque nationale du Canada le 19 novembre. Cependant, au moment où j'écris ce texte, les honneurs et le cérémonial sont encore bien loin. Les colis de livres provenant des éditeurs affluent aux bureaux du Conseil des arts du Canada. Dans la petite salle remplie d'étagères étiquetées au nom de chaque catégorie, les centaines de colis sont ouverts. Au centre, trône une table jonchée de piles de livres; un casier contient les formulaires de soumission; un cartable contient la liste des livres soumis l'année dernière. Certains éditeurs essaient de faire participer leurs auteurs deux années de suite. Il y a juste un petit espace pour que ma collègue Louise Castonguay et moi puissions nous faufiler et nous livrer à toutes les étapes qui mènent à la consécration des meilleures oeuvres littéraires canadiennes de l'année.
Il s'agit en premier lieu de vérifier l'admissibilité de milliers de livres. Les Prix littéraires du Gouverneur général sont décernés dans sept catégories différentes (romans et nouvelles, études et essais, poésie, théâtre, traduction, littérature de jeunesse et illustration pour la jeunesse), le tout en français et en anglais. Cela donne, bon an mal an, environ 5 200 livres à manipuler. Ouvrir les boîtes, vérifier, ranger sur les étagères, remettre dans une boîte pour les jurés, ces opérations sont accomplies plus de 5200 fois. Qui croirait que des prix littéraires puissent causer un mal de dos?
Josiane Polidori (à gauche) et Louise Castonguay entourées de livres proposés pour les Prix littéraires du Gouverneur général. |
Pour en revenir à l'étape de la vérification d'admissibilité, il faut dire que des livres vraiment intéressants ne sont pas retenus. J'ai reçu récemment un recueil du poète Al Purdy intitulé Selected Poems 1962-1996, livre publié par Harbour Publishing. Al Purdy a déjà remporté le Prix du Gouverneur général dans la catégorie poésie en 1965 avec son ouvrage The Cariboo Horses. Mais ce recueil fait partie de la sélection de poèmes, ce qui l'exclut. Le poète ne peut tenter de gagner deux fois le prix avec la même oeuvre. Les livres comportant plus de deux auteurs ne peuvent pas non plus entrer en lice. Ainsi, j'ai donc dû mettre de côté ces deux ouvrages : Les arts virtuels au Québec dans les années soixante, sous la direction de Francine Couture et Séduction du Kitsch, sous la direction de Eva Le Grand. Les oeuvres posthumes d'écrivains, d'illustrateurs ou de traducteurs ne peuvent faire partie de la compétition. Par exemple, un roman oublié dans un tiroir de Robertson Davies ne pourrait pas être envoyé aux jurés ni un recueil inédit de Gaston Miron.
Les beaux livres illustrés ne sont pas admissibles dans la catégorie études et essais, bien que les jurés des années précédentes adoraient recevoir ces livres. Les éditeurs continuent toutefois de soumettre ces beaux livres illustrés sur les merveilles de la nature canadienne depuis les plus jolis villages du Cap Breton jusqu'à la Côte du Pacifique en passant par les aurores boréales et les mammifères de nos forêts.
Les prix viennent couronner des livres publiés entre les mois de septembre et la fin du mois d'août de chaque année et il arrive que des livres nous soient acheminés en retard. C'est difficile mais il faut les retourner. Certains auteurs auraient peut-être eu la chance d'être finalistes ou même de remporter un prix, mais c'est trop tard. C'est toujours avec un petit pincement au coeur que ces livres sont mis de côté. Une grande partie des livres de littérature canadienne publiés chaque année passe entre nos mains et ma liste de livres à lire s'allonge toujours. Les livres non admissibles aux Prix littéraires du Gouverneur général sont acheminés à la section dons et échanges de la Bibliothèque nationale du Canada.
Le travail se déroule pendant plusieurs mois dans une pièce peu aérée, les colis arrivent les uns après les autres au début de janvier pour se bousculer dans une mêlée assez intense dès que les dates limites du 15 mai et du 15 août approchent. Les boîtes s'empilent dangereusement, les étagères ploient sous la charge, on se marche sur les pieds, les jurés reçoivent de plus en plus de colis chaque semaine et ils n'ont plus de place dans leur maison pour tous ces livres. C'est la saison des Prix littéraires du Gouverneur général.
Bientôt les jurés vont venir délibérer à Ottawa, la tension sera grande dans les salles de réunion, les approches esthétiques vont s'affronter. Les listes des finalistes vont être publiées et le compte à rebours va commencer pour les préparatifs en vue de la cérémonie. Quelques semaines après la cérémonie de novembre, nous allons respirer un peu plus à l'aise pendant quelque temps avant de recommencer tout le travail en coulisse et de remplir à nouveau nos étagères.