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Canadian Conference of the Arts

Bulletin de la CCA 22/10

23 août 2010

 

Salaires et oeuvres de bienfaisance: la CCA se joint à la protestation contre le projet de loi C-470

 

Les faits en résumé

Comme en faisait état notre Bulletin 16/10, le projet de loi C-470 a passé l’étape de la deuxième lecture à la Chambre des communes en avril dernier et est maintenant destiné à l’étude du Comité permanent des finances. Présenté par l’Hon. Albina Guarnieri, députée libérale de Mississauga East – Cooksville, ce projet de loi autoriserait le Ministre du Revenu national à radier un organisme de bienfaisance, une fondation publique ou une fondation privée qui verse à tout employé 250 000 dollars ou plus en rémunération totale (y compris les salaires, les avantages sociaux et les prestations non versées). Cela imposerait effectivement un plafond de rémunération à tous les organismes de bienfaisance et les fondations charitables. La nouvelle loi permettrait également au ministre de publier les noms et les détails concernant la rémunération des cinq employés les mieux rémunérés au sein d'un organisme de bienfaisance ou d’une fondation, et ce quel que soit leur niveau.

 

Il va sans dire que bien peu de travailleurs du secteur culturel au pays passent des nuits blanches à la perspective de voir leur salaire limité à un quart de million de dollars par année! Cependant dans sa mouture actuelle, C-470 aurait des conséquences importantes non seulement pour un nombre restreint de grands organismes culturels mais également pour les plus petits d’entre eux. C’est la raison pour laquelle la Conférence canadienne des arts (CCA) s’est jointe à soixante-six autres organismes de bienfaisance à travers le pays et a signé une lettre préparée par Imagine Canada à l’intention des chefs des quatre partis politiques représentés à la Chambre des Communes. Cette lettre souligne les lacunes du projet de loi particulièrement en ce qui touche l’intention de limiter et de rendre publique la rémunération de tous les cadres des organismes de bienfaisance.

Pour en savoir davantage

Les projets de loi privés ont d’habitude peu de chance de devenir loi, mais C-470 a profité de la part de tous les partis en Chambre d’un vent de rectitude politique teinté de populisme. Comme l’ensemble des organismes de bienfaisance au pays, la CCA appuie l'objectif de transparence et d’imputabilité accrue à l’origine du projet de loi C-470. Il est dans l'intérêt des organismes de bienfaisance d'encourager un haut niveau de confiance du public et de s'assurer que des donateurs éventuels ont toutes les informations dont ils ont besoin pour prendre des décisions sur les causes qu'ils soutiendront. Ceci étant dit, le projet de loi actuel aura des conséquences importantes non souhaitées qu’il aurait été facile d’éviter si on avait procédé à une consultation avec les parties intéressées avant sa présentation au Parlement.

 

Imagine Canada a préparé un dossier complet ainsi qu’une série de questions et réponses  dans lesquels on trouve les principaux sujets d’inquiétude à l’égard du projet de loi. Le problème au coeur de C-470 est qu’il ne tient aucun compte de la complexité des organismes de bienfaisance au Canada. Les  organismes culturels qui ont statut d’œuvre de bienfaisance ont rarement des budgets si considérables qu’ils puissent offrir une rémunération bien généreuse à leurs directeurs ou employés. Mais il existe des fondations et des organismes culturels qui ont pareils budgets et qui opèrent dans des environnements compétitifs d’une grande complexité. Ces organismes doivent avoir la possibilité d’attirer des gestionnaires de talent en les rémunérant adéquatement – qu’on pense par exemple au chef d’orchestre et au directeur artistique d’un important orchestre symphonique ou d’un grand centre théâtral. Comme pour toute entreprise, le défi de recruter et de retenir des ressources humaines de qualité existe dans le domaine des arts et de la culture. Adopté dans son état actuel, C-470 imposera à ce chapitre d’autres obstacles de taille au sein du secteur culturel et des organismes caritatifs.

 

En date de l'année dernière, sur plus de 80 000 organismes de bienfaisance partout au Canada, environ 1 800 avaient un ou plusieurs employés qui gagnaient plus de 120 000 dollars par an. Le nombre d’organismes de bienfaisance susceptible de verser plus de 250 000 dollars est beaucoup plus petit. On en compte plusieurs au sein des hôpitaux, des universités et de quelques autres grands organismes de bienfaisance, mais à peine quelques-uns dans le secteur culturel. Cependant, parce que le niveau de rémunération maximal de 250 000 dollars figurant dans le projet de loi C-470 n'a pas de provision pour tenir compte de l'inflation ou des éventuels changements à venir dans les normes de rémunération globale, la limite sera de plus en plus onéreuse et affectera plus d’organismes de bienfaisance d'année en année.

