Musée des beaux-arts du Canada / National Galllery of Canada

Bulletin 15, 1971

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Étude des dessins préparatoires à la décoration 
du baptisère de l'église Notre-Dame de Montréal


par Jean-René Ostiguy


English Summary

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Les quarante-six dessins que nous reproduisons dans ce document, constituent un ensemble des plus révélateurs de la personnalité du « peintre d'églises » Ozias Leduc. Bien sûr, nous connaissons l'existence de quelques croquis et esquisses pour chacun des nombreux projets de peintures et de décorations réalisés par l'artiste au Canada et aux États-Unis de 1892 à 1944. Pour certains d'entre eux, nous en connaissons même plusieurs. A date, toutefois, seuls les dessins préparatoires au projet de Notre-Dame ont pu être rassemblés. Ils illustrent merveilleusement la façon dont le maître de Saint-Hilaire concevait un grand ensemble décoratif. Comme, de plus, la documentation écrite sur le sujet semble exceptionnellement riche, nous avons pensé que la combinaison de ces éléments, dessins et textes, montrerait combien le projet du baptistère a dû enthousiasmer l'artiste. Il n'a, en tout cas, épargné aucun effort, ni dans la recherche de l'iconographie ni dans la forme du décor.

Leduc a soixante-deux ans lorsqu'il entreprend la décoration du baptistère de l'église Notre-Dame en 1927. Il y reprend le thème qu'il a traité dix ans plutôt au baptistère de l'église Saint-Enfant-Jésus de Montréal. Entre-temps il a réalisé le chef-d'oeuvre de sa carrière, le grand ensemble de la chapelle particulière de l'évêque de Sherbrooke.

À l'église du Saint-Enfant-Jésus, il avait réussi à se défaire totalement de ses tendances à l'éclectisme, assurant par là un renouvellement de la tradition religieuse picturale au Québec. C'est en effet par la décoration du baptistère de cette église qu'avait commencé sa nouvelle manière. Qu'allait-il faire maintenant de celui de l'église Notre-Dame? Ne s'agit-il pas d'un projet tout semblable à celui qui lui avait déjà permis de se réaliser pleinement en 1917? On imagine qu'il a pris soin de ne rien négliger.

D'abord, comme à Sherbrooke, c'est dans une église gothique qu'il travaillera. Un portrait de son commanditaire et ami intime, l'abbé Olivier Maurault, dit assez l'intérêt qu'il porte aux églises de ce style. D'autre part, comme en témoignent les dessins et documents ici rassemblés, il possède un goût particulier pour la symbolique religieuse. Ozias Leduc s'est familiarisé avec le mouvement symboliste lors de son séjour à Paris en 1897, l'année même de la dernière exposition des artistes de la Rose-Croix. Depuis, Gustave Moreau, Puvis de Chavannes et Edward Burne-Jones comptent parmi les artistes qu'il cite le plus souvent. S'il se dit éclectique, ses préférences se restreignent peu à peu aux artistes indépendants appartenant à une famille d'esprit facilement identifiable: celle des êtres à l'âme tourmentée de chimères ou éprise de fine spiritualité.

On peut se demander comment il a pu conserver et même développer ces préférences esthétiques à son retour d'Europe. Son abonnement à la revue Art et Décoration, qui fait une large part au symbolisme et à  l'Art Nouveau, offre peut-être une première explication. Il y a aussi le fait qu'une élite le soutient. Les recherches personnelles de ses amis sont comme un apport aux siennes. Parmi ceux-ci (1) figurent les poètes Marcel Dugas, (2) Guy Delahaye et l'écrivain Robert de Roquebrune, (3) dont la revue Le Nigog annonce à deux reprises une conférence sur le symbolisme. C'est d'ailleurs grâce à Robert de Roquebrune que Ozias Leduc rencontre le jeune abbé Maurault au cours de l'hiver 1915. (4) Il se lie aussitôt d'amitié avec lui.

Deux ans plus tard, au printemps 1917, Leduc écrivait à Maurault: « Je me découvre un fort penchant pour le symbolisme et vous m'y encouragez. » (5) L'abbé Maurault lit Joris-Karl Huysmans, et il ne cache pas son intérêt pour l'écrivain français. Il fait aussi partie de l'Ordre des Sulpiciens, et la pensée sulpicienne encourage à voir partout des symboles des réalités divines. Le contexte de la lettre citée prouve toutefois que Leduc pense moins à un style formel qu'à une méthode de travail préparatoire où l'artiste choisit des éléments symboliques, étudie leur nombre, imagine des agencements possibles. « Je n'ai point de manière propre » déclare ailleurs Leduc à Maurault, « et je ne veux point en avoir: chaque fois que je peins, je cherche quelque chose. » (6)

Il ne faudrait pas conclure qu'il nie là sa préférence pour les symbolistes. Plusieurs d'entre eux sont demeurés des peintres indépendants chez qui le ressort principal a toujours été la recherche tourmentée d'un « je ne sais quoi » de mystérieux; et c'est cet aspect qui intéresse Leduc. Quant à l'esthétique symboliste proprement dite, Leduc en prend connaissance par la lecture du livre de Maurice Denis: Nouvelles théories sur l'art moderne et sur l'art sacré (1914-1921). (7) Il est difficile de déterminer exactement à quelle date il a lu le livre: le nom de Maurice Denis n'apparaît pas dans ses écrits avant le 22 juillet 1922. (8) Mais on sait que trois ans plus tard, Olivier Maurault lui faisait cadeau d'un album de dessins du maître parisien. (9) On aurait raison dès lors de voir l'influence de Denis dans les anges qu'il peint à Sherbrooke en 1926. Il reste, toute-fois, que c'est seulement à compter du début de ses travaux pour le baptistère de Notre-Dame, soit à l'automne 1927, que Leduc se réclame ouvertement du mouvement de rénovation de la peinture religieuse initié en France par Maurice Denis. Il paraît alors très ému de la visite récente de l'artiste français à l'église du Saint-Enfant-Jésus. (10)

Deux autres textes élaborés se rattachant aux connaissances d'Ozias Leduc en symbolique religieuse doivent être mentionnés. Le premier consiste en une longue description élogieuse des peintures de John Singer Sargent à la Bibliothèque publique de Boston. (11) Le deuxième se trouve dans la lettre de l'artiste à Pierre Deligny Boudreau datée du 22 septembre 1953. (12) L'artiste y explique, avec difficulté, car il est alors âgé de 87 ans, le sens symbolique de son tableau de Sherbrooke, Jésus retrouvé dans le Temple.

La reproduction commentée que nous offrons ici,  reproduction des croquis, des études diverses et des notes de l'artiste sur son décor constituera, nous l'espérons, un document utile à la compréhension de l'oeuvre symboliste du peintre de Saint-Hilaire. Si, à Sherbrooke, Ozias Leduc cherche « la couleur de la Sainte-Chapelle » (13), ne pourrait-on pas dire qu'à Notre-Dame de Montréal il a tente de reconstituer l'atmosphère des chapelles laterales de Saint-Germain-l'Auxerrois (14) et qu'il a cherché à donner, ramassées comme dans une cassette transparente et sombre, les inventions symbolistes les plus belles et les plus aptes à temoigner de sa foi profonde?

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