Bulletin de la CCA 30/09
14 décembre 2009
Diversité musicale : un rapport discordant du Comité du Patrimoine
Les faits en résumé
Le 9 décembre dernier, le Comité permanent du Patrimoine déposait un rapport à la suire des trois sessions d’audiences consacrées à l’abolition des Programmes Diversité de la musique canadienne (1, 3 millions de dollars) gérés par le Conseil des Arts du Canada pour le ministère du Patrimoine canadien.
Les programmes abolis appuyaient l’enregistrement et la distribution de musique dite « spécialisée », i.e. «toute production musicale qui n’est pas avant tout conçue pour un marché de masse et dont l’intention ou le contenu met l’accent sur la créativité, l’expression personnelle ou l’expérimentation plutôt que sur les exigences de l’industrie de l’enregistrement sonore courante. Elle est normalement associée au marché parallèle et aux systèmes de distribution alternatifs et son importance dépasse le simple divertissement ». (Rapport, p. 2). Le financement des programmes abolis sera transféré à FACTOR/MusicAction pour le développement de marchés numériques et le développement de marchés internationaux.
Le Rapport du Comité demande au gouvernement de rétablir le financement de ces programmes au sein du Conseil des arts. Les trois recommandations spécifient que :
Recommandation 1
Le Comité permanent du patrimoine canadien se félicite du travail de FACTOR, de MusicAction, du Fonds de la musique du Canada et du Conseil des Arts du Canada pour la promotion et le développement des talents canadiens.
Recommandation 2
Le Comité permanent du patrimoine canadien recommande au ministère du Patrimoine canadien de rétablir dans son intégralité le volet de la Diversité de la musique canadienne à l’intérieur du Fonds de la musique du Canada. De plus, le Comité recommande que des crédits supplémentaires soient alloués au Conseil des Arts du Canada pour continuer à soutenir le programme de subventions à l’enregistrement et à la distribution de musique spécialisée.
Recommandation 3
Le Comité permanent du patrimoine canadien n'a pas entendu de témoignages des témoins ou provenant de l'Évaluation de 2007 qui justifiaient les coupures au volet de la Diversité de la musique canadienne. (Rapport p. 8)
Les partis d’opposition avaient imposé la tenue de ces audiences du Comité et le rapport qui en résulte illustre parfaitement l’atmosphère politisée qui y a régné du début à la fin. En dépit des efforts de plusieurs témoins de dépeindre la signification de l’abolition de ces programmes dans un contexte apolitique, il était clair depuis le tout début que les membres du Comité avaient d’autres vues sur le sujet.
Une des conséquences malheureuses de ce processus aura été de mettre en opposition FACTOR/MusicAction et le Conseil des arts. Il en est résulté qu’on a un peu perdu de vue l’enjeu fondamental du débat, soit l’importance d’investir dans la recherche et l’expérimentation artistique dans un contexte non-commercial, en musique comme dans les autres disciplines, tout comme il importe de le faire dans les autres domaines d’activité.
C’était justement l’essence de l’intervention faite au Comité par la Conférence canadienne des arts, intervention que le rapport résume comme suit :
« La Conférence canadienne des arts se réjouit du renouvellement du FMC (Fonds de la musique du Canada) pour cinq ans en précisant toutefois que ces investissements ne doivent pas se faire aux dépens de certains secteurs de l’industrie musicale. En ce sens, son directeur général, Alain Pineau, déplore l’abolition du volet de la Diversité musicale. Par contre, l’idée de demander au CAC (Conseil des Arts du Canada) de puiser à même son budget annuel constituerait « de facto une forme de coupe ». (p.5)
Il convient de noter que les représentants de FACTOR/MusicAction ont affirmé qu’ils accordent un appui important aux artistes émergents et aux entreprises qui soutiennent leur développement – ce qui ne semble pas rassurer tout le monde. Le temps permettra d’en juger.
