Nouvelles de la Bibliothèque nationale
Février 1999
Vol. 31, no 2



L’imagerie numérique : Vers une convention internationale sur l’orientation, les lignes directrices et les pratiques exemplaires

par Doug Hodges,
Gestion des ressources en information

(Texte adapté du compte rendu de la conférence conjointe du National Preservation Office du Royaume-Uni et du Research Libraries Group, à l’Université de Warwick (Angleterre),
du 28 au 30 septembre 1998.)

Il s’est produit, au cours des dernières années de la présente décennie, une quantité croissante d’activités de numérisation au sein des bibliothèques, des services d’archives, des musées et d’autres organisations. Ces activités portent à la fois sur les textes, les images, les enregistrements sonores, les films et d’autres documents de toutes formes et dimensions. Au fur et à mesure que ces travaux passent du stade de projet expérimental à celui de programme de grande envergure, nombre de gestionnaires et de spécialistes de bibliothèque se préoccupent des questions que sont les besoins des usagers, l’accès, l’interfonctionnement, la conservation, l’efficacité, l’efficience, les changements technologiques, et d’une kyrielle d’autres sujets.

Le recours à l’imagerie numérique pour reformater les images physiques, afin qu’elles puissent parvenir aux usagers par des réseaux et être conservées pour utilisation future, constitue un dénominateur commun dans la plupart des projets de numérisation. Ce type de conservation est loin d’être futile : les difficultés d’utilisation que posent les fichiers informatiques vieux de quelques années sont bien documentées, à mesure que les logiciels, les matériels et les formats continuent d’évoluer.

Pour les bibliothèques et d’autres organisations qui réalisent des activités de numérisation, s’assurer que les images numériques puissent être conservées pour accès et utilisation futurs représente un enjeu fondamental. On compte une pléthore de normes en matière d’imagerie numérique, mais lesquelles sont appropriées ? Quelles sont les pratiques exemplaires ? Quel est le mode de sélection, de préparation et de balayage des documents ? Que devons-nous savoir au sujet de chacune des images avant de les convertir en de nouveaux formats de manière sécuritaire ?

Voilà certaines des questions importantes sur lesquelles a porté la récente conférence « Guidelines for Digital Imaging », tenue à l’Université de Warwick, à Coventry (R.-U.), du 28 au 30 septembre 1998. La conférence de travail, organisée conjointement par le National Preservation Office (NPO) de la British Library et le Research Libraries Group (RLG), a été tenue pour que les participants puissent collaborer en vue d’en arriver à une convention internationale sur les lignes directrices et les pratiques exemplaires en matière de projets d’imagerie numérique. Les grands objectifs de la conférence consistaient à échanger des idées sur des lignes directrices et des pratiques exemplaires en matière d’imagerie numérique, à en venir à un consensus sur le but, la portée et les conséquences pratiques de tels projets, et à en apprendre davantage au sujet des projets actuels d’imagerie numérique.

Quelque 100 représentants de bibliothèques, de services d’archives, de musées, d’universités et du secteur privé en provenance du Royaume-Uni, de l’Irlande, de l’Europe continentale, des États-Unis, de l’Australie et du Canada ont assisté à la conférence.

En prononçant le discours-programme, Anne R. Kenney de l’Université Cornell a invité les participants à faire consensus sur ce qui constitue la meilleure orientation concernant des projets d’imagerie numérique, plutôt que de s’attarder nécessairement aux lignes directrices. Elle a établi une distinction entre les deux en faisant remarquer que l’orientation invite à des choix rationnels basés sur des questions, tandis que les lignes directrices tendent à être prescriptives.

Des experts ont présenté des exposés sur des questions faisant intervenir la sélection, la préparation des documents ainsi que la saisie des images. Puis, les participants ont composé trois groupes d’après ces thèmes afin de produire des consensus sur les pratiques exemplaires, les aspects comportant des écarts importants d’opinion, et les points où il est nécessaire de faire d’autres efforts. Les responsables ont présenté les résultats des discussions en séances plénières.

