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Vers une histoire de l'art au
Canada français
par Jean-Paul Morisset,
agent
de liaison pour l'est du Canada
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Nous sommes
heureusement loin des années où il était encore possible à un
membre du conseil d'administration de la Galerie nationale du
Canada de situer les origines de l'art canadien au début du
XIXe siècle, avec la naissance, en Autriche, en Angleterre,
en Prusse, en France, en Hollande, de peintres tels que G. T.
Berthon, Daniel Fowler, Paul Kane, O. R. Jacobi et Cornelius
Krieghoff. (1)
On sait aujourd'hui que les premières manifestations suivies de
l'art au Canada se situent autour de l'école des arts et métiers
que Mgr de Laval établit à Saint-Joachim, près de Québec,
en 1684. C'est de là que purent rayonner, en toute modestie, les
véritables traditions d'art qui esquissèrent les premiers
traits - les plus profonds, ceux de l'enfance - de notre visage
culturel. Originaires de nombreuses provinces de France, comme
les artistes et les artisans qui les implantèrent au Canada, ces
traditions ne tardèrent pas à devenir canadiennes: elles évoluèrent
au même rythme que ceux qui les connaissaient, qui les
incarnaient et leur prêtaient vie. Elles furent ainsi tributaires
du climat, des tensions sociales, des guerres.
Il ne faudrait cependant pas croire en une transformation
radicale et complète de ces traditions d'art, du seul fait
qu'elles aient changé de continent. On ne transvase pas des
formes de pensées, des systèmes de références, des processus
de création et d'éducation, aussi simplement que l'eau, dont
Jean Cocteau remarquait justement qu'elle ne garde aucun souvenir
des bouteilles qui l'ont déjà contenue. Il s'agit plutôt de
mutations, de changements individuellement imperceptibles dont
l'accumulation seule entraîne une orientation différente, une
dimension nouvelle. A cet égard, l'exemple de Charles Bécard de
Grandville, né à Québec en 1675, reste une exception. Les mer
veilleux dessins de fleurs, d'indiens, d'animaux qu'il a laissés (2)
doivent à la vérité peu de chose aux itinéraires des
traditions. Mais la naïveté que l'on y trouve, ce regard neuf
sur toutes choses, cette liberté enchantée, honnête plus que
maladroite, ne quittera plus la peinture, la sculpture et les arts
décoratifs de la Nouvelle-France: elle viendra tempérer de son
sourire le sérieux des traditions. Si toutes les oeuvres n'en
sont pas marquées, presque tous les peintres et les sculpteurs,
et parmi les plus grands, lui ont fait à l'occasion la part
belle. La virtuosité de l'Ange à la trompette attribué
à Philippe Liébert ne nous fait pas négliger sa Dernière Cène. (3)
Et nous ne pardonnons peut-être à Louis-Thomas Berlinguet ce léger
excès de perfection, cette teinte d'académisme que présente la
tête de son Saint Roch qu'en souvenir de la santé
magnifiquement paysanne de ses grandes statues polychromées. (4)
De Pierre Emond à Joseph Pépin, de Paul Beaucourt à
Jean-Baptiste Roy-Audy, c'est toute l'histoire de l'art du Canada
français, ou presque, qu'il faudrait citer pour rendre justice à
l'importance de ce renouvellement par la naïveté.
Opposer ici traditions et renouvellement, c'est au fond
transporter en terre nouvelle la querelle des Anciens et des
Modernes. Pour être peut-être valables, de telles catégories
n'en restent pas moins assez générales, beaucoup trop générales
si l'on tient à présenter un panorama relativement complet et
cohérent de l'évolution des arts en Nouvelle-France. De la
sculpture vigoureuse de Denys Mallet (1685), à l'académisme de Léandre
Parent (1870) s'étend un vaste domaine dont la géographie ne
nous est qu'imparfaitement connue; des régions entières restent
dans l'ombre, comme les terrae incognitae des anciennes
cartes. Pourtant, depuis une quarantaine d'années, notre
connaissance de cette géographie artistique a tellement évolué
que, à la lumière des circonstances présentes, particulièrement
encourageantes, il ne nous est pas interdit d'espérer pour bientôt
ce panorama cohérent dont nous parlions plus haut. On nous
permettra, après avoir esquissé à larges traits l'évolution
des recherches sur l'art du Canada français, de risquer quelques
considérations sur les perspectives d'avenir qui s'ouvrent
devant ces recherches.