Pour en savoir davantage
Le 31 juillet 2009, le ministère du Patrimoine canadien annonçait que le nombre de volets du FMC passait de 7 à 5. Les sommes attribuées au volet de la Diversité de la musique canadienne et au volet de l’Aide aux associations sectorielles seront réaffectées aux 5 autres volets du FMC. Le communiqué indiquait que « ce changement visait à éliminer les chevauchements de programmes; à réduire le fardeau administratif actuellement imposé à certains bénéficiaires; et à affecter les fonds publics à de nouvelles activités prioritaires ». Ces deux activités sont le développement de marchés numériques et le développement de marchés internationaux.
Un des objectifs du Comité était de «déterminer comment et pourquoi le ministère du Patrimoine canadien a décidé de faire ces coupes. » Durant les audiences, le NPD a sérieusement mis en doute la valeur de l’évaluation des programmes concernés faite en 2007 et mise de l’avant par les fonctionnaires de Patrimoine pour justifier la décision prise.
Le Bloc Québécois a utilisé la même approche, à la fois durant les audiences et dans l’Opinion complémentaire annexée au rapport, dans lequel le Bloc accuse les fonctionnaires d’avoir faussé les conclusions de l’évaluation de façon à couvrir ce qu’il qualifie de décision idéologique de la part du gouvernement :
« ... sentant le besoin de justifier une décision injustifiable, il a sorti de son contexte les phrases du rapport de 2007 dont il avait besoin et, lorsqu’il n’a pas trouvé, il a changé les mots et donc le sens et il a même contredit des affirmations de ce rapport pour motiver la décision qu’il avait déjà prise. » (p. 13)
Le Bloc conclut son Opinion en exigeant une fois de plus «que des négociations soient entreprises avec le gouvernement du Québec afin qu’une entente administrative intervienne pour transférer le plus rapidement possible les responsabilités des arts, de la culture et des communications au Gouvernement du Québec avec les budgets afférents. »
Les membres du parti gouvernemental ont pour leur part exprimé leur appui à l’abolition des programmes sous examen. Ils affirment ne pouvoir être d’accord avec le sommaire des témoignages entendus qui, selon eux, ne présente pas un reflet fidèle de la preuve fournie durant les audiences. Ils déclarent par conséquent ne pouvoir en aucune façon appuyer les recommandations du rapport du Comité. Ils répètent que contrairement aux affirmations incluses dans le rapport, les changements apportés au au FMC résultent d’une vaste consultation avec le milieu.
L’Opinion dissidente des représentants conservateurs reprend presque mot pour mot le discours qu’ils ont tenu tout au long des audiences, c’est-à-dire le rappel des actions gouvernmentales concernant le renouvellement du Fonds de la musique pour cinq ans, le tout assorti d’une série de citations choisies sur mesure, dont une provenant de la CCA :
« la CAC (sic) s’est réjouie publiquement du fait que le gouvernement s’est engagé à reconduire le Fonds de la musique du Canada sur une période de cinq ans. Nous sommes heureux de voir que le ministre du Patrimoine canadien a reconnu la nécessité d’accroître les fonds disponibles pour le développement du secteur numérique et des marchés internationaux. Ces deux secteurs d’activités profiteront certainement de l’accroissement des fonds qu’ils recevront par le biais de FACTOR et de MusicAction. » (p. 17)
Bien que cette citation soit rigoureusement exacte, elle omet de faire référence au fait que tout en se réjouissant de l’appui financier accru pour l’excellent travail accompli par FACTOR/MusicAction, la CCA affirme que ces augmentations n’auraient pas dû se faire au détriment d’un investissement dans la diversité musicale hors d’un contexte commercial.
Les membres gouvernementaux concluent leur intervention avec l’assurance que : « Notre gouvernement conservateur comprend la valeur des arts et de la culture pour nos collectivités, notre identité et notre économie. C’est pour cela qu’il a investi plus d’argent dans ce domaine que tous les autres gouvernements qui l’ont précédé. »
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