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Nouvelles de la Bibliothèque nationale Novembre 1999 Vol. 31, no 11
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La numérisation à la Bibliothèque nationale : un survol des enseignements et des résultats
Doug Hodges,
Gestion des ressources en information
Les activités de numérisation de la Bibliothèque nationale du Canada (BNC) ont
commencé en 1995 par la mise au point et le lancement de projets tels que La
Confédération canadienne et Femmes à l'honneur : les réalisations de pionnières
canadiennes. Aujourd'hui, ces deux sites Web font partie des ressources numériques les
plus prisées et les plus utilisées de la BNC. Dans la foulée de ces réussites, la BNC a
poursuivi dans cette voie par la numérisation de textes imprimés tels des livres, des
articles de périodiques, des index, des manuscrits, des illustrations, des photographies,
des cartes et des enregistrements sonores, provenant tous de ses collections.
La BNC s'est montrée très sélective dans le choix des projets de numérisation, et elle a
mis l'accent sur la valeur ajoutée se traduisant par l'accès accru aux documents et la
présentation de renseignements contextuels comme fondement de l'interprétation et de la
compréhension des documents numérisés. Au nombre des critères de sélection
fondamentaux appliqués au choix des documents à numériser figurent l'importance du
document et son utilité auprès des utilisateurs. En numérisant ces importants documents
canadiens et en accroissant leur accessibilité pour les usagers par l'entremise du Web, la
Bibliothèque nationale entend contribuer à la croissance du nombre de ressources
numériques nationales désormais disponibles.
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Au cours des trois à cinq prochaines années, la BNC continuera ses activités de
numérisation sélective afin de créer une collection numérique rétrospective cohérente et
accessible. Ses activités de numérisation contribuent à l'enrichissement de sa collection
de publications électroniques actuelles, et donnent aux utilisateurs un aperçu de la
richesse et de l'étendue des ressources de la BNC. Des volets thématiques et de référence,
ainsi que des éléments de collection seront créés dans le domaine de la littérature, de la
musique, de l'histoire et de la société canadiennes. Des ressources approfondies et
appropriées, liées aux collections les plus importantes et distinctives de la BNC, seront
créées au besoin et selon l'intérêt manifesté par les usagers. Parallèlement, la BNC verra à
la création de ressources utiles dans le domaine de la référence et de ressources à l'appui
d'autres services de la BNC.
La BNC poursuit sur sa lancée après avoir tiré certains enseignements de son expérience
de numérisation jusqu'à ce jour. Bien qu'il soit impossible d'aborder de manière
approfondie ces enseignements dans un bref article, en voici tout de même un résumé
représentatif :
- L'auditoire :
il importe de circonscrire avec soin le public cible et ses besoins. Ce
principe s'applique tout autant à l'étape de la sélection du projet et des documents et à
l'étape de la conception du type de navigation dans le site qu'aux aspects tels la taille
des fichiers et l'utilisation appropriée de l'étiquette ALT afin de faire en sorte que le
site soit accessible aux personnes ayant une déficience visuelle, entre autres. Les
besoins des chercheurs, du grand public et des élèves de niveau primaire ou
secondaire diffèrent considérablement. On doit également tenir compte du mode
d'accès du public cible au site Web, ainsi que des limites imposées par le matériel ou
par les modalités d'accès à Internet des usagers. Par exemple, des graphiques détaillés
et colorés peuvent être très attrayants et contribuer énormément à l'attrait d'ensemble
d'un site, mais si les usagers ne disposent pas d'un modem à vitesse élevée, la lenteur
du téléchargement des imposants fichiers graphiques provoquera sans doute de la
frustration.
- Le droit d'auteur :
il faut compter un délai d'exécution de trois ou quatre mois afin de
déterminer le détenteur du droit d'auteur et d'obtenir les autorisations nécessaires
avant d'amorcer les activités de numérisation. Advenant que les documents ne
puissent être utilisés, soit parce que l'autorisation n'a pas été accordée ou que l'on n'a
pu s'entendre sur des modalités d'utilisation acceptables, il est possible, grâce à ce
délai d'exécution, de choisir d'autres documents à numériser. Dans le cadre de
certains de ses projets, la BNC, au même titre que de nombreux autres établissements,
a décidé de numériser des anciens documents qui sont du domaine public. Bien qu'il
s'agisse là d'une démarche à caractère pratique, il se révèle souvent nécessaire
d'inclure au moins certains documents contemporains afin d'offrir un contexte actuel
à l'interprétation des documents du domaine public.