Déjà, en 1920, Emile Vaillancourt avait publié les résultats
de ses travaux sur l'école de Quévillon. (5) A part une certaine
dose de bons sentiments, où l'on retrace facilement l'influence
de Huysmans, on y trouve un nombre appréciable de précisions, la
consignation de traditions orales encore fraîches et la citation
de quantité de documents de première main: contrats
d'apprentissage, actes notariés, actes de décès, etc.
A partir de là, les recherches d'amateurs passionnés et
d'historiens méticuleux, le labeur infatigable d'un Marius
Barbeau, les solides monographies établies par G. A. Neilson, E.
R. Adair, R, Traquair, à partir de 1938, tout cela devait
contribuer, de près ou de loin, à l'édification de l'oeuvre
monumentale que Traquair devait signer en 1947: The Old
Architecture of Quebec. Il nous faut aussi signaler les importants
ouvrages d'Alan Gowans, de l'université de Delaware, (6) l'intérêt
de E. P. Richardson, directeur des Archives de l'art américain à
Détroit, les activités de la Commission nationale des Monuments
et Sites au Canada, et les textes de R. H. Hubbard de la Galerie
nationale du Canada et de J. Russell Harper.
A l'heure où l'on semble vouloir évaluer la force et la nature
des liens qui unissent le Canada français et le Canada anglais,
il est particulièrement indiqué de reconnaître l'importante
contribution que l'élément anglophone a apportée à la
connaissance et à la conservation du patrimoine artistique légué
par la Nouvelle-France - sans pour autant négliger la propre
contribution du Canada français, évidemment.
Sans avoir dans son ensemble le sens des traditions, le respect
des oeuvres de l'homme et de la nature que l'on reconnaît au
monde anglo-saxon, le Canada français n'a pas toujours négligé
son propre héritage culturel. Après un sombre période d'oubli
et même de destruction, de 1875 à 1920-1930, les efforts isolés
de quelques chercheurs, comme l'abbé Jean-Thomas Nadeau, purent
réunir le quantum d'énergie et d'intérêt qui semble nécessaire
à un minimum de reconnaissance sociale. Les travaux systématiques
entrepris dans les années 1930, après une longue préparation,
par Gérard Morisset, aujourd'hui conservateur du Musée de la
province de Québec, finirent par se cristalliser en 1936-37 en un
centre de recherches et de documentation, l'Inventaire des
oeuvres d'art, rattaché au Secrétariat de la province
(au'jourd'hui au ministère des Affaires culturelles). Secondé par
des collaborateurs plus ou moins réguliers (Jules Bazin, Omer
Parent, Maurice Gagnon, Paul-Emile Borduas, entre autres), toléré
par des gouvernements dont le nationalisme n'était pas particulièrement
culturel, le fondateur-directeur de l'Inventaire des oeuvres
d'art se lança à la conquête des matériaux de notre histoire
de l'art. Des centaines de milliers de documents et de fiches
qu'il accumula, de l'iconographie prodigieuse qu'il réunit, il
devait extraire la matière de centaines d'articles et de conférences,
d'une dizaine de monographies et de trois ouvrages de
synthèse: Coup d'oeil sur les arts en Nouvelle-France, (7)
l'Architecture en Nouvelle-France, (8) et La
peinture traditionnelle au Canada français, (9) sans parler de
nombreux catalogues d'expositions. Ce n'est donc pas seulement
d'une conquête des matériaux de base qu'il s'agit, mais aussi
de quelques chapîtres de notre histoire de l'art, en même temps
que, sur un autre plan, d'une sorte de croisade en faveur de
valeurs culturelles méconnues et menacées.
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