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Nouvelles de la Bibliothèque nationale
Septembre 1999
Vol. 31, no 9



Impressions : 250 ans d'imprimerie dans la vie des Canadien(ne)s
Le point de vue du conservateur

Michel Brisebois,
conservateur des livres rares,
Services de recherche et d’information

Les expositions à la Bibliothèque nationale du Canada sont conçues dans le but de montrer des documents choisis parmi ses collections et d'inviter le public à participer à cette expérience divertissante et éducative. Même si la plupart des livres des collections de la Bibliothèque nationale peuvent être consultés par les chercheurs et le grand public, le regroupement de ces pièces sous un thème, accompagné d’un texte d'introduction et des légendes explicatives, a un autre but, qui est celui de raconter une histoire.

L'exposition principale de cette année exigeait un regard rétrospectif sur l'imprimerie et l'édition canadiennes. Elle devait être générale, sans vocabulaire technique et donc à la portée de tout le monde. Il s’agissait en outre de refléter le vaste patrimoine de l'imprimerie canadienne. Au lieu d'en faire une histoire conventionnelle de l'imprimerie ou de regrouper des « trésors » de la Bibliothèque sans lien entre eux, j'ai tenté, dans « Impressions », de mettre en valeur les livres, brochures, affiches et journaux imprimés au Canada et utilisés par les Canadiens et Canadiennes dans leur vie de tous les jours pour apprendre à lire et à compter, à voyager, à maîtriser un métier, à prier, à guérir, à influencer le voteur, à relaxer ou tout simplement à s'informer des événements dans le monde qui les entoure. J'ai pensé que les visiteurs sentiraient une affinité avec des documents qu'ils auraient pu posséder s'ils avaient vécu à cette époque. Les objets imprimés ont été regroupés sous les thèmes suivants : littérature pour enfants et éducation, immigration et transports, foyer et famille, agriculture et métiers, justice et politique, journaux et magazines, loisirs et littérature, religion, santé, et enfin, livre-objet. L'ordre des thèmes reflète d'une façon approximative l'évolution des activités et des intérêts dans la vie d'une personne. Bien entendu, plusieurs milliers de documents constituaient des candidats potentiels, la majorité n'ayant jamais été exposée auparavant.

Après avoir créé le concept de l'exposition, le conservateur fait face à la tâche la plus difficile et qui prend le plus de temps, soit la sélection des documents. Sans entrer dans les détails fastidieux de la méthodologie employée dans le processus de sélection, on peut dire qu'en premier lieu le choix doit porter sur les ouvrages qui reflètent le thème, et ensuite sur un exemplaire en particulier s'il en existe plusieurs.

Pour tous les livres et brochures, on doit choisir une page appropriée résumant l'ouvrage ou montrant les traces de l'ancien propriétaire. Les exemplaires montrant un lien avec les anciens propriétaires tels les signatures, les ex-dono ou des annotations, se voyaient accorder d'emblée une priorité. Un autre élément à considérer : assurer une bonne représentation géographique de l’imprimerie partout au Canada, tout en se rappelant que l'imprimerie en Colombie-Britannique ne commença que 100 ans après son apparition à Halifax. La diversité du patrimoine linguistique canadien devait aussi être représentée. Il est impossible d'en arriver à un équilibre idéal, et le conservateur doit accepter que ses goûts personnels et ses thèmes favoris influencent ses choix. Une exposition organisée par une personne devrait être aussi objective que possible mais elle ne peut pas, et ne devrait pas, être impersonnelle.

La plupart des livres qui forment « Impressions » proviennent de la Collection des livres rares (et quelques-uns de la Collection générale) tandis que les autres ont été choisis à partir d'un tri préliminaire fait par les conservateurs de la Division de la musique, de la Collection Jacob M. Lowy et de la Collection des journaux. Une fois le choix établi, le conservateur fait face au prochain défi qui est de rédiger, dans les deux langues officielles, des descriptions bibliographiques, des légendes explicatives ainsi que, pour chaque section, une introduction résumant le contexte historique. Tout en étant en désaccord avec l'opinion répandue voulant que les visiteurs ne lisent pas les légendes explicatives, je suis plutôt d’avis que ces légendes doivent être éducatives et concises, afin d’inciter le visiteur à utiliser d'autres sources pour approfondir le sujet. Ce genre de rédaction exige des lectures de base et plusieurs révisions de chaque légende et introduction.

Dans une exposition telle qu'« Impressions », les documents doivent être placés dans un contexte qui expliquera leur apparition et leur évolution. Pour « raconter l'histoire » de certains genres comme les manuels scolaires, le conservateur doit se familiariser avec l'histoire de l'éducation au Canada, les lois sur l'importation, le droit d'auteur, et, bien entendu, les pratiques d'édition comme celle d'importer des éditions stéréotypées et de remplacer des pages de titre de livres imprimés en Europe et aux États-Unis par d'autres mentionnant les éditeurs canadiens. Ces éléments doivent être résumés d'une façon précise et simplifiés dans le but d'obtenir une légende relativement courte.

Le rôle de conservateur que j’ai assumé pour « Impressions » m’a procuré une satisfaction à la fois immédiate et soutenue. Quant aux impressions durables, il s’agit désormais de l’apprécier.


Droit d'auteur. La Bibliothèque nationale du Canada. (Révisé : 1999-9-1).