Nouvelles de la Bibliothèque nationale |
par Carrol D. Lunau,
Programmes nationaux et internationaux
Le ministère du Patrimoine canadien et la Société canadienne des postes renégocient en ce moment le tarif des livres de bibliothèque. Le contrat actuel expire en mars 1999. Le programme, d’abord introduit en 1939, avait pour but d’étendre les services de bibliothèque aux régions rurales. Le port payé par la bibliothèque au moment de l’envoi couvre à la fois le port d’envoi et le port de retour. La subvention est versée directement à Postes Canada par le gouvernement en contrepartie des revenus perdus à la suite de tarifs réduits pour l’envoi des livres de bibliothèque.
Vers la fin de 1997, Patrimoine canadien a demandé à la Bibliothèque nationale des renseignements généraux sur l’utilisation du programme actuel par les bibliothèques canadiennes, afin de l’aider à se préparer en vue des négociations. Un groupe de travail composé de trois personnes, notamment de Pierre Daoust (Association pour l’avancement des sciences et des techniques de la documentation), de Carrol Lunau (Bibliothèque nationale), et de Leacy O’Brien (Canadian Library Association), a été créé pour rendre compte de l’utilisation du tarif des livres de bibliothèque et formuler des recommandations dans le cadre du programme.
Une enquête a été envoyée par la poste à 850 bibliothèques. Elle visait à rassembler de l’information provenant à la fois des utilisateurs du programme et des non-utilisateurs; par la suite, l’enquête a été distribuée lors de plusieurs conférences du domaine de la bibliothéconomie tenues durant le printemps et l’été de 1998. En tout, 347 répondants se sont manifestés, provenant de toutes les régions du pays. D’après les réponses, le programme est très important pour les bibliothèques publiques de petite et grande taille, et le milieu des bibliothèques le tient en haute estime. Un répondant de l’Alberta a indiqué que « notre participation aux entreprises de mise en commun des ressources à l’échelle provinciale et nationale dépend du tarif de livraison raisonnable ». Cette opinion est partagée par un bibliothécaire à l’autre extrémité du pays, à Halifax, qui mentionne que « les coûts des services de PEB et d’envois postaux vers les usagers confinés à leur domicile et les usagers en milieu rural seraient de beaucoup supérieurs sans le tarif des livres de bibliothèque, et cela signifierait probablement que l’envergure de ces programmes serait réduite ».
En règle générale, l’utilisateur du tarif des livres de bibliothèque est une bibliothèque publique ou régionale (74,06 %) qui bénéficie du tarif depuis plus de trois ans (90,72 %). Ces bibliothèques expédient moins de 1000 colis par an (73,89 %). Leur recours au programme a augmenté au cours des cinq dernières années (89,9 %). La majorité des utilisateurs du programme sont satisfaits (95,53 %), mais 79,04 % ont connu des difficultés, et 66,32 % estiment que l’on devrait améliorer le programme.
Comment les bibliothèques utilisent-elles le programme ? L’envoi ou le retour des livres par le prêt entre bibliothèques en constitue, de loin, l’utilisation principale. Voici d’autres utilisations mentionnées par un grand nombre de répondants :
L’une des questions de l’enquête et d’un intérêt particulier pour Patrimoine canadien était le pourcentage de documents qui bénéficiaient du tarif des livres de bibliothèque, en comparaison des autres moyens de diffusion. La réponse à cette question est pratiquement impossible à établir puisque les chiffres exacts du nombre de colis envoyés ne sont pas disponibles, et que les données sur le prêt entre bibliothèques comprises dans les statistiques nationales de base sur les bibliothèques sont incomplètes, à cause du manque de données standard. Néanmoins, ces chiffres ont été utilisés pour évaluer que le nombre de colis envoyés grâce au tarif des livres de bibliothèque est 15 p. 100 ou moins du nombre total de livres envoyés par le PEB.
Plus de 50 p. 100 des répondants ont indiqué trois grands problèmes à résoudre dans le cadre des paramètres du programme renouvelé. Le premier est que les employés des comptoirs postaux connaissent rarement le programme. Il semblerait que certaines bibliothèques se soient fait imputer des frais pour le retour de livres, même si elles avaient apposé la bonne étiquette de retour sur le colis. Du courrier a été retourné à des bibliothèques accompagné d’une mention indiquant que le port soit dû, car des employés de Postes Canada ignoraient l’existence du programme. Une bibliothèque demande à son employé d’apporter un exemplaire de la fiche des tarifs des livres de bibliothèque avec lui chaque fois qu’il apporte des colis au bureau de poste, pour s’assurer que l’employé de Postes Canada imputera le bon tarif. Selon certaines bibliothèques, les bureaux de poste locaux ne disposent pas de l’information nécessaire pour les inscrire au programme, ou ne sont pas en mesure de leur indiquer les tarifs actuels, lorsqu’il y a changement de tarif.
Le deuxième problème concerne le manque d’information disponible pour les bibliothèques et pour le personnel de la salle du courrier à propos du programme. De nombreux non-utilisateurs qui ont répondu à l’enquête indiquent qu’ils n’ont pas recours au programme car ils ne le connaissent pas, ou ne comprennent pas son mode de fonctionnement. Dans certains cas, des bibliothécaires connaissent le programme mais il en va tout autrement du personnel de la salle de courrier. De plus, certains usagers ne sont pas au fait du programme. Une bibliothèque a répondu : « d’après votre description du programme sur le tarif des livres de bibliothèque, il semble que nous ne l’utilisons pas de la bonne façon, et, par conséquent, il est vraisemblable que nous n’avons pas tiré parti de ce tarif éventuellement plus bas ».