Au moment de mettre sous presse, les actes de la conférence étaient encore en préparation. L’auteur assume la responsabilité de tout simplisme ou d’inexactitude dans le présent compte rendu sommaire. Le lecteur est invité à consulter le contenu intégral des actes à l’adresse www.rlg.org/preserv/joint/index.html.

A. Sélection

Voici la liste des responsables du groupe qui a discuté de la sélection des documents en matière d’imagerie numérique : Julia Walworth (Université de Londres, R.-U.), Paul Ayris (University College, Londres), et Janet Gertz (Université Colombia), qui a présenté les résultats des discussions du groupe sur la sélection. Il a été recommandé que :

Voici également un certain nombre de points d’ordre général :

B. Préparation

Voici la liste des responsables du groupe qui a étudié la préparation des documents pour numérisation : Alison Horsburgh (Scottish Record Office), Ann Swartzell (Université Harvard), et John McIntyre (Bibliothèque nationale d’Écosse), qui a rendu compte d’un consensus général sur les pratiques exemplaires ou les approches concernant :

On a également convenu que même si la numérisation a une valeur de conservation, il ne s’agit pas d’un acte de conservation comme tel, et que les objets numérisés qui en découlent ne sont pas des supports de conservation en soi. Il est légitime de convertir des supports fixes en objets numériques pour offrir l’accès et soutenir la conservation, ou de convertir en des formats numériques simplement pour offrir l’accès. Mais numériser pour la conservation comme fin en soi, sans tenir compte de l’accès présent et futur, est un non-sens.

Les participants ont fait part d’une divergence normale de points de vue sur l’enlèvement de la reliure et le recours à des substituts pour la numérisation. Les questions dont il faut tenir compte dans ces cas comprennent le but de la numérisation (la qualité d’un substitut suffit-elle ?), la durée de vie prévue du document (l’enlèvement de la reliure ou la production d’un substitut la raccourcit-elle ?), selon que les documents doivent être expédiés à l’externe pour numérisation (ce qui pourrait être invoqué contre le recours à des originaux), et selon que les documents physiques posent déjà un risque de dégradation, auquel cas il est très important d’en réduire la manutention.

En ce qui concerne les points qui appellent des mesures, il a été convenu que davantage de recherches sur les coûts sont nécessaires, et que la collaboration est requise pour aider le personnel des bibliothèques à se perfectionner (si nécessaire) ou à trouver des mécanismes lui permettant d’assumer la préparation des documents pour numérisation et à acquérir la formation adéquate.

C. Saisie des images

Le groupe qui a discuté de la saisie des images numériques -- Robin Dale (RLG), Stephen Chapman (Université Harvard), Jane Williams (Technical Advisory Service for Images) -- a fait remarquer que, entre autres choses, il faut en venir à des définitions convenues sur ce qui est suffisant ou acceptable comme « matrice numérique », « reproduction numérique fidèle » et orientation sur le contrôle de la qualité. Ce dernier élément comprend l’établissement de la distinction entre des critères d’assurance de la qualité objectifs et subjectifs, bien que les deux soient valables.

Un consensus général s’est établi quant aux formats de fichiers à utiliser pour en arriver à assurer la conservation : les images doivent être en format TIFF (Tag Image File Format), ou dans des formats nouveaux semblables au TIFF comme PNG (format Portable Network Graphics, prononcé « ping ») 1, SPIFF (Still Picture Information File Format). Un consensus général s’est également dégagé sur les points suivants :

Le consensus général découlant de la séance plénière indique que les images numériques doivent être créées suivant les meilleures normes et pratiques possibles, mais en tenant bien compte des valeurs concrètes et de l’aspect plus global. Il ne faut pas oublier les besoins et les possibilités à plus long terme. Donc, il faut conserver les premiers fichiers d’images numériques de qualité, même lorsque des versions d’accès sont produites et qu’elles font une utilisation optimale des possibilités actuelles, telles les résolutions d’écran et la largeur de bande actuelle dans Internet.

