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Étude
des dessins préparatoires à la décoration
du baptisère de l'église Notre-Dame de Montréal
par Jean-René Ostiguy
English Summary
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Les quarante-six dessins que nous reproduisons dans ce document,
constituent un ensemble des plus révélateurs de la personnalité
du « peintre d'églises » Ozias Leduc. Bien sûr, nous connaissons
l'existence de quelques croquis et esquisses pour chacun des
nombreux projets de peintures et de décorations réalisés par
l'artiste au Canada et aux États-Unis de 1892 à 1944. Pour
certains d'entre eux, nous en connaissons même plusieurs. A date,
toutefois, seuls les dessins préparatoires au projet de Notre-Dame
ont pu être rassemblés. Ils illustrent merveilleusement la façon
dont le maître de Saint-Hilaire concevait un grand ensemble
décoratif.
Comme, de plus, la documentation écrite sur le sujet semble
exceptionnellement riche, nous avons pensé que la combinaison de
ces éléments, dessins et textes, montrerait combien le projet du
baptistère a dû enthousiasmer l'artiste. Il n'a, en tout cas, épargné
aucun effort, ni dans la recherche de l'iconographie ni dans la
forme du décor.
Leduc a soixante-deux ans lorsqu'il entreprend la décoration du
baptistère de l'église Notre-Dame en 1927. Il y reprend le thème
qu'il a traité dix ans plutôt au baptistère de l'église
Saint-Enfant-Jésus de Montréal. Entre-temps il a réalisé le
chef-d'oeuvre de sa carrière, le grand ensemble de la chapelle
particulière de l'évêque de Sherbrooke.
À l'église du Saint-Enfant-Jésus, il avait réussi à se défaire
totalement de ses tendances à l'éclectisme, assurant par là un
renouvellement de la tradition religieuse picturale au Québec.
C'est en effet par la décoration du baptistère de cette église
qu'avait commencé sa nouvelle manière. Qu'allait-il faire maintenant de celui de l'église Notre-Dame? Ne s'agit-il pas d'un
projet tout semblable à celui qui lui avait déjà permis de se réaliser
pleinement en 1917? On imagine qu'il a pris soin de ne rien négliger.
D'abord, comme à Sherbrooke, c'est dans une église gothique qu'il
travaillera. Un portrait de son commanditaire et ami intime, l'abbé
Olivier Maurault, dit assez l'intérêt qu'il porte aux églises de
ce style. D'autre part, comme en témoignent les dessins et
documents ici rassemblés, il possède un goût particulier pour la
symbolique religieuse. Ozias Leduc s'est familiarisé avec le
mouvement symboliste lors de son séjour à Paris en 1897, l'année
même de la dernière exposition des artistes de la Rose-Croix.
Depuis, Gustave Moreau, Puvis de Chavannes et Edward Burne-Jones
comptent parmi les artistes qu'il cite le plus souvent. S'il se dit
éclectique, ses préférences se restreignent peu à peu aux
artistes indépendants appartenant à une famille d'esprit
facilement identifiable: celle des êtres à l'âme tourmentée de
chimères ou éprise de fine spiritualité.
On peut se demander comment il a pu conserver et même développer
ces préférences esthétiques à son retour d'Europe. Son
abonnement à la revue Art et Décoration, qui
fait une large part au symbolisme et à l'Art Nouveau, offre
peut-être une première explication. Il y a aussi le fait qu'une
élite le soutient. Les recherches personnelles de ses amis sont
comme un apport aux siennes. Parmi ceux-ci (1) figurent les poètes
Marcel Dugas, (2) Guy Delahaye et l'écrivain Robert de
Roquebrune, (3) dont la revue Le Nigog annonce à deux
reprises une conférence sur le symbolisme. C'est d'ailleurs grâce
à Robert de Roquebrune que Ozias Leduc rencontre le jeune abbé
Maurault au cours de l'hiver 1915. (4) Il se lie aussitôt d'amitié
avec lui.
Deux ans plus tard, au printemps 1917, Leduc écrivait à
Maurault: « Je me découvre un fort penchant pour le symbolisme et
vous m'y encouragez. » (5) L'abbé Maurault lit Joris-Karl Huysmans,
et il ne cache pas son intérêt pour l'écrivain français. Il fait
aussi partie de l'Ordre des Sulpiciens, et la pensée sulpicienne encourage à voir partout des symboles des réalités divines. Le
contexte de la lettre citée prouve toutefois que Leduc pense moins
à un style formel qu'à une méthode de travail préparatoire où
l'artiste choisit des éléments symboliques, étudie leur nombre,
imagine des agencements possibles. « Je n'ai point de manière
propre » déclare ailleurs Leduc à Maurault, « et je ne veux point
en avoir: chaque fois que je peins, je cherche quelque chose. » (6)
Il ne faudrait pas conclure qu'il nie là sa préférence pour les
symbolistes. Plusieurs d'entre eux sont demeurés des peintres indépendants
chez qui le ressort principal a toujours été la recherche tourmentée
d'un « je ne sais quoi » de mystérieux; et c'est cet aspect qui
intéresse Leduc. Quant à l'esthétique symboliste proprement dite,
Leduc en prend connaissance par la lecture du livre de Maurice
Denis: Nouvelles théories sur l'art moderne et sur l'art sacré (1914-1921).
(7) Il est difficile de déterminer exactement à quelle date il a
lu le livre: le nom de Maurice Denis n'apparaît pas dans ses écrits
avant le 22 juillet 1922. (8) Mais on sait que trois ans plus tard,
Olivier Maurault lui faisait cadeau d'un album de dessins du maître
parisien. (9) On aurait raison dès lors de voir l'influence de Denis
dans les anges qu'il peint à Sherbrooke en 1926. Il reste,
toute-fois, que c'est seulement à compter du début de ses travaux
pour le baptistère de Notre-Dame, soit à l'automne 1927, que Leduc
se réclame ouvertement du mouvement de rénovation de la peinture
religieuse initié en France par Maurice Denis. Il paraît alors très
ému de la visite récente de l'artiste français à l'église du
Saint-Enfant-Jésus. (10)
Deux autres textes élaborés se rattachant aux connaissances
d'Ozias Leduc en symbolique religieuse doivent être mentionnés. Le
premier consiste en une longue description élogieuse des peintures
de John Singer Sargent à la Bibliothèque publique de Boston. (11)
Le deuxième se trouve dans la lettre de l'artiste à Pierre Deligny
Boudreau datée du 22 septembre 1953. (12) L'artiste y explique,
avec difficulté, car il est alors âgé de 87 ans, le sens
symbolique de son tableau de Sherbrooke, Jésus retrouvé dans le
Temple.
La reproduction commentée que nous offrons ici, reproduction
des croquis, des études diverses et des notes de l'artiste sur son
décor constituera, nous l'espérons, un document utile à la compréhension
de l'oeuvre symboliste du peintre de Saint-Hilaire. Si, à Sherbrooke,
Ozias Leduc cherche « la couleur de la Sainte-Chapelle » (13), ne pourrait-on pas dire
qu'à Notre-Dame
de Montréal il a tente de reconstituer l'atmosphère des chapelles
laterales de Saint-Germain-l'Auxerrois (14) et qu'il a cherché à donner,
ramassées comme dans une cassette transparente et sombre,
les inventions symbolistes les plus belles et les plus aptes à temoigner de sa foi profonde?
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