- La sélection :
étant donné le nombre élevé de documents qui se prêtent à la
numérisation, les restrictions sur le plan des ressources humaines et financières, les
contraintes imposées par le droit d'auteur, et l'importance d'avoir comme objectif la
complémentarité des ressources en évitant la duplication d'autres ressources
numériques ou d'autres projets de numérisation, il est essentiel d'établir une sélection.
Plus la sélection des documents ou des collections sera effectuée avec soin, plus le
résultat final sera utile au public cible.
- La vérification des hypothèses :
dans la mesure du possible, il faut vérifier toutes les
hypothèses avant d'entreprendre le projet ou, à tout le moins, au début de la phase de
démarrage du projet, quand il est possible d'effectuer des changements à des coûts
minimes. Ce principe s'applique aux aspects tels que le coût prévu pour la
numérisation des documents, l'obtention des autorisations relatives au droit d'auteur
et aux efforts qu'il faudra déployer à cet égard, les taux d'erreur ainsi que la capacité
des employés ou des sous-traitants à mettre en application de façon appropriée les
normes et les meilleures pratiques.
- Le contenu :
assurez-vous que les spécialistes du contenu ont les coudées franches
pour exercer leur expertise en offrant suffisamment de soutien technique aux projets.
Ils pourront ainsi s'efforcer de faire en sorte que le contenu du projet soit aussi clair,
bien choisi et bien présenté que possible.
- La gestion du projet :
il faut prévoir les frais généraux liés au projet, de même qu'il
faut planifier des dépenses imprévues. En vertu de ce que certaines personnes
appellent les caprices du hasard, même des projets de petite envergure, ne faisant
intervenir que quelques sous-traitants, semblent nécessiter des efforts considérables
de planification, d'administration et d'évaluation. Un volet important de la gestion de
projet consiste à surveiller les travaux accomplis afin de s'assurer qu'ils sont
conformes aux caractéristiques du projet et respectent les normes et les pratiques
exemplaires.
- L'équipe de projet :
il faut former une équipe équilibrée pour chaque projet. L'apport
des membres de l'équipe au projet peut prendre la forme de compétences en gestion
de projet, d'expertise sur le sujet, de compétences en balisage, de compétences en
programmation, de capacités de rédaction et de révision, et de compétences en
graphisme. Bien entendu, les membres ne seront pas tous dotés de la même expertise
ou des mêmes habiletés; il importe plutôt que les compétences et les connaissances
des membres soient complémentaires.
- La maintenance :
il faut documenter la manière dont la numérisation s'est effectuée
ainsi que les choix en matière de conception et s'assurer que ces renseignements sont
accessibles dans le site et seront facilement repérables à l'avenir. En outre, il faut
planifier les ressources nécessaires à la maintenance du site une fois que le projet est
officiellement terminé. Cette planification a une incidence sur la formation de
l'équipe de projet. Si le projet fait intervenir du personnel temporaire ou des
entrepreneurs de l'extérieur, il faut s'assurer qu'au moins un membre ou deux du
personnel de la bibliothèque soit apte à maintenir les aspects techniques et le contenu
du site afin qu'il demeure accessible et actuel. Cela peut signifier qu'il soit nécessaire
de remplacer temporairement un membre permanent du personnel de sorte qu'il soit
disponible pour faire partie de l'équipe du projet de numérisation à temps plein.
Ainsi, à la fin du projet, il y aura quelqu'un possédant l'expertise nécessaire sur les
plans technique et du contenu pour assurer la maintenance du site.