 

Mais au-delà de ces considérations, tous les organismes de bienfaisance, les plus petits en particulier, ont raison de s’inquiéter d’une autre provision du projet de loi C-470, à savoir l’obligation de rendre publique la rémunération des cinq employés le plus payés. Selon le libellé actuel du projet de loi, il n’existe aucun seuil à compter duquel on doit rendre public le salaire des employés. Pour les organismes de petite taille, cela veut dire que les salaires de tout le personnel devront être rendu publics, sans égard à leur rôle au sein de l’organisme ou de leur niveau salarial. Il s’agit là d’une violation du droit à la vie privée bien plus grand que celui qu’on allègue actuellement en ce qui concerne l’obligation de répondre au recensement long-format et on pourrait s’attendre à ce qu’au moins les députés gouvernementaux s’y oppose!

 

Pour autant que nous sachions, il n’existe nulle part au monde de législation équivalente qui dicte le niveau de rémunération des dirigeants d’organismes de bienfaisance. Dans le secteur art, culture et patrimoine, l’enjeu crucial au chapitre de la rémunération n’est pas l’extravagance des salaires mais bien leur niveau très bas ainsi que la pauvreté des avantages sociaux, y compris les pensions! Pourtant, le secteur contribue de façon significative à l’emploi et à l’activité économique au Canada, bien davantage, par exemple, que l’industrie de l’automobile. La réalité, c’est que la grande majorité des organismes de bienfaisance et à but non lucratif sont de petites organisations à base communautaire. La plupart ont de la difficulté à recruter et à conserver leur personnel à cause du bas niveau salarial et des rares avantages sociaux qu’ils ont les moyens d’offrir. Vu de cet angle, il s’agit là d’un enjeu social et économique qui devrait préoccuper bien davantage nos élus.

 

Voici quelques-unes des principales raisons de s’opposer au projet de loi C-470 dans son état actuel :

 

  • Le projet de loi s’appuie sur la prémisse que parce que les organismes de bienfaisance reçoivent un appui public pour leurs bonnes oeuvres par le biais de crédits d’impôt, le gouvernement a pour responsabilité de dicter l’utilisation de leurs fonds, tout particulièrement en ce qui concerne les salaires. Pourtant, plusieurs autres secteurs de l’économie canadienne jouissent tout autant sinon plus d’investissements publics et de crédits d’impôt, par exemple le secteur de haute technologie (e.g. les crédits d’impôt pour la recherche et le développement, à eux seuls valant plus de trois milliards de dollars annuellement) et ils n’ont pas à se préoccuper de l’intervention gouvernementale dans leurs pratiques de rémunération. C-470 est donc inéquitable à l’égard des organismes de bienfaisance de toutes sortes et de toutes dimensions.
  • Au-delà de questions d’équité, le projet de loi actuel interfère avec l’autonomie et la responsabilité des conseils d’administration des organismes de bienfaisance. S’il était adopté tel quel, il permettrait au gouvernement fédéral de limiter l’autorité de ces conseils d’une façon qui n’au aucun équivalent, même pour les secteurs qui profitent bien davantage des fonds publics, tant en termes absolus que proportionnellement à leur revenu total.
  • Comme on le mentionnait précédemment, il n’y a aucune clause escalatoire pour la limite maximale de rémunération ce qui veut dire que la valeur réelle de cette dernière diminuera avec le temps. Les salaires progressent généralement avec l’inflation et de plus en plus d’individus vont éventuellement tomber dans la catégorie des 250 mille dollars et plus.
  • La perspective d’un plafond salarial ne peut que rendre encore plus difficile le recrutement et résulterait vraisemblablement dans une fuite des talents vers d’autres secteurs de l’économie au pays ou même vers l’étranger, les qualités et habiletés requises étant éminemment transférables.
  • L’imposition d’un plafond n’est pas conforme aux autres politiques du gouvernement du Canada, telles que décrites par exemple dans la Stratégie pour la science et la technologie, où l’on vise à attirer au pays les chercheurs les plus en demande partout au monde – avec des régimes de compensation appropriés à la demande.

 

Que puis-je faire?

S’il-vous-plaît, lire la lettre signée par la CCA. En reformulant les arguments qui y sont présentés, écrivez à votre député(e), à l’Hon. Albina Guarneri ou aux chefs des partis politiques afin d’exprimer vos préoccupations quant au libellé actuel de C-470.

 

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