Un troisième problème porte sur l’exclusion du programme des documents qui ne sont pas des livres. Il s’agit d’un problème qui date de longtemps et qui a été soulevé d’abord par la CLA en 1974, quand l’association n’est pas parvenue à convaincre le gouvernement d’accorder des tarifs postaux spéciaux pour l’envoi de films de 16 mm à des clients. Une deuxième tentative a été effectuée en 1984, quand la CLA a demandé au ministère des Communications d’inclure tout document de bibliothèque susceptible d’être mis à la poste : des cassettes audio et vidéo, des phonodisques, des films et des microfilms 1. La proposition soumise au ministère du Patrimoine canadien en novembre 1994 demandait de nouveau que la définition d’un livre dans le programme du tarif des livres de bibliothèque soit modifiée pour inclure tous les supports de documents.
Il s’agit d’un enjeu important, en particulier pour les bibliothèques qui envoient des documents à des usagers confinés à leur domicile. Comme le mentionnait la proposition de 1994 :
Les supports sonores et visuels sont particulièrement utiles aux personnes qui ont de la difficulté à lire des imprimés. Il peut s’agir des personnes âgées qui ont de la difficulté à tenir ou à lire un livre, des personnes presque analphabètes, des enfants qui ont besoin de pouvoir entendre des histoires afin de développer l’amour des livres et de la lecture, et de ceux et celles qui apprennent plus facilement à l’aide de présentations visuelles et auditives 2.
Il est ironique qu’une bibliothèque puisse envoyer par la poste un roman à un client en bénéficiant du tarif postal réduit, mais qu’elle doive assumer l’affranchissement complet pour expédier le même roman sous la forme d’un livre sonore à un client incapable de lire les imprimés.
Parmi les autres problèmes mentionnés, citons la nécessité d’un tarif de bibliothèque forfaitaire et des délais de livraison plus rapides. Le tarif forfaitaire est nécessaire pour couvrir le retour d’un document qui peut avoir été emprunté d’une bibliothèque qui ne recourt pas au tarif des livres de bibliothèque, ou d’une bibliothèque qui n’a pas apposé l’étiquette de retour requise.
Les réponses à l’enquête donnent une indication des tendances et de l’évolution du PEB parmi les bibliothèques publiques plus petites. L’influence d’Internet et les efforts déployés par les gouvernements fédéral et provinciaux pour brancher les Canadiens sont évidents. Certaines bibliothèques indiquent que leur utilisation du tarif des livres de bibliothèque a augmenté, car maintenant que leur catalogue est dans Internet et fait partie d’un réseau provincial, elles prêtent des livres pour la première fois. L’évolution des réseaux en Alberta, en Colombie-Britannique et au Manitoba a été mentionnée à cet égard. Le développement des services de messagerie par SOLS (Services de bibliothèque du Sud de l’Ontario) a été cité comme étant la cause d’une réduction dans le recours au tarif des livres de bibliothèque par les bibliothèques publiques de l’Ontario. D’autres facteurs relevés comme ayant une incidence sur le PEB : la réorganisation des bibliothèques et, dans certains cas, la centralisation, par laquelle une bibliothèque peut avoir été désignée récemment afin de s’occuper du PEB d’un groupe.
Le recours à la livraison électronique (Internet, télécopie ou Ariel) n’a pas été mentionné comme une cause importante de l’utilisation réduite du tarif des livres de bibliothèque par ces bibliothèques. Toutefois, on note de légères diminutions.
En résumé, on peut dire que le programme du tarif des livres de bibliothèque est essentiel pour les petites et moyennes bibliothèques publiques. Le groupe de travail recommandera au ministère du Patrimoine canadien que des démarches soient adoptées pour s’attaquer aux problèmes relevés ici et les surmonter, et que le programme soit renforcé davantage pour répondre aux besoins des bibliothèques, tout en contenant les coûts pour les bibliothèques.
Il convient de conclure ce bref aperçu au sujet du tarif des livres de bibliothèque en cédant la parole aux usagers. Les trois citations suivantes cernent la réalité de bien des participants au programme :
« Il faudrait annuler notre programme de PEB pour 44 succursales rurales si nous devions assumer le tarif complet de la quatrième classe. »
« Globalement – notre réseau de 96 bibliothèques publiques utilise le tarif des livres de bibliothèque de façon très efficace. Les économies sur nos frais de poste nous aident à partager de façon réussie nos ressources de bibliothèque limitées. »
« Veuillez conserver le tarif des livres pour les bibliothèques. Cela est essentiel à la survie de nos bibliothèques. »
Vous pouvez trouver un complément d’information au sujet du programme du tarif des livres de bibliothèque dans le Web à www.cla.amlibs.ca/lbr.htm ou à www.asted.org/publications/autres/tlb.html.
__________1
The Library Book Rate (Postal Subsidy) September 1993. Ottawa, Canadian Library Association, 1993.2
Proposition au ministère du Patrimoine canadien pour la reconduction du tarif des livres de bibliothèque (subvention postale), novembre 1994. Association pour l’avancement des sciences et des techniques de la documentation, Canadian Library Association, Bibliothèque nationale du Canada. p. 8.