Après les exposés en plénière, Michael Day (CEDARS Project) a présenté une communication sur les métadonnées pour conservation. Il a fait remarquer que toutes les approches visant à assurer l’accès continu à long terme aux ressources numériques ne dépend pas uniquement de métadonnées descriptives – qui sont nettement nécessaires pour identifier et gérer les documents numériques –, mais également de métadonnées de conservation appropriées. Les méthodes actuelles concernant l’accès à long terme comprennent la conversion en de nouvelles normes/formats, la préservation des matériels et des logiciels, et l’émulation des technologies. Tout cela dépend du repérage et de la collecte des métadonnées pertinentes, comme la ou les normes utilisées pour créer des fichiers numériques, les méthodes employées, l’ordinateur, le système d’exploitation, le logiciel et la version utilisée.

Margaret Hedstrom (Université du Michigan) a parlé de l’archivage numérique pour conservation, en résumant les résultats de son enquête préliminaire portant sur les pratiques actuelles de conservation numérique auprès de 54 bibliothèques membres du RLG. De celles-ci, 36 n’ont pas encore rédigé de directives pour gérer les documents numériques. Dix-huit ont déjà au moins certaines directives, notamment sur les acquisitions (16) et sur la conversion (7). Beaucoup de bibliothèques répondantes ont indiqué qu’au cours des trois prochaines années, elles envisagent d’élaborer des directives sur la conservation numérique (51 sur 54), et 52 prévoient des projets de conversion numérique. Pour terminer, elle a noté le délai entre l’élaboration et la mise en oeuvre des pratiques exemplaires, et l’écart entre l’orientation actuelle sur l’archivage numérique et les possibilités institutionnelles de donner suite. Elle a indiqué les priorités suivantes :

Le texte intégral du rapport, corédigé avec Sheon Montgomery, est accessible dans le site Web du RLG à l’adresse www.rlg.org.

La synthèse de la conférence a été dressée par une table ronde de rétroaction internationale composée de Seamus Ross (Bibliothèque nationale d’Écosse), Karen Turko (Université de Toronto) et Colin Webb (Bibliothèque nationale d’Australie). Dans son discours de clôture, Peter Fox (Université de Cambridge) a insisté sur l’urgence de conserver les documents numériques originaux. Il a ajouté que son groupe de travail sur l’archivage numérique produira un guide non technique sur l’archivage numérique au printemps de 1999.

En plus des exposés et des discussions en groupe ou en plénière, les participants ont trouvé beaucoup d’occasions précieuses et agréables pour échanger des nouvelles et des idées avec des collègues au moment des pauses et des repas. Cette partie de la conférence était particulièrement, disons facilitée, en ces lieux inspirants et autour des excellents repas servis à la Scarman House de l’Université de Warwick.

Bref, les membres du NPO et du RLG chargés d’organiser cette rencontre ont effectué un excellent travail pour ce qui est de la planification, de l’organisation, du contenu et de la logistique de la conférence, ce dont chaque participant s’est rendu compte à tout moment. Il s’est dégagé des accords appréciables sur l’orientation en matière d’imagerie numérique, et chaque groupe a relevé des enjeux importants pouvant faire l’objet de recherche et de collaboration plus poussées. Les organisateurs et nombre de participants poursuivront l’étude de ces enjeux et le programme d’établissement de pratiques exemplaires en matière d’imagerie numérique.

__________
Note

1 Pour une brève explication des formats TIFF et PNG, voir : Shapiro, Kivi. « Formats de fichiers graphiques et de fichiers sonores », Flash Réseau, no 24, 31 janvier 1996 (www.nlc-bnc.ca/pubs/netnotes/fnotes24.htm).


Droit d'auteur. La Bibliothèque nationale du Canada. (Révisé : 1999-2-16)