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Nouvelles de la Bibliothèque nationale
Mai 2000
Vol. 32, no 5



L'embryon de la Bibliothèque nationale

Ian C. Wees, anciennement directeur adjoint et directeur intérimaire,
Direction de la référence

Je me suis joint au personnel du Centre bibliographique canadien au début de novembre 1952. J'étais alors un jeune bibliothécaire sans expérience, frais émoulu la même année de l'école de bibliothéconomie de l'Université McGill. Au début de 1952, j'avais eu la chance de visiter le Centre bibliographique canadien avec ma classe de l'école de bibliothéconomie.

Pendant que j'étais à Ottawa, j'ai fait une demande d'emploi au gouvernement fédéral et j'ai passé une entrevue devant un comité intimidant de bibliothécaires du gouvernement (il devait bien y en avoir une douzaine), parmi lesquels Adèle Languedoc, la bibliothécaire des acquisitions de publications canadiennes du Centre bibliographique canadien. L'expérience ressemblait à celle d'un étudiant aux études supérieures subissant un examen oral avant de recevoir son diplôme. J'ai aussi profité de l'occasion, puisque j'étais dans la capitale nationale, pour rencontrer dans son bureau spacieux W. Kaye Lamb, l'archiviste du Dominion, qui allait bientôt devenir le premier bibliothécaire national. C'était un samedi matin, si je me souviens bien; M. Lamb bavarda aimablement avec moi pendant environ une demi-heure.

Après avoir décroché mon diplôme de bibliothéconomie, j'ai travaillé plusieurs mois comme bibliothécaire à la référence pour la bibliothèque publique de Winnipeg avant de recevoir une lettre quelque peu inattendue de Martha Shepard, directrice du Centre bibliographique canadien, m'invitant à travailler au Centre. Je fus le premier homme et le dernier bibliothécaire à me joindre au personnel avant que le Centre bibliographique devienne la Bibliothèque nationale du Canada en janvier 1953.

À mon arrivée, le personnel du Centre bibliographique comptait quatre commis et quatre bibliothécaires. Le Centre était situé au rez-de-chaussée de l'ancien édifice des Archives publiques (aujourd'hui le Musée canadien de la guerre). À ce moment-là, la Galerie nationale du Canada occupait elle aussi une partie de l'édifice du Musée national à Ottawa. Le personnel du Centre bibliographique était entassé à une extrémité du musée des Archives, qui contenait des bustes, des drapeaux, des peintures et tout un assortiment d'autres objets reliés à l'histoire du Canada. L'endroit étant ouvert au public, les employés du Centre bibliographique étaient exposés avec les divers objets historiques (par exemple, une grande maquette de la Ville de Québec). Ce grand musée était parfois utilisé pour des fêtes organisées par le personnel. Je me souviens encore d’une danse tenue en 1952, à l’occasion de Noël, pour les employés des Archives publiques et du Centre bibliographique canadien.

Le personnel du Centre bibliographique était comme une petite famille, dont M. Lamb était le patriarche; certaines bibliothécaires le surnommaient d’ailleurs «  Père ». Il était notre père, au sens figuré, et celui de ce qui serait bientôt la Bibliothèque nationale.

Notre petite famille faisait partie d'une famille élargie, le personnel des Archives publiques. Les relations entre les deux équipes étaient amicales, cordiales mêmes. Le personnel des Archives publiques était lui-même peu nombreux à cette époque, et nous en sommes venus à faire la connaissance des commis et des archivistes qui partageaient l'édifice avec nous (l'un d'eux était Wilfred Smith, qui succéda plus tard à W. Kaye Lamb comme archiviste du Dominion).

Au début, je travaillais la moitié de la journée pour Jean Lunn, à cataloguer des publications pour Canadiana, et l'autre moitié pour Martha Shepard, à concilier et réviser les fiches du catalogue collectif. Mon travail était humble et mon salaire tout autant (au début, environ 2 800 $ par année). En ce temps-là, nous devions travailler cinq jours et demi par semaine, avec seulement deux semaines de vacances par an. Je me sentais tout de même privilégié d'être l'un des pionniers du Centre bibliographique canadien, pouvant ainsi contribuer au développement de services uniques au Canada.

Dans mon livre sur les 25 premières années de la Bibliothèque nationale, publié en 1978, je raconte l'anecdote suivante. Jean Lunn et Adèle Languedoc ont assisté un jour à une réception à laquelle Vincent Massey était présent. On présente Mlle Lunn à M. Massey; quand il apprit qu'elle travaillait au Centre bibliographique canadien, il s'exclama : « Ah, oui, l'embryon de la bibliothèque nationale. » À quoi Mlle Languedoc répondit spontanément à M. Massey : « Et je suis l'assistante de l'embryon. »

Nous pavions la voie pour la Bibliothèque nationale, mais il aurait été bien difficile pour moi d'imaginer, dans ces temps d'avant 1953, qu'un embryon si minuscule allait devenir la vaste et complexe institution qu'elle est aujourd'hui. Je n'ai jamais, non plus, imaginé que je serais un jour le premier rédacteur des Nouvelles de la Bibliothèque nationale.


Droit d'auteur. La Bibliothèque nationale du Canada. (Révisé : 2000-4-10).