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Nouvelles de la Bibliothèque nationale
Novembre 1999
Vol. 31, no 11



De la salle d'exposition...

Michel Brisebois,
conservateur des livres rares,
Services de recherche et d'information

[Jean-Marie Raphaël Le Jeune, 1855-1930]. Chinook and Shorthand Rudiments, with which the Chinook Jargon and the Wawa Shorthand Can Be Mastered without a Teacher in a Few Hours, by the Editor of the Kamloops Wawa. Kamloops, B.C.: 1898. 14 p.

À la fin du 18e siècle, lorsque les marchands venaient d'Europe et des États-Unis pour acheter des fourrures à Nootka sur la côte ouest de l'île de Vancouver et plus tard à l'embouchure de la rivière Columbia en Oregon, les marchands et les autochtones devaient apprendre quelques mots de la langue de l'autre dans le but de faire la traite.

Le jargon qui en résulta fut un mélange de nootkan, de chinook et d'anglais. D'après la plupart des historiens, ceci marque l'origine du jargon chinook (à ne pas confondre avec la langue chinook) que les marchands de fourrure répandirent à travers toute la côte nord-ouest de l'Amérique, de l'Orégon à l'Alaska. D'autres spécialistes pensent qu'une forme primitive du jargon existait déjà parmi les tribus autochtones longtemps avant l'arrivée des Européens. Lorsque la Compagnie du Nord-Ouest et la Compagnie de la Baie d'Hudson établirent des colonies permanentes, le jargon fut infiltré de mots français, la langue de plusieurs voyageurs.

Au 19e siècle, le jargon chinook était parlé par plusieurs colons et voyageurs européens en contact journalier avec les autochtones : les travailleurs des conserveries, les ménagères achetant des produits de la ferme, les pêcheurs, les bûcherons et les missionnaires. Le jargon chinook était une langue parlée mais bientôt les missionnaires et les ethnologues crurent nécessaire de transcrire les sons en mots utilisant l'alphabet romain. Ceci créa une certaine confusion puisque le même son peut être transcrit de plusieurs façons. Ces dictionnaires étaient également davantage utiles aux colons, les autochtones pouvant rarement associer les sons à l'alphabet romain. Le premier de ces ouvrages fut rédigé par George Gibbs de la Smithsonian Institution en 1863 et réimprimé à plusieurs reprises, avec certains changements, par la Compagnie T.N. Hibben de Victoria, de 1875 à 1908, sous le titre A Dictionary of the Chinook Jargon or Indian Trade Language, of the North Pacific Coast. D'autres versions furent publiées jusque dans les années 1930.

La popularité et la croissance du jargon chinook pendant cette période est surtout due au Père Jean-Marie Raphël Le Jeune. Né en Bretagne en 1855, le Père Le Jeune vint en Colombie-Britannique comme missionnaire catholique en 1879, d'abord à la mission St. Mary's en East Kootenay pendant la construction du chemin de fer, ensuite à Fort Williams, pour enfin s'établir à Kamloops où il passa le reste de sa vie. Le Père Le Jeune était très préoccupé par le fait que les autochtones ne pouvaient pas lire le jargon chinook tel que transcrit en alphabet romain, et croyait qu'ils pourraient faire le lien plus facilement entre les sons et les caractères de sténographie. Ayant étudié la sténographie duployenne dans sa jeunesse, Le Jeune l'appliqua à de nombreuses transcriptions de livres de lecture et de livres de piété en jargon chinook. Son idée fit du chemin et ses livres furent souvent réédités. De 1891 à 1904, il écrivit et publia un journal, le Kamloops Wawa (chinook pour « propos »), avec le texte en trois colonnes, la première en jargon chinook en alphabet romain, la seconde en sténographie duployenne et la troisième en traduction anglaise. À la mort du Père Le Jeune, à New Westminster, en 1930, la plupart des autochtones avaient appris la langue anglaise et le jargon chinook disparu éventuellement.

Le Chinook and Shorthand Rudiments, livre en montre dans Impressions, l'exposition principale de la Bibliothèque nationale en 1999, est un bon exemple du travail du Père Le Jeune et de son dévouement à la cause du jargon chinook. La Bibliothèque nationale du Canada possède une vaste collection de livres imprimés en langues autochtones, dont certains en jargon chinook et une collection partielle du Kamloops Wawa.

Sources consultées

Reid, Robie L. -- « The Chinook Jargon and British Columbia ». -- The British Columbia Historical Quarterly. -- Vol. 6, no 1 (janvier 1942). -- P. 1-11

Banks, Joyce. -- Books in Native Languages in the Rare Book Collections of the National Library of Canada=Livres en langues autochtones dans les collections de livres rares de la Bibliothèque nationale du Canada. -- Édition révisée et augmentée. -- Ottawa : Bibliothèque nationale du Canada, 1985. -- 190 p.


Droit d'auteur. La Bibliothèque nationale du Canada. (Révisé : 1999-11-9).