- La planification :
il est primordial de ne pas sous-estimer l'ampleur des tâches liées à
la numérisation. Qu'il s'agisse de changements de dernière minute, de débogage, de
changements en matière de conception, de traduction, de révision finale du contenu,
de vérification des liens et de la qualité technique, ou de la lecture d'épreuves. La
planification doit tenir compte du temps qu'il faut consacrer à ces tâches.
- Les coûts :
la BNC a suivi de façon étroite les coûts de la numérisation, qui ont varié
considérablement d'un projet à un autre. Ces écarts de coûts s'expliquent par un
certain nombre de facteurs, notamment le nombre de documents convertis; l'âge des
documents et leur état physique; les diverses formes des documents en question
(p. ex., des livres, des manuscrits, des périodiques, des articles de journaux, des
photographies, des lithographies et des enregistrements sonores sur 78 tours); la
présentation de certains textes (p. ex., des tableaux de texte ou de chiffres); les
besoins du public cible; la nature de l'expertise technique et sur le sujet nécessaire;
l'étendue de la formation requise; les coûts en rémunération; les aspects linguistiques;
et la nécessité de développer des systèmes ou du matériel et des logiciels spéciaux.
Les coûts assumés par la BNC varient d'environ 2 $ la page pour convertir des
rapports d'une commission royale de la fin du XIXe siècle en format PDF mode
image, à 6,50 $ la page pour numériser des textes bilingues des années 1970
comportant une proportion élevée d'illustrations d'à-plats monochromes, à 10,21 $ la
page pour l'encodage complet de texte (d'environ 500 mots par page).
- Les partenariats :
des partenaires peuvent contribuer à des projets de numérisation par
l'apport de compétences, d'expertise, de ressources humaines et financières, et de
documents distinctifs. Les projets entrepris en partenariat sont plus faciles à mener à
bien et atteignent une « masse critique », ce qui les rend plus attrayants aux yeux de
commanditaires potentiels. En outre, les partenaires ont souvent leur propre
perspective quant au projet, y apportant des idées neuves; il en découle des résultats
plus intéressants et plus utiles pour le public cible.
- L'évaluation :
chaque projet doit faire l'objet d'une certaine forme d'évaluation et de
rétroaction de la part des usagers. Qu'elle soit de type anecdotique, générale, ou
approfondie et détaillée, l'évaluation peut être effectuée pendant le projet, à la fin du
projet, de façon continue, ou dans le cadre de l'évaluation globale de plusieurs
projets. Dans tous les cas, il est manifeste qu'une seule mesure ou qu'une seule
méthode ne convient pas pour évaluer de façon appropriée un site Web. Il faut plutôt
combiner et équilibrer diverses formes d'évaluation. Par exemple, le seul fait de
compter le nombre d'usagers qui accèdent au site fait grimper de façon artificielle le
taux d'utilisation du site. D'autres instruments de mesure de l'utilisation tels que les
demandes de renseignements des pages Web peuvent permettre de déterminer de
façon plus juste le caractère utile d'un site, lorsqu'ils sont combinés de façon
appropriée à d'autres formes d'évaluation.
- Les métadonnées :
la numérisation offre d'excellentes occasions de créer des
métadonnées, surtout si la personne qui numérise un document (convertit, code et relit
les épreuves) crée également les métadonnées. Cette personne, qui approfondit sa
connaissance du contenu, peut, si elle reçoit la formation appropriée et possède
l'expérience nécessaire, appliquer les connaissances acquises à la création de
métadonnées. L'automatisation à l'appui de la création de métadonnées est
fondamentale si l'on veut accroître l'efficience de l'exécution et la précision et
l'uniformité des notices, qu'elles soient contenues dans une base de données ou
qu'elles prennent la forme de métadonnées intercalées dans des documents.
Voilà donc quelques-uns des enseignements tirés de l'expérience de numérisation des
cinq dernières années. Au moment où la Bibliothèque nationale du Canada entreprend la
prochaine phase de développement de ses ressources numériques, elle invite les membres
du milieu des bibliothèques à lui faire part de leurs points de vue sur ce sujet.
Droit d'auteur. La Bibliothèque nationale du Canada. (Révisé : 1999-11-9).